TROÏLUS ET CRESSIDA Comme promis, je viens enfin ouvrir le topic de cette pièce plutôt méconnue (enfin, il me semble) de William Shakespeare.
Juste en guise de précision, j'ouvre ce topic parce que j'ai assisté il y a environ deux semaines à la représentation de
Troïlus et Cressida, qui se joue en ce moment à la Comédie française. Je ne connaissais pas cette pièce avant, et comme on le verra, je n'ai pas non plus eu de coup de foudre pour elle.
Shakespeare et moi, c'est une histoire relativement courte, parce que je connais peu cet auteur.
- Spoiler:
Brièvement, de Shakespeare je connais :
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Roméo et Juliette : j'ai assisté à une représentation de cette pièce, il y a quelques années maintenant. J'ai aussi vu le film de Baz Luhrmann que j'ai juste détesté.
De toute manière, je n'ai jamais accroché à l'histoire d'amour Roméo/Juliette...
C'est peut être pour ça que je suis un peu passée à côté de
Shakespeare in love.
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Richard III : j'ai un peu étudié cette pièce en cours d'anglais au lycée, et j'avais été fascinée par le personnage principal. Nous avions aussi visionné le film avec Sir Ian McKellen, que j'avais trouvé génial.
-
Le Songe d'une nuit d'été : j'ai joué cette pièce quand j'ai commencé à faire du théâtre. J'en garde cependant très peu de souvenirs. Il faut croire que là non plus, je n'avais pas été transcendée...
Et sinon, en classe de seconde, nous avions fait un voyage avec ma classe sur les traces des auteurs anglais (c'est là que j'ai découvert une certaine Jane Austen d'ailleurs, mais sans me rendre compte de ce qu'elle allait représenter pour moi par la suite !
). Nous avions visité Stratford upon Avon, la maison de Anne Hathaway la maman de William, et peut être aussi sa maison à lui mais je ne me souviens plus très bien, et enfin la reconstitution à Londre du Globe Theatre, et ça c'était chouette.
Bref, tout ça pour dire qu'à part quelques bribes de mes cours d'anglais, je ne suis pas familère des grandes pièces de Shahespeare (comme
Hamlet,
Macbeth,
Othello) et que je ne peux pas juger
Troïlus et Cressida en tant que spécialiste de l'auteur.
¤ Présentation de la pièce ¤Je me permets de reprendre ici le livret de la Comédie française.
- Citation :
- Dans la lignée d'Henri V (1599) et d'Hamlet (1601), William Shakespeare poursuit la thématique de la guerre et sa réflexion sur le destin humain. Récit de guerre et histoire d'amour, Troïlus et Cressida (vers 1602) fait partie des pièces assemblées dans le folio de 1623, qui échappe à la contestation par les antistratfordiens de l'attribution de pièces à Shakespeare. Si celle-ci est donc portée au crédit de l'auteur anglais, ses thèmes multiples et son style inclassable la rangent parmi "les pièces à problèmes". Pour ce drame en cinq actes, Shakespeare s'inspire du poème de Geoffrey Chaucer, Troilus et Criseyde (1386) et de L'Iliade traduite par George Chapman (1598). Troïlus et Cressida résonne singulièrement dans le contexte politique troublé par l'exécution en 1601 du Comte d'Essex, nouvel Achille déchu, pour s'être opposé à la reine.
Que raconte la pièce ?
Troïlus et Cressida se passe pendant la guerre de Troie. Les Grecs sont aux portes de la ville depuis des années déjà, et les deux camps tournent en rond, se demandant que faire pour que le conflit cesse enfin, sans qu'un camp ou l'autre ne veuille vraiment céder. Disons le tout de suite,
Troïlus et Cressida n'est pas du tout une histoire d'amour. Dans cette pièce on parle beaucoup plus de la guerre de Troie que du reste. On est d'emblée en pleine guerre, et que personne ne nous réexplique le contexte. Il est peut être bon de revoir les grandes lignes du conflit avant de se lancer dans
Troïlus et Cressida (j'étais bien contente d'avoir suivi des cours de latin !
).
Donc, deux histoires à peu près équilibrées dans la pièce :
- d'abord celle de Troïlus et Cressida. Troïlus et Cressida sont tous les deux des troyens, et ils se déclarent leur amour dès le début de la pièce (avec l'aide du personnage comique de Pandare, l'oncle de Troïlus). Mais leur amour est loin d'être simple : dès le début il est pollué par le climat angoissant qui règne autour d'eux. J'ai eu énormément de mal à croire à cet amour parce que dès le départ il est fragile, et voué à l'échec.
Très rapidement le devin troyen Calchas (le papa de Cressida), qui a senti le vent tourner et qui est passé du côté
obscur grec, réclame sa fille à ses côtés, chez les Grecs. Troïlus laisse Cressida partir, et la jeune femme débarque complètement désillusionnée, et détruite, du côté grec.
- et surtout, celle de la guerre de Troie. On retrouve ici tous les grands noms de l'
Iliade, en chair et en os. C'est ce volet de la pièce que j'ai préféré. D'un côté nous avons Hector, héros presque sur le déclin qui est partagé entre l'honneur de gagner cette guerre en bonne et due forme, et l'envie de se débarrasser d'Hélène pour mettre un terme au conflit. Et de l'autre, nous avons tous les Grecs, en train d'essayer de se remobiliser pour en finir : Ulysse le tacticien, Agamemnon le roi épuisé qui ne parvient plus à se faire respecter, et Achille le héros qui décrédibilise ses supérieurs en n'en faisant qu'à sa tête (il préfère banqueter et festoyer en agréable compagnie plutôt que de combattre
).
La pièce est divisée en deux parties :
- la première est plutôt constituée de discussions. Les personnages sont très bavards, et à l'image de la guerre de Troie, on tourne en rond. Il y a trois types de discussions : les tactiques militaires et discours sur l'honneur et sur la dépravation de certains combattants qui n'en font qu'à leur tête, les dialogues
amoureux philosophiques presques inintelligibles de Troïlus et Cressida (je suppose qu'on retrouve ce type de discours dans d'autres pièces de Shakespeare, mais personnellement j'ai eu du mal à suivre), et les interventions humouristiques (un peu grivoises même) de Thersite et Pandare qui s'adressent directement au public, et le font rire... (eux, je pense qu'ils sont très caractéristiques du théâtre de Shakespeare.
Heureusement qu'ils sont là, on reprend avec eux le fil de l'histoire, et on rigole un peu).
- la seconde partie est très différente, et pleine d'action. Hector a décidé de provoquer un Grec en duel, et tous les regards sont tournés vers ce combat qui doit avoir lieu. On retrouve également Cressida perdue dans ce camp grec, au milieu de tous ces hommes grossiers et vulgaires.
Donc pour ce qui est de la pièce, j'ai eu un mal fou à vous en dresser les contours. Elle est un incroyable mélange de discours différents, de niveaux de discours différents (ce qui sans doute est une des marque de frabrique de Shakespeare), mais je n'arrive pas à dire si oui ou non elle raconte quelque chose en particulier, ou si l'ensemble est harmonieux. On dirait plutôt une petite chronique sur la guerre de Troie, entre deux dates précises, sans qu'il n'y ait réellement de début ou de fin à la pièce.
¤Troïlus et Cressida à la Comédie française (mise en scène de Jean-Yves Ruf)¤Certains d'entre vous ont peut être vu des critiques de cette mise en scène. Les critiques étaient assez mitigées, mais curieusement elles portaient davantage sur la pièce en elle-même (disant que ce n'était pas la meilleure de Shakespeare) que sur la mise en scène et le jeu des comédiens. Personnellement, je ne sais pas ce qui s'est passé ce soir là
(j'étais peut être trop fatiguée !), mais je suis totalement passée à côté.
Les comédiens étaient excellents, comme généralement à la Comédie française. Michel Vuillermoz interprétait Hector avec une maturité et une présence parfaites. Eric Ruf que je n'aime pas trop d'habitude était un très bon Ulysse également. Laurent Natrella (Agamemnon) était impeccable lui aussi. Et Georgia Scalliet (qui a eu un Molière il y a deux ans), la seule femme de la pièce quasiment
, qui est une comédienne que j'aime énormément, était incroyable de grâce et de délicatesse dans le rôle de Cressida.
Le seul hic : Achille, joué par un nouvel arrivant à la CF que j'ai trouvé juste mauvais
. Disons qu'Achille est presque le personnage le plus important, et que là il lui manquait la carrure et le charisme du personnage (et j'ai un peu honte, mais comparé à Brad Pitt du film
Troie - que j'avais détesté- il ne faisait absolument pas le poids !
).
Et nos deux personnages comiques Thersite et Pandare (et on peut ajouter Ajax) étaient à mon avis suffisamment shakespeariens pour qu'on puisse démentir ma prof de théâtre (qui dit que les acteurs français ne savent pas jouer Shakespeare) : drôles, fins, et caricaturaux à la fois. Je pense qu'ils avaient trouvé le bon dosage.
J'ai aimé également les décors et les costumes très beaux, très esthétiques. Lorsque les Troyens (vêtus de gris, et bleu marine, uniformes sobres et élégants) apparaissaient sur scène, c'était devant un haut mur, derrière lequel on imaginait le camp grec. L'instant d'après, le mur s'élevait dans les airs, laissant apparaitre des tentes (le camp grec donc) en tissu écru, la mer et le sable en toile de fond. Les Grecs eux étaient échevelés, poussiéreux, comme épuisés après leur long siège.
Au final, j'ai apprécié le travail fait, les décors, le jeu des comédiens, mais je n'ai rien ressenti
(ce qui, autant le dire, ne m'arrive que très très très rarement à la Comédie française). J'ai eu l'impression qu'il manquait quelque chose, qui aurait provoqué un déclic, mais je ne saurais dire quoi. Peut être la mise en scène était elle trop sage, trop uniforme ? (ce qui n'est plus vraiment l'habitude de la Comédie française ces derniers temps, je vous le jure). Je n'ai pas non plus compris le personnage de Troïlus, et n'ai rien ressenti de son amour pour Cressida.
Seules certaines scènes m'auront marquée : l'arrivée de Cressida dans le camp grec, où elle est violentée par tous ces hommes sans scrupules, usés par la guerre
; et peut être aussi les discussions viriles entre tous ces combattants (on sentait assez clairement les tensions entre eux, les personnages étant très bien croqués et dessinés par Shakespeare, et bien rendus par les comédiens). Mais pour le reste...
Mon frère (qui m'accompagnait) m'a dit au contraire qu'il n'avait jamais été autant
dans la guerre de Troie... comme quoi on peut ressentir les choses différemment.
Comme je n'avais pas lu la pièce avant, je ne peux pas dire si j'ai été insensible au texte, ou bien à cette représentation là. Il faudrait que je la lise, et que j'en voie d'autres interprétations, ou adaptations. Juste, elle m'a semblé difficile à saisir et ardue à comprendre, et je n'y ai pas été sensible.
Et maintenant, après ce long post indigeste, j'attends votre avis !