Une auberge pour les admirateurs de Jane Austen, et bien plus encore... |
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| Poèmes, poésie : partageons nos poèmes préférés... | |
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Auteur | Message |
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annehonym Subtil compliment
Nombre de messages : 166 Age : 42 Localisation : derrière un livre Date d'inscription : 13/11/2010
| Sujet: Re: Poèmes, poésie : partageons nos poèmes préférés... Mer 29 Déc 2010 - 10:32 | |
| Ah que ce topic est magnifique, bon Baudelaire est remarquablement cité et honoré je vous joins un bien triste poème mais non moins sublime de Musset:
Musset : Allégorie du Pélican
LA MUSE
Quel que soit le souci que ta jeunesse endure, Laisse-la s'élargir, cette sainte blessure Que les séraphins noirs t'ont faite au fond du cœur; Rien ne nous rend si grands qu'une grande douleur. Mais, pour en être atteint, ne crois pas, ô poète, Que ta voix ici-bas doive rester muette.
Les plus désespérés sont les chants les plus beaux, Et j'en sais d'immortels qui sont de purs sanglots. Lorsque le pélican, lassé d'un long voyage, Dans les brouillards du soir retourne à ses roseaux, Ses petits affamés courent sur le rivage En le voyant au loin s'abattre sur les eaux. Déjà, croyant saisir et partager leur proie, Ils courent à leur père avec des cris de joie En secouant leurs becs sur leurs goitres hideux. Lui, gagnant à pas lent une roche élevée, De son aile pendante abritant sa couvée, Pêcheur mélancolique, il regarde les cieux. Le sang coule à longs flots de sa poitrine ouverte; En vain il a des mers fouillé la profondeur; L'océan était vide et la plage déserte; Pour toute nourriture il apporte son cœur. Sombre et silencieux, étendu sur la pierre, Partageant à ses fils ses entrailles de père, Dans son amour sublime il berce sa douleur; Et, regardant couler sa sanglante mamelle, Sur son festin de mort il s'affaisse et chancelle, Ivre de volupté, de tendresse et d'horreur. Mais parfois, au milieu du divin sacrifice, Fatigué de mourir dans un trop long supplice, Il craint que ses enfants ne le laissent vivant; Alors il se soulève, ouvre son aile au vent, Et, se frappant le cœur avec un cri sauvage, Il pousse dans la nuit un si funèbre adieu, Que les oiseaux des mers désertent le rivage, Et que le voyageur attardé sur la plage, Sentant passer la mort se recommande à Dieu.
Poète, c'est ainsi que font les grands poètes. Ils laissent s'égayer ceux qui vivent un temps; Mais les festins humains qu'ils servent à leurs fêtes Ressemblent la plupart à ceux des pélicans. Quand ils parlent ainsi d'espérances trompées, De tristesse et d'oubli, d'amour et de malheur, Ce n'est pas un concert à dilater le cœur ; Leurs déclamations sont comme des épées : Elles tracent dans l'air un cercle éblouissant; Mais il y pend toujours quelques gouttes de sang.
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| | | Ysabelle Stardust Reveries
Nombre de messages : 36559 Localisation : Quelque part entre l'orient et l'occident Date d'inscription : 07/05/2010
| Sujet: Re: Poèmes, poésie : partageons nos poèmes préférés... Mer 29 Déc 2010 - 10:47 | |
| - annehonym a écrit:
- ..., bon Baudelaire est remarquablement cité et honoré je vous joins un bien triste poème mais non moins sublime de Musset:
Il est sublime ce poeme, je ne le connaissais pas. Il vrai que mes lectures de de Musset remontent à très loin! En parlant de Beaudelaire, il y en a un que j'affectionne particulièrement et s'il n'a pas été déjà posté, le voici: Elévation Au-dessus des étangs, au-dessus des vallées, Des montagnes, des bois, des nuages, des mers, Par delà le soleil, par delà les éthers, Par delà les confins des sphères étoilées, Mon esprit, tu te meus avec agilité, Et, comme un bon nageur qui se pâme dans l'onde, Tu sillonnes gaiement l'immensité profonde Avec une indicible et mâle volupté. Envole-toi bien loin de ces miasmes morbides; Va te purifier dans l'air supérieur, Et bois, comme une pure et divine liqueur, Le feu clair qui remplit les espaces limpides. Derrière les ennuis et les vastes chagrins Qui chargent de leur poids l'existence brumeuse, Heureux celui qui peut d'une aile vigoureuse S'élancer vers les champs lumineux et sereins; Celui dont les pensers, comme des alouettes, Vers les cieux le matin prennent un libre essor, - Qui plane sur la vie, et comprend sans effort Le langage des fleurs et des choses muettes! Charles Baudelaire |
| | | annehonym Subtil compliment
Nombre de messages : 166 Age : 42 Localisation : derrière un livre Date d'inscription : 13/11/2010
| Sujet: Re: Poèmes, poésie : partageons nos poèmes préférés... Mer 29 Déc 2010 - 10:55 | |
| Oui j'aime beaucoup. Je pense que l'on peut citer tout Baudelaire après tout!
LE MASQUE
Statue allégorique dans le goût de la Renaissance
A Ernest Christophe, statuaire
Contemplons ce trésor de grâces florentines; Dans l’ondulation de ce corps musculeux L’Élégance et la Force abondent, sœurs divines. Cette femme, morceau vraiment miraculeux, Divinement robuste, adorablement mince, Est faite pour trôner sur des lits somptueux, Et charmer les loisirs d’un pontife ou d’un prince.
- Aussi, vois ce souris fin et voluptueux Où la Fatuité promène son extase; Ce long regard sournois, langoureux et moqueur; Ce visage mignard, tout encadré de gaze, Dont chaque trait nous dit avec un air vainqueur : «La Volupté m’appelle et l’Amour me couronne!» A cet être doué de tant de majesté Vois quel charme excitant la gentillesse donne ! Approchons, et tournons autour de sa beauté.
O blasphème de l’art! ô surprise fatale ! La femme au corps divin, promettant le bonheur, Par le haut se termine en monstre bicéphale !
- Mais non! ce n’est qu’un masque, un décor suborneur, Ce visage éclairé d’une exquise grimace, Et, regarde, voici, crispée atrocement, La véritable tête, et la sincère face Renversée à l’abri de la face qui ment. Pauvre grande beauté ! le magnifique fleuve De tes pleurs aboutit dans mon cœur soucieux; Ton mensonge m’enivre, et mon âme s’abreuve Aux flots que la Douleur fait jaillir de tes yeux!
- Mais pourquoi pleure-t-elle ? Elle, beauté parfaite Qui mettrait à ses pieds le genre humain vaincu, Quel mal mystérieux ronge son flanc d’athlète ?
- Elle pleure, insensé, parce qu’elle a vécu ! Et parce qu’elle vit ! Mais ce qu’elle déplore Surtout, ce qui la fait frémir jusqu’aux genoux, C’est que demain, hélas! il faudra vivre encore ! Demain, après-demain et toujours ! – comme nous !
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| | | MD British countryside addict
Nombre de messages : 828 Age : 39 Date d'inscription : 28/01/2010
| Sujet: Re: Poèmes, poésie : partageons nos poèmes préférés... Jeu 30 Déc 2010 - 0:09 | |
| Alors si nous sommes dans Baudelaire, il y a aussi Une Charogne que j'aime bien. Bon certes, il y a plus gai et il est assez répugnant, mais l'opposition entre l'image de la charogne et l' "essence divine des amours décomposés" est plutôt formidable. Baudelaire est un monstre qui finalement aura séduit tout le monde ! - Citation :
- Une Charogne
Rappelez-vous l'objet que nous vîmes, mon âme, Ce beau matin d'été si doux: Au détour d'un sentier une charogne infâme Sur un lit semé de cailloux,
Les jambes en l'air, comme une femme lubrique, Brûlante et suant les poisons, Ouvrait d'une façon nonchalante et cynique Son ventre plein d'exhalaisons.
Le soleil rayonnait sur cette pourriture, Comme afin de la cuire à point, Et de rendre au centuple à la grande Nature Tout ce qu'ensemble elle avait joint;
Et le ciel regardait la carcasse superbe Comme une fleur s'épanouir. La puanteur était si forte, que sur l'herbe Vous crûtes vous évanouir.
Les mouches bourdonnaient sur ce ventre putride, D'où sortaient de noirs bataillons De larves, qui coulaient comme un épais liquide Le long de ces vivants haillons.
Tout cela descendait, montait comme une vague Ou s'élançait en pétillant On eût dit que le corps, enflé d'un souffle vague, Vivait en se multipliant.
Et ce monde rendait une étrange musique, Comme l'eau courante et le vent, Ou le grain qu'un vanneur d'un mouvement rythmique Agite et tourne dans son van.
Les formes s'effaçaient et n'étaient plus qu'un rêve, Une ébauche lente à venir Sur la toile oubliée, et que l'artiste achève Seulement par le souvenir.
Derrière les rochers une chienne inquiète Nous regardait d'un œil fâché, Epiant le moment de reprendre au squelette Le morceau qu'elle avait lâché.
- Et pourtant vous serez semblable à cette ordure, A cette horrible infection, Etoile de mes yeux, soleil de ma nature, Vous, mon ange et ma passion!
Oui! telle vous serez, ô la reine des grâces, Après les derniers sacrements, Quand vous irez, sous l'herbe et les floraisons grasses, Moisir parmi les ossements.
Alors, ô ma beauté! dites à la vermine Qui vous mangera de baisers, Que j'ai gardé la forme et l'essence divine De mes amours décomposés! |
| | | Cébès Manteau de Darcy
Nombre de messages : 62 Date d'inscription : 27/12/2010
| Sujet: . Ven 31 Déc 2010 - 12:29 | |
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Dernière édition par Cébès le Mer 21 Nov 2012 - 14:01, édité 1 fois |
| | | serendipity Aurora Borealis Chaser
Nombre de messages : 12420 Date d'inscription : 31/05/2007
| Sujet: Re: Poèmes, poésie : partageons nos poèmes préférés... Mar 15 Mar 2011 - 18:38 | |
| Je remonte ce topic avec quelques hésitations pour vous parler d'un article que j'ai lu ce week-end, qui propose une sélection des 10 meilleurs poèmes américains (hésitation, car je pense que cette info aurait pu mériter un topic à part ). Classement proposé par un professeur de poésie sur le site du Guardian. La lecture de cet article m'a permis de faire de belles découvertes (coup de coeur pour le poème 7). |
| | | Aislynn Ready for a strike!
Nombre de messages : 943 Age : 57 Localisation : En mer, sous les étoiles Date d'inscription : 06/12/2009
| Sujet: Re: Poèmes, poésie : partageons nos poèmes préférés... Jeu 17 Mar 2011 - 20:34 | |
| Magnifique topic ! J'ai pris grand plaisir à parcourir ces pages ; j'y ai trouvé des auteurs que j'aime (Victor Hugo, Leconte de Lisle pour ne citer qu'eux), relu des poèmes que j'avais un peu oublié et surtout, j'en ai découvert de nouveaux qui m'ont enchantée : "arrêtez les pendules", sonnet d'Avers, Les roses d'Ispahan,Les Marquises, Si..., Midi, Souvenir de la nuit du 4 (celui-là m'a beaucoup émue ), L'éternelle chanson (coup de coeur aussi), La rose et le réséda, Je suis comme je suis...... J'aimerais partager avec vous mes préférés aussi, mais il y en a beaucoup pour un seul post. Je vais commencer par Victor Hugo puisqu'on en parle, car il est l'auteur de mon poème favori entre tous, que je connais encore presque par coeur (il faut parfois que je réfléchisse un peu quant à l'ordre dans lequel viennent les strophes, mais bon). - Citation :
- Océano nox (Victor Hugo)
Oh ! combien de marins, combien de capitaines Qui sont partis joyeux pour des courses lointaines, Dans ce morne horizon se sont évanouis ! Combien ont disparu, dure et triste fortune ! Dans une mer sans fond, par une nuit sans lune, Sous l'aveugle océan à jamais enfouis !
Combien de patrons morts avec leurs équipages ! L'ouragan de leur vie a pris toutes les pages Et d'un souffle il a tout dispersé sur les flots ! Nul ne saura leur fin dans l'abîme plongée. Chaque vague en passant d'un butin s'est chargée ; L'une a saisi l'esquif, l'autre les matelots !
Nul ne sait votre sort, pauvres têtes perdues ! Vous roulez à travers les sombres étendues, Heurtant de vos fronts morts des écueils inconnus. Oh ! que de vieux parents, qui n'avaient plus qu'un rêve, Sont morts en attendant tous les jours sur la grève Ceux qui ne sont pas revenus ?
On s'entretient de vous parfois dans les veillées. Maint joyeux cercle, assis sur des ancres rouillées, Mêle encor quelque temps vos noms d'ombre couverts Aux rires, aux refrains, aux récits d'aventures, Aux baisers qu'on dérobe à vos belles futures, Tandis que vous dormez dans les goémons verts !
On demande : - Où sont-ils ? sont-ils rois dans quelque île ? Nous ont-ils délaissés pour un bord plus fertile ? - Puis votre souvenir même est enseveli. Le corps se perd dans l'eau, le nom dans la mémoire. Le temps, qui sur toute ombre en verse une plus noire, Sur le sombre océan jette le sombre oubli.
Bientôt des yeux de tous votre ombre est disparue. L'un n'a-t-il pas sa barque et l'autre sa charrue ? Seules, durant ces nuits où l'orage est vainqueur, Vos veuves aux fronts blancs, lasses de vous attendre, Parlent encor de vous en remuant la cendre De leur foyer et de leur coeur !
Et quand la tombe enfin a fermé leur paupière, Rien ne sait plus vos noms, pas même une humble pierre Dans l'étroit cimetière où l'écho nous répond, Pas même un saule vert qui s'effeuille à l'automne, Pas même la chanson naïve et monotone Que chante un mendiant à l'angle d'un vieux pont !
Où sont-ils, les marins sombrés dans les nuits noires ? O flots, que vous savez de lugubres histoires ! Flots profonds redoutés des mères à genoux ! Vous vous les racontez en montant les marées, Et c'est ce qui vous fait ces voix désespérées Que vous avez le soir quand vous venez vers nous! Hugo toujours (je fais une chaloupe avec mes poèmes préférés de cet auteur, on verra la suite après). Un poème que je trouve à la fois émouvant et terrible : - Citation :
- L’enfant
Les Turcs ont passé là. Tout est ruine et deuil. Chio, l'île des vins, n'est plus qu'un sombre écueil, Chio, qu'ombrageaient les charmilles, Chio, qui dans les flots reflétait ses grands bois, Ses coteaux, ses palais, et le soir quelquefois Un choeur dansant de jeunes filles.
Tout est désert. Mais non ; seul près des murs noircis, Un enfant aux yeux bleus, un enfant grec, assis, Courbait sa tête humiliée ; Il avait pour asile, il avait pour appui Une blanche aubépine, une fleur, comme lui Dans le grand ravage oubliée.
Ah ! pauvre enfant, pieds nus sur les rocs anguleux ! Hélas ! pour essuyer les pleurs de tes yeux bleus Comme le ciel et comme l'onde, Pour que dans leur azur, de larmes orageux, Passe le vif éclair de la joie et des jeux, Pour relever ta tète blonde,
Que veux-tu ? Bel enfant, que te faut-il donner Pour rattacher gaîment et gaîment ramener En boucles sur ta blanche épaule Ces cheveux, qui du fer n'ont pas subi l'affront, Et qui pleurent épars autour de ton beau front, Comme les feuilles sur le saule ?
Qui pourrait dissiper tes chagrins nébuleux ? Est-ce d'avoir ce lys, bleu comme tes yeux bleus, Qui d'Iran borde le puits sombre ? Ou le fruit du tuba, de cet arbre si grand, Qu'un cheval au galop met, toujours en courant, Cent ans à sortir de son ombre ?
Veux-tu, pour me sourire, un bel oiseau des bois, Qui chante avec un chant plus doux que le hautbois, Plus éclatant que les cymbales ? Que veux-tu ? fleur, beau fruit, ou l'oiseau merveilleux ? - Ami, dit l'enfant grec, dit l'enfant aux yeux bleus, Je veux de la poudre et des balles. Vient ensuite celui-ci, que j'aime pour l'atmosphère et qui s'en dégage. La retraite de Russie est célèbre pour avoir été un cauchemar de chaque instant, je trouve que ce poème le retrace parfaitement : - Citation :
- L’Expiation (les châtiments)
Il neigeait. On était vaincu par sa conquête. Pour la première fois l'aigle baissait la tête. Sombres jours ! l'empereur revenait lentement, Laissant derrière lui brûler Moscou fumant. Il neigeait. L'âpre hiver fondait en avalanche. Après la plaine blanche une autre plaine blanche. On ne connaissait plus les chefs ni le drapeau. Hier la grande armée, et maintenant troupeau. On ne distinguait plus les ailes ni le centre : Il neigeait. Les blessés s'abritaient dans le ventre Des chevaux morts ; au seuil des bivouacs désolés On voyait des clairons à leur poste gelés Restés debout, en selle et muets, blancs de givre, Collant leur bouche en pierre aux trompettes de cuivre. Boulets, mitraille, obus, mêlés aux flocons blancs, Pleuvaient ; les grenadiers, surpris d'être tremblants, Marchaient pensifs, la glace à leur moustache grise. Il neigeait, il neigeait toujours ! la froide bise Sifflait ; sur le verglas, dans des lieux inconnus, On n'avait pas de pain et l'on allait pieds nus. Ce n'étaient plus des cœurs vivants, des gens de guerre ; C'était un rêve errant dans la brume, un mystère, Une procession d'ombres sous le ciel noir. La solitude vaste, épouvantable à voir, Partout apparaissait, muette vengeresse. Le ciel faisait sans bruit avec la neige épaisse Pour cette immense armée un immense linceul. Et, chacun se sentant mourir, on était seul. - Sortira-t-on jamais de ce funeste empire ? Deux ennemis ! Le Czar, le Nord. Le Nord est pire. On jetait les canons pour brûler les affûts. Qui se couchait, mourait. Groupe morne et confus, Ils fuyaient ; le désert dévorait le cortège. On pouvait, à des plis qui soulevaient la neige, Voir que des régiments s'étaient endormis là. O Chutes d'Annibal ! Lendemains d'Attila ! Fuyards, blessés, mourants, caissons, brancards, civières, On s'écrasait aux ponts pour passer les rivières. On s'endormait dix mille, on se réveillait cent. Ney, que suivait naguère une armée, à présent S'évadait, disputant sa montre à trois cosaques. Toutes les nuits, qui vive ! alerte, assauts ! attaques ! Ces fantômes prenaient leur fusil, et sur eux Ils voyaient se ruer, effrayants, ténébreux, Avec des cris pareils aux voix des vautours chauves, D'horribles escadrons, tourbillons d'hommes fauves. Toute une armée ainsi dans la nuit se perdait. L'empereur était là, debout, qui regardait. Il était comme un arbre en proie à la cognée. Sur ce géant, grandeur jusqu'alors épargnée, Le malheur, bûcheron sinistre, était monté ; Et lui, chêne vivant, par la hache insulté, Tressaillant sous le spectre aux lugubres revanches, Il regardait tomber autour de lui ses branches. Chefs, soldats, tous mouraient. Chacun avait son tour. Tandis qu'environnant sa tente avec amour, Voyant son ombre aller et venir sur la toile, Ceux qui restaient, croyant toujours à son étoile, Accusaient le destin de lèse-majesté, Lui se sentit soudain dans l'âme épouvanté. Stupéfait du désastre et ne sachant que croire, L'empereur se tourna vers Dieu ; l'homme de gloire Trembla ; Napoléon comprit qu'il expiait Quelque chose peut-être, et, livide, inquiet, Devant ses légions sur la neige semées : « Est-ce le châtiment, dit-il. Dieu des armées ? » Alors il s'entendit appeler par son nom Et quelqu'un qui parlait dans l'ombre lui dit : Non.
Et enfin, celui-ci dont j'adore le rythme, surtout au début. J'aime beaucoup également la manière dont l'auteur rallonge peu à peu ses vers, puis les raccourcit à nouveau, afin de donner l'impression du bruit qui approche puis s'éloigne : - Citation :
- Les djinns - (les orientales )
Murs, ville, Et port, Asile De mort, Mer grise Où brise La brise, Tout dort.
Dans la plaine Naît un bruit. C'est l'haleine De la nuit. Elle brame Comme une âme Qu'une flamme Toujours suit.
La voix plus haute Semble un grelot. D’un nain qui saute C'est le galop. Il fuit, s'élance, Puis en cadence Sur un pied danse Au bout d'un flot.
La rumeur approche, L'écho la redit. C'est comme la cloche D'un couvent maudit, Comme un bruit de foule Qui tonne et qui roule, Et tantôt s'écroule, Et tantôt grandit.
Dieu ! la voix sépulcrale Des Djinns !... - Quel bruit ils font ! Fuyons sous la spirale De l'escalier profond ! Déjà s'éteint ma lampe, Et l'ombre de la rampe, Qui le long du mur rampe, Monte jusqu'au plafond.
C'est l'essaim des Djinns qui passe, Et tourbillonne en sifflant. Les ifs, que leur vol fracasse, Craquent comme un pin brûlant. Leur troupeau lourd et rapide, Volant dans l'espace vide, Semble un nuage livide Qui porte un éclair au flanc.
Ils sont tout près ! - Tenons fermée Cette salle où nous les narguons. Quel bruit dehors ! Hideuse armée De vampires et de dragons ! La poutre du toit descellée Ploie ainsi qu'une herbe mouillée, Et la vieille porte rouillée Tremble à déraciner ses gonds.
Cris de l'enfer ! voix qui hurle et qui pleure. L'horrible essaim, poussé par l'aquilon, Sans doute, ô ciel ! s'abat sur ma demeure. Le mur fléchit sous le noir bataillon. La maison crie et chancelle penchée, Et l'on dirait que, du sol arrachée, Ainsi qu'il chasse une feuille séchée, Le vent la roule avec leur tourbillon !
Prophète ! si ta main me sauve De ces impurs démons des soirs, J'irai prosterner mon front chauve Devant tes sacrés encensoirs ! Fais que sur ces portes fidèles Meure leur souffle d'étincelles, Et qu'en vain l'ongle de leurs ailes Grince et crie à ces vitraux noirs !
Ils sont passés ! - Leur cohorte S'envole et fuit, et leurs pieds Cessent de battre ma porte De leurs coups multipliés. L'air est plein d'un bruit de chaînes, Et dans les forêts prochaines Frissonnent tous les grands chênes, Sous leur vol de feu pliés !
De leurs ailes lointaines Le battement décroît, Si confus dans les plaines, Si faible, que l'on croit Ouïr la sauterelle Crier d'une voix grêle, Ou pétiller la grêle Sur le plomb d'un vieux toit.
D'étranges syllabes Nous viennent encor Ainsi, des arabes Quand sonne le cor, Un chant sur la grève Par instants s'élève, Et l'enfant qui rêve Fait des rêves d'or.
Les Djinns funèbres, Fils du trépas, Dans les ténèbres Pressent leurs pas ; Leur essaim gronde Ainsi, profonde, Murmure une onde Qu'on ne voit pas.
Ce bruit vague Qui s'endort, C'est la vague Sur le bord ; C'est la plainte Presque éteinte D'une sainte Pour un mort.
On doute La nuit... J'écoute : - Tout fuit. Tout passe ; L'espace Efface Le bruit
Dernière édition par Aislynn le Sam 19 Mar 2011 - 14:33, édité 1 fois |
| | | Framboise Intendante de Pemberley
Nombre de messages : 557 Age : 40 Date d'inscription : 05/12/2009
| Sujet: Re: Poèmes, poésie : partageons nos poèmes préférés... Ven 18 Mar 2011 - 1:18 | |
| Tu viens de me convaincre, en l'espace de trois poèmes, de lire Victor Hugo... J ene connaissais pas les poèmes que tu cites: ils sont magnifiques!! |
| | | Ysabelle Stardust Reveries
Nombre de messages : 36559 Localisation : Quelque part entre l'orient et l'occident Date d'inscription : 07/05/2010
| Sujet: Re: Poèmes, poésie : partageons nos poèmes préférés... Ven 18 Mar 2011 - 9:45 | |
| Merci Aislynn pour ces beaux poèmes. Je redécouvre avec plaisir l'univers de Hugo. Ce qui me fait penser, pour je ne sais quelle raison, à Rimbeaud et son célèbre :
Le bateau ivre
Comme je descendais des Fleuves impassibles, Je ne me sentis plus guidé par les haleurs : Des Peaux-Rouges criards les avaient pris pour cibles, Les ayant cloués nus aux poteaux de couleurs.
J'étais insoucieux de tous les équipages, Porteur de blés flamands ou de cotons anglais. Quand avec mes haleurs ont fini ces tapages, Les Fleuves m'ont laissé descendre où je voulais.
Dans les clapotements furieux des marées, Moi, l'autre hiver, plus sourd que les cerveaux d'enfants, Je courus ! Et les Péninsules démarrées N'ont pas subi tohu-bohus plus triomphants.
La tempête a béni mes éveils maritimes. Plus léger qu'un bouchon j'ai dansé sur les flots Qu'on appelle rouleurs éternels de victimes, Dix nuits, sans regretter l'oeil niais des falots !
Plus douce qu'aux enfants la chair des pommes sûres, L'eau verte pénétra ma coque de sapin Et des taches de vins bleus et des vomissures Me lava, dispersant gouvernail et grappin.
Et dès lors, je me suis baigné dans le Poème De la Mer, infusé d'astres, et lactescent, Dévorant les azurs verts ; où, flottaison blême Et ravie, un noyé pensif parfois descend ;
Où, teignant tout à coup les bleuités, délires Et rhythmes lents sous les rutilements du jour, Plus fortes que l'alcool, plus vastes que nos lyres, Fermentent les rousseurs amères de l'amour !
Je sais les cieux crevant en éclairs, et les trombes Et les ressacs et les courants : je sais le soir, L'Aube exaltée ainsi qu'un peuple de colombes, Et j'ai vu quelquefois ce que l'homme a cru voir !
J'ai vu le soleil bas, taché d'horreurs mystiques, Illuminant de longs figements violets, Pareils à des acteurs de drames très antiques Les flots roulant au loin leurs frissons de volets !
J'ai rêvé la nuit verte aux neiges éblouies, Baiser montant aux yeux des mers avec lenteurs, La circulation des sèves inouïes, Et l'éveil jaune et bleu des phosphores chanteurs !
J'ai suivi, des mois pleins, pareille aux vacheries Hystériques, la houle à l'assaut des récifs, Sans songer que les pieds lumineux des Maries Pussent forcer le mufle aux Océans poussifs !
J'ai heurté, savez-vous, d'incroyables Florides Mêlant aux fleurs des yeux de panthères à peaux D'hommes ! Des arcs-en-ciel tendus comme des brides Sous l'horizon des mers, à de glauques troupeaux !
J'ai vu fermenter les marais énormes, nasses Où pourrit dans les joncs tout un Léviathan ! Des écroulements d'eaux au milieu des bonaces, Et les lointains vers les gouffres cataractant !
Glaciers, soleils d'argent, flots nacreux, cieux de braises ! Échouages hideux au fond des golfes bruns Où les serpents géants dévorés des punaises Choient, des arbres tordus, avec de noirs parfums !
J'aurais voulu montrer aux enfants ces dorades Du flot bleu, ces poissons d'or, ces poissons chantants. - Des écumes de fleurs ont bercé mes dérades Et d'ineffables vents m'ont ailé par instants.
Parfois, martyr lassé des pôles et des zones, La mer dont le sanglot faisait mon roulis doux Montait vers moi ses fleurs d'ombre aux ventouses jaunes Et je restais, ainsi qu'une femme à genoux...
Presque île, ballottant sur mes bords les querelles Et les fientes d'oiseaux clabaudeurs aux yeux blonds. Et je voguais, lorsqu'à travers mes liens frêles Des noyés descendaient dormir, à reculons !
Or moi, bateau perdu sous les cheveux des anses, Jeté par l'ouragan dans l'éther sans oiseau, Moi dont les Monitors et les voiliers des Hanses N'auraient pas repêché la carcasse ivre d'eau ;
Libre, fumant, monté de brumes violettes, Moi qui trouais le ciel rougeoyant comme un mur Qui porte, confiture exquise aux bons poètes, Des lichens de soleil et des morves d'azur ;
Qui courais, taché de lunules électriques, Planche folle, escorté des hippocampes noirs, Quand les juillets faisaient crouler à coups de triques Les cieux ultramarins aux ardents entonnoirs ;
Moi qui tremblais, sentant geindre à cinquante lieues Le rut des Béhémots et les Maelstroms épais, Fileur éternel des immobilités bleues, Je regrette l'Europe aux anciens parapets !
J'ai vu des archipels sidéraux ! et des îles Dont les cieux délirants sont ouverts au vogueur : - Est-ce en ces nuits sans fonds que tu dors et t'exiles, Million d'oiseaux d'or, ô future Vigueur ?
Mais, vrai, j'ai trop pleuré ! Les Aubes sont navrantes. Toute lune est atroce et tout soleil amer : L'âcre amour m'a gonflé de torpeurs enivrantes. Ô que ma quille éclate ! Ô que j'aille à la mer !
Si je désire une eau d'Europe, c'est la flache Noire et froide où vers le crépuscule embaumé Un enfant accroupi plein de tristesse, lâche Un bateau frêle comme un papillon de mai.
Je ne puis plus, baigné de vos langueurs, ô lames, Enlever leur sillage aux porteurs de cotons, Ni traverser l'orgueil des drapeaux et des flammes, Ni nager sous les yeux horribles des pontons. |
| | | MD British countryside addict
Nombre de messages : 828 Age : 39 Date d'inscription : 28/01/2010
| Sujet: Re: Poèmes, poésie : partageons nos poèmes préférés... Ven 18 Mar 2011 - 13:25 | |
| Ce topic est toujours aussi charmant, merci de le faire remonter... en plus, ça sent l'iode ! - Aislynn a écrit:
- Magnifique topic !
...(Victor Hugo, Leconte de Lisle pour ne citer qu'eux), J'aime beaucoup Midi de Leconte de Lisle et Oceano Nox est toujours aussi Bon j'magine que tu aurais eu des pb avec les modérateurs si tu avais mis L'expiation en entier, , mais il te manque quand même un petit morceau de la première partie, non ? (c'est peut-être un choix ) Faut le lire en entier c'est superbe; j'ai une préférence personnelle pour le 2eme chapitre et son : - Citation :
- Waterloo ! Waterloo ! Waterloo ! Morne plaine !
Comme une onde qui bout dans une urne trop pleine ____________________ - Framboise a écrit:
- Tu viens de me convaincre, en l'espace de trois poèmes, de lire Victor Hugo...
Roooh c'est pas fait ? Fan des Iles Anglo-Normandes sans avoir lu Victor Hugo, c'est possible ? Ça manque de femmes poètes dans ce topic : J'aime bien, en général, la musicalité des vers de Marceline Desbordes Valmore. On ne peut pas dire qu'elle soit rester la plus célèbre des poètes, ca n'est pas non plus la poésie la plus gaie, mais elle a des circonstances atténuantes. LE REVE DU MOUSSE- Spoiler:
Dans le port de Marseille un courageux enfant, comme une humide abeille, fut poussé par le vent. Tombé de la tartane qui s' envole sans lui, il frappe à sa cabane dont l' humble phare a lui. -" qui m' éveille à telle heure ? " dit la vieille, qui pleure son mousse errant sur l' eau. -" c' est moi ! Moi, ma mère ! ... oh ! Que le réveil est beau ! " l' air était froid, ma mère ; oh ! Comme il était froid ! La brise était amère sur la flotte du roi ; mais au fond de mon âme, dans des flots de soleil, Marseille aux yeux de flamme réchauffait mon sommeil ; lorsqu' une blanche fée, de vos voiles coiffée, m' appelle au fond de l' eau... mais, bonjour, ma mère ! Oh ! Que mon rêve était beau ! " viens ! M' a dit votre image, l' eau seule est entre nous ; trop vite ton jeune âge a quitté mes genoux. Viens ! Que je berce encore tes rêves de printemps ; les flots en font éclore qui nous calment longtemps ! " et mon âme étonnée se réveille, entraînée par les baisers de l' eau... mais, bon jour, ma mère ! Oh ! Que mon rêve était beau ! " la flotte aux grandes ombres en silence glissa ; avec ses ailes sombres mon vaisseau s' effaça. Sous sa lampe pieuse, sans cesser de courir, la lune curieuse me regardait mourir. Je n' avais pas de plainte ; trois fois ma force éteinte s' évanouit dans l' eau... mais, bon jour, ma mère ! Oh ! Que mon rêve était beau ! " c' en était fait du mousse, mère, sans votre voix ; sa clameur forte et douce me réveilla trois fois. Sous les vagues profondes en vain nageait la mort, vos doux bras sur les ondes me poussaient vers le port ; et votre âme en prière semait une lumière entre le ciel et l' eau... c' est moi ! Moi, ma mère ! Oh ! Que le réveil est beau !
Et un autre LA COURONNE EFFEUILLÉE- Spoiler:
J'irai, j'irai porter ma couronne effeuillée Au jardin de mon père où revit toute fleur ; J'y répandrai longtemps mon âme agenouillée : Mon père a des secrets pour vaincre la douleur. J'irai, j'irai lui dire, au moins avec mes larmes : "Regardez, j'ai souffert... " il me regardera, Et sous mes jours changés, sous mes pâleurs sans charmes, Parce qu'il est mon père il me reconnaîtra. Il dira : "C'est donc vous, chère âme désolée La terre manque-t-elle à vos pas égarés ? Chère âme, je suis Dieu : ne soyez plus troublée ; Voici votre maison, voici mon cœur, entrez ! " Ô clémence ! ô douceur ! ô saint refuge ! ô père ! Votre enfant qui pleurait vous l'avez entendu ! Je vous obtiens déjà puisque je vous espère Et que vous possédez tout ce que j'ai perdu. Vous ne rejetez pas la fleur qui n'est plus belle ; Ce crime de la terre au ciel est pardonné. Vous ne maudirez pas votre enfant infidèle, Non d'avoir rien vendu, mais d'avoir tout donné.
Poésies Posthumes de Marceline DESBORDES-VALMORE
Dernière édition par MD le Sam 19 Mar 2011 - 17:12, édité 1 fois |
| | | serendipity Aurora Borealis Chaser
Nombre de messages : 12420 Date d'inscription : 31/05/2007
| Sujet: Re: Poèmes, poésie : partageons nos poèmes préférés... Ven 18 Mar 2011 - 13:43 | |
| Une petit suggestion : pour améliorer la lisibilité du topic, peut-être pourrions-nous mettre l'intégralité des poèmes cités sous balise anti-spoiler (comme nous l'avons fait pour les concours d'écriture par exemple). Qu'en pensez-vous ?
(cela permettrait d'accroître les échanges sur les poèmes postés - c'est quand même le but, non ?- et d'éviter que ce topic ne se transforme en catalogue). |
| | | Aislynn Ready for a strike!
Nombre de messages : 943 Age : 57 Localisation : En mer, sous les étoiles Date d'inscription : 06/12/2009
| Sujet: Re: Poèmes, poésie : partageons nos poèmes préférés... Sam 19 Mar 2011 - 14:14 | |
| OK, Serendipity, pour la mise sous spoiler . C'est vrai que nombre de poèmes sont fort longs. Framboise : très heureuse si je t'ai donné envie de lire Hugo. Très bonne lecture MD : c'est vrai que l'expiation est interminable, lol. En fait, c'est cette partie que j'aime le plus, donc en effet je n'ai mis que ça. Et encore, je m'aperçois que j'ai oublié les derniers vers de la première partie, je vais quand même les rajouter en vitesse. Et sinon, je ne connaisais pas du tout Marceline Desbordes Valmore, mais je suis contente de faire sa connaissance. Comme toi j'aime beaucoup le rythme et la musicalité de ses poèmes -les paroles aussi, avec tout l'amour qu'elles contiennent- mais ce qui m'a plu en premier, c'est le rythme des vers. Encore une découverte que je dois à ce topic Sinon, en voici encore quelques uns parmi mes préférés : Leconte de Lisle, avec un grand classique dont je trouve les descriptions époustouflantes : - Spoiler:
La panthère noire – Charles-Marie Leconte de Lisle
Une rose lueur s'épand par les nuées ; L'horizon se dentelle, à l'Est, d'un vif éclair ; Et le collier nocturne, en perles dénouées, S'égrène et tombe dans la mer.
Toute une part du ciel se vêt de molles flammes Qu'il agrafe à son faîte étincelant et bleu. Un pan traîne et rougit l'émeraude des lames D'une pluie aux gouttes de feu.
Des bambous éveillés où le vent bat des ailes, Des letchis au fruit pourpre et des cannelliers Pétille la rosée en gerbes d'étincelles, Montent des bruits frais, par milliers.
Et des monts et des bois, des fleurs, des hautes mousses, Dans l'air tiède et subtil, brusquement dilaté, S'épanouit un flot d'odeurs fortes et douces, Plein de fièvre et de volupté.
Par les sentiers perdus au creux des forêts vierges Où l'herbe épaisse fume au soleil du matin ; Le long des cours d'eau vive encaissés dans leurs berges, Sous de verts arceaux de rotin ;
La reine de Java, la noire chasseresse, Avec l'aube, revient au gîte où ses petits Parmi les os luisants miaulent de détresse, Les uns sous les autres blottis.
Inquiète, les yeux aigus comme des flèches, Elle ondule, épiant l'ombre des rameaux lourds. Quelques taches de sang, éparses, toutes fraîches, Mouillent sa robe de velours.
Elle traîne après elle un reste de sa chasse, Un quartier du beau cerf qu'elle a mangé la nuit ; Et sur la mousse en fleur une effroyable trace Rouge, et chaude encore, la suit.
Autour, les papillons et les fauves abeilles Effleurent à l'envi son dos souple du vol ; Les feuillages joyeux, de leurs mille corbeilles ; Sur ses pas parfument le sol.
Le python, du milieu d'un cactus écarlate, Déroule son écaille, et, curieux témoin, Par-dessus les buissons dressant sa tête plate, La regarde passer de loin.
Sous la haute fougère elle glisse en silence, Parmi les troncs moussus s'enfonce et disparaît. Les bruits cessent, l'air brûle, et la lumière immense Endort le ciel et la forêt
Beaucoup plus modernes et pour toi qui aime les poétesses, MD, deux poèmes de Jeanne Julien : - Spoiler:
Je suis creuse dans le noir que ma peau contre moi pas de bras en détours pas de jambes emmêlées que des doigts en histoire à mon corps qui va que mon souffle à ma voix les murmures en mémoire que c'est âpre tout ce soir l'ironie fatiguée à mes noeuds animés même la hâte de demain se ruine sans ce fard pas de fuites échangées pas de pauses en regard je crève le jour tombé.
- Spoiler:
J'ai ravi ma vue à souhaiter nos pas à goûter ta boue j'ai vacillé droit.
Et puis Maurice Carême, que j'aime beaucoup aussi, tout particulièrement dans ce poème qui m'a toujours fait rêver : - Spoiler:
La lune marche sur le pré Tout doucement, les yeux baissés,
De sa ceinture dénouée Tombent des gouttes de rosée
Dans ses cheveux, des vers luisants ; Sur son épaule, un oiseau blanc,
Un oiseau qui chante merveille Aux petits enfants qui sommeillent.
La lune marche sur le pré Pieds nus, dans les herbes mouillées.
Et toutes les étoiles tremblent Quand, tout à coup, elle trempe
Sa main blanche dans le ruisseau Pour donner à boire à l'oiseau.
Et n'oublions pas nos amis les chats avec ces deux poèmes, l'un de Maurice Carême encore et le second de Verlaine : - Spoiler:
Maurice Carême :
Le chat ouvrit les yeux, Le soleil est entré. Le chat ferma les yeux, Le soleil est resté. C'est pourquoi le soir, Quand le chat se réveille J'aperçois dans le noir Deux morceaux de soleil.
- Spoiler:
Femme et chatte - Verlaine
Elle jouait avec sa chatte, Et c'était merveille de voir La main blanche et la blanche patte S'ébattre dans l'ombre du soir.
Elle cachait - la scélérate ! - Sous ces mitaines de fil noir Ses meurtriers ongles d'agate, Coupants et clairs comme un rasoir.
L'autre aussi faisait la sucrée Et rentrait sa griffe acérée, Mais le diable n'y perdait rien... Et dans le boudoir où, sonore, Tintait son rire aérien, Brillaient quatre points de phosphore.
C'est tout pour cette fois, il ne faut pas abuser des bonnes choses |
| | | MD British countryside addict
Nombre de messages : 828 Age : 39 Date d'inscription : 28/01/2010
| Sujet: Re: Poèmes, poésie : partageons nos poèmes préférés... Mer 23 Mar 2011 - 23:45 | |
| Aislynn, est-ce que tu as plus d'infos sur cette Jeanne Julien ? Je ne la trouve nulle part, je voudrais me faire un avis plus large. Le premier poème semble être attribué à Antonia qui serait un personnage du roman le Déchronologue de Stéphane Beauverger. Si tu as plus d'info, je suis preneur, merci |
| | | Ysabelle Stardust Reveries
Nombre de messages : 36559 Localisation : Quelque part entre l'orient et l'occident Date d'inscription : 07/05/2010
| Sujet: Re: Poèmes, poésie : partageons nos poèmes préférés... Jeu 24 Mar 2011 - 12:39 | |
| Bonjour Ça bouge, ça bouge le topic! Les poèmes sont très beaux et je fais des découvertes!!! Je vous propose qu'on fasse une petite présentation des poètes proposés afin de les faire découvrir, qu'en pensez-vous? Ce sera plus sympa et cela nous permettra d'enrichir nos connaissances |
| | | Aislynn Ready for a strike!
Nombre de messages : 943 Age : 57 Localisation : En mer, sous les étoiles Date d'inscription : 06/12/2009
| Sujet: Re: Poèmes, poésie : partageons nos poèmes préférés... Dim 27 Mar 2011 - 22:00 | |
| - MD a écrit:
- Aislynn, est-ce que tu as plus d'infos sur cette Jeanne Julien ?
Je ne la trouve nulle part, je voudrais me faire un avis plus large.
Le premier poème semble être attribué à Antonia qui serait un personnage du roman le Déchronologue de Stéphane Beauverger.
Si tu as plus d'info, je suis preneur, merci Hélas non, je n'ai pas plus d'info. Moi aussi j'ai cherché à me renseigner. Mais en effet, j'ai trouvé ces poèmes dans le roman Le déchronologue, où ils sont attribués à l'un des personnages. L'auteur du bouquin a cependant crédité l'auteur réel des poèmes dans les remerciements, sans donner aucun détail. Désolée de ne pas pouvoir t'en dire plus Voilà une nouvelle sélection, et je crois que j'aurais momentanément fait le tour de mes poèmes favoris : Je ne peux malheureusement pas donner le nom des auteurs des deux poèmes qui suivent : j'ai trouvé le premier dans un journal il y a longtemps, le second au musée de la sorcellerie, dans l'Orléanais. Soit j'ai oublié de noter le nom de l'auteur, soit il n'y figurait pas, je ne peux plus le dire, ça fait trop longtemps. Grand amour ?- Spoiler:
Tu le voudrais, tu nel'as pas ! Si tu l'avais, qu'en ferais-tu ? Tu le voudrais, il ne vient pas ! Mais s'il venait, le verrais-tu ? Ce grand amour Que tu attends Comme secours D'un accident. Ce grand bonheur ce grand talent Atout majeur Qui te manque tant. Tu te dis prêt à le chérir Mais à vrai dire, le ferais-tu ? Tu te dis prêt à renchérir Car tu paierais. Mais que crois-tu ? Qu'un grand amour Se négocie Aller-retour Débit- crédit, Toi tu achètes C'est si tentant Mais c'est très bête Personne n'en vend.
Bien sûr qu'un jour tu finiras Seul, tout seul. Là, à attendre. Bien sûr qu'un jour tu souffriras Sans personne pour te comprendre. Ton grand amour N'aura été Que plan d'un jour Pour nuits ratées.Ton coeur retord Et trépané Le dira mort. Non !... même pas né. Il en est pour qui il est bien doux, le chant du loup- Spoiler:
Passant qui traverse la forêt, insouciant. Prends garde à la nuit qui approche doucement. des ombres coulent dans le soleil couchant Dont la vue te laisserait tout tremblant.
Il marche en silence l'étrange berger sans troupeau Et si tu le vois courbé par un précieux fardeau Ne t'y trompe pas, ce n'est pas un doux agneau Mais il va, portant dans ses bras un louveteau.
Point de chien, ni de moutons pour ce meneur Et la vue de sa horde te remplirait de terreur Quand la nuit, de ta maison tu goûtes la douceur, Eux courent les bois sombres et sans chaleur.
Il est des hommes qui ne seront jamais comme nous, Leurs compagnons, de peur nous rendraient fous. S'il en est qui prennent de leurs chiens un soin jaloux Pour d'autres, il est bien plus doux le chant du loup.
Ah, le mythe -si ç'en est un- des meneurs de loups ça me fait rêver. Allez, encore deux pour la route. Voici donc un poème d'Anatole Le Braz, chantre de la Bretagne Ce poème est précisément extrait de La chanson de la Bretagne et parle des cités englouties, comme la célèbre ville d'Ys. - Spoiler:
Occismor ou Ker-Is, Lexolie ou Tolente, Les Bretons ont dans l'âme une cité dolente, Un cadavre de ville, où vivantes encore, A des clochers détruits tintent des cloches d'or.
Et pour finir, je vous propose un poème qui est extrait d'une pièce de théâtre amateurs, jouée en 1990 au lycée Sophie Germain de Thionville (Moselle). Cette pièce reprenait le célèbre roman de Théophile Gauthier Le capitaine Fracasse. Ce poème intitulé Les murs de mon château est dit au début de la pièce par le baron de Sigognac : - Spoiler:
Je ne veux pas mourir Et les pierres tombées Et vieillir mon chien Et le soleil caché Dans les murs blessés de mon château.
Mon coeur a des murmures Il appelle la lune Il appelle le soleil Il attend la beauté D'un visage aimé La course folle d'un amour éternel.
Je ne veux pas périr Et le charme perdu Et le coeur désespéré Dans les murs blessés de mon château.
|
| | | Ysabelle Stardust Reveries
Nombre de messages : 36559 Localisation : Quelque part entre l'orient et l'occident Date d'inscription : 07/05/2010
| Sujet: Re: Poèmes, poésie : partageons nos poèmes préférés... Dim 27 Mar 2011 - 22:22 | |
| Rubayat, par Omar Khayyâm, quatrains I à X Je vous propose de découvrir ce poète persan, très érudit car mathématicien et physicien également. Son poème, car il s'agit là d'un unique poème mis très long sous formes de quatrains, a été traduit en plusieurs langues, les versions arabes et anglaise sont beaucoup plus belles, toutefois on peut apprécier la version française. Ce passage sur le site evene, résume bien sa vie et ses œuvres : Biographie d'Omar Khayyâm Né d'un père fabricant de tentes, Omar Khayyâm, devient celèbre, dès 1074, comme mathématicien en Orient. Il vécut sous l'occupation turque en Perse (Iran actuel) au XIIème siècle, époque où les plus grands érudits en mathématiques et en médecine venaient d'Orient : il eut pour prédécesseurs Al-Khwarizmi et Ibn Sina, dit Avicenne. Ses brillantes études lui permirent de rédiger divers ouvrages d'algèbre, arithmétique et musique qui contribuèrent à sa renommée de son vivant. Entre autres, il est l'auteur d'un traité sur les équations cubiques avec les solutions trouvées géométriquement par l'intersection de sections coniques, et il réussit à approximer la durée d'une année à 365, 24219858156 jours. Omar Khayyâm, géomètre de renom, est aussi l'auteur d'un traité de physique sur les métaux précieux. - Spoiler:
I Tout le monde sait que je n'ai jamais murmuré la moindre prière. Tout le monde sait aussi que je n'ai jamais essayé de dissimuler mes défauts. J'ignore s'il existe une Justice et une Miséricorde... Cependant, j'ai confiance, car j'ai toujours été sincère.
II Que vaut-il mieux? S'asseoir dans une taverne, puis faire son examen de conscience, Ou se prosterner dans une mosquée, l'âme close? Je ne me préoccupe pas de savoir si nous avons un Maître Et ce qu'il fera de moi, le cas échéant.
III Considère avec indulgence les hommes qui s'enivrent. Dis-toi que tu as d'autres défauts. Si tu veux connaître la paix, La sérénité, penche-toi sur les déshérités de la vie, Sur les humbles qui gémissent dans l'infortune, et tu te trouveras heureux.
IV Fais en sorte que ton prochain n'ait pas à souffrir de ta sagesse. Domine-toi toujours. Ne t'abandonne jamais à la colère. Si tu veux t'acheminer vers la paix définitive, Souris au Destin qui te frappe, et ne frappe personne.
V Puisque tu ignores ce que te réserve demain, Efforce-toi d'être heureux aujourd'hui. Prends une urne de vin, va t'asseoir au clair de lune, Et bois, en te disant que la lune te cherchera peut-être vainement, demain.
VI Le Koran, ce Livre suprême, les hommes le lisent quelquefois, Mais, qui s'en délecte chaque jour ? Sur le bord de toutes les coupes pleines de vin est ciselée Une secrète maxime de sagesse que nous sommes bien obligés de savourer.
VII Notre trésor ? Le vin. Notre palais ? La taverne. Nos compagnes fidèles ? La soif et l'ivresse. Nous ignorons l'inquiétude, car nous savons que nos âmes, nos coeurs, nos coupes Et nos robes maculées n'ont rien à craindre de la poussière, de l'eau et du feu.
VIII En ce monde, contente-toi d'avoir peu d'amis. Ne cherche pas à rendre durable la sympathie que tu peux éprouver pour quelqu'un. Avant de prendre la main d'un homme, Demande-toi si elle ne te frappera pas, un jour.
IX Autrefois, ce vase était un pauvre amant Qui gémissait de l'indifférence d'une femme. L'anse, au col du vase... Son bras qui entourait le cou de la bien aimée !
X Qu'il est vil, ce cœur qui ne sait pas aimer, Qui ne peut s'enivrer d'amour ! Si tu n'aimes pas, comment peux-tu apprécier L'aveuglante lumière du soleil et la douce clarté de la lune ?
|
| | | MD British countryside addict
Nombre de messages : 828 Age : 39 Date d'inscription : 28/01/2010
| Sujet: Re: Poèmes, poésie : partageons nos poèmes préférés... Dim 3 Avr 2011 - 22:45 | |
| Merci Aislynn, tant pis. Je demanderai autour de moi, on la retrouvera peut-être ! Et aujourd'hui pour rester dans les classiques, c'est le jour pour lire : A la mi-carême de A. de Musset - Spoiler:
I
Le carnaval s'en va, les roses vont éclore ; Sur les flancs des coteaux déjà court le gazon. Cependant du plaisir la frileuse saison Sous ses grelots légers rit et voltige encore, Tandis que, soulevant les voiles de l'aurore, Le Printemps inquiet paraît à l'horizon.
II
Du pauvre mois de mars il ne faut pas médire ; Bien que le laboureur le craigne justement, L'univers y renaît ; il est vrai que le vent, La pluie et le soleil s'y disputent l'empire. Qu'y faire ? Au temps des fleurs, le monde est un enfant ; C'est sa première larme et son premier sourire.
III
C'est dans le mois de mars que tente de s'ouvrir L'anémone sauvage aux corolles tremblantes. Les femmes et les fleurs appellent le zéphyr ; Et du fond des boudoirs les belles indolentes, Balançant mollement leurs tailles nonchalantes, Sous les vieux marronniers commencent à venir.
IV
C'est alors que les bals, plus joyeux et plus rares, Prolongent plus longtemps leurs dernières fanfares ; À ce bruit qui nous quitte, on court avec ardeur ; La valseuse se livre avec plus de langueur : Les yeux sont plus hardis, les lèvres moins avares, La lassitude enivre, et l'amour vient au coeur.
V
S'il est vrai qu'ici-bas l'adieu de ce qu'on aime Soit un si doux chagrin qu'on en voudrait mourir, C'est dans le mois de mars, c'est à la mi-carême, Qu'au sortir d'un souper un enfant du plaisir Sur la valse et l'amour devrait faire un poème, Et saluer gaiement ses dieux prêts à partir.
VI
Mais qui saura chanter tes pas pleins d'harmonie, Et tes secrets divins, du vulgaire ignorés, Belle Nymphe allemande aux brodequins dorés ? Ô Muse de la valse ! ô fleur de poésie ! Où sont, de notre temps, les buveurs d'ambroisie Dignes de s'étourdir dans tes bras adorés ?
VII
Quand, sur le Cithéron, la Bacchanale antique Des filles de Cadmus dénouait les cheveux, On laissait la beauté danser devant les dieux ; Et si quelque profane, au son de la musique, S'élançait dans les choeurs, la prêtresse impudique De son thyrse de fer frappait l'audacieux.
VIII
Il n'en est pas ainsi dans nos fêtes grossières ; Les vierges aujourd'hui se montrent moins sévères, Et se laissent toucher sans grâce et sans fierté. Nous ouvrons à qui veut nos quadrilles vulgaires ; Nous perdons le respect qu'on doit à la beauté, Et nos plaisirs bruyants font fuir la volupté.
IX
Tant que régna chez nous le menuet gothique, D'observer la mesure on se souvint encor. Nos pères la gardaient aux jours de thermidor, Lorsqu'au bruit des canons dansait la République, Lorsque la Tallien, soulevant sa tunique, Faisait de ses pieds nus claquer les anneaux d'or.
X
Autres temps, autres moeurs ; le rythme et la cadence Ont suivi les hasards et la commune loi. Pendant que l'univers, ligué contre la France, S'épuisait de fatigue à lui donner un roi, La valse d'un coup d'aile a détrôné la danse. Si quelqu'un s'en est plaint, certes, ce n'est pas moi.
XI
Je voudrais seulement, puisqu'elle est notre hôtesse, Qu'on sût mieux honorer cette jeune déesse. Je voudrais qu'à sa voix on pût régler nos pas, Ne pas voir profaner une si douce ivresse, Froisser d'un si beau sein les contours délicats, Et le premier venu l'emporter dans ses bras.
XII
C'est notre barbarie et notre indifférence Qu'il nous faut accuser ; notre esprit inconstant Se prend de fantaisie et vit de changement ; Mais le désordre même a besoin d'élégance ; Et je voudrais du moins qu'une duchesse, en France, Sût valser aussi bien qu'un bouvier allemand.
|
| | | Aislynn Ready for a strike!
Nombre de messages : 943 Age : 57 Localisation : En mer, sous les étoiles Date d'inscription : 06/12/2009
| Sujet: Re: Poèmes, poésie : partageons nos poèmes préférés... Mar 5 Avr 2011 - 10:24 | |
| Très joli poème de Musset Je préfère toutefois le début, très bucolique, avec l'éveil de la nature, à la fin sur les bals, la valse et la beauté. Mais ça reste du Musset, ça se déguste par petites bouchées |
| | | MissAcacia DerbyCheshire Cat
Nombre de messages : 7646 Age : 51 Localisation : Perched on a hot sound tree Date d'inscription : 26/10/2007
| Sujet: Re: Poèmes, poésie : partageons nos poèmes préférés... Lun 11 Avr 2011 - 22:39 | |
| L'avatar de quelqu'un (mais qui ? ) m'a fait me souvenir du poème de Rimbaud évoquant Ophélie. Je ne crois pas qu'il ait été posté, c'est du moins ce que me dit la fonction chercher ; mais j'ai appris à m'en méfier, vous me corrigerez donc si besoin. Mieux vaudrait avoir une fonction trouver... - Spoiler:
Ophélie I
Sur l'onde calme et noire où dorment les étoiles La blanche Ophélia flotte comme un grand lys, Flotte très lentement, couchée en ses longs voiles... - On entend dans les bois lointains des hallalis.
Voici plus de mille ans que la triste Ophélie Passe, fantôme blanc, sur le long fleuve noir Voici plus de mille ans que sa douce folie Murmure sa romance à la brise du soir
Le vent baise ses seins et déploie en corolle Ses grands voiles bercés mollement par les eaux ; Les saules frissonnants pleurent sur son épaule, Sur son grand front rêveur s'inclinent les roseaux.
Les nénuphars froissés soupirent autour d'elle ; Elle éveille parfois, dans un aune qui dort, Quelque nid, d'où s'échappe un petit frisson d'aile : - Un chant mystérieux tombe des astres d'or
II
O pâle Ophélia ! belle comme la neige ! Oui tu mourus, enfant, par un fleuve emporté ! C'est que les vents tombant des grand monts de Norwège T'avaient parlé tout bas de l'âpre liberté ;
C'est qu'un souffle, tordant ta grande chevelure, À ton esprit rêveur portait d'étranges bruits, Que ton coeur écoutait le chant de la Nature Dans les plaintes de l'arbre et les soupirs des nuits ;
C'est que la voix des mers folles, immense râle, Brisait ton sein d'enfant, trop humain et trop doux ; C'est qu'un matin d'avril, un beau cavalier pâle, Un pauvre fou, s'assit muet à tes genoux !
Ciel ! Amour ! Liberté ! Quel rêve, ô pauvre Folle ! Tu te fondais à lui comme une neige au feu : Tes grandes visions étranglaient ta parole - Et l'Infini terrible effara ton œil bleu !
III
- Et le Poète dit qu'aux rayons des étoiles Tu viens chercher, la nuit, les fleurs que tu cueillis ; Et qu'il a vu sur l'eau, couchée en ses longs voiles, La blanche Ophélia flotter, comme un grand lys.
Ciel ! Amour ! Liberté ! Quel rêve, ô pauvre Folle ! |
| | | Ysabelle Stardust Reveries
Nombre de messages : 36559 Localisation : Quelque part entre l'orient et l'occident Date d'inscription : 07/05/2010
| Sujet: Re: Poèmes, poésie : partageons nos poèmes préférés... Mar 12 Avr 2011 - 9:30 | |
| Je ne pense pas qu'il ait été posté, non plus. Et tu as bien fait de le faire, Miss Acacia, car il est magnifique! C'est l'un de mes préférés. |
| | | MD British countryside addict
Nombre de messages : 828 Age : 39 Date d'inscription : 28/01/2010
| Sujet: Re: Poèmes, poésie : partageons nos poèmes préférés... Mer 13 Avr 2011 - 19:26 | |
| Ah Ophélie ! J'aime beaucoup, mais un truc m'a toujours choqué; c'est la rime "Lys" "Hallalis" "cueillis" Miss Accacia, je m'étais moi aussi fait un syndrome Hamlet en voyant passer l'avatar de Moi-non-plus-je-ne-sais-plus-qui avec le morceau du Ophélie de Millais. |
| | | MissAcacia DerbyCheshire Cat
Nombre de messages : 7646 Age : 51 Localisation : Perched on a hot sound tree Date d'inscription : 26/10/2007
| Sujet: Re: Poèmes, poésie : partageons nos poèmes préférés... Mer 13 Avr 2011 - 23:12 | |
| O, that this too too solid flesh would melt Thaw and resolve itself into a dew! Ce n'est pas un poème mais j'ai toujours trouvé cette très courte nouvelle de Kafka très poétique (en spoiler, le 1er paragraphe de L'écuyère) - Spoiler:
Si quelque écuyère fragile et poitrinaire était poussée sans interruption pendant des mois autour du manège par la chambrière impitoyable de M. Loyal sur le cheval qui tangue en rond devant un public inlassable, si elle passait pendant des mois, sifflant comme une flèche sur sa bête, lançant des baisers, roulant des hanches, et que ce jeu se poursuivît, dans le rugissement incessant de l’orchestre et le vrombissement des ventilateurs, se poursuivît indéfiniment dans le futur gris qui ne cesserait de s’ouvrir devant son cheval, oui, si ce jeu se poursuivait accompagné des applaudissements comme de marteaux-pilons dont le bruit s’enfle et s’abaisse, peut-être alors un jeune garçon descendrait-il du haut de la galerie le long escalier du public, de banc en banc jusqu’au dernier, et lancerait-il enfin le « halte » dans les fanfares de l’orchestre à hauteur de toutes les situations.
EDIT: le grand lys qui flotte sur l'onde calme et noire en heurtant le sens de la rime de MD, c'est Zlabyab, je viens de la recroiser. Pour fêter ça, je vous mets la fin de l'Ecuyère (en citant ma source cette fois-ci): - Spoiler:
Mais comme il n’en est pas ainsi, comme une belle dame blanche et rouge surgit au vol entre les deux rideaux que les fiers laquais en livrée ouvrent devant elle ; comme le directeur, cherchant des yeux ses yeux avec un air d’esclave abandonné, vient à ses devants comme une bête, la soulève pour la faire monter avec des prudences de grand-père pour une petite-fille adorée qui entreprendrait un voyage périlleux ; n’arrive pas à se décider à donner le coup de fouet du départ, puis finalement, se faisant violence, fait claquer sa chambrière et court aux côtés du cheval, la bouche ouverte ; suit d’un œil que rien ne distrait tous les bonds de la cavalière et ne parvient pas à comprendre une telle virtuosité ; essaie d’avertir l’écuyère par des exclamations anglaises ; rappelle à l’ordre d’un air furieux les palefreniers qui présentent les cerceaux s’ils n’accordent pas à leur travail l’attention la plus passionnée ; conjure – en levant les bras – l’orchestre de se taire, avant le grand saut périlleux ; et cueille enfin de ses propres mains la petite femme juchée sur le cheval frémissant, l’embrasse sur les deux joues et ne trouve suffisant nul hommage du public ; tandis que, soutenue par lui, l’écuyère, dressée sur la pointe des pieds et entourée de nuages de poussière, veut partager, les bras ouverts et sa petite tête renversée en arrière, son bonheur avec tout le public – , comme il en est ainsi, l’homme de la galerie couche sa tête sur l’accoudoir et s’enfonce dans la marche finale comme dans un rêve pesant, et il pleure sans s’en douter. (traduction d’Alexandre Vialatte, Bibliothèque de la Pléiade.)
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| | | Ysabelle Stardust Reveries
Nombre de messages : 36559 Localisation : Quelque part entre l'orient et l'occident Date d'inscription : 07/05/2010
| Sujet: Re: Poèmes, poésie : partageons nos poèmes préférés... Dim 21 Aoû 2011 - 22:13 | |
| Je remonte ce topic car en feuilletant un livre de Jane Austen, je suis tombée sur quelques poèmes très marrants inspirés par son entourage. En voici un : - Spoiler:
Oh! Mr. Best, you're very bad
Oh! Mr Best, you're very bad And all the worl shall know it; Your base behaviour shall be sung By me, a tunefull Poet.
You used to go to Harrowgate Each summer as it came, And when I pray should you refuse To go this year the same?
The way's as plain, the road's as smooth, The Posting not increased; You're sarcely stouter than you were Not younger Sir at least
If e'er the waters were of use Why now their use forego You may not live another year, All's mortal here below
It your duty Mr. Best
Vain else your Richard's pills will be, And vain your consort's care
But yet a nobler Duty calls You now towards the north. Arise ennobled_ as Escort Of Matha Lioyd stand forth
She wants your aid_she honours you With a distinguished call. Stand forth to be the friend of her Who is the friend of all.
Take her and wonder at your luck, In having such a Trust. Her converse sensible and sweet Will banish heat and dust.
So short she'll make the journey seem You'll bid the Chaise stand still. T'will be like driving at full speed From Newb'ry to speen Hill
Convey her safe to Mortan's wife And I'll forget the past, And write some verses in your praise As finally and as fast
But if you still refguse to go I'll never let you rest, But haunt you with reproachfull song Oh wicked Mr. Best!
Jane Austen, Clifton 1806
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| | | Dérinoé Ready for a strike!
Nombre de messages : 1084 Date d'inscription : 15/10/2011
| Sujet: Re: Poèmes, poésie : partageons nos poèmes préférés... Jeu 20 Oct 2011 - 22:22 | |
| Hello!
Super topic: je découvre grâce à vous plein de choses.
Voici un poème que j'aime énormément:
- Spoiler:
Tard dans la vie
Je suis dur Je suis tendre Et j'ai perdu mon temps À rêver sans dormir À dormir en marchant Partout où j'ai passé J'ai trouvé mon absence Je ne suis nulle part Excepté le néant Mais je porte caché au plus haut des entrailles À la place où la foudre a frappé trop souvent Un coeur où chaque mot a laissé son entaille Et d'où ma vie s'égoutte au moindre mouvement
Tard dans la vie, Pierre Reverdy in Sable mouvant, 1959.
Au(x) plaisir(s),
Dérinoé |
| | | Dérinoé Ready for a strike!
Nombre de messages : 1084 Date d'inscription : 15/10/2011
| Sujet: Re: Poèmes, poésie : partageons nos poèmes préférés... Lun 7 Nov 2011 - 19:45 | |
| Bonsoir à tous,
je poste ici un bref extrait d'une lettre que Franz Kafka écrivit à sa fiancée berlinoise, Felice Bauer, avec qui il rompit les fiançailles pour d'obscures raisons. Ces quelques lignes ne sont peut-être pas de la poésie à proprement parler mais je vous laisse juger par vous-même de la qualité de la langue:
- Spoiler:
"Liebste, nimm mich zu Dir, halte mich, laß Dich nicht beirren, die Tage werfen mich hin und her, bringe Dir zu Bewußtsein, daß du niemals reine Freude von mir haben wirst, reines Leid dagegen soviel man nur wünschen kann, und trotzdem - schick mich nicht fort. Mich verbindet nicht nur Liebe mit Dir, Liebe wäre wenig, Liebe fängt an, Liebe kommt, vergeht und kommt wieder, aber diese Notwendigkeit, mit der ich ganz und gar in Dein Wesen eingehakt bin, die bleibt. Bleibe auch, Liebste, bleibe!"
Franz Kafka, Brief an Felice Bauer, 19 janvier 1913.
Arf. Y a plus rien à ajouter.
Dérinoé |
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| | | | Poèmes, poésie : partageons nos poèmes préférés... | |
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