Henry Bauchau : Antigone et les autres

Je voudrais vous faire connaitre cet auteur mais surtout son roman "Antigone" que j'ai trouvé ... Il n'y a pas de mot qui me vienne là, tout de suite.

C'est un roman qui débute bien avant les instants relatés dans les pièces (Sophocle, Anouilh, Cocteau au moins, je n'ai pas lu les autres*). On n'y suit Antigone qui reviens à Thèbes après avoir perdu son père (A lire du même auteur "Œdipe sur la Route" que je trouve moins bon...) Elle vit à Thèbes, retrouve sa sœur, ses frères, est entourée d'amis, et vit la vie de Thèbes et sa propre vie d'art et de spiritualité ; jusqu'au conflit, jusqu'au choix, à l'engagement contre, à la sentence, à la mort et à la vie.

Je ne sais absolument pas ce qui est de la vérité historique ou de la licence artistique et je m'en moque car le texte est sublime.
La prose impose son propre rythme, impossible de lire vite car les mots vous forcent à prendre votre temps. Ouvrez à n'importe quelle page, lisez quelques phrases, c'est toujours beau, c'est toujours fort, même les choses anodines.

Extrait : Jocaste parle de sa fille Antigone.
"J'ai ramassé une pierre et je t'ai dit : "Essaie". Tu as hésité, puis tu as pris la pierre mais tu étais encore si petite, la pierre n'a pas ricoché et est tombée tout près. Tu n'as pas pleuré mais j'ai senti ta déception. J'ai ramassé une autre pierre et je t'ai dit : "Essaie encore, lance-la seulement. Tu peux !" Tu m'as regardée, interdite et tu as demandé : "Je peux, maman ?" J'ai redit : "Tu peux." Tu as lancé la pierre un peu plus loin. Tu étais fière mais chaque fois que je te donnais un nouveau caillou, tu me demandais : "Je peux ?" Et tu ne bougeais pas avant que je te dise : "Tu peux."
Soudain les larmes me sont venues aux yeux, je me suis demandé : Est-ce que quelque-chose opprime cet enfant pour qu'elle ait tant besoin de ma permission. J'ai compris que je te mesurais trop mon attention, toujours sollicitée par l'esprit aventuré et menaçant d'Oedipe. J'étais aussi bien occupée de THèbes, la cité d'orgueil et de mes fils, si beaux, si difficiles dans leur rivalité. Comment changer cela, c'était ma vie, mon fardeau, royal et quotidien ? Alors je t'ai dit en plongeant mon regard dans le tien : "Dorénavant donne-toi la permission toute seule, Antigone. Tu peux !"

J'ai eu la chance de voir ce texte adapté au théâtre, non pas comme une suite de dialogue mais comme chaque personnage récitant des textes : chaque personnages - en plus de dire ce qu'il a à dire - décrit ses actions, ses pensées, ses états d'âme. C'était sublime.


J'ai lu aussi "Le Déluge" dont le style est très proche de celui d'Antigone, mais là, il m'a parut très lourd... J'ai moins aimé bien que le thème (l'artiste, l'oeuvre, le geste et l'intension artistique) soit bien exploré et me touche personnellement.


* Note pour moi-même : lire la version de Brecht!

Depuis que j'ai découvert la pièce d'Anouilh (et ça fait un bail ) , je suis fan du personnage. Tu viens de faire grossir ma PAL, Quiddity, pas bien.

J'ai découvert "Antigone" quand j'étais au collège par l'intermédiaire d'une artiste venant encadré une création de décors.
ça a été le début de ma "collection" : dès que je tombe sur un Antigone, je lis!
Celui de Bauchau m'a été offert par mes amis de Lycée qui connaissaient ma fascination pour ce personnage.

Pour ma part, de cet auteur, j'ai lu L'enfant bleu, qui fut une lecture choc et un véritable coup de cœur pour la prose de cet auteur et pour son style si particulier (en tous cas pour moi, je n'ai pas l'habitude de ce genre d'écriture) mais surtout pour l'histoire d'Orion, de Vasco et de Véronique, il y a des passages superbes dans ce roman, des passages d'une grande justesse. Les personnages sont terriblement attachants, surtout Orion... Bref, c'est réellement un roman que je conseille à tous, un roman beau et qui fait vraiment réfléchir (d'autant que Bauchau ne fait que raconter une histoire qu'il a vécu car Véronique c'est lui et Orion, un enfant dont il a eu la charge durant quelques temps). J'ai eu la chance de le trouver d'occasion tout récemment, je me suis jetée dessus et je crois bien que je vais le relire, comme ça, je pourrais en faire une critique plus complète que ce que je viens de faire.

Antigone me fait de l’œil depuis un moment, il me semble que j'avais eu envie de le lire, en début d'année mais je n'arrivais pas à remettre la main sur le roman, à présent, c'est chose faite alors peut-être vais-je me lancer, mais je me demande si le fait de ne connaitre aucune des pièces consacrées à Antigone peut constituer un handicap ?

Voilà un auteur qui me fait de l'oeil depuis un moment, et je dois dire que vos avis me donnent encore plus envie de le découvrir.

Severine, je pense que ce n'est pas un problème de ne pas connaitre les pièces consacrées à Antigone, si ce n'est que les lire après risque de te laisser sur ta fin, puisque les pièces ne couvrent que les quelques jours avant la fin de l'histoire d'Antigone.