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 Comparaison JA/ Charlotte Brontë

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margause
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MessageSujet: Comparaison JA/ Charlotte Brontë   Comparaison JA/ Charlotte Brontë Icon_minitimeSam 29 Sep 2007 - 11:24

C'est une bouture du sujet sur la subjectivité de Jane Austen. Si le sujet est mal placé, ce qui est possible Embarassed que les modératrices le déplacent. Je fais appel à leur sagesse. Laughing

Précedémment dans The Inn at Lambton:


Popila a écrit:
Chose promise, chose due, voici ma réponse aux assertions de Margause que je suis loin de partager complètement et où il sera démontré que Charlotte Brontë est au moins aussi subversive, à sa manière, que Jane Austen, sinon davantage : voilà de quoi alimenter un beau débat!


Margause a écrit:
Sur la comparaison avec Jane Eyre, je suis toujours amusé qu'on compare JA et Charlotte Bronte encore et encore. Parce que ce sont des femmes filles de pasteur écrivains vieilles filles (encore que Charlotte s'est mariée juste avant de mourir), mais ce sont à peu près leurs seuls points communs. Elles n'ont pas le même style, n'écrivent pas du tout sur les mêmes choses. Je trouve même qu'elles sont aux antipodes l'une de l'autre.

Là nous sommes entièrement d'accord : pour similaires qu'aient été leurs vies respectives (et encore), leur écriture, leur manière de penser et de sentir sont complètement différentes. D'ailleurs, Charlotte Brontë n'appréciait pas l'oeuvre de Jane Austen, et elle ne s'est pas gênée pour le dire. Elle écrit à ce propos à l'un de ses critiques, G.H.Lewes, qui l'avait incité à lire Orgueil et Préjugés :

Citation :
Pourquoi aimez-vous tant Mlle Austen? Cela m'intrigue. Pourquoi avez-vous dit que vous eussiez préféré avoir écrit Orgueil et Préjugés ou Tom Jones plutôt que n'importe lequel de la série des Waverley? Je n'avais pas lu Orgueil et Préjugés jusqu'à ce que je lise cette opinion de vous, alors je me suis procurée le livre. Qu'y trouvais-je? Une reproduction minutieuse, le daguerréotype d'un visage sans charme ; un jardin soigneusement clôturé et trop bien cultivé, aux bordures nettes et aux fleurs délicates. Nulle part je n'ai aperçu de physionomie animée et joyeuse, de paysages grandioses, d'air pur, de collines bleutées ni de ruisseau chantonnant. Je n'aimerais pas vivre parmi tous ses messieurs et ses dames dans leurs demeures élégantes mais confinées. Ces observations vous irriteront sans doute, mais j'en cours le risque.

Plus loin, en comparant George Sand (qu'elle apprécie davantage) et Jane Austen, elle dit que la première est sagace et profonde alors que l'autre est sagace et rusée.
Et, dans la lettre suivante, elle récidive avec humour :

Citation :
Mlle Austen, qui n'a, comme vous le dites, ni "sentiment" ni poésie, est peut-être raisonnable et vraie (vraie plutôt qu'authentique), mais elle n'est pas un grand auteur. Je m'incline devant la colère que je viens d'éveiller (car n'ai-je pas osé douter de la perfection de votre idole?), la tempête peut déferler sur moi. Je vais néanmoins, dès que je le pourrai (je ne sais pas quand cela sera, car je n'ai pas accès à une bibliothèque itinérante), lire avec zèle toutes les oeuvres de Mlle Austen, comme vous le recommandez.



Parenthèse : si on lance un débat sur le romantisme supposé de Jane Austen, le jugement de Charlotte Brontë me paraît intéressant à retenir.

Maintenant, je voudrais rebondir sur la comparaison qu'établit Charlotte Brontë entre le style de l'oeuvre de Jane Austen et un parc un peu trop bien cultivé. Je crois que son observation, pour sévère qu'elle soit, est juste, et que là gît le fossé qui sépare ces deux auteurs : l'une se place du côté de la raison et de la culture, pour elle, la nature doit être maîtrisée, elle est une représentante de l'esprit des Lumières, alors que la seconde se place du côté d'une nature essentiellement sauvage qui refuse d'être domptée : c'est la lande qui entoure Haworth.
Même si elle professe un grand respect pour la religion d'où découlent la morale, les principes et la raison, il y a des éléments païens dans le roman de Charlotte Brontë, en particulier dans la représentation de la nature et les constantes références à l'univers des contes : Jane est apparentée à un elfe et elle est fascinée par une créature diabolique ; elle repoussera Saint John, qui incarne le christianisme en tant que censeur de la passion amoureuse et charnelle. Cette contradiction entre christianisme et paganisme (une parmi d'autres) fait à mes yeux l'intérêt du roman.
Voilà en quoi le roman de Charlotte Brontë me semble plus subversif que le roman de Jane Austen : elles ne se situent effectivement pas du tout sur le même plan, car si l'une est une satiriste de premier ordre, l'autre est essentiellement une révoltée.
Après bien sûr, je ne suis pas sûre que l'auteur de Jane Eyre prône véritablement une émancipation sociale des femmes, à part dans le passage que j'ai cité plus haut, et que, contrairement à toi, je juge d'une portée suffisamment universelle pour être appliqué à l'ensemble des femmes. Le passage s'inscrit effectivement dans un contexte particulier qui vise à justifier la frénésie fievreuse de l'héroïne, mais ensuite, le propos devient plus général.
Et puis, ce n'est quand même pas un hasard si Ch.B. a choisi un pseudonyme masculin pour publier son oeuvre : outre la volonté d'anonymat, j'y vois un véritable défi lancé à une société où l'essentiel des pouvoirs appartient aux hommes. D'ailleurs, tout au long du roman, l'héroïne revendique son indépendance, ce qui en fait un personnage extrêmement moderne : elle ne veut pas être une assistée, elle revendique sa liberté et même son égalité avec Rochester.
Lorsque tu écris :

Citation :
C'est chez les soeurs Brontë une exaltation permanente de la passion dans ce qu'elle a de plus mortifère, de plus destructrice. C'est un message à la révolte, c'est certain. Mais contre les usages, les convenances, qui répriment la passion. Pas contre une société qui opprime les femmes.

je pense comme toi que Ch.B. s'insurge essentiellement contre les usages et les convenances qui répriment la passion, mais je ne désavoue pas son combat pour autant. Le fait que Ch.B. milite en quelque sorte pour l'expression du désir féminin contre les carcans d'une société puritaine et machiste me semble tout aussi valable que des revendications essentiellement d'ordre social qui seront forcément périmées un jour. L'émancipation n'est pas que politique.

Sur les points "de détail" maintenant :


margause a écrit:
Jane Eyre m'a toujours paru bien peu ouvert d'esprit en comparaison de l'oeuvre de Jane Austen. Entre le racisme de l'oeuvre (la femme de Rochester est folle parce qu'elle a du sang de "nègre" dans les veines) opposé à l'ouverture d'esprit de Jane Austen (opposé à l'esclavage, dans Sanditon une métisse est indiqué comme une fille de "bonne famille"). Entre l'expression "rich like a jew" à connotation antisémite utilisé par Jane Eyre comparé à l'usage de cette expression refourguée chez Thorpe, le personnage le plus stupide de JA.


La créole qu'est Bertha Mason mériterait qu'on lui consacre un sujet à part entière : c'est une question compliquée. Je crois qu'on ne peut pas reprocher à Ch.B. de n'avoir pas su dépasser les préjugés et les clichés entourant la folie et le métissage et qui sont ceux de la majorité des gens de son époque. Peut-être que JA avait moins de préjugés, mais Sanditon est une oeuvre inachevée : qui sait si cet esprit tolérant se serait maintenu tout au long du livre? D'ailleurs, Bertha Mason, au départ, est elle aussi considérée comme une fille de bonne famille, puisque Rochester l'épouse pour des questions d'argent.
Je crois aussi qu'il ne faut pas interpréter ce personnage de manière trop littérale : c'est une créature fantasmagorique ; les psychanalystes y ont vu une projection de l'animalité des désirs rejetés par Jane Eyre.
Sinon, je ne sais pas où se trouve l'expression "rich like a jew" dans Jane Eyre. Ma connaissance de l'oeuvre serait-elle prise en défaut, ou le passage a-t-il été coupé dans mon édition pour cause de non politiquement correct?


margause a écrit:
Ah oui, j'oubliais les "défauts français" corrigés par une éducation britannique chez la pupille de Rochester (qui est le seul personnage plein de vie du roman) opposé là aussi à l'ouverture d'esprit de JA.

Contrairement à toi, je trouve les autres personnages plus vivants qu'Adèle. Quant aux préjugés anti-français, ils m'amusent plus qu'autre chose...
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Popila
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MessageSujet: Re: Comparaison JA/ Charlotte Brontë   Comparaison JA/ Charlotte Brontë Icon_minitimeSam 29 Sep 2007 - 12:02

Margause, je pense tout comme toi que le sujet mérite une place à part ; j'en appelle donc aux modératrices vénérées : il faudrait, si possible, déplacer le message de Margause et le mien, qui se trouvent tous deux dans le topic lancé récemment par Mr Damien Tilney : Jane Austen : conservatrice ou subversive?

Edit : réfléxion faite, c'est peut-être dommage de supprimer ces deux messages du topic précédent. Margause, juste pour me faire plaisir, est-ce que tu pourrais supprimer au moins le mode citation qui entoure la reprise de tes citations et les miennes? C'est juste que je pense que ce serait plus agréable à lire.


Dernière édition par le Sam 29 Sep 2007 - 12:30, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Comparaison JA/ Charlotte Brontë   Comparaison JA/ Charlotte Brontë Icon_minitimeSam 29 Sep 2007 - 12:07

1ère remarque un peu HS sur la citation de Charlotte citée par Popila:

Citation :
Pourquoi aimez-vous tant Mlle Austen? Cela m'intrigue. Pourquoi avez-vous dit que vous eussiez préféré avoir écrit Orgueil et Préjugés ou Tom Jones plutôt que n'importe lequel de la série des Waverley? Je n'avais pas lu Orgueil et Préjugés jusqu'à ce que je lise cette opinion de vous, alors je me suis procurée le livre. Qu'y trouvais-je? Une reproduction minutieuse, le daguerréotype d'un visage sans charme ; un jardin soigneusement clôturé et trop bien cultivé, aux bordures nettes et aux fleurs délicates. Nulle part je n'ai aperçu de physionomie animée et joyeuse, de paysages grandioses, d'air pur, de collines bleutées ni de ruisseau chantonnant. Je n'aimerais pas vivre parmi tous ses messieurs et ses dames dans leurs demeures élégantes mais confinées. Ces observations vous irriteront sans doute, mais j'en cours le risque.

J'ai bien lu Jane Eyre, et j'ai vu nulle part les paysages grandioses et les ruisseaux chantonnant. Au contraire, l'évocation du printemps à Longwood parle davantage du réveil des germes qui tuent la moitié du pensionnat que de l'éveil de la Nature. lol!

Je crois que Charlotte est là de très mauvaise foi ou en contradiction avec elle même, ce qui n'est pas surprenant. Si j'étais moi même de mauvaise foi, je dirai qu'elle est jalouse.... Twisted Evil

Sur les contradictions entre le christianisme de Charlotte et son paganisme, nous sommes d'accord. Son christianisme très puritain est effectivement en contradiction permanente avec son appel à la passion.

Quant à savoir si la passion libère les femmes (et les hommes!) ou les opprime, je laisse la question aux philosophes... Question

Citation :
Et puis, ce n'est quand même pas un hasard si Ch.B. a choisi un pseudonyme masculin pour publier son oeuvre : outre la volonté d'anonymat, j'y vois un véritable défi lancé à une société où l'essentiel des pouvoirs appartient aux hommes. D'ailleurs, tout au long du roman, l'héroïne revendique son indépendance, ce qui en fait un personnage extrêmement moderne : elle ne veut pas être une assistée, elle revendique sa liberté et même son égalité avec Rochester.


Si Charlotte a pris un pseudonyme masculin pour être publié, j'y vois moins un messgae fort de l'auteur qu'une ruse pour être publié dans un monde très machiste.

Citation :
La créole qu'est Bertha Mason mériterait qu'on lui consacre un sujet à part entière : c'est une question compliquée. Je crois qu'on ne peut pas reprocher à Ch.B. de n'avoir pas su dépasser les préjugés et les clichés entourant la folie et le métissage et qui sont ceux de la majorité des gens de son époque. Peut-être que JA avait moins de préjugés, mais Sanditon est une oeuvre inachevée : qui sait si cet esprit tolérant se serait maintenu tout au long du livre? D'ailleurs, Bertha Mason, au départ, est elle aussi considérée comme une fille de bonne famille, puisque Rochester l'épouse pour des questions d'argent.

Je ne lui reproche pas ses préjugés racistes, qui m'ont amusé à vrai dire, je les constate. Et je constate également que lors de la seule évoquation d'une métisse dans l'oeuvre de JA, il n'y aucune marque de racisme. Le fait est même dit en passant, comme si c'était une information ordinaire. Maintenant, Sanditon est une oeuvre inachevée, et personne ne sait ce que JA voulait faire du personnage, nous sommes d'accord.

Citation :
Je crois aussi qu'il ne faut pas interpréter ce personnage de manière trop littérale : c'est une créature fantasmagorique ; les psychanalystes y ont vu une projection de l'animalité des désirs rejetés par Jane Eyre

Je constate que pour projeter le symbolisme de l'animalité de la femme, Charlotte a choisi une femme ayant du sang noir. Sûrement pour la symbolique de la peau noire associée à la noirceur de l'âme, et uniquement pour celà....

Citation :
Sinon, je ne sais pas où se trouve l'expression "rich like a jew" dans Jane Eyre. Ma connaissance de l'oeuvre serait-elle prise en défaut, ou le passage a-t-il été coupé dans mon édition pour cause de non politiquement correct?

J'ai lu l'expression "riche comme un juif" dans une version française. En anglais, celà donne ça:

Citation :
What do I want with half your estate? Do you think I am a Jew-usurer, seeking good investment in land? I would much rather have all your confidence. You will not exclude me from your confidence if you admit me to your heart?”

Les expressions ne sont sans doute pas identiques Comparaison JA/ Charlotte Brontë 50953 Embarassed , c'est sûr, mais l'antisémitisme latent demeure chez Charlotte.

L'expression "riche comme un juif" utilisé par John Thorpe dans Northanger Abbey à propose du "vieux Allen" suffit à la discréditer.

Citation :
Quant aux préjugés anti-français, ils m'amusent plus qu'autre chose...

Moi aussi, ces préjugés m'ont amusé. D'autant plus que Charlotte entend par ailleurs démontrer qu'elle maitrîse le français à la prefection. Là encore, une contradiction. Si les Français sont un peuple méprisable, pourquoi être fière de bien connaître leur langue? confused

Dans Jane Eyre, l'exaltation du cousin Saint John, présenté comme un saint, un martyr sans jamais une critique, alors qu'il me parait être un fou furieux, me laisse également perplexe.

Mais, mis bout à bout, le portrait qui se dégage de Charlotte Brontë ne fait pas honneur à son ouverture d'esprit. Pleine de préjugés, imbue de la supériorité de la race anglaise, bigotte, raciste...

C'est peut être pour ça qu'elle n'a pas aimé Orgueil et Préjugés. Parce qu'elle est orgueilleuse et pleine de préjugés... lol! (PS: je sens que les tomates vont pleuvoir... Comparaison JA/ Charlotte Brontë 677480 )
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Popila
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MessageSujet: Re: Comparaison JA/ Charlotte Brontë   Comparaison JA/ Charlotte Brontë Icon_minitimeSam 29 Sep 2007 - 23:46

Margause, ces propos sonnent comme une déclaration de guerre : me voilà, armée et casquée comme les chevaliers d'autrefois, pour secourir ma chère Charlotte Brontë. Je suis une rude jouteuse, alors... prends garde!

Pour commencer, je ne pense pas que ta 1ère remarque concernant ma citation soit hors-sujet... Au contraire : comme je l'ai expliqué plus haut, il me semble que la différence fondamentale entre ces deux auteurs réside dans la façon dont elles perçoivent la nature : nature au sens de ce qui s'oppose à la culture, mais aussi nature en tant que ce qui fait l'essence des êtres.
Je m'explique : sur le plan thématique, Jane Austen privilégie la nature "cultivée" et ne décrit jamais un univers purement naturel. Lorsque Lizzie se promène dans les bois, ce sont ceux du parc de Rosings, et même lorsqu'elle privilégie les espaces se trouvant de l'autre côté de la grille du domaine, elle reste à proximité d'une demeure habitée. L'importance que revêt aux yeux de l'héroïne l'adéquation entre le parc de Pemberley et la propriété qui s'y trouve est également très significative : pour résumer, lorsqu'il est question de nature chez Jane Austen, la culture n'est jamais bien loin.
Je crois que cette nature est à l'image de ses personnages : ceux-ci, en effet, ne laissent jamais s'exprimer complètement leur nature, mais s'efforcent de se montrer raisonnables en toute chose. La nature n'est acceptée que si elle forme un couple harmonieux avec la culture : en bref, si elle est sublimée.

Chez Charlotte Brontë en revanche, la nature est abordée de manière complètement opposée, puisque nature et culture sont vécus sur le mode de la contradiction. En effet, ce que la culture essaye d'imposer à la nature est vécu comme une contrainte, nécessaire pour mener une vie réglée, mais néanmoins une contrainte. En voici un épisode significatif : depuis l'enfance, Jane est par nature quelqu'un d'emporté. Cette tendance sera corrigée par l'exemple d'Helen Burns et de Miss Temple, mais en partie seulement, car le jour où la directrice de Lowood quitte l'univers de la jeune fille, son esprit se trouve libéré de tout ce qu'elle a reçu de son modèle :
Citation :
Je me retrouvais à présent livrée à mon élément naturel, et déjà replacée sous l'influence de mon émotivité première. J'avais plutôt l'impression d'avoir perdu un mobile d'action qu'un appui. Ce n'était pas la possibilité d'être calme qui me faisait défaut, je n'avais plus de raison d'être calme.


Je reviens à présent sur la représentation de la nature dans Jane Eyre :
margause a écrit:
J'ai bien lu Jane Eyre, et je n'ai vu nulle part les paysages grandioses et les ruisseaux chantonnants. Au contraire, l'évocation du printemps à Lowood parle davantage du réveil des germes qui tuent la moitié du pensionnat que de l'éveil de la Nature.

Premièrement, je ne suis pas sûre que Charlotte applique cette description de la nature uniquement à sa propre production littéraire : elle pense aussi probablement à d'autres oeuvres, à tonalité romantique.
Deuxièmement, je crois que tu es un tout petit peu de mauvaise foi lorsque tu prends pour exemple Lowood... car s'il s'avère que c'est effectivement un lieu malsain, ce n'est pas la seule description qui est faite de la nature dans le roman : il y a par exemple une très belle description d'un paysage d'hiver juste avant la rencontre avec Rochester.
Maintenant, la représentation que Charlotte Brontë fait de la nature est complexe, dans la mesure où les paysages qu'elle décrit sont souvent le reflet ou la projection des états d'âme des personnages. Complexité d'ailleurs redoublée par toute une symbolique des saisons, à laquelle se superpose une symbolique religieuse, le verger de Thornfield n'étant jamais qu'un autre jardin d'Eden. Même les lieux malsains du roman -qui ne semblent guère t'attirer, moi non plus d'ailleurs- signifient quelque chose. Jamais on ne les rencontrerait chez Jane Austen : pour le coup, ses jardins sont bien les lieux clôturés, cultivés et aux bordures nettes décrits par Charlotte Brontë.

Lorsque tu dis que Ch.B. est de mauvaise foi ou jalouse, je ne te suis pas : je crois au contraire qu'elle pense sincèrement ce qu'elle dit. Etant par tempérament profondément différente de Jane Austen , elle perçoit les différences qui l'opposent à elle, mais n'est pas capable de saisir ce qui fait son génie. Pour avoir lu la biographie de Ch.B par E.Gaskell, je crois pouvoir affirmer que celle-ci n'aurait pas forcément fait un bon critique littéraire ; mais ce qu'elle dit de JA, pour sévères que soient les termes utilisés, est exact : elle a le droit de ne pas aimer cet auteur, qu'elle juge probablement trop "mondain".

margause a écrit:
Sur les contradictions entre le christianisme de Charlotte et son paganisme, nous sommes d'accord. Son christianisme très puritain est effectivement en contradiction permanente avec son appel à la passion.
Quant à savoir si la passion libère les femmes (et les hommes!) ou les opprime, je laisse la question aux philosophes...

Effectivement, JE vit cette contradiction de l'intérieur. Après, je ne dirais pas qu'elle est puritaine, même si les principes auxquels elle obéit peuvent nous sembler aujourd'hui austères. Quant à la passion, celle que JE éprouve pour Rochester, elle est aliénante, au moins dans un premier temps. Mais je dissocierais la passion de l'expression du désir féminin, qui lui brise les carcans imposés par une société puritaine et machiste, car il me semble que ce n'est pas tout à fait la même chose.

margause a écrit:
Si Charlotte a pris un pseudonyme masculin pour être publié, j'y vois moins un message fort de l'auteur qu'une ruse pour être publiée dans un monde très machiste.
Une ruse? Ca me semble contraire au caractère de l'auteur. Une manière de se protéger de la curiosité éventuelle du public, certainement. Et un défi quand même : il y a des choses scandaleuses dans JE, qui ont choqué le public de l'époque.

margause a écrit:
Je ne lui reproche pas ses préjugés racistes, qui m'ont amusé à vrai dire, je les constate. Et je constate également que lors de la seule évoquation d'une métisse dans l'oeuvre de JA, il n'y aucune marque de racisme. Le fait est même dit en passant, comme si c'était une information ordinaire.
Je constate que pour projeter le symbolisme de l'animalité de la femme, Charlotte a choisi une femme ayant du sang noir. Sûrement pour la symbolique de la peau noire associée à la noirceur de l'âme, et uniquement pour celà....
Jane Austen n'a pas suffisamment évoqué de personnages métis pour être considérée comme une femme absolument libre de tout préjugés, elle qui au fond n'a jamais crée que des personnages appartenant aux classes dominantes : que fait-elle des valets, des servantes et des gens du peuple? Ils sont invisibles : en fait, ils ne l'intéressent pas le moins du monde.
Maintenant, je voudrais revenir sur une inexactitude : l'autre jour, j'avais un doute, mais depuis j'ai vérifié. Bertha Mason est une créole, ce qui signifie qu'elle est de race blanche : la seule chose qui la différencie d'un Anglais, c'est qu'elle est née aux Îles. Même si la description qu'en donne JE peut prêter à confusion, on sait que Bertha Mason a un peu le même genre que Blanche Ingram, dont le teint est mat, mais le nom évocateur...

margause a écrit:
J'ai lu l'expression "riche comme un juif" dans une version française. En anglais, cela donne ça:
Citation :
What do I want with half your estate? Do you think I am a Jew-usurer, seeking good investment in land? I would much rather have all your confidence. You will not exclude me from your confidence if you admit me to your heart?”
Les expressions ne sont sans doute pas identiques, c'est sûr, mais l'antisémitisme latent demeure chez Charlotte.
L'expression "riche comme un juif" utilisé par John Thorpe dans Northanger Abbey à propose du "vieux Allen" suffit à la discréditer.
A présent, je vois où se trouve ce fameux passage. Euh... en quoi est-ce antisémite? L'Eglise interdisait le prêt à interêt, et de ce fait, les usuriers étaient souvent juifs.
Sinon, l'expression utilisée par JohnThorpe chez JA nous choque, nous lecteurs contemporains, mais choquait-elle ceux de son époque?

Citation :
Moi aussi, ces préjugés anti-français m'ont amusé. D'autant plus que Charlotte entend par ailleurs démontrer qu'elle maitrîse le français à la perfection. Là encore, une contradiction. Si les Français sont un peuple méprisable, pourquoi être fière de bien connaître leur langue?

C'est effectivement ce en quoi réside la drôlerie de la chose :Ch.B. avait des raisons politiques et morales pour ne pas aimer la France : Napoléon et la réputation de frivolité de notre pays. Mais elle appréciait notre langue et lisait beaucoup de romans français.
Je crois qu'il ne faut pas trop mettre l'accent sur cet aspect anti-français. Il est clair que Ch.B. n'a pas une très bonne image de notre pays, mais je crois que ce qu'elle condamne surtout dans l'épisode Céline Varens, c'est le système de la "courtisanerie", qui avilit les hommes et les femmes qui s'y soumettent. Et Jane Eyre, lorsqu'elle apprend la vérité sur les origines d'Adèle, ne s'enfuit pas en courant comme Rochester s'y attendrait presque, mais s'efforce au contraire de témoigner davantage d'affection à cette enfant mal aimée.

margause a écrit:
Dans Jane Eyre, l'exaltation du cousin Saint John, présenté comme un saint, un martyr sans jamais une critique, alors qu'il me parait être un fou furieux, me laisse également perplexe.
Au contraire, il me semble que JE le condamne assez violemment, mais Saint John est un personnage complexe qui ne se réduit pas à l'antipathie qu'il peut inspirer. Ch.B. a voulu peindre un saint et montrer l'envers de la sainteté : la phrase n'est pas de moi mais résume bien le personnage.

Citation :
Mais, mis bout à bout, le portrait qui se dégage de Charlotte Brontë ne fait pas honneur à son ouverture d'esprit.
J'espère avoir au contraire démontré qu'il s'agissait d'un faux procès...
Au fond, je me moque un peu de savoir si elle était ouverte d'esprit ou pas, et si elle l'était davantage ou moins que JA : ce ne sont pas forcément les esprits progressistes qui font les grands écrivains.


Dernière édition par le Mar 9 Oct 2007 - 22:03, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Comparaison JA/ Charlotte Brontë   Comparaison JA/ Charlotte Brontë Icon_minitimeDim 30 Sep 2007 - 12:52

1)

La nature est ordonnée chez JA.Même le "wilderness" de Sotherton est un parc crée par l'homme pour donner une impression sauvage et pittoresque. Celà participe à la création d'une impresson diffuse d'ordre et d'harmonie, un "ordre naturel" sociétal qu'il convient de respecter.

Chez CB, la nature est sauvage, pleine de ronces, indomptée. Celà participe à créer un sentiment de d'insécurité, de violence diffuse qui baigne Jane eyre. Je n'y vois jamais la beauté de la nature.

Le Printemps n'est évoqué dans Jane Eyre qu'à travers les maladies qui se propagent. il faut bien admettre qu'il y a mieux pour célébre la nature Exclamation . Dans JA, on y parle du renouveau de la Nature et de la bauté de la floraison. Je la trouve donc de mauvaise foi quand elle parle de ruisseaux chantonnants qui manquent selon elle à JA alors qu'ils manquent surtout à ses oeuvres.

2) Sur la "jalousie" de CB, c'est moi qui suit de mauvaise foi. Cette Assertion réflète davantage mon sentiment sur la qualité respective des deux écrivains que les sentiments de CB. Elles sont aux antipodes l'une de l'autre. Ce n'est pas étonnant que CB juge l'oeuvre de JA insipide.

3)

Citation :
Jane Austen n'a pas suffisamment évoqué de personnages métis pour être considérée comme une femme absolument libre de tout préjugés, elle qui au fond n'a jamais crée que des personnages appartenant aux classes dominantes : que fait-elle des valets, des servantes et des gens du peuple? Ils sont invisibles : en fait, ils ne l'intéressent pas le moins du monde
.

Sur les valets et serviteurs dans JA, je te trouve injuste. Le roman ne se centre pas sur eux, mais ce ne sont pas des fantômes pour autant. Ils mènent leur propre vie, loin des "caméras". Ils ne sont pas décrits de manière négative et ils sont tout le temps présents en filigramme. Mrs Hill, Baddeley, James, Mrs Chapman, Christopher Jackson...

Elle ne se centre pas plus sur eux qu'elle ne se centre sur les paysans qui travaillent aux champs, sur ce qui se passe à la Cour du roi ou à Vera Cruz. lol! Par définition, on ne peut parler de tout dans un roman. C'est un parti pris élitiste, et alors? Ce n'est pas un préjugé élitiste.

Tandis que dans jane Eyre, les enfants de paysans de sa classe sont qualifiés de stupide... Si c'est ne pas un préjugé élitiste?

4)

Sur la "créolitude" de Mrs Rochester (pourquoi l'appeler par son nom de jeune fille ?), ma lecture de Jane Eyre remonte à trop longtemps. Peut être as tu raison. Peut être n'est-il pas écrit noir sur blanc qu'elle est métisse. en tout cas, j'en avais la plus ferme conviction. J'avais même eu l'impression que c'était l'origine de sa folie, ce mélange de sang "contre nature". Si ce n'est pas ça, pourquoi est-elle folle?

Ma critique n'est pas infondée pour autant. Les créoles (au sens de blancs colons) étaint réputés, particulièrement en Angleterre, pour tous avoir au moins un ancêtre esclave et méprisés pour celà. Rochester l'épouse pour son argent, pas pour la respectabilité de sa famille.

5)

Citation :
Je crois qu'il ne faut pas trop mettre l'accent sur cet aspect anti-français. Il est clair que Ch.B. n'a pas une très bonne image de notre pays, mais je crois que ce qu'elle condamne surtout dans l'épisode Céline Varens, c'est le système de la "courtisanerie", qui avilit les hommes et les femmes qui s'y soumettent. Et Jane Eyre, lorsqu'elle apprend la vérité sur les origines d'Adèle, ne s'enfuit pas en courant comme Rochester s'y attendrait presque, mais s'efforce au contraire de témoigner davantage d'affection à cette enfant mal aimée

Je maintiens pourtant ma position. Et je rajouterai que si elle condamne le système de la courtisanerie, c'est pour des raisons morales. Les hommes n'en sont pas vraiment avilis, Rochester reste Rochester. Céline Varens est une trainée, qui est prête à abandonner sa fille sans hésiter. Il n'y a pas de critique féministe de ce système, juste une lecture morale d'une conduite immorale. Tous peuvent noter le maintien du fameux "deux poids, deux mesures".

Et ensuite, sur l'attitude de de Jane Eyre anvers Adèle, je ferai remarquer 2 choses:

- d'un point de vue moral, l'enfant est innocente des péchés de sa mère.
- si elle rejette l'enfant, elle quitte Thornfield. Et avec lui, Rochester. Après tout, Jane Eyre est là parce qu'elle est la gouvernante de l'enfant.

Bref, ça ne prouve rien.
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MessageSujet: Re: Comparaison JA/ Charlotte Brontë   Comparaison JA/ Charlotte Brontë Icon_minitimeDim 30 Sep 2007 - 16:26

Margause, je suis d'accord avec ce que tu écris sur la nature chez Jane Austen : cela me semble très juste. En revanche, lorsque tu écris :
Citation :
Chez CB, la nature est sauvage, pleine de ronces, indomptée. Cela participe à créer un sentiment de d'insécurité, de violence diffuse qui baigne Jane Eyre. Je n'y vois jamais la beauté de la nature.
tu portes essentiellement un jugement de valeur.

Pour moi, la nature n'a pas forcément besoin de ressembler à un parc bien peigné pour être belle. Ceci dit, je ne dévalorise pas du tout la représentation de la nature que donne Jane Austen. Je pense que Ch.B. et JA sont toutes les deux sensibles aux beautés de la nature, mais pas de la même manière. Je crois que c'est l'aspect sauvage de la nature de Ch.B. qui te choque ; alors que moi, j'aime. Et puisque tu tiens à avoir une description positive du Printemps et de l'Eté dans Jane Eyre, je te renvoie aux deux scènes qui se déroulent dans le verger, après que la folle ait mordu Mason, puis lors de la demande en mariage. Et, entre les deux, à la scène qui se déroule à la barrière. Juste une remarque : la nature en Automne ou en Hiver, ça peut être bien aussi! Après, il est vrai que je ne vois pas dans le roman de ruisseau chantonnant ou de nature idyllique, mais je pense que dans la phrase précitée, elle pensait à d'autres oeuvres que la sienne, par exemple celle de George Sand, dont il est également question dans cette lettre. La critique de Ch.B. est certes sévère, mais vu son tempérament, elle ne pouvait qu'avoir l'impression d'étouffer dans l'univers dépeint par cette dernière.

margause a écrit:
Sur la "jalousie" de CB, c'est moi qui suis de mauvaise foi. Cette Assertion réflète davantage mon sentiment sur la qualité respective des deux écrivains que les sentiments de CB. Elles sont aux antipodes l'une de l'autre. Ce n'est pas étonnant que CB juge l'oeuvre de JA insipide.
Ah! Un aveu! Wink

Pour ma part, j'admire beaucoup ces deux auteurs, mais je n'établis pas d'échelle de valeur entre eux, pour la simple et bonne raison que leurs deux univers diffèrent totalement à mes yeux. Je tiens à préciser (mais je crois que c'était clair) que je ne cautionne pas la critique que Ch.B. fait de JA : je pense que certaines choses lui échappent, parce l'univers de JA lui est en bonne partie étranger. Elle lui reproche certaines choses (surtout parce qu'elle a été piquée par la réaction de son correspondant qui lui conseillait de prendre modèle sur JA, auteur qui privilégie la raison sur le sentiment, donc plus convenable et conforme que l'auteur de Jane Eyre), mais elle lui reconnaît du moins le fait d'être vraie, et s'engage à lire ses autres oeuvres pour se faire une idée plus précise de ce que vaut cet auteur.

margause a écrit:
Sur les valets et serviteurs dans JA, je te trouve injuste. Le roman ne se centre pas sur eux, mais ce ne sont pas des fantômes pour autant. Ils mènent leur propre vie, loin des "caméras". Ils ne sont pas décrits de manière négative et ils sont tout le temps présents en filigrane. Mrs Hill, Baddeley, James, Mrs Chapman, Christopher Jackson... Elle ne se centre pas plus sur eux qu'elle ne se centre sur les paysans qui travaillent aux champs, sur ce qui se passe à la Cour du roi ou à Vera Cruz. Par définition, on ne peut parler de tout dans un roman. C'est un parti pris élitiste, et alors? Ce n'est pas un préjugé élitiste.
Eh bien tu vois, je n'en suis pas si sûre...

margause a écrit:
Tandis que dans Jane Eyre, les enfants de paysans de sa classe sont qualifiés de stupides... Si c'est ne pas un préjugé élitiste?
Les choses ne sont pas dites comme ça : il y a juste une distinction qui est faite entre donner des cours à une fille de riche famille et enseigner à des enfants d'origine modeste. Les attentes ne sont évidemment pas identiques d'un côté et de l'autre. Et Jane Eyre s'adapte assez vite ; elle devient même populaire au sein de l'école et dans le village. D'ailleurs, ne rêvait-elle pas d'ouvrir une école une fois qu'elle aurait eu suffisamment d'argent? (voir conversation avec la fausse bohémienne)

margause a écrit:
Sur la "créolitude" de Mrs Rochester (pourquoi l'appeler par son nom de jeune fille ?), ma lecture de Jane Eyre remonte à trop longtemps. Peut être as tu raison. Peut être n'est-il pas écrit noir sur blanc qu'elle est métisse. En tout cas, j'en avais la plus ferme conviction. J'avais même eu l'impression que c'était l'origine de sa folie, ce mélange de sang "contre nature". Si ce n'est pas ça, pourquoi est-elle folle?
Eh bien, je l'appelle Bertha Mason parce que Rochester l'appelle ainsi, sans doute parce qu'il souhaite le moins possible qu'on lui rappelle le lien qui l'unit malgré lui à cette femme... Malgré ses défauts, j'aime bien Rochester, donc je revendique le droit de faire pencher la balance en sa faveur en désignant Bertha par son nom de jeune fille. Comparaison JA/ Charlotte Brontë 820783

Sinon, sur le fond, je maintiens : Bertha Mason n'est pas métisse. L'origine de sa folie est, je crois héréditaire : les Créoles avaient la réputation de souvent se marier entre personnes appartenant à la même famille, ce qui fait qu'ils présentaient souvent des cas d'idiotisme ou de folie. De toute façon, Rochester explique bien que ce n'est pas parce que sa femme est folle qu'il la hait, mais à cause de ses vices. Mais encore une fois, il s'agit d'une créature fantasmagorique : je doute qu'on rencontre ce genre de créature dans la réalité (en tout cas j'espère pas): je crois qu'elle trouve son origine dans les romans gothiques qui étaient à la mode à cette époque ; Bertha Mason est d'ailleurs explicitement associée à un vampire.
Ceci dit, il est vrai que cette création de Ch.B. a choqué dès la parution de l'ouvrage, mais pour des raisons un peu différentes : voir la rubrique consacrée aux Brontë, le topic consacré à La Prisonnière des Sargasses qui raconte l'histoire de Jane Eyre du point de vue de Bertha Mason. Je n'ai jamais lu l'ouvrage, mais je suis sûre qu'il est intéressant.

margause a écrit:
Ma critique n'est pas infondée pour autant. Les créoles (au sens de blancs colons) étaint réputés, particulièrement en Angleterre, pour tous avoir au moins un ancêtre esclave et méprisés pour cela. Rochester l'épouse pour son argent, pas pour la respectabilité de sa famille.
Non, pas d'ancêtre esclave à mon avis. Bertha Mason appartient à une famille tout ce qu'il y a de plus blanc (ce qu'il ne faut pas écrire, quand même!). Ce n'est pas une victime : sa famille s'est enrichie en exploitant la main d'oeuvre locale. Ce sont des colons qui vivent du commerce de la canne à sucre, si mes souvenirs sont bons. Quant au marché conclu entre les deux familles lors du mariage de Rochester et Bertha, il est équilibré, si j'ose dire : si Rochester acquiert une quantité d'argent non négligeable, Bertha, elle, y gagne un titre. C'est la seule chose qui intéresse sa famille dans l'opération.

margause a écrit:

Je maintiens pourtant ma position (sur l'aspect anti-français de Jane Eyre). Et je rajouterai que si elle condamne le système de la courtisanerie, c'est pour des raisons morales. Les hommes n'en sont pas vraiment avilis, Rochester reste Rochester. Céline Varens est une trainée, qui est prête à abandonner sa fille sans hésiter. Il n'y a pas de critique féministe de ce système, juste une lecture morale d'une conduite immorale. Tous peuvent noter le maintien du fameux "deux poids, deux mesures".
Tout à fait d'accord sur le fait que la condamnation est d'ordre essentiellement moral. Cependant, si Céline Varens se comporte en mère dénaturée, c'est qu'elle n'a reçu aucune éducation : c'est une circonstance atténuante, même si ça ne l'excuse pas. Quant à Rochester, il n'est en rien dissocié de la réprobation avec laquelle l'héroïne juge toute cette affaire : jamais Jane Eyre n'absout Rochester de ses fautes, et ce même au sommet de la passion amoureuse.
Dans l'épisode dont nous parlons, elle n'est pas encore vraiment amoureuse, et elle n'y va pas par quatre chemins, puisqu'elle déclare : "Adèle n'est pas responsable des fautes de sa mère ni des vôtres". Il n'y a donc pas deux poids, deux mesures.
Cette question de la "courtisanerie", même si elle n'en a pas l'air, est en fait essentielle : elle sera reprise lorsque Rochester, après le mariage avorté, retracera à Jane son parcours sentimental chaotique. Je pense que le fait que la condamnation soit essentiellement morale n'empêche pas la visée féministe du propos : Rochester a voulu faire de Jane une créature semblable à celles qu'il a tant méprisées par la suite (voir la période de fiançailles au cours de laquelle Jane Eyre a l'impression d'être traitée comme la favorite d'un harem et pas comme une future épouse légitime). Il en sera sévèrement châtié.
En faisant du mariage un sacrement exigeant et élevé, Jane Eyre réclame le respect qu'elle estime lui être dû en tant que femme et en tant que personne. Elle dit d'ailleurs n'être pas sûre que les principes religieux sur lesquels elles s'appuie pour justifier sa fuite soient valables -pour Rochester, ils ne le sont pas, du moins à ce moment là.
Ce n'est donc pas seulement la religion qui motive le fuite de Jane Eyre, c'est le désir de rester intègre à soi-même. Plutôt être indépendante et malheureuse que vivre en créature tombée, comme Céline Varens.
Mais c'est un vaste problème...
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MessageSujet: Re: Comparaison JA/ Charlotte Brontë   Comparaison JA/ Charlotte Brontë Icon_minitimeDim 30 Sep 2007 - 21:04

Je maintiens mon propos, mais je réalise combien l'analyse de l'oeuvre dépend du plaisir qu'on a pris à le lire. Nous ne pourrons jamais tomber d'accord.

Des mêmes mots, nos interprétations sont différentes.

J'ai dévoré Jane Eyre, et l'ai detesté a posteriori. J'ai particulièrement detesté ce climat de violence latente qui baigne l'oeuvre, que j'ai trouvé malsain.

Je maintiens cependant que de manière générale, l'évoquation d'une nature ordonnée crée un sentiment de sécurité et l'évoquation d'une nature sauvage crée un sentiment de danger. Ce n'est pas mon interprétation, c'est une vérité générale.

Sinon, j'avais oublié l'usurier juif.


Popila a écrit:

Margause a écrit:
J'ai lu l'expression "riche comme un juif" dans une version française. En anglais, cela donne ça:
Citation :
What do I want with half your estate? Do you think I am a Jew-usurer, seeking good investment in land? I would much rather have all your confidence. You will not exclude me from your confidence if you admit me to your heart?”
Les expressions ne sont sans doute pas identiques, c'est sûr, mais l'antisémitisme latent demeure chez Charlotte.
L'expression "riche comme un juif" utilisé par John Thorpe dans Northanger Abbey à propose du "vieux Allen" suffit à la discréditer.

A présent, je vois où se trouve ce fameux passage. Euh... en quoi est-ce antisémite? L'Eglise interdisait le prêt à interêt, et de ce fait, les usuriers étaient souvent juifs.
Sinon, l'expression utilisée par JohnThorpe chez JA nous choque, nous lecteurs contemporains, mais choquait-elle ceux de son époque?

L'Eglise interdisait le prêt avec intérêt au Moyen Age. Nous sommes en pleine ère industrielle. Celà fait bien longtemps que les chrétiens pratiquent le prêt avec intérêt.

Donc, parler d'usurier est forcément négatif, si elle voulait être neutre, elle aurait dit banquier. Un usurier, c'est quelqu'un qui s'enrichit en ruinant les autres.

Associer le mot usurier au mot juif n'est pas un choix neutre. C'est réduire les juifs à leur avarice. C'est une expression à connotation antisémite.
Si elle avait voulu être neutre, elle aurait écrit sa phrase comme ça:

Que ferais je avec la moitié de vos terres? Pensez vous que je sois mû par l'appât du gain?(ou que je sois avare?...).

Pour John Thorpe, à sa phrase sur le vieux Allen qui est riche comme un juif, Catherine ne comprend pas sa phrase. Il doit répéter et parler de l'homme chez qui elle habite. Catherine comprend et dit "Ah Mr Allen! Je le crois fort riche."

C'est selon moi le signe que l'expression est jugée vulgaire par JA. Pas odieuse, mais les gens qui veulent avoir de la distinction ne la prononce pas. De toute manière, tout ce qui sort de la bouche de Thorpe est stupide. On peut chercher, il ne dit rien d'intelligent....
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MessageSujet: Re: Comparaison JA/ Charlotte Brontë   Comparaison JA/ Charlotte Brontë Icon_minitimeDim 30 Sep 2007 - 22:06

Je dois dire que c'est un débat bien passionné entre vous deux. J'ai tout lu ! Mais je serais bien incapable de participer avec autant de passion et de précision. J'aime beaucoup Jane Austen et je l'ai étudiée (je continue encore à faire des recherches). J'ai aimé Jane Eyre avant de rentrer au lycée. Je ne l'ai jamais relu depuis.

J'ai juste deux petites interventions :
- John Thorpe n'est pas qu'antisémite. Il fait également une remarque contre les Français. Il se moque de Frances Burney parce qu'elle s'est mariée avec un Français. Quand on sait que Jane Austen aimait beaucoup cette romancière on comprend sans difficulté qu'elle cherche à ridiculiser ce personnage.
- Popila, tu as déjà reproché (je ne sais pas si c'est vraiment un reproche) à Jane Austen de ne parler que des classes aisées. Je crois que tu juges un peu sévèrement ce point. Connais-tu un romancier qui mette en avant les paysans, les ouvriers, les domestiques dans ses livres à l'époque où écrit Jane Austen ? En France il faut attendre Zola et George Sand pour que la condition des gens du peuple soit le sujet d'un roman. Ils ne sont pas pour autant absents avant ces deux auteurs. Cela dit leur vie et leur condition ne sont pas véritablement évoquées avant. Ils ne sont jamais non plus les personnages principaux de l'intrigue. C'est donc peut-être un faux procès de dire que Jane Austen n'évoque jamais les gens du peuple. Je ne suis absolument pas catégorique quand je dis ça. C'est une interrogation.
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MessageSujet: Re: Comparaison JA/ Charlotte Brontë   Comparaison JA/ Charlotte Brontë Icon_minitimeDim 30 Sep 2007 - 23:45

C'est un débat très intéressant ! Je dois avouer que j'aurais plutôt tendance à me ranger du côté de Popila. Very Happy Margause, je te trouve un peu dur avec Ch. B.


Je pense qu'il faudrait remettre Jane Austen et Charlotte Brönte à leur époque.

Comme l'a dit Damien, à l'époque de JA peu ou pas de romanciers mettaient en scène des gens inférieurs à leur condition. JA n'est donc pas plus élitiste que ses contemporain.

En ce qui concerne Jane Eyre, la France n'a pas toujours été bien vu par les Anglais (et vice versa), si Ch. B. n'est pas l'ouverture d'esprit personnifié je trouve un peu dur de la qualifié de raciste parce qu'elle n'apprécie pas les français. On peut ne pas apprécié les modes de vie d'un pays et avoir quelque préjugés sans être forcément raciste.
De même l'expression "être riche comme un juif" ne m'a pas choqué. Je l'avais déjà vu dans d'autres oeuvres classiques françaises ou anglaises. A l'époque les juifs avaient sans doute une mauvaise réputation, mais va-t-on considérer comme antisémite tous les auteurs qui ont utilisé cette expression ou mis en scène des juifs usuriers ? Je ne les approuve pas, mais il faut remettre les choses dans leur contexte. Ce qui peut nous choquer aujourd'hui était vu différemment à l'époque de Ch. B.


En ce qui concerne Bertha Mason, je ne me rappelle pas si elle était métisse ou non, mais je suis pratiquement certaine que Ch. B. ne donne pas comme cause de sa folie, la couleur de sa peau, mais les mariages consanguins.
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MessageSujet: Re: Comparaison JA/ Charlotte Brontë   Comparaison JA/ Charlotte Brontë Icon_minitimeLun 1 Oct 2007 - 22:12

@margause : Concernant l'expression utilisée par Jane Eyre (Me prenez-vous pour un usurier juif qui chercherait à faire un bon placement dans des terres?), je souscris à l'interprétation de Miss Smith : l'expression n'est sans doute pas très heureuse, mais je n'y vois pas la marque d'un antisémitisme particulièrement marqué.
En outre, je ne crois pas que l'on puisse mettre sur le même plan la remarque de Thorpe et la phrase prononcée par Jane Eyre : Thorpe, chez Jane Austen, emploie, comme tu l'as dit, une expression vulgaire que Catherine Morland, dans sa naïveté, ne comprend pas ; Jane Eyre, quant à elle, (à ce qu'il me semble, du moins) emploie une expression courante qui ne choque pas ses contemporains : la figure du juif usurier avait été popularisée par la pièce de Shakespeare, Shylock (j'ai fait des recherches). Evidemment, l'expression aujourd'hui nous heurte un peu.
Si encore Ch.B. avait dépeint un personnage juif de manière caricaturale et outrée, je ne dis pas, mais ce n'est pas le cas. Bon, et maintenant j'espère que la question est réglée. Very Happy

En revanche, je suis étonnée que tu dises avoir dévoré le livre et détesté a posteriori : je trouve ça bizarre. Je ne te reproche pas de ne pas aimer le livre : c'est ton droit, et je crois en deviner les raisons. Mais je trouve curieux que tu aies détesté à retardement, en quelque sorte, et non pas immédiatement.
Pour ma part, c'est un de mes livres de chevet : je l'ai découvert très tôt et je le relis chaque année, au moins partiellement, un peu comme on fait un pélerinage. Je ne me lasse pas de ce livre, car chaque relecture que j'ai faite était différente des précédentes, en ce sens qu'à chaque fois j'avais un regard neuf : parce qu'en l'espace d'un an j'avais moi-même mûri, j'étais plus à même de saisir ou d'envisager des aspects nouveaux du livre.

Ma découverte de Jane Austen est très récente ; je n'ai donc pas le même rapport à ses livres, que j'aime pourtant beaucoup.

J'espère que je ne suis pas en train de passer pour une folle en déclarant ma flamme pour l'ouvrage de Charlotte Brontë, surtout qu'apparemment, pour Margause, il y a deux catégories de livres : les livres "sains" et les livres "malsains" : j'espère qu'aimer Jane Eyre de Charlotte Brontë ne fait pas de moi, par contagion, quelqu'un de malsain, (et donc d'infréquentable)? Wink

En fait, (comme en plus je vois que Mr Damien Tilney l'a également lu, même si ça fait longtemps) ça m'intéresse beaucoup d'avoir un, voire plusieurs avis masculins sur ce livre lu majoritairement par des femmes, autant que je sache. Comme j'ai toujours un peu peur qu'il paraisse désuet aux gens, ta réaction, Margause, même si elle est plutôt négative, et le fait que certains aspects du roman te choquent, me prouvent que le roman n'a rien perdu de sa force dérangeante. Mais je n'irai quand même pas jusqu'à t'accuser de faire preuve du même puritanisme que les lecteurs de l'époque de la parution du livre : ce ne serait pas très loyal!
Pour ma part, quand je lis Jane Eyre, je me sens en totale empathie avec l'héroïne, mais je conçois qu'un homme puisse réagir différemment.

@Mr Damien Tilney (oui,je suis très cérémonieuse, ce soir!) : j'ai beau chercher, je ne vois effectivement pas de romanciers qui mettent en avant "les basses classes" à l'époque de Jane Austen. Je pensais à Dickens, plus Hugo en France, mais c'est plus tardif. Je ne fais pas de reproches à JA ; à l'époque où elle écrit, les valets, les ouvriers et les paysans n'ont pas encore véritablement fait irruption dans la littérature : ce sont de simples figurants.

@Miss Smith : merci de ton soutien : la partie fut rude, mais Margause s'est bien défendu. Je lui tire mon chapeau : Comparaison JA/ Charlotte Brontë 128427


Dernière édition par Popila le Mar 23 Déc 2008 - 18:46, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Comparaison JA/ Charlotte Brontë   Comparaison JA/ Charlotte Brontë Icon_minitimeLun 1 Oct 2007 - 23:00

@ Mr Damien, Tilney: effectivement, Thorpe se montre aussi xénophobe vis à vis du Géneral d'Arblay, le mari de Fanny Burney. Je n'en ai pas parlé pour ne pas le couler, le pauvre...On ne tire pas sur une ambulance! lol!

@ Miss Smith: je n'ai pas parlé de racisme pour le traitement des français et de leurs défauts, mais pour le climat raciste qui entoure la 1ère Mrs Rochester. Il paraît que j'ai tort... confused confused
Pour le traitement des Français, on peut parler de nationalisme ou de xénophobie, mais pas de racisme.

@ Popila: je te rassure, je ne trace pas de ligne blanche entre les oeuvres saines (à mettre dans de blanches mains) et les oeuvres malsaines (à mettre sur un autodafé). J'ai juste lu un livre que j'ai regretté d'avoir lu, tant il me semblait l'éloge d'une passion mortifère envers un homme à moitié fou et désagréable qui séquestre sa femme, baignant dans un climat de violence et de mort, écrite par une romancière pleine de contradictions et incapable de s'assumer. C'est une critique personnelle, mais je l'ai puissament ressenti comme ça.

Les incohérences du récit, les invraisemblances, les situations outrées et les sentiments outrées...Bref, ce récit est plein de grosses ficelles. J'ai été d'abord fasciné par les malheurs d'une pauvre orpheline, et j'ai commencé à décrocher quand son amie la sainte meurt de la tuberculose. Si tu veux continuer cette conversation, je pense qu'il faudra en parler sur le forum consacré aux soeurs Brontë.

Sinon, pour les détails:

Concernant l'usurier juif, j'ai toujours affirmé que celà relevait d'un antisémitisme latent. Je vois que nous sommes d'accord.

Citation :
Margause, même si elle est plutôt négative, et le fait que certains aspects du roman te choquent, me prouvent que le roman n'a rien perdu de sa force dérangeante. Mais je n'irai quand même pas jusqu'à t'accuser de faire preuve du même puritanisme que les lecteurs de l'époque de la parution du livre : ce ne serait pas très loyal!

Ce qui m'a choqué, ce n'est pas ce qui a choqué les critiques de l'époque. C'est l'amour fou pour de situations incohérentes. Northanger abbey, que j'aime beaucoup, même si c'est avant tout une parodie de Mrs Radcliff, peut aussi être lu comme une critique de Jane Eyre.

De toute évidence, CB et JA sont toutes les deux tributrices de Radcliff. L'une s'est construite contre elle et pas l'autre. Personnelement, je préfère JA et son réalisme. Son style nous fait avaler des histoires qui par un autre auteur (autrice?) paraïtrait invraisemblable.


Dernière édition par margause le Mer 17 Déc 2008 - 23:09, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Comparaison JA/ Charlotte Brontë   Comparaison JA/ Charlotte Brontë Icon_minitimeSam 6 Oct 2007 - 17:49

margause a écrit:
@ Miss Smith: je n'ai pas parlé de racisme pour le traitement des français et de leurs défauts, mais pour le climat raciste qui entoure la 1ère Mrs Rochester. Il paraît que j'ai tort... confused confused
Pour le traitement des Français, on peut parler de nationalisme ou de xénophobie, mais pas de racisme.
Au temps pour moi. J'ai mal compris. Mais je trouve que le terme de xénophobie est un peu fort, je parlerais plutôt de nationalisme et de préjugés. Mais on va pas se battre pour des mots. Very Happy


C'est intéressant de voir que les hommes n'aiment pas en général le personnage de Rochester (il me semble que Bexounet non plus ne l'avais pas apprécié). Alors que c'est le contraire pour la gent féminine de ce forum. Et personnellement je ne considère absolument pas Rochester comme un "homme à moitié fou". Mais il faudrait peut-être en reparlé ailleurs. D'ailleurs je suis étonné que personne ne sois venu prendre la défense de Rochester! Very Happy



margause a écrit:
Ce qui m'a choqué, ce n'est pas ce qui a choqué les critiques de l'époque. C'est l'amour fou pour de situations incohérentes. Northanger abbey, que j'aime beaucoup, même si c'est avant tout une parodie de Mrs Radcliff, peut aussi être lu comme une critique de Jane Eyre.
A proprement parlé Northanger Abbey ne peut pas être une critique de Jane Eyre (il a été écrit bien avant). Et je ne pense pas que Jane Eyre soit un roman gothique comme ceux de Mrs Radcliff. Le seul événement qui peut vraiment apparaître invraisemblable c'est quand Jane entend Rochester l'appeler à travers la lande.
Les autres événements ne sont pas plus invraisemblables que Lizzy rencontrant Darcy chez Lady Catherine de Bourgh ou Darcy revenant un jour plus tôt à Pemberley.


Il est clair que tu n'aimes pas Charlotte Brontë et Jane Eyre, et on ne peut pas te le reprocher. Personnellement j'aime aussi bien l'ironie de Jane Austen que l'esprit sombre et passionné de Ch. Brontë. Et il est clair que ces deux auteurs (on peut dire auteures mais pas autrices) ont un style totalement différent.
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MessageSujet: Re: Comparaison JA/ Charlotte Brontë   Comparaison JA/ Charlotte Brontë Icon_minitimeSam 6 Oct 2007 - 18:57

Miss Smith a écrit:
Je suis étonnée que personne ne soit venu prendre la défense de Rochester! Very Happy
Oui, moi aussi! Il n' y a donc que toi et moi, Miss Smith, à l'apprécier? Ce n'est pas possible, je ne peux y croire!
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MessageSujet: Re: Comparaison JA/ Charlotte Brontë   Comparaison JA/ Charlotte Brontë Icon_minitimeSam 6 Oct 2007 - 20:48

Citation :
Il n' y a donc que toi et moi, Miss Smith, à l'apprécier?
Bah non, Edward peut compter de nombreux soutiens sur ce forum, mais je crois que ce n'est pas vraiment l'endroit pour débattre sur ce personnage Wink

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MessageSujet: Re: Comparaison JA/ Charlotte Brontë   Comparaison JA/ Charlotte Brontë Icon_minitimeSam 6 Oct 2007 - 23:11

Tout juste, Mimidd, mais je m'attendais quand même à quelques réactions indignées (quoi de plus naturel?)

Je vais pourtant essayer de m'amender en rebondissant sur les dernières remarques faites par Margause :

Bizarrement, c'est seulement en lisant récemment quelque chose sur la surabondance des situations dramatiques dans Jane Eyre ("les grosses ficelles!") que je me suis dit : "Ah oui, tiens, c'est vrai!"
Ces "outrances" ne me gênent pas : d'abord parce que Ch.B. est tellement bonne conteuse qu'elle pourrait me faire avaler n'importe quoi, ensuite parce que je crois que tout cela a un sens dans l'économie de l'oeuvre. S'il y a invraisemblance, il n'y a pas incohérence.
Sinon, effectivement, Miss Smith a raison : pour des raisons chronologiques, Northanger Abbey ne peut pas être une critique de Jane Eyre. Il me semble, tout comme elle, que si Charlotte Brontë s'est effectivement construite à partir de romans dans le genre de ceux qu'écrivait Ann Radcliff, elle a su dépasser ce matériau pour écrire une oeuvre beaucoup plus riche et signifiante.
Les romans gothiques sont, je crois, les ancêtres de nos romans d'épouvante, mais lorsque Ch.B. intercale dans son roman des scènes manifestement inspirées de ce type de romans, elle ne cherche pas simplement à provoquer un sentiment de peur chez le lecteur : il y a souvent un sens symbolique à ces scènes, qu'il faut chercher du côté des contes et des mythes, parfois explicitement mentionnés, comme Barbe Bleue.

Quant au réalisme de Jane Austen, je crois que tes observations, Margause, rejoignent certaines remarques que Virginia Woolf faisait à propos de l'auteur d'Orgueil et Préjugés :
Citation :
Ce qu'elle propose semble dénué d'importance, pourtant cette chose insignifiante grandit dans l'esprit du lecteur et anime de façon durable des scènes apparemment banales.
Après avoir évoqué une scène qui se déroule dans l'escalier de Mansfield Park, elle écrit :
Citation :
Quoi de plus naturel, donc, pour Jane Austen, qui savait si bien en pénétrer la profondeur, d'avoir choisi d'écrire sur les banalités de la vie de tous les jours, sur des réceptions, des piques-niques et des bals provinciaux? [...] Aucune histoire romanesque n'était de taille à rivaliser avec la vie dans l'escalier d'une maison de campagne.

Selon Virginia Woolf, c'est d'ailleurs ce qui explique que ni le prince régent ni son bibliothécaire n'aient réussi à convaincre Jane Austen de modifier son style d'écriture.

Une des grandes différences entre Ch.B. et JA, c'est que l'une dit toujours "je", et l'autre jamais : Ch.B. et ses héroïnes sont souvent difficiles à dissocier, alors que Jane Austen reste toujours à distance de ses propres personnages ; la première est personnelle, l'autre impersonnelle.
Sans doute, les situations qu'elle décrit sont plus vraisemblables que celles qu'on trouve dans Jane Eyre, mais ne sont-elles pas aussi... plus plates? J'ai parfois l'impression que Jane Austen n'avait aucune imagination romanesque et que c'est ce qui plaît à Virginia Woolf :
Citation :
Elle ne parvenait pas à se plonger corps et âme dans un moment de passion romanesque. Elle avait toutes sortes de procédés pour éviter les scènes passionnées. Elle n'abordait la nature et ses beautés que de façon détournée, et cela lui est particulier.
La seule chose qui rapproche nos deux femmes de lettres du XIXème siècle, à mes yeux, c'est l'humour et le sens du dialogue, qui vont d'ailleurs de pair.
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MessageSujet: Re: Comparaison JA/ Charlotte Brontë   Comparaison JA/ Charlotte Brontë Icon_minitimeSam 6 Oct 2007 - 23:19

Citation :
Sinon, effectivement, Miss Smith a raison : pour des raisons chronologiques, Northanger Abbey ne peut pas être une critique de Jane Eyre

Effectivement, je n'ai pas prétendu le contraire. Les deux auteurs s'abreuvent à la même source, ont lu Ann Radcliffe. L'une se construit contre (JA) et pas l'autre (CB). Je maintiens qu'après avoir lu Northanger Abbey, on a du mal à rester sérieux quand on nous parle de l'épouse emprisonnée...

Citation :
Une des grandes différences entre Ch.B. et JA, c'est que l'une dit toujours "je", et l'autre jamais .

En citant Edmund Bertram, je dirai que le jamais de la conversation a ses dégrés:

Citation :
Let other pens dwell on guilt and misery. I quit such odious subjects as soon as I can, impatient to restore everybody, not greatly in fault themselves, to tolerable comfort, and to have done with all the rest.

C'est l'auteur qui parle, càd JA, dernier paragraphe de MP. Au contraire, dans Jane Eyre, le "je" est celui de l'héroine, pas de l'auteur...
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MessageSujet: Re: Comparaison JA/ Charlotte Brontë   Comparaison JA/ Charlotte Brontë Icon_minitimeSam 6 Oct 2007 - 23:20

@ Si les admirateurs de Charlotte Brontë ne s'indignent pas, les admirateurs des romans d'Ann Radcliffe en revanche vont le faire !!!
Les romans d'Ann Radcliffe ne sont pas à prendre au premier degré. Tout comme Charlotte Brontë (qui adorait les romans gothiques), la romancière donnait plusieurs niveaux de lecture à ses oeuvres. Faire peur n'est pas le seul but visé.
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MessageSujet: Re: Comparaison JA/ Charlotte Brontë   Comparaison JA/ Charlotte Brontë Icon_minitimeDim 7 Oct 2007 - 0:30

Eh bien, quelle réactivité, messieurs! Ai-je donc écrit un tissu d'âneries pour déclencher votre ire, ce soir, ou alors, est-ce le mondial de rugby qui vous met dans tous vos états?
@margause : effectivement, je n'avais pas pensé aux interventions d'auteur qui émaillent Northanger Abbey : merci de nuancer mes jugements parfois sommaires! Wink
@Mr Damien Tilney : quelle chaleur dans l'indignation! N'étant pas une spécialiste d'Ann Radcliff, pourrais-tu m'expliquer quels sont ces différents niveaux de lecture?
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MessageSujet: Re: Comparaison JA/ Charlotte Brontë   Comparaison JA/ Charlotte Brontë Icon_minitimeDim 7 Oct 2007 - 0:51

Comparaison JA/ Charlotte Brontë 128427 Je vous fais une petite courbette de Gentleman et vous prie de m'excuser chère Popila.

Je veux bien défendre Ann Radcliffe pour te montrer combien son oeuvre est complexe. Il me faut un tout petit peu de temps pour rassembler mes arguments.
- Tout d'abord Ann Radcliffe est une héritière des Lumières et de Rousseau en particulier. Les Mystères d'Udolphe est un roman d'apprentissage qui reprend les préceptes donnés dans l'Emile (de Rousseau) et l'applique au parcours d'une jeune fille.
- Sous l'influence des Lumières Ann Radcliffe condamne l'obscurantisme et la superstition. La romancière montre avec subtilité la manière dont les êtres humains sont amenés à être superstitieux. Elle ne se contente donc pas d'être moralisatrice. Elle montre à travers les aventures de son héroïnes que l'être humain ne peut s'empêcher d'être attiré par l'irrationnel.
- Il est d'ailleurs intéressant de noter qu'Ann Radcliffe ne décrit jamais des scènes d'horreur. C'est toujours l'héroïne qui s'imagine les scènes les plus affreuses (un peu comme Catherine). Ann Radcliffe n'analyse donc pas l'horreur mais la terreur (ce qui est plus subtile à mon sens). La terreur est du côté de l'appréhension. Une scène des Mystères est d'ailleurs remarquable à ce sujet. Un domestique, qui lit un conte provençal mettant en scène un fantôme, ne peut s'empêcher de trembler et de s'imaginer en danger dans la pièce où il se trouve. Cette scène de mise en abîme prouve la subtilité de la romancière.

Popila, j'espère t'avoir convaincu qu'Ann Radcliffe est tout aussi subtile que Jane Austen ou que Charlotte Brontë.
PS : Je ne regarde pas le rugby Very Happy .
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MessageSujet: Re: Comparaison JA/ Charlotte Brontë   Comparaison JA/ Charlotte Brontë Icon_minitimeDim 7 Oct 2007 - 1:28

Mr Damien Tilney a écrit:
Comparaison JA/ Charlotte Brontë 128427 Je vous fais une petite courbette de Gentleman et vous prie de m'excuser chère Popila.
J'aime mieux ça, cher Mr Tilney! Effectivement, l'oeuvre d'Ann Radcliffe est beaucoup plus complexe que je ne l'imaginais : mais pour pouvoir dire si elle est aussi subtile que Ch.B. ou JA, il faut que j'en lise! Est-ce difficile à dénicher?
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MessageSujet: Re: Comparaison JA/ Charlotte Brontë   Comparaison JA/ Charlotte Brontë Icon_minitimeDim 7 Oct 2007 - 1:34

@ Popila. Si tu veux lire Ann Radcliffe en anglais tu peux facilement trouver. En traduction c'est plus difficile. Le roman Les Mystères d'Udolphe est publié chez folio. Il y a un sujet sur Ann Radcliffe dans le forum.
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MessageSujet: Re: Comparaison JA/ Charlotte Brontë   Comparaison JA/ Charlotte Brontë Icon_minitimeMar 9 Oct 2007 - 22:44

@ Damien : merci pour tous ces renseignements ; j'aurais dû exprimer ma gratitude bien plus tôt mais apparemment je deviens mal élevée... j'en rougis de confusion Embarassed !
Je viens de parcourir le topic consacré à Ann Radcliffe, et conclusion : ça a l'air très intéressant, il faut vraiment que je lise ce livre!
Seul hic : la longueur... je ne peux pas me permettre de lire un pareil pavé en ce moment, et j'ai quelques scrupules à acheter une édition abrégée.
En tout cas, c'est intéressant de voir que nos deux romancières connaissent toutes les deux cet ouvrage, mais l'utilisent de manière complètement différente.
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MessageSujet: Re: Comparaison JA/ Charlotte Brontë   Comparaison JA/ Charlotte Brontë Icon_minitime

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