Gérald (essai biographique)

Dans ses romans autobiographiques j'ai beaucoup aimé Gérald où elle raconte l'histoire de son père, mais aussi de toute la famille. Elle parle avec beaucoup de verve de "Kicky" (George du Maurier, le père de Gérald et le grand-père de Daphné), dessinateur humoristique.
Et dès la première page elle fait allusion à Mrs Gaskell dont il a illustré le roman "Sylvia's lovers".

Toutes les anecdotes sont passionnantes et narrées avec humour.

Le petit Gérald est le benjamin, et couvé par sa mère (Pem) et ses sœurs aînées (Trixie, Sylvia et May).

Citation :

C'était un petit garçon ordinaire, avec des cheveux bruns assez raides, une lèvre supérieure un peu proéminente et deux grands yeux bleus très innocents. Il paraissait même si dépourvu de malice qu'il était difficile d'imaginer qu'il pût ne pas être très bon et très simple.
Pem s'y trompa dès le début.C'était le benjamin ; il ne pouvait donc mal faire. D'ailleurs, il semblait plutôt fragile, il attrapait facilement des bronchites, et elle guettait avec anxiété la première quinte de toux. Qu'il éternuât seulement, et elle se précipitait vers l'armoire à pharmacie pour y prendre de l'huile camphrée. Les Du Maurier étaient d'ailleurs terriblement sujets aux refroidissements. Si l'un d'entre eux attrapait un rhume de cerveau, la maisonnée se comportait comme si elle avait été visitée par la peste.
"Je crains que Gérald ne couve un rhume", disait Pem, le front soucieux ; et Kicky grognait : "Ah ! mon Dieu, les enfants, toujours les enfants. Ce rhume va s'étendre à toute la famille" (en français dans le texte)
Les enfants dormaient avec des bas enroulés autour du cou, par crainte de la contagion, et, le lendemain matin, au petit déjeuner, ils apprenaient avec des cris de désespoir que May avait senti comme un chatouillement dans la gorge.

Le jeune garçon n'est pas passionné par les études. Il écrit à sa mère depuis le pensionnat :

Citation :

J'ai eu de mauvaises notes cette semaine, et il en sera sans doute de même la semaine prochaine ; mais, sincèrement, je pense faire mieux la prochaine fois. Par ailleurs, je ne me suis pas senti très bien ces derniers temps ; l'autre soir, j'ai fait du chahut (je n'avais pas de travail ce jour-là ! Alors, ne dis rien !) et j'ai attrapé une migraine affreuse.... J'ai attrapé également un sale rhume, qui m'a mis à plat, voilà qui t'explique en partie pourquoi j'ai été dix-neuvième cette semaine.

Et bien sûr la maman inquiète lui envoie un colis avec des douceurs...

Citation :

La question de savoir ce que l'on ferait de lui lorsqu'il sortirait du collège posait un grave problème. Comme disait Kicky, Gérald ne semblait devoir témoigner d'aptitudes pour rien, à part le théâtre, et naturellement il ne pouvait en être question.

Gérald du Maurier est devenu un acteur célèbre !

Rosalinde, tu donnes bien envie de découvrir cet ouvrage (aïe ! soupire ma pauvre PAL...) !

Allez, un autre passage pour te donner encore plus envie !
Gérald s'est marié et a des enfants.

Citation :

Gérald, à la nursery, était une espèce de clown, d'amuseur ; on pouvait toujours compter sur lui pour monter un petit spectacle, soit qu'il imitât quelqu'un que les enfants connaissaient, soit qu'il s'abandonnât à son imagination. Lorsque les bébés furent devenus des enfants et que, par hasard, l'écho des petits drames de la nursery parvenait jusqu'à ses oreilles, il savait apaiser les disputes d'une manière originale et amusante, changer les réprimandes en un jeu. Il en fut ainsi le fameux jour où Daphné tira les cheveux d'Angela et lui piétina la figure, et où Angela se vengea en la broyant dans une étreinte aussi puissante que celle d'un ours. Leurs cris de rage à toutes deux parvinrent à Gérald au salon ; il les fit descendre et, se déguisant en juge, tint une cour de justice où les enfants jouèrent à la fois le rôle de prisonnières et de témoins. Le jeu ne finit qu'après l'heure du coucher, et lorsque la nurse vint les chercher, la querelle initiale était oubliée depuis longtemps. I essayait également de leur inculquer de bonnes manières en leur faisant saluer des buffets et des chaises, ou en les présentant solennellement l'une à l'autre comme des invitées de marque. En famille comme partout, il était original.

Une des soeurs de Gérald, Sylvia, a épousé Arthur Llewellyn Davies, et ils ont eu cinq garçons.

Citation :

James Barrie, qui était un grand ami des Llewellyn Davies, et qui adorait Sylvia et ses garçons, écrivit pour eux son immortel Peter Pan. Gérald créa les rôles du Capitaine Hook et de Mr Darling.
.../...
Gérald était Hook, et non pas ce mannequin à perruque, déclamant et rugissant sur la scène, cet individu grotesque que les enfants d'aujourd'hui trouvent un peu comique. C'était un personnage tragique, et même un peu effrayanr, qui ignorait le repos et dont l'âme n'était que tourments ; une ombre, un songe sinistre, l'affreux Croquemitaine qui ne cesse de hanter les recoins obscurs de la pensée de chaque petit garçon. Tous ont leur Hook, Barrie le savait bien : c'est le spectre qui vient la nuit hanter leurs rêves ténébreux ; c'est un personnage de Stevenson et de Dumas, génie maléfique abandonné de Dieu, esprit solitaire, à la fois terrifiant et inspiré. Et parce qu'il avait de l'imagination et une étincelle de génie, Gérald lui donnait la vie.

Merci, Rosalinde ! Cet homme semble avoir été un véritable phénomène... Et le style est très agréable à lire. Décidément, je sens que ma PAL va encore s'alourdir.