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 L'express de 4 heures dix

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serendipity
baronperche
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baronperche
Pauvre gouvernante



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MessageSujet: L'express de 4 heures dix   L'express de 4 heures dix Icon_minitimeMer 4 Jan 2012 - 23:18

Bon, ben j'ai gagné 2 concours de nouvelles avec ce texte, faut croire que l'humour anglais me réussit ...[/b][/b]

L'express de quatre heures dix

Le sept août 1963 à dix-neuf heures précises, après une journée splendide, "perfect day" au ciel uniformément gris, John Ferguson décida de tirer un trait sur son avenir. Ses doigts exécutaient leur ballet rituel sur les touches en ivoire du vieux piano quand une bourrasque perfide bouscula les nuages, un rayon de soleil déchira le voile protecteur, fondit sur le clavier comme une flèche. John rabattit le couvercle, pivota sur son tabouret, regarda la fenêtre. Dans le ciel soudain bleu, le soleil brillait de l'impitoyable éclat de la vérité et John comprit ceci : deux décennies passées à pianoter ne l'avaient mené à rien. La vie d'artiste, ce n'était pas pour lui.
Minuit sonna, après avoir vidé un flacon de brandy, il porta un toast à ses rêves envolés et décida de promener son ivresse sur la lande déserte, oasis miraculeuse, vierge de toute habitation, à quelques miles de Londres. Il prit sa veste de tweed démodée, marcha le long de la voie ferrée, le visage baigné par l'air frais. Dans le ciel les étoiles jouaient une symphonie de cristal, une étoile filante attira son regard, il songeait à un vœu quand soudain toc ! … il s'affala de tout son long, le nez dans le gravier.
-Surpris n'est-ce pas ?
Il se releva, vit une silhouette allongée sur les rails, une splendide jeune fille en robe de soirée, un collier de perles au cou.
-Que faîtes-vous là ?
-J'attends un train, un express pour être précise.
-Pourquoi ne pas l'attendre debout ?
-Pour l'usage que je veux en faire, je dois impérativement être allongée.
Il se pencha, vit la cheville et le poignet gauches enchaînés aux rails, maintenus par deux cadenas.
Elle dit d'un air calme.
-Vous ne pouvez rien pour moi, j'ai jeté la clef.
-Quand votre express doit-il passer ?
-A quatre heures dix précises, il est réglé comme du papier à musique.
-Pourquoi vous être allongée si tôt ?
Du menton elle désigna le ciel.
-Splendide n'est-ce pas ?
John connaissait le coin, l'habitation la plus proche était sa vieille demeure isolée. Son seul voisin, le major Pickwick, un vieil original, ne lui serait d'aucune utilité. Il devait d'ailleurs dormir à poings fermés, imbibé de gin comme chaque soir. Sa montre indiquait deux heures, il ne chercha pas à discuter. La jeune fille le vit s'éloigner le long de la voie et reparaître une heure plus tard, le souffle court, muni d'un couteau et d'une vieille scie à métaux.
Après avoir vainement tenté d'ouvrir les cadenas avec son couteau, il attaqua la chaîne au poignet gauche. La fille se débattit, le frappa de sa main libre.
-Stoppez cet affreux grincement ! Quel manque de tact !
Il ôta sa ceinture, lui attacha l'autre poignet et se remit à l'ouvrage. Elle le traitait de noms d'oiseaux, il n'écoutait pas, sciait, sciait … la vieille lame rouillée se tordait lors de laborieux allers-retours et ce qui devait arriver arriva : elle se scinda en deux.
-Vous êtes maladroit … j'aime bien les gens maladroits. Comment vous appelez-vous ?
-John.
-Jamais je n'ai rencontré de John ! Quel prénom original, romanesque ! La perfection !
Il s'escrimait avec le petit bout restant, la miss dévisageait son profil éclairé par la lune.
- Un instant je vous ai pris pour un de ces stupides héros, vous m'auriez sauvée, j'en aurais été quitte pour le ridicule, je peux tout supporter sauf le ridicule. Mais vous n'allez pas réussir, votre visage reflète la fascinante beauté de l'échec.
Le bout de métal rétif glissait entre ses doigts, lui entaillait l'index, enfin il cassa. John soupira, se gratta la nuque.
-Vous auriez mieux fait d'avaler une poignée de barbituriques.
-Quelle fin commune ! Et puis j'aime qu'on me passe sur le corps.
Trois heures trente. Il voulut repartir chercher du secours. Trop tard. Une fois encore il échouait. Alors il s'allongea sur la voie aux côtés de la jeune fille.
-Que faîtes-vous ?
-Je renonce moi aussi et sans doute pour de meilleurs motifs …
-De meilleurs motifs ! Ma vie est une horrible tragédie. Rien, absolument rien de grave ne m'est jamais arrivé. Mère est morte en couches, me léguant sa garde-robe, ses bijoux et sa beauté. Père, lord richissime, possède dix voitures et autant de maîtresses, deux manoirs, des maisons de campagne, une armada de domestiques et une fille superbe comme vous pouvez en juger … tous mes désirs sont exhaussés sur-le-champ, un vrai supplice chinois …
-Je compatis …
- … diplômée d'Oxford, je parle cinq langues, valse à la perfection, ai endommagé une Aston Martin et deux Bentley ; des tas de prétendants font le pied de grue devant ma porte, cinq se sont ruinés en corbeilles de roses, deux ont poussé la délicatesse jusqu'au suicide …
-Joli palmarès, je ne pourrais en dire autant…
- … mais tout cela ne serait rien si je n'étais tombée dans l'affreuse spirale de la vertu. La Veuve Clicquot me donne des aigreurs d'estomac, la cocaïne d'horribles migraines et les hommes la nausée. J'ai essayé les femmes, c'est affreux, quelle fadeur. Je me demande ce que vous nous trouvez. Voilà vous savez tout. Quelle heure est-il ?
-Trois heures quarante.
-John … êtes-vous un gentleman ?
-J'ose le croire.
-Seriez-vous prêt à satisfaire ma dernière volonté ?
-Certainement mais ne me demandez pas de vous abandonner.
-Violez-moi !
-Ici ? Mais c'est très inconfortable.
-Ça me changera du Savoy.
Il fixa cette créature romanesque, si belle, si bouleversante, plaqua son visage contre le sien, l'embrassa puis remonta la robe jusqu'aux hanches.
-Arrachez ma culotte !
Il ne l'écoutait plus. Ce fut l'étreinte de deux fauves possédés, cherchant un exutoire dans le déchirement. Puis tout fut fini. John roula sur le côté, il ne s'était jamais senti aussi bien mais n'arrêtait pas de se traiter de salaud.
-John, j'ai froid.
Il la couvrit de sa veste.
-Partez maintenant.
-Non … à propos quel est votre nom ?
-Rebecca.
-Non Rebecca, je reste avec vous.
-John partez, je vous en supplie. Si vous m'aimez, sauvez votre vie. Ça vaut la peine de vivre, je le comprends face au ciel étoilé.
-Alors, si je retrouvais cette clé …
Et John se mit à chercher en contrebas de la voie dans les buissons, les ronces, déchira sa chemise, s'écorcha les mains. Il ne trouva rien, s'allongea aux côtés de Rebecca, mit sa main ensanglantée dans la sienne. Ensemble ils regardèrent le ciel illuminé, traversé d'étoiles filantes.
-C'est beau" dit John.
-On dirait des lustres de cristal qui s'allument à l'infini …
-Connaissez-vous les constellations ?
-Leur beauté me suffit …
Puis ils se turent et malgré la terrible issue qui les attendait, John écrasé de fatigue s'endormit comme un enfant …
Un rayon de soleil lui brûla les paupières, il ouvrit les yeux, le jour se levait. Il regarda sa montre, six heures trente, le train n'était pas passé.
Soudain une vibration le long du rail, John se redressa, là-bas dans la plaine … le train ! Dans une minute il serait là ! Il scruta les arbustes en contrebas, au pied d'un roncier brillait un objet métallique ; il plongea le bras et de sa main lacérée ouvrit le premier cadenas à la cheville. Il détourna la tête, trente secondes encore, la clef se bloqua. A genoux sur la voie, il jouait du poignet dans tous les sens … rien à faire.
-John, écartez-vous ! Reculez je vous en prie !
La clef tourna, il arracha ce corps à la mort, ils roulèrent au bas du talus, enlacés, meurtris … vivants …
A court d'idées, John proposa un thé. Elle accepta. Ils marchèrent le long de la voie, silencieux, étrangement calmes comme après une tempête. Quand sa maison fut en vue, John remit sa veste pour cacher ses blessures, Rebecca réajusta sa coiffure d'un geste élégant. Ils croisèrent l'impeccable major Pickwick qui faisait sa promenade matinale, une main dans le dos, lissant sa moustache de l'autre, réajustant sans cesse le mouchoir dépassant de la poche de son blazer. Il regarda de façon suspicieuse ce couple insolite aux vêtements chiffonnés puis eut un sourire de courtoisie un peu narquois.
-Bonjour miss, bonjour monsieur Ferguson.
-Bonjour major.
-Quelle époque vivons-nous, mon Dieu ! Ah la la, quelle nuit !
John le fixa de ce regard intense et vide propre aux rescapés.
-Quelle nuit en effet … ce ciel illuminé … ces étoiles filantes !
-Qui vous parle d'étoiles filantes ? Vous n'avez donc pas écouté la BBC … cette nuit des malfrats ont dévalisé le Glasgow-Londres !
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serendipity
Aurora Borealis Chaser
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MessageSujet: Re: L'express de 4 heures dix   L'express de 4 heures dix Icon_minitimeMer 4 Jan 2012 - 23:48

Baron perché : la coutume sur ce forum, c'est de se présenter si l'on veut être lu.
Tu pourras nous expliquer si tu es un disciple d'Italo Calvino !
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baronperche
Pauvre gouvernante



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MessageSujet: Re: L'express de 4 heures dix   L'express de 4 heures dix Icon_minitimeSam 7 Jan 2012 - 1:42

OK je me présente : je suis l'invité mystère, l'écrivain sans visage ...
Et puis je pensais qu'entre gens de bonne compagnie, on faisait connaissance au fur et à mesure de la conversation ...
De plus, la quarantaine bien sonnée, j'ai passé l'âge de recevoir des ordres ...
J''ajoute avoir peu d'estime pour ceux qui suivent la coutume et autres rituels de soumission aussi anodins paraissent ils
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Selenh
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MessageSujet: Re: L'express de 4 heures dix   L'express de 4 heures dix Icon_minitimeSam 7 Jan 2012 - 11:20

Excellent moment de lecture, je me suis bien amusée. Et de la romance historique en somme! lol!

Boohh, et ne sois pas si boudeur, Baron, je n'aimerais pas voir ta plume s'envoler vers d'autres cieux, elle me ravit!

Serendipity est la plus douce des femmes, en fait, tu verras; et comme ta nouvelle laisse espérer que tu as le sens de l'humour je fais le voeu que tu reviennes sur ce mouvement d'humeur!
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ekaterin64
Queen of Nanars
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MessageSujet: Re: L'express de 4 heures dix   L'express de 4 heures dix Icon_minitimeSam 7 Jan 2012 - 11:44

baronperche a écrit:
De plus, la quarantaine bien sonnée, j'ai passé l'âge de recevoir des ordres ...
J''ajoute avoir peu d'estime pour ceux qui suivent la coutume et autres rituels de soumission aussi anodins paraissent ils
Comme on dit, charité bien ordonnée commence par soi même, c'est bien dommage qu'à ton âge justement tu sois incapable de comprendre et d'apprécier les principes de base de la politesse Rolling Eyes


Entre gens de bonne compagnie, on dit bonjour et on se présente. A bon entendeur L'express de 4 heures dix 30854

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Quand la tempête t'encercle, hisse la voile et suis les traces du Dieu Dragon. En avant, en avant ! Car qui
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MessageSujet: Re: L'express de 4 heures dix   L'express de 4 heures dix Icon_minitimeSam 7 Jan 2012 - 17:17

baronperche a écrit:
OK je me présente : je suis l'invité mystère, l'écrivain sans visage ...

Heu ... on a inventé Google depuis clic clic Arrow

Et aussi les traitements de textes efficaces pour la mise en page ... reclic Exclamation
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http://www.g2unit.com
Emily-de-Winter
Romancière anglaise
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MessageSujet: baronperche écrit   L'express de 4 heures dix Icon_minitimeJeu 19 Jan 2012 - 16:13

J'aime beaucoup ton style en tout cas. Si tu as autre chose n'hésite pas à le poster, c'est une étrange histoire Smile
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MessageSujet: Re: L'express de 4 heures dix   L'express de 4 heures dix Icon_minitime

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