Edgar Allan Poe

La première partie, qui désigne pour moi tout le voyage de Pym et d'Auguste sur le Grampus, m'a beaucoup plu et vraiment surprise. J'aime beaucoup l'énergie des deux camarades au début, leur jeunesse, leur envie de voyager, quitte à défier leurs familles et à se mettre en danger de mort. On comprend dès le début que leur rêve de navigation va vite se retrouver face à quelques difficultés et confronté à la réalité... Mais je ne l'attendais pas si cruelle ! Je crois que j'oubliais qu'on est quand même chez Poe... Très vite, Pym (qui s'est embarqué clandestinement sur le bateau et qui attend d'être libéré de sa cachette par Auguste, une fois qu'ils seront en plein mer) se retrouve prisonnier dans la cale et sans nouvelles d'Auguste. Ce passage m'a captivée et impressionnée. Comme lui, sûrement, on s'attendait à vite en ressortir pour sentir le vent, rencontrer des marins et voir des paysages infinis. La vitesse à laquelle les choses tournent au vinaigre est assez étonnante. Tout ce passage dans cette cachette qui devient une prison (alors qu'elle était censée être suivie d'une libération pour Pym) est étouffant, c'est très dur de s'arrêter de lire tant on est avec Pym. Son sauvetage par Auguste est (littéralement) une petite bouffée d'air frais.. Mais, alors qu'on pensait que Poe avait déjà mis la barre très haut en termes d'horreur, les choses empirent encore pour nos personnages (on apprend que le bateau a en fait été victime d'une mutinerie et le climat est donc on ne peut plus tendu). Toute la suite, à savoir la reprise du bateau aux mutins par Pym et ses camarades, suivie de leur errance (plus de nourriture, plus d'eau, des blessures, les requins, etc., aka toutes les choses les plus angoissantes qu'on puisse attendre d'un roman d'aventures sur les mers) est assez terrifiante et continue de rendre la lecture très très captivante.

La deuxième partie, qui pour moi commence à partir du moment où Pym et Peters, seuls rescapés du Grampus, sont sauvés par la Jane Guy, a été assez déroutante pour moi. Autant j'aimais beaucoup suivre le point de vue de Pym dans la première partie, autant je m'en suis sentie assez éloignée ensuite. Sans entrer dans trop de « drame psychologique », j'ai été étonnée que la mort d'Auguste n'ait pas plus d'impact sur le personnage de Pym, tout comme son aventure tragique sur la Grampus, d'ailleurs. Lui et Peters se remettent très vite et on a la sensation de faire table rase de tout ce qui s'est passé dans la première partie du roman pour une nouvelle intrigue très différente. La Jane Guy part pour rejoindre le Pôle Sud et rencontre sur sa route une île peuplée d'autochtones. Si les relations sont d'abord assez cordiales (je trouve ça toujours intéressant, deux peuples qui se rencontrent pour la première fois... quand bien même les marins de la Jane Guy cherchent surtout à faire du commerce et que la question de ce qu'on peut tirer de ces autochtones en termes de richesses est tout le temps prioritaire), le peuple antarctique se révèle « évidemment » être cruel (j'avoue qu'avec un regard de lectrice du XXIème siècle, la manière dont il est décrit comme « une bande de sauvages ignorants » m'a fait levé les yeux au ciel, mais j'ai essayé de passer outre) et tue tout l'équipage, sauf Pym et Peters qui s'en sortent, encore une fois, mais qui rencontrent des difficultés pour fuir l'île et son peuple. Cette partie était intéressante et assez prenante, peut-être pas autant que la première, mais le fait que l'intrigue se passe si proche du Pôle Sud me l'a rendue assez singulière pour que je sois encore captivée. J'avoue cependant que la fin du roman, assez abrupte (mais le début l'annonce, à savoir que Arthur Gordon Pym est mort et que son récit s'arrête assez mystérieusement), m'a laissée un peu indifférente, car je n'avais à ce moment-là plus autant d'empathie pour Pym qu'au début.

Globalement, j'ai quand même beaucoup apprécié ce roman, malgré des maladresses et des incohérences, et quelques moments où j'ai décroché (notamment certains passages où le vocabulaire nautique m'échappait, malheureusement) et un peu une sensation d'inachevé. Il y a quelques passages impressionnants dont je pense me souvenir longtemps (l'enfermement dans la cale avec le chien qui commence à présenter des symptômes de rage, le bateau plein de cadavres que croise le Grampus, moment absolument terrifiant et image horrible) et je pense que c'est vraiment un livre à lire si l'on aime beaucoup les romans d'aventure.