Une auberge pour les admirateurs de Jane Austen, et bien plus encore... |
| | 2e concours d'écriture | |
|
+19willow Selenh mag serendipity Panda Miriel Keina Kusanagi Ysabelle Ju ekaterin64 cat47 MD emmaD Fée clochette lady Clare Miss Marian April clinchamps 23 participants | |
Auteur | Message |
---|
Ju Gone With The Books
Nombre de messages : 12467 Age : 33 Localisation : In the Tardis, with Ten Date d'inscription : 15/05/2010
| Sujet: Re: 2e concours d'écriture Sam 2 Avr 2011 - 22:44 | |
| Moi je vais tenter, mais encore faudrait-il que l'inspiration arrive... |
| | | emmaD Romancière anglaise
Nombre de messages : 2639 Age : 42 Localisation : Lutèce Date d'inscription : 26/03/2009
| Sujet: Re: 2e concours d'écriture Sam 2 Avr 2011 - 23:04 | |
| Moi aussi, normalement, j'aurai un truc (c'est même presque fini, sauf que ça ne me plaît pas trop en l'état). |
| | | clinchamps Oshaberi Sensei
Nombre de messages : 71321 Age : 81 Localisation : Dans les bois du Fushimi Inari-taïsha Date d'inscription : 09/01/2007
| | | | April Black Leather's Violet
Nombre de messages : 17064 Age : 50 Localisation : Allongée sur des pétales de violettes, en très bonne compagnie Date d'inscription : 20/06/2007
| | | | clinchamps Oshaberi Sensei
Nombre de messages : 71321 Age : 81 Localisation : Dans les bois du Fushimi Inari-taïsha Date d'inscription : 09/01/2007
| Sujet: Re: 2e concours d'écriture Jeu 5 Mai 2011 - 11:13 | |
| Petit up pour vous rappeler que le 1er juin approche !! Alors ???? Y a quelqu'un ???? |
| | | Panda Un beau geste, j'espère.
Nombre de messages : 4993 Age : 37 Date d'inscription : 28/11/2009
| Sujet: Re: 2e concours d'écriture Jeu 5 Mai 2011 - 11:28 | |
| Je n'ai aucune idée et je n'aime pas ma façon d'écrire mais si tu ne reçois pas de texte avant, disons... le 31 mai, je veux bien participer pour avoir la chance de finir première (comment ça on ne participe pas pour gagner ? ). |
| | | Miriel Gleaner of Books
Nombre de messages : 3082 Age : 65 Localisation : dans les jardins de Lorien Date d'inscription : 04/05/2008
| Sujet: Re: 2e concours d'écriture Jeu 5 Mai 2011 - 13:32 | |
| |
| | | clinchamps Oshaberi Sensei
Nombre de messages : 71321 Age : 81 Localisation : Dans les bois du Fushimi Inari-taïsha Date d'inscription : 09/01/2007
| Sujet: Re: 2e concours d'écriture Mar 17 Mai 2011 - 13:00 | |
| Allez !! un petit up pour dire que le 1er juin arrive à grands pas ... et que je suis comme sœur Anne, qui ne voyait rien venir !! |
| | | April Black Leather's Violet
Nombre de messages : 17064 Age : 50 Localisation : Allongée sur des pétales de violettes, en très bonne compagnie Date d'inscription : 20/06/2007
| Sujet: Re: 2e concours d'écriture Mar 17 Mai 2011 - 13:04 | |
| Ma chère Clinchamps, j'ai comme l'idée que tu vas recevoir les textes à la toute dernière minute. |
| | | Ysabelle Stardust Reveries
Nombre de messages : 35687 Localisation : Quelque part entre l'orient et l'occident Date d'inscription : 07/05/2010
| | | | Ju Gone With The Books
Nombre de messages : 12467 Age : 33 Localisation : In the Tardis, with Ten Date d'inscription : 15/05/2010
| Sujet: Re: 2e concours d'écriture Mar 17 Mai 2011 - 16:49 | |
| Je suis désolée mais je ne participerai pas finalement. Je n'ai pas eu d'idées pendant un bon bout de temps et maintenant même si c'était le cas, je n'aurais pas le temps avec les partiels... Mais je vous lirai avec plaisir et voterai |
| | | clinchamps Oshaberi Sensei
Nombre de messages : 71321 Age : 81 Localisation : Dans les bois du Fushimi Inari-taïsha Date d'inscription : 09/01/2007
| | | | serendipity Aurora Borealis Chaser
Nombre de messages : 12323 Date d'inscription : 31/05/2007
| | | | April Black Leather's Violet
Nombre de messages : 17064 Age : 50 Localisation : Allongée sur des pétales de violettes, en très bonne compagnie Date d'inscription : 20/06/2007
| Sujet: Re: 2e concours d'écriture Mar 24 Mai 2011 - 16:43 | |
| |
| | | Miriel Gleaner of Books
Nombre de messages : 3082 Age : 65 Localisation : dans les jardins de Lorien Date d'inscription : 04/05/2008
| Sujet: Re: 2e concours d'écriture Lun 30 Mai 2011 - 20:31 | |
| |
| | | clinchamps Oshaberi Sensei
Nombre de messages : 71321 Age : 81 Localisation : Dans les bois du Fushimi Inari-taïsha Date d'inscription : 09/01/2007
| Sujet: Re: 2e concours d'écriture Mer 1 Juin 2011 - 0:32 | |
| Bon, eh bien, les délais sont clos, donc je vais mettre les textes que j'ai reçus incessamment sous peu sur le forum !! |
| | | clinchamps Oshaberi Sensei
Nombre de messages : 71321 Age : 81 Localisation : Dans les bois du Fushimi Inari-taïsha Date d'inscription : 09/01/2007
| Sujet: Re: 2e concours d'écriture Mer 1 Juin 2011 - 10:06 | |
| |
| | | Ysabelle Stardust Reveries
Nombre de messages : 35687 Localisation : Quelque part entre l'orient et l'occident Date d'inscription : 07/05/2010
| Sujet: Re: 2e concours d'écriture Mer 1 Juin 2011 - 13:30 | |
| Je ne pense pas que le mien sera prêt mais je tente. J'ai perdu le fil de mes idées et je me suis un peu éparpillée. Je fais un effort ce soir pour finir. |
| | | Kusanagi Scottish Jedi Sensei
Nombre de messages : 8847 Age : 46 Localisation : lost in the wired, something better than the matrix Date d'inscription : 20/11/2008
| | | | Keina Demande enflammée
Nombre de messages : 361 Age : 44 Localisation : Le Havre Date d'inscription : 28/12/2009
| Sujet: Re: 2e concours d'écriture Ven 3 Juin 2011 - 11:35 | |
| Coucou tout le monde ! Alors, où en est-on à propos de ce concours ? Clinchamps, as-tu reçu beaucoup de textes ? Est-ce que tu penses les mettre en ligne bientôt ? J'ai hâte de lire tout ça ! Keina, qui ne s'impatiente pas, non non non... (hem) |
| | | clinchamps Oshaberi Sensei
Nombre de messages : 71321 Age : 81 Localisation : Dans les bois du Fushimi Inari-taïsha Date d'inscription : 09/01/2007
| Sujet: Re: 2e concours d'écriture Ven 3 Juin 2011 - 13:36 | |
| Pour mettre en ligne, j'attends la réponse d'une concurrente, qui a souligné pas mal de lignes, pour savoir si il faut respecter ces traits !! Je n'ai pas reçu beaucoup de textes, mais ceux que j'ai sont particulièrement intéressants ! J'attends la réponse jusqu'à demain, et faute de l'avoir, je mets en ligne tel quel ! |
| | | Ju Gone With The Books
Nombre de messages : 12467 Age : 33 Localisation : In the Tardis, with Ten Date d'inscription : 15/05/2010
| Sujet: Re: 2e concours d'écriture Ven 3 Juin 2011 - 15:34 | |
| Moi aussi j'ai hâte de lire ces nouveaux textes (et j'espère que tu réussiras à les poster avant la fin du WE clinchamps, que je puisse les lire tranquillement avant de repartir pour une semaine de folie ) |
| | | clinchamps Oshaberi Sensei
Nombre de messages : 71321 Age : 81 Localisation : Dans les bois du Fushimi Inari-taïsha Date d'inscription : 09/01/2007
| Sujet: Re: 2e concours d'écriture Ven 3 Juin 2011 - 17:44 | |
| Voilà les textes : Le silence du Broadway - Spoiler:
La façade du Broadway donnait autrefois sur la très chic rue de Passy dont les vitrines clinquaient. Le dimanche, les parisiennes à la mode, tailleur Chanel et mocassins, y promenaient leurs toutous parfumés. Parfois, elles levaient le nez pour jeter un œil distrait sur les affiches placardées au-dessus des plumes de leurs chapeaux. D’une décennie à l’autre, l’établissement s’était laissé bercer par la vie paisible qui s’écoulait au cœur de l’arrondissement. Né dans la mouvance du vingtième siècle, il avait connu les frous-frous des années folles, la désertion de la Crise, les uniformes de l’Occupation, les cigarettes yankees, l’éclosion des mini-jupes sur les jambes fuselées des yé-yés, les blue-jeans, les robes du soir et les talons aiguilles qui claquaient sur le sol marbré de l’entrée. Il avait changé d’identité, bien souvent. On l’avait baptisé le Broadway, le Majestic, le Passy, le Royal… À plusieurs reprises, les noms s’étaient emmêlés. Une fois même on l’avait privé de son rôle ! Mais il tenait bon, ce drôle de cinéma. Il avait toujours tenu bon, et ce n’était pas aujourd’hui qu’il s’effondrerait. Sur son écran, les hommes n’en finissaient plus de se faire tuer, les femmes embrassaient avec une passion sans cesse renouvelée et les catastrophes anéantissaient le monde à répétition. Cependant, le Broadway préférait sentir la vie qui palpitait entre les rangées de sièges au velours élimé, devant les caisses et dans le grand salon ensoleillé. Il en avait vu passer, des ouvreuses, des caissiers, des projectionnistes... Il y avait eu ce bon vieux Léonard, un passionné à barbe blanche, qui caressait les bobines comme on caresse une femme. Il y avait eu Gisèle et sa lampe torche, qui sillonnait les allées avec la grâce d’une fée aux pieds menus. Il y avait eu Marguerite et ses pop-corn, Édouard l’étudiant, qui encaissait l’argent des autres pour se payer un avenir loin du quartier. Tous ces noms valaient plus, dans l’esprit vacillant du vieux cinéma, que tous les Clark, Gary, John, Esther, Julia, Jodie qui papillonnaient sur l’écran, dans la lumière du projecteur. Mais aujourd’hui le silence régnait. Le silence et la glace. Les bruits lui manquaient. Le rire des enfants, le discret chuchotis des amoureux, le craquement du pop-corn, le froissement des sachets de bonbons, et même la sonnerie stridente de ces fichus téléphones mobiles qu’il avait tant détestés à l’époque ! Pourtant, ils étaient tous là, comme autrefois. Silhouettes décharnées qui erraient dans les espaces vides, entre les fauteuils et le long des avenues. Léonard, Édouard, Gisèle, Marguerite, Sophie, Antoine, René, Océane, Marie-Hélène, Pierre-Alexandre… Âmes grises aux regards tristes, presque effarés par l’absurdité de l’instant. Des anonymes les accompagnaient, par centaines, ahuris aux toilettes raffinées, assis devant de vieux classiques qui tournaient à l’infini. Après la catastrophe, l’habitude aidant, ils s’étaient rendus là sans vraiment comprendre. Le vieux cinéma les avait accueillis comme un choix naturel. Face au courant glacé qui s’infiltrait partout, se dégageait de tout, il s’efforçait de leur procurer une maigre chaleur. À présent, alors que la Seine ne coulait plus sous le pont Mirabeau, alors que des feuillages verts qui embaumaient le quartier ne restait qu’un peu de bois sec et décharné, et que la nuit, cruelle, définitive, enveloppait la rue de Passy, l'édifice ne possédait plus qu’eux. Ses fantômes d’une vie passée, ombres errantes et ignorantes de la folie qui les avait menées jusque là. Tant qu’ils lui tiendraient compagnie, le cinéma subsisterait sur sa minuscule parcelle flottant dans l’espace, dernier vestige d’une ville disparue, sur une Terre dont il ne restait que poussières. Poussière de planète parmi les poussières du cosmos, il dérivait paresseusement. Face à l’immensité de l’univers, le vieux Broadway n’était pas seul. Il avait les étoiles pour amies.
Les Hauts-de-Terrenoire- Spoiler:
Les Hauts-de-Terrenoire, dans le bassin stéphanois, 1970. Un nom prédestiné, en quelque sorte, pour cette terre. De terre ici, il n’y en a pas. La poussière de charbon pour marcher, bâtir, cultiver un peu, travailler et se reposer, enfin, …pour l’éternité. Au jour, comme on dit ici, des maisons de briques, étagées de bas en haut, montant d’années en années à l’assaut des crassiers. Des maisons, côte à côte, mur contre mur, s’étayant mutuellement, solidaires. Des maisons bien propres sous le soleil. Du linge qui sèche, toujours. Des banderoles de chemises, des bannières de pantalons, des étendards de maillots de corps, des oriflammes de collants, drapeaux ouvriers gris et bleu claquant au vent. La lessive est une grande affaire dans la vie des femmes. De jour comme de nuit, des hommes vont et viennent, des hommes aux yeux de hiboux, mâchurés* malgré la douche au bout des huit heures. Ici, tout le monde se connaît et s’ il y a un nouveau, on le connaît déjà. Tutoiement, tape sur l’épaule et «viens avec nous mon belet*!». Au fond, tous pareils, torses nus, noirs et luisants. Tous aveugles, courbés vers la veine brillante du charbon, à la lumière des lampes des casques. Tous sourds des machines qui forent, creusent et émiettent la roche. Tous muets, bouches refermées sur la peur, l’innommable… le grisou. Tous ivres des litres de café et d’eau coulant en grandes rasades dans les gorges encrassées. En attendant le vin, après la journée, dans un des bistrots de la grand-rue. Un bar tous les dix mètres, du haut en bas, de chaque côté. A l’appel de la sirène, tous remplis jusqu’à la gueule, entre ceux qui montent au carreau et ceux qui en descendent. Vin blanc du matin, vin rouge du soir. Rouge comme les idées. Ici, on est camarades, mineurs et communistes de père en fils. Même les polonais qui, pourtant, peuvent chanter l’Internationale tout en se signant. Ici, on massacre Dieu et ses curés, en paroles, cent fois par jour. Heureusement, les femmes tiennent bons : baptême et communion, le strict minimum, mais les enfants sont saufs, des fois qu’il existerait un Enfer autre que celui de la mine. Pour ce qui est des morts, celui d’entre eux qui tient à passer par l’Eglise y va seul, les copains l’attendent une dernière fois, attablés «Chez la Louise» ou au «Bar du Marché» ou ailleurs. Pour que ça soit pas toujours les mêmes qui profitent, on tient le compte. La montée au cimetière, par contre, c’est sacré : pour attaquer la longue côte qui mène en haut de la butte réservée aux défunts, il faut bien deux ou trois verres. En cas de trop mauvais temps, c’est au vin chaud qu’on se donne du courage. Du courage, il en avait fallu ce matin-là. Le Blaise, celui de la rue Vaillant-Couturier, était passé depuis quatre jours déjà et tout le monde était pressé de le voir en terre, vue la chaleur qu’il faisait en ce mois de Juin. Il était donc le premier de la journée, après l’absoute, à emprunter la route pentue. Comme toujours, les uns en mobylette, les autres à pied, il y avait foule : un mineur qui meurt, c’est un soldat tombé au combat.
Pour des raisons de commodité, le cortège s’ébranlait en premier, et, après un délai raisonnable, le mort suivait dans le fourgon mortuaire. Mais, bientôt, rattrapant les marcheurs, il les dépassait les uns après les autres pour déboucher en tête sur le terre-plein qui marquait le haut du coteau. La voiture à peine arrivée, le peloton s’étirait encore jusqu’à mi-hauteur. Une certaine langueur s’en était emparé : le pas ralentissait, les hommes en bleu de chauffe s’épongeaient le front, les femmes moulées dans leur corsage noir s’éventaient de la main… tous comme suspendus entre l’azur impitoyable du ciel et le noir profond de la terre. Tous rêvaient d’ombre, alors que pas un seul arbre ne poussait là-haut. Après la chaleur du fond, les morts enduraient sans broncher la brûlure des soleils d’été. Tout à coup, un remous, une agitation…Un frisson se met à parcourir la foule de haut en bas. Une rumeur se propage: le Léon Giraud, le gardien du cimetière, vient d’être retrouvé mort! Beausseigne*! Qu’est-ce qu’il lui est arrivé, au Giraud? C’est qu’il n’est pas bien vieux, enfin pour un qui ne descend plus au fond, dans les soixante ans… Parce que mineur, oui, il l’a été, avant son accident… A la nouvelle à peine murmurée, les derniers se ressaisissaient, se remettaient à allonger le pas. Le Giraud, il est de la Haute-Loire: là-bas, sur le plateau du Mézenc, presqu’en Ardèche, son père avait une ferme et quelques vaches. Encore un qui résistait à la pauvreté du sol, à la dureté de l’hiver, à la désolation du plateau, à la solitude… Il s’est tiré une balle de fusil dans la gorge le jour de l’ouverture de la chasse en Septembre 27. Léon avait vingt ans, il a laissé sa mère et sa sœur, il est venu au charbon. Une vague semblait monter à l’assaut de la colline: certains, pressés maintenant, pour mieux se hâter, débordaient la troupe par ses flancs en grimpant sur le talus qui marquait, de chaque côté de la route étroite, une frontière avec les jardins ouvriers. Leurs rectangles de verdure où, en ce début d’été, les derniers glaïeuls tutoyaient les premiers delphiniums, s’étageaient tout de guingois depuis le bas, dans la vallée. Oh miladzeu*! Il paraît qu’on l’a retrouvé couché sous la grille qui, d’habitude, ferme l’entrée principale du cimetière… C’est un bon copain, le Giraud, toujours prêt à rendre service, pas un basseuille*, mais il n’en pense pas moins. Il est resté au syndicat, même si on le voit plus aux réunions depuis des années. Pourtant, en 54, quand la mine l’a jeté dehors comme un chien, sans indemnité, personne n’a rien pu faire. Il faut dire qu’il est allé se jeter dans un fossé une nuit particulièrement arrosée et que, comble de malchance, ce n’est pas sous un éboulis au fond de la mine que sa jambe reste coincée jusqu’au matin mais sous la mobylette qui, dans sa chute, a sectionné un tendon. L’ivresse lui tient lieu d’anesthésie. Depuis il biganche* de la jambe droite. Le soleil commençait à cogner sur les têtes déjà échaudées par la nouvelle: mouillés de chaud*, tous essayaient de se hâter, mais c’était comme un film au ralenti, les jambes devenaient lourdes, le souffle se faisait court et haletant… C’est son beau-frère, le mari de sa sœur quoi, qui, travaillant à la mairie, lui procure cet emploi de gardien au cimetière. Pas un salaire mirobolant, mais en contrepartie une petite maison au confort sommaire. Le travail n’est pas trop difficile: le petit entretien, la tenue et la mise à jour du registre, la coordination des travaux, l’ouverture et la fermeture de la grille. Et puis les renseignements à donner aux familles, aux visiteurs, à ceux qui sont à la recherche d’un parent… Loin d’être rebuté, le Giraud se sent utile, s’est même pris d’une sorte de tendresse pour le petit monde défunt sur lequel il veille en père attentif. Vu d’en bas, le spectacle de ces points noirs s’égrenant le long du ruban de goudron, à flanc de colline, intriguait : les femmes, sorties sur le pas de la porte, la main en visière, scrutaient le sommet! Bientôt, les questions et les suppositions se mettaient à circuler de bouche en bouche… Là-haut, la route, après un dernier lacet, prenait ses aises pendant quelques dizaines de mètres avant de longer le mur du cimetière. La longue voiture noire, après avoir ralenti au passage entre les officiels et les membres de la famille, reprit son allure, mais pour peu de temp : les premiers arrivés avaient abandonné leurs vélos et motocyclettes au milieu de la chaussée. Il a bien failli marier la fille du polonais le Léon. C'était presque fait! Mais après l'accident, le père Kowalski veut pas que sa fille se marie avec un qui n'est plus de la mine. Fierté de polonais ! Les mauvaises langues racontent alors qu'il y a un mâtru* en route et que la petite est allée à la campagne juste pour le faire passer. Ah ça, le Léon Giraud il l'a sur l'estomac! La raclée qu'il lui passe au vieux! Il peut le tuer tellement il a la rage! Après ils ne se parlent plus jamais et le Giraud serre les poings et change de trottoir ou de canit* quand il en voit un de la famille! La fille part à Roanne et elle finit par marier un boulanger! Mais le Léon, ça le change, depuis il arrête pas de broger*. Le murmure enflait, comme un torrent il dévalait jusqu’à flanc de colline : c’est Pierre, le bedeau qui, parti en avant pour s’assurer que tout était prêt là-haut, l’avait trouvé. Il n’avait vu tout d’abord que l’entrée, béante, puis la grille, immense, à terre. Du coup, quand la mère Kowalski passe de l'autre côté... Le temps que les fossoyeurs aillent manger un morceau, le cercueil reste à nu une heure ou plus au fond de la fosse. Le couvercle est forcé, la figure est recouverte de terre, l’alliance, la croix et les boucles d’oreilles en or ont disparu. Le Giraud affortit* qu’il n’a rien vu ni entendu. Après manger, il fait sa sieste, fenêtre et volets clos. Mais le polonais n'en démord pas : pour lui, c'est le gardien qui a fait le coup et il jure de lui faire la peau! Le bedeau s’était tout de suite étonné, il s’était approché pour examiner le pilastre de pierre, intact, avec les deux énormes pivots en acier bien en place. Intrigué, il s’était retourné et approché du battant à terre et c’est à ce moment-là seulement qu’il avait vu le corps. Le père Kowalski, lui, il meurt en 67. Le Giraud est là, il montre rien. Mais le Grand Martin, monté une semaine plus tard pour graver le nom et les dates sur la stèle, raconte que la pierre est couverte de crachats et qu'il lui semble bien que quelqu'un s'est amusé à pisser dessus, tellement ça sent fort! Pour sûr, le Léon a la rancune tenace! La grille pesait sur le corps, l'emprisonnant. Le vantail de fer forgé datait du début du siècle. Les montants étaient épais et la partie inférieure était composée de carrés pleins, ce qui conférait à l'ouvrage un très bel effet d'ensemble, tout en lui donnant plus de corps. La partie haute des ferrures, composée d'un collier, était indemne, sans torsion, ni coupure. La sépulture des Kowalski, il n'y a plus personne pour s'en occuper. La fille n'habite pas là, une courte visite à la Toussaint, c'est tout. Au début, les femmes qui viennent s'occuper de leurs morts déposent souvent un petit bouquet, arrachent quelques mauvaises herbes, balaient la terre déposée par le vent. Mais les fleurs sont éparpillées, la terre semble prendre plaisir à recouvrir la dalle même par beau temps, les mauvaises herbes semblent s'accrocher de toutes leurs forces à ce minuscule lopin. Il flotte autour de la tombe des odeurs nauséabondes, des immondices semblent prendre un malin plaisir à s'incruster dans la pierre. Le corps était étendu, sur le dos, bras en croix. Le gardien portait un vieux pantalon en velours marron, une chemise grisâtre au col élimé, un gilet en tricot vert bouteille, des chaussures à lacets. Aucune trace de sang n'entachait les vêtements, aucune torsion ne disloquait les membres, aucune blessure n'abîmait visiblement le corps. Le visage, rougeaud, portait une barbe clairsemée de plusieurs jours. Figés dans une expression de stupeur, les yeux étaient grands ouverts. Les femmes en parlent au gardien pour qu’il s'en occupe. Alors c'est le vent, ou c’est la pluie, les chats ou les chiens errants attirés par les poubelles –il faut bien qu’il les mette quelque part ses poubelles, les gandous* n’ont qu’à passer plus souvent- ou encore des galapiats* toujours prêts à faire un mauvais coup. C'est vrai qu'il est tout seul, il peut pas tout faire. Mais les femmes s'entêtent : il y a le respect dû aux morts, ça porte malheur de manquer aux devoirs dus aux défunts. Peu à peu, affluant par paquets, le cortège s'était ressoudé à l'entrée du cimetière. Les premiers arrivés avaient d'instinct formé une chaîne pour l'empêcher d'avancer plus avant, ne laissant passer que le curé, le représentant des Houillères, celui du syndicat et de la mairie. Des voix fusaient, des murmures traversaient la foule compacte, ceux de derrière hélaient ceux de devant, en se haussant pour tenter d'apercevoir la scène. Alors les femmes en parlent aux hommes. La Monique, celle qui fait tourner les tables il paraît, raconte qu'il y a de la colère là-haut, les âmes ne sont pas tranquilles. Pour sûr, il y a quelque chose ou quelqu'un qui dérange nos morts. Mais c'est l'affaire des curés, de leur foutu Bon Dieu et de toute sa clique, quand on est mort, on est mort. Nous, on les honore à notre façon, en liquetant* à leur santé! Les derniers retardataires avaient renoncé définitivement à se hâter et, soufflant et suant, montaient poussivement les derniers mètres, certains que le mort, de toute façon, les attendait. On le voit de moins en moins le Léon Giraud, et même plus du tout depuis quelques jours. Il ne descend même plus faire son tiercé. Il téléphone à l'épicier de la place Raspail et ce sont les fossoyeurs qui lui ont monté son pain ou ses courses. Il faut dire qu'il fait tellement chaud, c'est trop de fatigue de mourir par ce temps, alors il n'y a pas grand-chose à faire là-haut. Des amoureux qui vont minater* là-haut pour être tranquilles rapportent qu'ils entendent des cris, des emportements, et puis des coups aussi, comme un burin qui résonne sur la pierre. Plus tard, lorsque les gendarmes arrivèrent, la foule dans la fournaise attendait silencieusement. Après examen du portail, il s'avérait que le battant n'avait pas pu tomber, les ferrures n'étant pas arrachées, le pilastre n'étant pas endommagé. Le médecin qui fut chargé de l'autopsie conclut à une mort par asphyxie : la cage thoracique écrasée par le poids de la grille, avait éclaté en éclats tranchants, dévastant les poumons, provoquant l' hémorragie. Le mort avait été étouffé par son propre sang, douloureusement. Aucune autre trace de violence ne fut relevé. Quand on avait enfin délivré le corps, il n'avait fallut pas moins de six hommes robustes pour soulever la grille.
Affortir (v.tr) : Affirmer quelque chose de douteux. Basseuille: Bavard inconsistant Beausseigne: le pauvre, la pauvre Belet (n.m): Agneau, utilisé aussi avec une certaine tendresse pour parler d’un proche Biganche (adj.) : Difforme Broger (v. intr) : Gamberger, broyer du noir. Canit (n.m) : Bistrot, café Des fois (loc): Par hasard. Galapiat (n.m) : Garnement Gandou (n.m) : Eboueur. Liqueter (v.tr) : Boire. Mâchurer : salir Mâtru (n.m / adj) : Enfant, petit Miladzeu : juron Minater (v.int) : Flirter, câliner. Mouillé de chaud (expr) : en sueur
La Chambre : - Spoiler:
Éveil. J’ouvre un œil, puis le deuxième. Que s’est-il passé ? Dans le magma de mon cerveau, des bulles de réalité éclatent à la surface. Mon lit ? Oui, je reconnais les draps moelleux dans lesquels je me suis assoupie la veille. Blanc. À travers le velux accroché au-dessus du bureau, un soleil d’été inonde la pièce. Je me lève lentement, prise d’un léger vertige. Combien de temps ai-je dormi ? Blanc, tout est blanc, le lit, les murs, le plafond et ces gens autour de moi qui m’observent... Je glisse une main sur mon visage, comme pour intimer à mes idées l’ordre de s’éclaircir. La chambre. Il s’agit de la mienne, sans aucun doute. Là où j’ai vécu les plus belles années de mon enfance. Les témoins de ma juvénile insouciance reposent à leur place : l’ours en peluche qui fixe sur moi un œil unique ; la maison de poupée, méticuleusement rangée dans l’angle ; le vieux cheval à bascule, mon compagnon d’aventures… Ils m’environnent d’une chaleureuse protection. Rien. Je ne peux rien attendre d’eux, ni chaleur, ni soutien. Je suis seule avec ce blanc qui m’étrangle et me viole… Un souffle glacé s’infiltre à travers le lin de ma chemise et se faufile dans mon cœur pour s’y figer. Frisson. Une sensation étrange, comme si le réveil me semblait… factice ? Le blanc. Le blanc, lui, est réel : le blanc de la pièce, le blanc de ces hommes, et cette odeur, l’odeur du blanc, l’odeur de… Mes pas résonnent dans l’alcôve. Je veux déployer le vasistas, mais son verrou me résiste. Affolée, je fais demi-tour et me rue vers l’entrée. Sous la pression de ma main, la clenche cède. Durant une seconde, à peine, une vague de chaleur grimpe le long de mes phalanges. Trop tard. Je sais enfin ce que je trouverai derrière. La puanteur s’empare de moi dans une bouffée malsaine. L’odeur de… mort. Avec un grincement sinistre, la porte, en s’ouvrant, révèle un néant immaculé qui avalera bientôt ma chambre d’enfant, la dernière bribe de souvenir qu’il me reste encore. Puis j’oublierai tout, l’hôpital, les infirmiers qui m’encerclent et l’électrocardiogramme à côté de mon lit, dont la plainte monotone se percute au silence…
Le miroir de l’autre- Spoiler:
Le vaste grenier semblait s’étendre à l’infini. Il y avait de tout : des tableaux, des meubles anciens, bref, tout ce que l’on trouve habituellement dans ce genre d’endroit, y compris la poussière. Une malle se trouvait un peu à l’écart, éclairée par le soleil qui passait à travers une lucarne. Une jeune femme se tenait à genoux devant celle-ci, habillée simplement d’une chemise et d’un jean. Christina s’acharnait sur la serrure qui ne voulait pas céder. Lorsqu’elle fut sur le point d’abandonner, celle-ci s’ouvrit enfin. Avant de soulever le couvercle, la jeune femme jeta un coup d’œil autour d’elle, le regard nostalgique. Un tragique accident ayant emporté ses parents deux ans auparavant, elle avait hérité de cette demeure. Trouvant cette maison trop vaste pour elle seule, mais ne pouvant pas et ne voulant pas s’y résoudre à la vendre, elle avait proposé à Evelyne Adler, sa meilleure amie, de s’installer chez elle. Christina l’avait rencontrée il y a quatre ans sur son lieu de travail, à l’Opéra Garnier, où elle travaillait en tant que décoratrice, tandis qu’Evelyne était danseuse étoile dans le corps de ballet.
Reportant son attention sur la malle, la jeune femme l’ouvrit et regarda attentivement son contenu. Il n’y avait que quelques objets à l’intérieur : une petite boîte à bijoux, un foulard rouge, un épais dossier d’où dépassaient des feuilles et un masque. A la fois surprise et curieuse, elle se demandait à qui pouvaient bien avoir appartenu ces objets, qui semblaient assez anciens. Elle s’empara d’abord de la boîte à bijoux qui refermait une bague. La trouvant à son goût, Christina la passa à son annuaire droit et l’admira ensuite quelques instants. Puis, elle mit de côté le foulard rouge dont la couleur avait connu des jours meilleurs et prit le dossier. Elle souffla la poussière qui s’y trouvait dessus et un titre apparu. Mais elle n’arriva pas à déchiffrer le nom complet, qui avait été effacé avec le temps. A l’intérieur se trouvait une partition, qu’elle feuilleta rapidement, avant de la mettre de côté en se promettant de la jouer plus tard au piano. Pour finir, elle prit le masque, dernier objet que renfermait la malle. Etrangement, elle se sentait comme attirée par lui et soudain, elle eut une irrésistible envie de l’essayer. Elle se leva et se dirigea vers un miroir à pied qui se trouvait à quelques pas de la malle et posa le masque sur son visage. Amusée, elle observa son reflet dans la glace.
Soudain, un courant d’air glacé entra dans le grenier et, sans savoir pourquoi, elle eut la désagréable impression de n’être plus seule dans la pièce. Elle enleva le masque et se retourna doucement. Elle poussa un soupir de soulagement en constatant qu’il n’y avait personne d’autre à part elle. Christina secoua la tête en se disant que décidément, elle avait beaucoup trop d’imagination. Elle se retourna et ce qu’elle vit lui arracha un cri d’horreur. Devant elle, ou plus exactement dans le miroir, se tenait une silhouette masculine habillée de noir. Mais ce n’est pas cela qui la fit crier et laisser tomber le masque, mais la tête de mort que semblait avoir cet homme à la place du visage. Toute cette scène ne dura que quelques secondes. En effet, le temps que Christina réalise ce qui venait de se passer, la silhouette avait déjà disparu. Evelyne, qui avait entendu le cri de son amie en montant la voir, se tenait à présent à ses côtés.
− Que s’est-il passé? lui demanda-t-elle sur un ton inquiet.
− Je… j’ai cru voir quelque chose… Comme un fantôme…
− Tu travailles trop. Cela fait bientôt trois heures que tu fais du rangement dans ce grenier. Viens faire une pause.
Christina ne se fit pas prier et suivit son amie au salon. Quelques heures plus tard, cette dernière partit car elle avait une répétition qui allait se terminer assez tard. Après le départ d’Evelyne, la jeune femme se mit au piano et posa la partition trouvée dans la malle devant elle. Elle commença à jouer et des notes de musique s’élevèrent dans la pièce. Si à ce moment-là elle avait pu voir l’étrange scène qui se déroulait au grenier pendant qu’elle jouait, elle se serait arrêtée immédiatement. En effet, le masque qui lui avait causé une frayeur cet après-midi était entouré d’un halo blanc, comme si soudain il allait s’animer. Après avoir joué un long moment, Christina laissa le piano et la partition tels quels et monta se coucher. Elle eut juste le temps de se déshabiller et de s’allonger avant de sombrer dans un profond sommeil. Puis, elle se mit à rêver. Au début, c’était assez agréable. Elle se trouvait sur la scène de l’Opéra Garnier, en train de chanter. Ses collègues et amis, assis dans les premières rangées, l’applaudissaient. Tout à coup, tout ce monde disparu, la laissant seule. Christina se demandait ce qu’il lui arrivait lorsqu’elle aperçut une forme en noir portant une cape et un chapeau venir vers elle, sans qu’elle puisse toutefois distinguer son visage. Elle entendit ensuite la silhouette murmurer doucement son nom plusieurs fois. Subjuguée par cette voix qu’elle trouvait magnifique, elle s’avança dans sa direction, jusqu’à se trouver face à face avec cet inconnu. Elle ne voyait toujours pas son visage, mais elle sentait son souffle sur le sien. Il continuait à prononcer son nom, en disant qu’il était revenu pour elle, qu’il n’avait jamais cessé de l’aimer et qu’elle devait le suivre. La jeune femme ne comprenait pas ce qu’il voulait dire, avant qu’elle ne se rende compte que cette voix était réelle et que ce rêve venait de tourner au cauchemar lorsqu’en ouvrant les yeux, elle réalisa avec horreur qu’elle n’était plus seule dans la chambre. Effectivement, elle entendait une respiration autre que la sienne dans la pièce et cette voix lui parlait toujours. Cela devait certainement être un cambrioleur. Mais pourquoi donc cette fichue alarme, qui lui avait coûté une fortune, ne s’était-elle pas déclenchée ? En tremblant, elle tendit une main et chercha dans le noir l’interrupteur qu’elle ne trouva pas. Figée par la peur, elle n’osa plus bouger. Elle se voyait déjà le lendemain à la une des journaux avec en gros titre « Une jeune fille retrouvée assassinée chez elle ». Rassemblant tout son courage, elle décida de faire face et lui cria de s’en aller.
Cela parut marcher car tout à coup, la voix se tut, mais les derniers mots « Je reviendrai » lui glaça le sang. Ensuite, tout redevint normal et la présence semblait avoir disparue dans les ténèbres de la nuit. Elle tendit l’oreille pour épier le moindre bruit, mais seul le silence régnait dans l’obscurité. Elle se dit alors que tout ceci n’avait été que le fruit de son imagination. A moitié soulagée, elle tenta de se rendormir, ce qui ne se fit pas sans peine, Toute cette histoire était si incroyable. Cependant, la fatigue aidant, elle finit tout de même par se rendormir. Le lendemain matin, elle retrouva Evelyne au petit-déjeuner. Elle parlèrent de tout et de rien, mais Evelyne ne pu s’empêcher de glisser à son amie qu’Alexandre Dubois, le ténor vedette du prochain opéra avait demandé de ses nouvelles.
Quelques minutes plus tard, Christina prit congé de son amie pour se rendre à l’opéra. Une longue journée l’attendait. Elle devait procéder à un inventaire, ce qui signifiait aller fouiller dans des endroits où personne n’avait mis les pieds depuis un bon moment. Mais à peine eut-elle franchit les portes du Palais Garnier qu’elle ressentit un étrange malaise, comme si une présence invisible était à ses côtés. La jeune femme secoua la tête et mit cette sensation sur le compte de sa mauvaise nuit. Comme chaque matin, elle passa devant le concierge, qu’elle gratifia de son plus beau sourire avant de se diriger vers l’atelier des décors où elle posa ses affaires. Vu l’heure matinale, ses collègues n’étaient pas encore arrivés, mais elle décida tout de même de commencer l’inventaire afin de gagner du temps. Elle prit un trousseau de clés dans un tiroir, de quoi écrire et une lampe de poche, avant de se rendre vers le premier local qu’elle devait voir. En fait, il s’agissait d’une loge qui avait été laissée à l’abandon depuis bien longtemps. Elle poussa la porte et par miracle, la lumière fonctionnait. Christine soupira en voyant le désordre qui régnait dans cette pièce. Du temps de sa splendeur, cette loge devait être magnifique. Quelques fauteuils étaient entassés dans un coin, à côté d’une petite table et divers objets étaient entreposés un peu partout dans la pièce. Son regard se posa sur une coiffeuse recouverte de poussière avant d’aviser un immense miroir posé contre un mur. Christina se rapprocha, quand tout à coup, elle se sentit à nouveau observée. Mais cette fois-ci, elle avait l’impression d’être protégée, en sécurité. Elle n’eut même pas peur lorsqu’elle entendit distinctement une voix, qui semblait provenir de l’autre côté du miroir, l’appeler. Alors que sa raison lui aurait ordonné de quitter ces lieux au plus vite, elle trouva tout naturel de lui obéir.
Ensorcelée, dans un état second, elle laissa glisser sa main le long du miroir, jusqu’à ce que ses doigts trouvent un petit mécanisme qu’elle déclencha. Comme dans un rêve, elle vit le miroir coulisser et faisant quelques pas en avant, elle se retrouva de l’autre côté, dans un couloir froid et humide. Christina alluma la lampe de poche qu’elle avait toujours dans la main et continua d’avancer. La voix était toujours là, lui demandant d’avancer, la faisant pénétrer ainsi de plus en plus dans les tréfonds de l’opéra. Des courants d’air glacés la frôlaient, mais étrangement, elle n’avait pas froid. Cette présence invisible l’enveloppait comme un manteau, dans lequel elle se sentait agréablement bien. Cela faisait déjà un long moment qu’elle marchait dans ces couloirs, sans savoir quel allait être son but final quand soudain, elle vit une étendue d’eau devant elle. Le fameux lac souterrain n’était donc pas une légende… Il y avait une barque sur la rive, dans laquelle elle monta sans se poser de questions. Puis, elle commença à ramener, toujours sous l’emprise de la voix. Il ne faisait à présent plus aussi sombre que dans les couloirs. Sans savoir d’où cela provenait, des filets de lumières éclairaient quelque peu cet endroit. En apercevant l’autre côté de la rive, Christina sut qu’elle était arrivée à sa destination finale avant même que la voix ne le lui confirme. Devant elle se dressait une sorte de demeure taillée dans la roche. Elle quitta la barque et pénétra à l’intérieur après avoir poussé la porte d’entrée, qui s’ouvrir sans qu’elle ait eu à la toucher. Elle se retrouva dans une sorte de salon, qui était en ruine à présent. Fascinée par cet endroit, elle regarda tout autour d’elle. Il y avait plusieurs chandeliers au plafond, des tentures de velours rouge accrochées au mur, dont certaines étaient tombées sur le sol, avec un piano trônant fièrement au milieu de la pièce. Toujours dans un état second, elle ne s’étonna pas du fait que de la lumière éclairait parfaitement ces lieux. La voix, qui s’était tue un moment comme pour la laisser profiter de l’instant présent, se fit à nouveau entendre et elle se dirigea dans une autre pièce à côté. Elle était vide, à l’exception de tentures au mur et d’un cercueil. Sans aucune peur, ni le moindre dégoût, Christina se rapprocha de lui. Pendant qu’elle soulevait le couvercle, elle sentit des mains par-dessus les siennes, comme si la présence voulait l’aider. Elle ne poussa aucun cri lorsqu’elle découvrit le squelette qui se trouvait à l’intérieur mais elle faillit s’évanouir lorsqu’elle vit l’objet qu’il tenait dans les mains. Il s’agissait d’un petit cadre contenant un portrait de femme. Et Christina était le parfait sosie de cette inconnue. Et là, tout lui revient en mémoire.
Elle se rappelait à présent de tout, du nom de la femme sur le portrait, pourquoi elle lui ressemblait tant et surtout, qui était cette mystérieuse présence qui ne semblait plus la quitter depuis la nuit dernière. La femme n’était autre que son aïeule, jadis aimée par deux hommes. Cette histoire de sa vie, qu’elle avait oublié suite à l’accident qui avait emporté ses parents, mais dont elle s’était sortie miraculeusement, non sans plusieurs séquelles, elle s’en souvenait à présent parfaitement.
Ce fut en entendant un sourd grondement et le sol trembler sous ses pieds qu’elle revient à la réalité. On aurait dit qu’un tremblement de terre s’apprêtait à dévaster les lieux Sans réfléchir, Christina se leva précipitamment, arracha du mur une des tentures de velours rouges et avec le plus grand soin, pris les précieux ossements et le portrait, qu’elle emballa soigneusement dans le tissu, en le fermant comme un genre de baluchon. Les grondements, qui semblaient s’être calmés, reprirent de plus belle et elle quitta rapidement les lieux. Elle fut incapable de se rappeler comment elle était remontée dans la barque et ramé jusque de l’autre côté de la rive. En descendant d’embarcation, elle fit un faux mouvement et tomba à l’eau. Heureusement, le baluchon était encore dans la barque. Dégoulinante d’eau, elle se releva et prenant le précieux bien qu’elle serra contre elle, continua son chemin. Heureusement, les tremblements semblaient avoir cessés. Elle en profita pour accélérer son pas. Elle sentait toujours la présence à ses côtés, mais elle n’entendait plus la voix, qui commençait à lui manquer cruellement. Enfin, elle vit au loin une lumière et sut qu’elle était arrivée à son point de départ. Christina franchit le miroir, qui se referma derrière elle. Vidée de toute énergie, elle, se laissa glisser par-terre et resta assise par-terre, prostrée, sans bouger. C’est dans cet état qu’Evelyne et Alexander Dubois, accompagnés de quelques autres employés, la trouvèrent. A leurs yeux, Christina semblait être tout droit sortie de l’enfer. Trempée, tremblant de froid, elle était assise par-terre, serrant contre elle un drôle de baluchon, comme si sa vie en dépendait.
− Je l’ai retrouvé, je l'ai retrouvé, je l’ai retrouvé, ne cessa-t-elle de répéter comme une litanie.
Evelyne s’approcha de son amie, mais cette dernière eut un mouvement de recul lorsqu’elle fit mine de vouloir lui prendre son précieux paquetage. D’un regard, elle demanda à Alexander d’approcher. Il vint s’agenouiller devant Christina et, sans la quitter du regard et, en lui chuchotant des mots qu’elle seule pouvait entendre, il lui ôta doucement le baluchon des mains avant de la mettre délicatement debout. Ce n’est qu’à ce moment que Christina parut revenir à la réalité. Elle tomba dans ses bras et laissa libre cours à ses larmes.
Une semaine plus tard…
Christina se tenait devant un caveau au cimetière du Père Lachaise. Evelyne l’attendait un peu à l’écart, accompagnée d’Alexander. En début d’après-midi, une cérémonie avait eu lieu dans le plus grand secret. Christina avait récupéré la malle qui se trouvait dans le grenier de sa demeure et y avait déposé le squelette et le portrait, ainsi que les divers objets qu’il contenait au départ. Elle avait ensuite été déposée dans le caveau de son aïeule, les réunissant ainsi pour l’éternité.
Plus tard, de retour chez elle accompagnée d’Evelyne et d’Alexander, Christina les abandonna un moment pour se rendre dans le grenier. Comme elle s’y attendait, la jeune femme sentit à nouveau un courant d’air glacé entrer dans la pièce. Debout devant le miroir, elle semblait attendre quelque chose. Cette fois-ci, elle n’eut pas peur en voyant son reflet être remplacé petit à petit par un autre dans la glace, le même qui lui avait causé la frayeur de sa vie il y a une semaine. Elle tendit la main et caressa la surface lisse, qui dégageait une douce chaleur.
L’homme dans le miroir lui sourit, avant de disparaître. La jeune femme comprit que c’est la dernière fois qu’elle le voyait.
Toute cette scène n’avait duré que quelques instants, mais avant que tout soit finit, Christina entendit très nettement un mot être soufflé à son oreille : merci.
Celui qui posait en Une - Spoiler:
Ce périodique avait une couverture très étrange. Une jaquette à l’ancienne, usée, déchirée, comme si on l’avait oublié quelques siècles sur l’étagère poussiéreuse de la librairie. Avec une respectueuse précaution, je m’emparai de cette relique sans âge pour l’examiner plus attentivement. Le monde autour de moi s’était arrêté de tourner ; en découvrant la revue, j’étais passé dans une autre dimension. Je la parcourus des yeux, effleurai le grain et me posai sur la tranche. Pas de titre, pas de dates. Pour seule impression, un portrait en pied accaparait la une. Cela s’apparentait à l’une de ces lithographies qui autrefois agrémentaient les illustrés : un homme en noir, planté dans un décor urbain en clair-obscur, digne d’un conte macabre d’Edgar Poe. Il ne m’en fallut pas davantage. Dans un élan irrésistible, j’agrippai le magazine, me dirigeai vers la caisse et déposai sur le comptoir, sans même un regard vers le vendeur, une pièce de deux euros. Pourquoi ce montant ? Éludant la question, je sortis au grand air. Le froid qui me saisit subitement m’immergea dans la réalité. D’une main ferme, je relevai les pans de mon manteau. L’autre tenait toujours le mystérieux ouvrage, enroulé contre moi. Le soir tombait ; la rue était déserte – du moins ne remarquai-je âme qui vive. D’abord, l’extérieur me parut tout à fait ordinaire. La lueur blafarde des réverbères dansait sur les murs, serpentant entre les filets de brume glacée que la nuit avait étalés. Absorbé par mes pensées, je pris à peine conscience de l’individu qui se posta à mes côtés, emmitouflé dans un immense paletot noir. « Bonsoir. » Surpris, je tournai le menton et lui rendis poliment son salut. Une odeur singulière l’environnait. « Bonsoir. » L’homme ne devait pas faire plus d’une tête que moi, mais dans la pénombre de la rue il me parut gigantesque, le couvre-chef perdu dans les nuages. « Vous savez, la vie c’n’est pas grand-chose », murmura-t-il à mon attention. J’acquiesçai, dubitatif. Encore un philosophe de bistrot. « Mourir, renaître, puis mourir, puis renaître, puis mourir, puis renaître encore, et enfin s’évader ; telle est la loi », poursuivit-il avec emphase. Je fronçai les sourcils. « S’évader ? » Mon regard obliqua une nouvelle fois vers lui. Immobile, droit comme une statue antique, il me procura une vague impression de déjà-vu. Le vendeur peut-être ? Et ce fumet qu’il dégageait… Peu à peu, l’atmosphère se modifia subtilement. Une sensation de superficialité s’éleva de l’asphalte humide – ou bien cela venait-il de moi ? Un instant de réflexion, et l’évidence me frappa : il ressemblait à l’illustration en première page. Mêmes contrastes de noir et de blanc, mêmes lignes de gravure, même arôme de vieux papier. Cet homme était le portrait. Curieusement, la certitude qui s’imposait soudain ne me surprit pas. Féru d’occultisme, je ne tardai pas à élaborer une explication : en prenant le magazine, j’avais brisé un maléfice et libéré le prisonnier de sa cellule de filigrane. Comme s’il avait lu dans mes pensées, l’étranger baissa les yeux sur moi. « Vous vous imaginez que je me suis échappé de la une, n’est-ce pas ? Vous vous trompez. C’est vous qui êtes entré dedans. » Sur ces mots, il s’effaça. Mon cœur se serra, et j’étudiai la couverture de mon magazine. Le portrait avait disparu. À sa place figurait un autre décor : celui de la librairie aux rayonnages empoussiérés. Et ce parfum qui m’étreignait encore, me cernant de toute part, que mon esprit refusait d’admettre… « Vous ne me croyez pas ? annonça la voix de la créature quelque part au-dessus de moi. Demandez-moi quelque chose. N’importe quoi. Quelque chose que l’on ne peut obtenir que dans les illustrés. » « La lune ? » marmonnai-je sans conviction. Et la lune se posa au creux de ma main.
Comme je n'ai eu que 5 participations, j'ai tout pris, les un peu courtes et les un peu longues (mais pas si longues que ça !! ) Les votes commencent dimanche 5(dans la journée) et se terminent le 15 à minuit. Je tâcherai de mettre les résultats le 16 !! À vous !!
Dernière édition par clinchamps le Lun 6 Juin 2011 - 12:42, édité 1 fois |
| | | Fée clochette Soul dancing on the breeze
Nombre de messages : 26272 Localisation : sur le chapeau de Mrs Bennet, ayez pitié de mes pauvres nerfs ! Date d'inscription : 03/03/2008
| Sujet: Re: 2e concours d'écriture Ven 3 Juin 2011 - 21:13 | |
| |
| | | Ju Gone With The Books
Nombre de messages : 12467 Age : 33 Localisation : In the Tardis, with Ten Date d'inscription : 15/05/2010
| Sujet: Re: 2e concours d'écriture Dim 5 Juin 2011 - 10:18 | |
| A voté |
| | | Contenu sponsorisé
| Sujet: Re: 2e concours d'écriture | |
| |
| | | | 2e concours d'écriture | |
|
| Permission de ce forum: | Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
| |
| |
| |
|