Wesley Stace

Je ne pouvais pas ne pas ouvrir de topic sur cet auteur dont je viens de lire (que dis-je ! dévorer !!) les deux romans : Wesley Stace.

Plus connu sous le nom John Wesley Harding, il est d'abord et avant tout musicien. British of course, il est né à Hastings et a fait ses études à Cambridge. Sa carrière musicale marche très bien puisqu'il en est à son 14e album et qu'il a notamment joué avec Bruce Springsteen (rien que ça !)

Mais il a surpris là où on ne l'attendait pas lorsqu'il a publié son premier bébé dont la gestation a duré six ans : L'Infortunée est sorti en France en 2005. Je l'ai terminé il y a quelques jours et il a accompli le miracle de me faire dire que mes quatre heures de transports étaient finalement trop courtes tant je ne voulais pas le lâcher.

L'infortunée se déroule en Angleterre début XIXe (entre 1807 et 1826 pour être plus précise).
C'est l'histoire atypique de Rose Loveall, fille d'une des plus grosses fortunes d'Angleterre. Sa vie entière est parfaite jusqu'au jour où elle découvre... qu'elle est un garçon ! En réalité le père fantasque (se marier entre cousins finit par créer des dégâts irrépérables au bout de quelques générations...) ne voulait pas avoir d'enfant lui-même et a adopté cet enfant pour ne pas laisser l'héritage aux mains des rapaces que sont les autres branches de sa famille.
Rose a donc grandi persuadé qu'il était une fille et tout est bouleversé lorsqu'il découvre finalement la vérité.

Le récit est extraordinairement bien construit. Ecrit à la première personne, on suit vraiment l'évolution et les états d'âme de Rose du début à la fin de sa vie (à tel point que la première partie racontant les 16 années durant lesquelles il a cru qu'il était une fille est rédigée au féminin). Le moment où il est découvre qu'il est un garçon est véritablement poignant.

Au-delà de l'intrigue pure et simple centrée sur l'évolution de ce personnage, c'est tout un univers que crée Wesley Stace : le monde féérique rose bonbon que veut se créer le père de Rose, la mère qui ne sort jamais de sa bibliothèque, l'enfance de Rose avec ces hésitations et ces questionnements inconscients devant finalement aboutir à une prise de conscience douloureuse de son sexe, les personnages secondaires croqués à la Jane Austen en quelques traits incisifs...
Par ailleurs, Wesley Stace est habile à décrire les univers : Love Hall, la demeure de la famille, puis le voyage de Rose lorsqu'il fugue et enfin Londres. Le tout fait penser à Dickens (de nombreux critiques ont comparé ce roman à du Dickens, à raison je pense).

Le roman est très symbolique (décrypter les noms propres est très amusant), ce qui est d'autant plus riche et intéressant qu'il traite d'une foule de thèmes : l'androgynie, la métamorphose, la jalousie, l'amour, l'acceptation de soi, etc. On se sent vraiment concerné par le sort du personnage principal, on souffre avec lui, on tremble pour lui, on est heureux comme lui.

Enfin, cerise sur le gateau : les livres ont une place très importante dans ce roman. La mère adoptive de Rose ne vit que pour eux (elle était la bibliothécaire de Love Hall avant d'épouser Lord Loveall). C'est elle qui m'a le plus énervée car elle n'en sortait pas alors même que son fils endurait les pires tourments mais finalement ce sont les livres qui donneront les clés de l'énigme de la famille Loveall et permettront à Rose de retrouver son honneur et sa position.

Voilà, je ne peux que vous le conseiller, il est en passe de rester ma meilleure découverte littéraire de 2008.


L'autre roman de Wesley Stace qui vient de sortir s'appelle Les Garçons. Il a mis cette fois deux ans à l'écrire et me paraît un peu moins riche que l'autre. Cela dit c'est le premier des deux que j'ai lu.
Le titre original était By George : et de fait, c'est un récit à deux voix. Le premier George est celle d'une marionnette ayant appartenu à un ventriloque anglais au cours des années 30-40. Et ce ventriloque anglais est en fait le grand-père du second George, petit garçon qui fait l'apprentissage de la vie en pensionnat anglais.
La première traduction française du titre était L'homme sans voix, je ne sais pas pourquoi l'éditeur a changé, c'était plus judicieux je trouve. Plus judicieux car c'est justement l'histoire de deux hommes qui n'arrivent pas à s'affirmer et s'exprimer dans une famille dominée par les femmes. Tous deux auront recours à la marionnete pour se faire entendre et trouver finalement la liberté et la paix avec eux-mêmes. Comme dans L'infortunée, on retrouve donc le thème de l'acceptation et de l'affirmation de soi.

C'est un récit plus intimiste que le premier roman de Stace, on s'attache davantage aux personnages également (hormis Rose, la plupart des autres personnages de L'infortunée sont tous un peu originaux ce qui fait leur charme... Et puis le récit laisse la part tellement belle à Rose que tous les autres personnages sont un peu relégués au second plan). Avec Les Garçons c'est différent, le récit à la première personne de la marionnette alterne sans cesse avec celle à la 3e personne du petit garçon, jusqu'au moment où ce dernier retrouve justement la marionnette et prend la parole à la première personne. On est plongé au coeur de cette petite famille d'artistes qu'on apprécie très rapidement.

Désolée pour ce post un peu long, mais ces deux romans m'ont parus si bien que je ne pouvais pas les présenter brièvement. J'espère vraiment que je vous aurai donné envie de les découvrir (au moins L'infortunée qui vaut vraiment le détour )

Merci pour cette belle présentation Doddy J'ai acheté L'infortunée en VO il y a quelques temps, tu me redonnes envie de le lire. Et tu me rends encore plus jalouse de ton stage

Merci Doddy !

J'ai aussi acheté il y a un an Misfortune en vo. Je suis allé jusqu'à la page 100 et je me suis arrêté. Je ne sais pas du tout pourquoi. Le roman me plaisait énormément. Je n'avais peut-être pas le temps de lire en anglais ou le vocabulaire était trop difficile. Ta présentation m'a donnée envie de m'y remettre (même si je n'ai toujours pas le temps ).

Je vous le conseille vraiment, même s'il y a un léger essoufflement vers le milieu, cela reprend de plus belle dans les 100 dernières pages (même si je préfère vraiment la première partie).

Cela me ferait plaisir d'échanger sur cet auteur qui gagne à être connu. J'espère d'ailleurs qu'il a un troisième livre en préparation.

L'infortunée, est un livre captivant, complètement atypique, et je n'arrête pas de découvrir et redécouvrir les personnages. Le livre est très compliqué, et émouvant à l'extrême. Je n'arrête pas de pleurer parfois. Le premier contact avec le livre est terrible. J'ai même cru me retrouver dans le livre de Suskind "le parfum".. mais, après tout va bien. J'adore. Il me plait dans son originalité Lord Loveall A bientôt. je ne sais pas si je pourrais être aussi claire dans mon compte-rendu que Doddy elle écrit et décrypte tout tellement parfaitement....

Pour l'instant, je ne peux qu'encourager la lecture de ce livre envoûtant.

Doddy, comment fait-on, pour passer après toi, sans faire une explication "yaourt" ? :doddy:

En donnant tes impressions sans te poser de questions

En tout cas je suis contente que tu aies aimé. Je l'ai dévoré d'une traite, il fait très roman victorien et le thème, s'il n'est pas si original que ça, est extrêmement bien traité.

Ce qui m'impressionne dans ce roman c'est que les descriptions sont aussi réussies (à la fois les décors et les nombreux personnages) que l'analyse psychologique de Rose.

Projettes-tu de lire Les Garçons ?

Bonjour, Doddy. C'est vraiment difficile de passer après toi. Et à part dire, lisez le livre !!!!! mais je compte bien en dire un peu plus bientôt. C'est un très bon livre.

J'ai déjà une pile à lire très en retard je veux bien ajouter ce que tu suggères Les journées sont courtes et moi uniquement, seulement humaine

Je crois avoir le droit de poster deux à la suite, puisque nous sommes vendredi.

L'infortunée, au premier abord, m'a plongée dans le Londres victorien, sombre violent. Nous pénétrons immédiatement dans par l'intermédiaire d'un adolescent dans le quotidien sordide d'une avorteuse. Une jeune femme vient de mourir chez elle, elle confit un paquet à jeter à cet adolescent.... les ôdeurs, les couleurs, les sentiments violents, rien ne vous épargne. Mais, prise par la lecture, je continue, un peu écoeurée. Passe par là un jeune aristocrate Lord Loveall, qui apperçoit la scène, un chien tient le paquet, qui s'avère être un bébé dans sa gueule. Il le sauve.

Ouf, me direz-vous, oui, ouf. Ce jeune Lord, un tantinet dépressif, (vers ses dix ans, sa soeur Dolorès dont il était fou, est morte,) il ne s'en est jamais remis, voit comme un don de la providence ce bébé. Il remplacera sa soeur. Il l'adopte, il l'appellera Rose.....

Il faut une famille pour Rose, il épouse sa bibliothécaire afin que Rose ait une famille. Mariage de raison, mais à part aimer sa soeur à la folie, et Rose son substitut, c'est un grand blessé, étouffé par le château Love Hall, par sa mère, et ses ancêtres, assez délirants les ancêtres.
Rose passe une enfance, sans problème, merveilleuse et joyeuse, sauf que tout le monde au château est dans le secret, Rose est un garçon.

Là, je sais, depuis longtemps que c'est un garçon, alors Rose passe par toutes les affres de la misère morale. Elle si heureuse, qui vivait dans un monde si protégé, doit se battre dans un monde qui lui est hostile. Tout le livre est basé sur des interrogations obsédantes, sa curiosité, ses questions, les dialogues, pleins d'humour ou de nostalgie : Qu'est-ce que réellement la féminité, la masculinité et l'androgynie. Ou est notre propre personnalité. Qu'est-ce qui nous influence, notre milieu familial, notre éducation, notre recherche propre, notre révolte ?

On vibre avec Rose qui combat tous les fantômes imposés. Heureusement tout finira bien.

C'est un grand roman, plus de 450 pages, un pavé. Assez compliqué à lire parfois, mais, quel souffle ! L'éducation à Cambridge a produit un écrivain de premier ordre, qui est aussi un musicien hors-pair. Magnifique.

A la fin du livre, J'ai passé mon temps, à épier certaines réactions de mes fils puis, j'en ai ri..... mais bon les livres, une fois terminés, restent imprimés en nous pendant un certain temps. C'est magique. Ce livre est magique. Lisez le vous aussi.

Remontage de topic !

Je viens de lire L'infortunée, ce livre m'intriguait depuis un moment; déjà parce que je savais que son auteur était un musicien (et qu'il avait joué avec Bruce Sprinsteen ), ensuite par son sujet, mais aussi par sa couverture...


J'ai adoré. Il y a tellement de choses à dire sur ce roman que je ne sais pas par où commencer...

D'abord le thème est fascinant, ce garçon qui va être élévé comme si c'était une fille pour satisfaire la chimère d'un père fragile et un peu fou... Le fait que le début du roman (l'enfance, jusqu'à la révélation du sexe de Rose) soit raconté au féminin amène déjà une ambiguëté, presque un malaise pour le lecteur qui lui sait, comprend ce que Rose ne peut comprendre, et imagine déjà les dégâts pour l'équilibre de Rose d'une telle éducation... La question de l'identité, de l'éducation et ses conséquences, de l'androgynie (j'avais souvent des chansons de Bowie ou du Velvet Underground en tête pendant ma lecture), tout cela est passionnant et traité de manière très fine et subtile. Même par la suite, lorsque Rose découvre qu'il est un garçon, on comprend son trouble (le moment de la révélation est un véritable déchirement) et son envie de rester "féminin".

Spoiler:

Le rôle des personnages qui l'entourent est essentiel. Comment ne pas en vouloir à Lord Loveall et à sa femme par rapport à la façon dont ils élèvent Rose? Mais en même temps leurs intentions ne sont pas mauvaises et ils sont incapables de méchanceté... La famille autour d'eux est pleine de personnages hauts en couleurs, mais plutôt stupides, cupides et glauques pour la plupart !

Le récit est remarquablement bien construit, et l'intrigue finale m'a vraiment surprise, je ne m'attendais pas à cela !

Mais le plus étonnant c'est peut-être l'atmosphère, l'environnement unique et merveilleux qu'a créé Wesley Stace avec le château, Love Hall... On rêve de le visiter, c'est un véritable cocon pour la famille Loveall, du moins dans leurs bonnes périodes.^^

En fait tout ce qu'il y a à dire sur ce roman c'est peut-être qu'il est passionnant, que l'écriture est magnifique, le personnage de Rose bouleversant, l'univers envoûtant et l'ensemble fascinant...

C'est un véritable coup de coeur et je compte lire très vite l'autre roman de Wesley Stace.

Je note ce roman sur ma LLL, je n'y avais jamais preté attention avant, mais il donne très envie!

Je te le conseille vivement nathy's, c'est un livre souvent déroutant mais on a du mal à le lâcher !

Et voilà j'ai enfin lu le roman!! J'ai beaucoup aimé :-)

Je ne peux pas dire adoré car la partie du milieu avec la fugue m'a plutôt ennuyée, même si cet exil était nécessaire, ce n'était pas passionant

Par contre j'ai adoré la première partie jusqu'à la révélation, suivre Rose depuis sa naissance jusqu'à l'adolescence, la voir grandir et appréhender le moment où elle comprendra enfin, découvrir les Osbern j'ai franchement détesté Lord Loveall et Anonyma Wood quand même, c'est tellement cruel d'avoir fait ça, l'un pour apaiser son chagrin, l'autre par admiration aveugle pour une poète je veux bien qu'ils ne pensaient pas à mal, mais ils se sont voilés la face sans jamais penser au chamboulement que vivrait Rose.

Ensuite la troisième partie à Londres est de nouveau passionante et se lit d'une traite, surtout lorsque certains petits mystères commencent à émergés et être expliqués!!

Spoiler:

Petit détail négatif,

Spoiler:

J'ai aussi été très étonnée de découvrir que c'était un roman contemporain et non pas datant de l'Angleterre Victorienne en lisant la 4e de couverture

Merci d'avoir posté ton avis, Nathy's !

Je suis contente de lire que ce livre t'a plu, ç'avait été un gros coup de coeur pour moi, d'ailleurs il faut absolument que je lise Les garçons maintenant.
Je me rends compte que je me souviens assez peu des détails de l'intrigue mais par contre j'ai un souvenir très vif de l'atmosphère du roman et des descriptions de Love Hall.

nathy's a écrit:

Petit détail négatif,

Spoiler:

Spoiler:

C'est quand même un livre tout à fait singulier je trouve.