Jeffrey Eugenides : Virgin Suicides, Middlesex, Le roman du mariage

Jeffrey Eugenides est un auteur américain né en 1960. Il est extrêmement connu pour son premier roman, Virgin Suicides, publié en 1993 et qui a été adapté par Sofia Coppola en 1999.

Ce livre raconte l'histoire des cinq soeurs Lisbon, qui se sont toutes suicidées dans les années 1970, provoquant l'incompréhension du voisinage et des garçons qui les fréquentaient à l'école. J'ai découvert cette histoire par le biais du film, magnifique. Les styles d'Eugenides et de Coppola se marient bien car les deux posent un regard froid sur cette histoire, se contentant de l'exposer au lecteur/spectateur quitte à le laisser dans l'incompréhension à la fin.

Jeffrey Eugenides a aussi publié Middlesex, dont le héros est hermaphrodite. Je ne l'ai pas encore lu, mais je projette de le faire.

Si j'ouvre ce topic, c'est en fait pour parler de la sortie du dernier roman de l'auteur, Le roman du mariage/The marriage Plot. Je ne l'ai pas encore lu, mais il semblerait qu'Eugenides s'inspire des romans d'Henry James et d'Edith Wharton notamment, en les mettant à la sauce des années 1980.


Voici le résumé : Le Roman du mariage est l'histoire de trois étudiants américains, une fille et deux garçons, qui se rencontrent à l'université de Brown, au début des années 80. Ensemble, ils découvrent avec exaltation la littérature, le sexe, Roland Barthes et les Talking Heads. Madeleine tombe sous le charme de Léonard, Mitchell tombe sous le charme de Madeleine. Tel un personnage de Jane Austen, la jeune femme se retrouve au coeur d'un dilemme, entre l'amant maniaco-dépressif et le gendre idéal attiré par la spiritualité.
Mais l'Amérique de Reagan n'est pas l'Angleterre victorienne, et l'amour n'a plus le même sens.


Et le début du livre, très prometteur : Voyons d'abord les livres. Il y avait là ses romans d'Edith Wharton, rangés non pas par ordre alphabétique mais par date de publication ; là, les oeuvres complètes d'Henry James chez Modem Library, un cadeau de son père pour son vingt et unième anniversaire ; là, les poche écornés des oeuvres étudiées en cours, beaucoup de Dickens, un soupçon de Trollope, de copieuses portions d'Austen, de George Eliot et des redoutables soeurs Brontë. Là, les New Directions aux couvertures souples noir et blanc, essentiellement de la poésie, des auteurs comme H. D. ou Denise Levertov. Là, les Colette savourés secrètement. Là, le Couples de sa mère, la première édition, que Madeleine avait parcouru en cachette à l'âge de onze ans et où elle trouvait aujourd'hui de quoi étayer son mémoire sur le roman matrimonial. Bref, une bibliothèque bien fournie quoique encore transportable, qui rassemblait à peu près tout ce que Madeleine avait lu à l'université, un ensemble de textes à première vue choisis au hasard mais dont le fil conducteur se dessinait peu à peu, comme ces tests de personnalité dans les magazines féminins, ceux auxquels, lasse de chercher à deviner le sens caché des questions, on finissait par se résoudre à répondre honnêtement avant d'attendre le résultat. Et alors que, prête à s'accommoder de «Sensible», redoutant «Narcissique» et «Pantouflarde», on espérait se voir qualifiée d'«Artiste» ou de «Passionnée», on écopait de cette étiquette en demi-teinte, différemment connotée suivant le jour, l'heure ou son petit ami du moment : «Incurable romantique».
Tels étaient les livres présents dans la chambre où Madeleine était couchée, la tête enfouie sous un oreiller, le matin de la remise des diplômes. Elle avait lu chacun d'entre eux, souvent à plusieurs reprises et en soulignant certains passages, mais, dans l'immédiat, ils ne lui étaient d'aucun secours. Madeleine s'efforçait d'oublier la chambre et son contenu. Elle cherchait à retrouver la sécurité du néant où elle était restée retranchée ces trois dernières heures. Tout autre niveau supérieur de conscience l'obligerait à affronter certaines réalités désagréables, comme la quantité et les formes variées d'alcool qu'elle avait absorbées la veille, ou le fait qu'elle avait dormi avec ses lentilles. De là, elle en viendrait inévitablement à se pencher sur les raisons qui l'avaient poussée à boire autant au départ, et ça, elle n'en avait vraiment pas envie. Aussi, repositionnant son oreiller pour se cacher de la lumière du petit matin, Madeleine tenta-t-elle de se rendormir.
Mais c'était peine perdue. Car à cet instant même, à l'autre bout de l'appartement, l'interphone se mit à sonner.
Début juin, Providence, Rhode Island. Le soleil, levé depuis déjà près de deux heures, éclairait la baie pâle et les cheminées de la centrale de Narragansett Electric, pareil à celui du blason de Brown University présent sur tous les fanions et banderoles pavoisant le campus, un soleil au visage clairvoyant, symbole de la connaissance. Mais ce soleil-ci - celui qui brillait sur Providence - faisait mieux que son double métaphorique, car les fondateurs de l'université, soucieux, dans leur pessimisme baptiste, de souligner que l'espèce humaine ne s'était pas totalement défaite de l'ignorance, avaient choisi de représenter la lumière de la connaissance enchapeautée d'épais nuages, alors que le vrai soleil commençait à transpercer ceux qui le voilaient, laissant espérer aux escouades de parents trempés et frigorifiés depuis le début du week-end que ces intempéries hors de saison épargneraient les festivités de la journée. (...)

Il me semble qu'on a de quoi tenter plus d'un lambtonien avec ça.

J'ai lu et vu Virgin suicides, et si mes souvenirs sont bons à peu près autant aimé les deux versions (mais ça remonte à plusieurs années, du coup je me dis que j'aimerais bien les revoir/relire)

Middlesex ne me tente pas trop a priori, mais Le roman du mariage me parle beaucoup plus, et l'extrait que tu as mis est effectivement alléchant

Merci pour l'ouverture du topic !

J'ai lu Middlesex, il y a quelques années (je ne sais plus comment j'en suis arrivée à le choisir, une critique accrocheuse peut-être) et je l'ai trouvé très intéressant, à la limite du passionnant car c'est la plongée dans univers qui m'était inconnu, tout au moins en profondeur, car je savais que cela existait mais sans plus. La recherche de l'identité est un problème que chacun doit affronter et c'est déjà pas simple de se définir avec les codes d'usages courant, mais là l'individu doit tout réinventer, afin de ne plus se définir comme un cas d'espèce mais comme un être humain à part entière. j'en ai gardé le souvenir d'un véritable intérêt, et d'une belle écriture ...
par ailleurs le roman du mariage me tente beaucoup ...

L'ouverture de ce topic tombre vraiment à pic, merci MissHo! J'ai en effet craqué pour The Marriage Plot pas plus tard que la semaine dernière, alors qu'il me faisait de l'oeil depuis sa sortie en 2011.

Je suis contente de voir qu'il est sorti en français,ainsi que de savoir que vous avez prévu vous aussi de le lire, MissHo et Pando.

S'il me plaît, j'ai l'intention ensuite de passer à Middlesex, qui m'intrigue et sur lequel j'ai entendu beaucoup de bien.

En revanche, je fais l'impasse sur Virgin Suicides, je n'avais pas trop aimé le film.

Merci pour l'ouverture de ce topic Miss Honeychurch
Tout comme cat, je ne fais pas partie des fans inconditionnelles de Virgin Suicides (le film, je n'ai pas lu le livre) mais la couverture du Roman du mariage n'arrête pas de me faire de l'oeil du haut du présentoir de ma librairie. Vue la hauteur de ma PAL, je pense m'abstenir pour le moment et attendre la sortie en poche mais je confirme que le résumé et l'extrait que tu as postés donnent bigrement envie (même si ça ferait presque penser au film "2 garçons, 1 fille, 3 possibilités", ce qui n'est pas vraiment une référence... ).
Pour Middlesex, j'en avais beaucoup entendu parler au moment de sa sortie. J'avoue qu'il me tente bien également mais encore une fois, il faut savoir gérer ses priorités (ou tout au moins essayer ).

J'ai retrouvé où j'avais lu un article qui m'avait donné envie de lire le livre, c'était chez Slate

Il est possible que Virgin Suicides soit un film qui plaît surtout à un certain âge. Ça parle certes de pas mal de choses, mais les personnages principaux sont des adolescents et le côté morbide a aussi tout pour plaire à un public assez jeune (et je dis ça sans vous traiter de vieilles , je suis moi-même trop âgée pour les trucs morbides actuels du genre Justin Bieber ou Zac Efron (comment ça ce sont de mauvais exemples ? )). Je l'ai vu quand j'étais au lycée, et cet aspect m'avait beaucoup marquée. Cela dit, je me souviens aussi de la photographie que j'avais trouvée très jolie, et de la patte bien spéciale de Sofia Coppola.
Avec le recul (et l'âge donc), je suis beaucoup plus attirée par les deux autres livres de l'auteur, donc ce que tu dis de Middlesex m'intéresse Clinchamps.

Étant donné que le livre est aussi sur ma PAL, on verra laquelle de nous le sort en premier.

Petit up pour dire que j'ai commencé Le roman du mariage, et que pour l'instant je me régale. Madeleine est une passionnée de littérature, qui a des habitudes que l'on ne peut que comprendre par ici. Quand elle en a marre de se triturer les méninges, elle plonge dans la récréation que sont les auteurs anglais comme Jane Austen ou George Eliot. C'est une vraie héroïne de roman, qui se cherche, qui a un entourage des plus intéressants (de ses riches parents au singulier Leonard, en passant par ses petits-amis minables). Eugenides est aussi un régal à lire pour sa plume, assez drôle et dynamique.

Je m'avance peut-être un peu, mais j'ai l'impression que je file droit vers un gros coup de coeur.

Quelques citations :

La première est reprise à Trollope : "Il n'y a pas de bonheur en amour, sauf à la fin d'un roman anglais."

A propos de son petit-ami mannequin écervelé : "Plutôt que de le trouver terne, elle décida qu'il était doux. Plutôt que de penser qu'il n'avait aucune culture, elle le décréta intuitif."

Et je vous passe celle (trop longue) ou elle explique que lire les auteurs anglo-saxons équivaut pour elle à la sensation qu'éprouve sa colocataire quand elle trouve LA jupe qu'elle cherchait depuis des lustres ou un truc de ce genre.

C'est encourageant cet avis Le roman me tente beaucoup j'attends de le trouver à la bibli ou qu'il soit moins cher

de lui j'avais lu Virgin Suicides que j'avais beaucoup aimé, même si on finit en déprime à la fin

Effectivement, un avis qui donne envie. J'adore les citations que tu nous as mises là, MissHo.

Fini et j'ai A-DO-RE ! Ce livre est un régal de bout en bout, grâce à ses personnages, sa construction, le style de l'auteur... Je ne peut pas en dire trop pour ne pas vous gâcher la surprise, mais à la question "Comment écrire un roman sur le mariage à notre époque et à la manière des victoriens ? ", Jeffrey Eugenides répond avec une malice incroyable. Tant qu'on n'a pas lu les dernières phrases (qui sont d'une remarquable finesse), on ne peut pas comprendre à quoi servent toutes ces pages auxquelles on a pourtant pris un plaisir fou. J'admire une telle maîtrise, et j'espère ne pas demeurer la seule encore longtemps par ici. Donc, jetez vous sur ce livre !

Tu sais donner envie misshoneychurch. Je suis aussi tentée par la lecture Virgin suicides, j'avais trouvé le film intéressant, par contre Middlesex heu... disons que je suis moins tentée par ce sujet^^

Le roman du mariage est vraiment meilleur que Virgin Suicides, je te le conseille en priorité.