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Sujet: Paul Celan - Les mots de personne Ven 19 Juil 2013 - 16:59
La « littérature des camps » n’existe pas.
Célèbre portrait du beau visage pensif de Paul Celan.
Elle n’existe pas, et c’est ce que j’aimerais dire ici, en me laissant porter par l’œuvre éblouissante de Paul Celan.
***
I. Paul Celan, la croisée du monde, la vie en croix
Face au plébiscite général, c’est avec grand plaisir que j’ouvre au sein de l’Auberge une petite, toute petite chambre au grand, très grand poète Paul Celan qui a ceci de commun avec des auteurs tels que Franz Kafka, Rainer Maria Rilke ou Herta Mueller, d’être issu d'une enclave linguistique minoritaire au sein de son pays.
Paul Celan, donc, est né Paul Pessach Antschel le 23 novembre 1920 à Cernauti, en Roumanie, d’une famille juive de langue allemande évoluant au sein de la communauté germanophone du pays. Élève brillant, et particulièrement doué pour les langues – il se distinguera notamment, au sein des écoles successives qu’il fréquentera, en allemand, en hébreu et en roumain –, il se plie au désir de ses parents et, le baccalauréat en poche, décide d’entamer des études de médecine. C’est - ironie de l’Histoire - au lendemain de la tragique Nuit de Cristal qu’il part donc pour la France où il s'inscrit en Faculté de médecine.
Photographie d'identité de Paul Celan à l'âge de 18 ans.
Là, coup de foudre pour la poésie française, et notamment pour les œuvres de Paul Éluard et de Louis Aragon qu’il admire infiniment : Paul Celan regagne Cernauti en 1938, abandonne la médecine et s'inscrit à l'Université en Roumanie, en Littérature romane, sa grande passion.
Mais voilà, le Régime national-socialiste gagne du terrain sur l’Europe depuis le début des années 30 et, en 1942, alors que Paul Celan est âgé de 22 ans, ses parents sont arrêtés et envoyés au camp d’internement de Transnistrie. Son père y meurt du typhus et sa mère, selon les témoignages recueillis après la guerre, y est exécutée d’une balle dans la nuque. Paul Celan est lui-même envoyé dans un camp de travail forcé en Moldavie dont il ne sera libéré qu’en 1944 par l’Armée soviétique.
Au sortir de ces noires années, Paul Celan s’installe à Bucarest, la capitale, où il met à profit son talent pour les langues en travaillant comme traducteur et éditeur.
En 1947, après un détour par l'Autriche et une histoire d'amour passionnée avec la jeune Ingeborg Bachmann, il s’installe finalement en France, dont il obtiendra la nationalité en 1955, et reçoit une place de lecteur d’allemand à l’École Normale Supérieure de Paris. C'est à cette époque qu'après quelques tergiversations, il prend le nom de plume de "Paul Celan".
Paul Celan dans son bureau.
Quelques années plus tard, Paul Celan épouse Gisèle de Lestrange, une artiste peintre et graveur avec qui il entretiendra une monumentale correspondance durant leurs 20 années de vie commune. Celle-ci sera du reste publiée grâce aux soins de leur fils, Éric Celan, en 2001, bien après le décès de ses deux parents.
Paul et Gisèle avec un ami.
Paul et Gisèle aux éclats.
Semblable en cela à de nombreux écrivains, Paul Celan a du reste entretenu de très volumineuses correspondances au cours de sa vie, notamment avec la poétesse allemande Nelly Sachs, Prix Nobel de littérature en 1966, ou l'écrivain autrichien déjà mentionné Ingeborg Bachmann.
En 1960, à 40 ans, il obtient la plus prestigieuse distinction littéraire allemande, le Prix Georg-Büchner. C’est à l’occasion de la réception de ce Prix que Paul Celan prononcera un discours magnifique intitulé Le Méridien, dans lequel il expose notamment sa conception de l’écriture et de la poésie et la difficulté de se réapproprier une langue maternelle qui est aussi celle de ses bourreaux. Pour ma part, je considère ce texte comme partie intégrante de son œuvre poétique et en recommanderais même la lecture préalable à tous ceux qui, intéressés par ses recueils, souhaitent découvrir ses vers : un texte d’une pureté et d’une profondeur bouleversantes, qui donne à voir la réflexion d’un homme de mots sur son outil privilégié, tout en constituant un vibrant exemple du meilleur usage que l’on peut en faire. Tout texte traitant de littérature, s’il est réussi, ne peut que constituer une étincelante mise en abyme. C'est le cas de celui-ci.
À partir de 1965, Paul Celan, profondément dépressif, est interné à plusieurs reprises en hôpital psychiatrique mais continue de poursuivre, cahin-caha, son travail de traducteur et ses activités littéraires de poète et d’écrivain. Dans la nuit du 19 au 20 avril 1970, il se jette dans la Seine depuis le Pont Mirabeau. On ne retrouvera son corps que quelques jours plus tard.
Paul Celan avait 50 ans.
***
II. Paul Célan, les mots sur les maux
Il me semble que l'œuvre de Paul Celan, surtout connu pour sa poésie, se distingue en trois grands pans, sans doute tous d'égale importance:
1) Ses traductions allemandes, nombreuses et variées, d'écrivains de nationalités, de langues et de genres fort différents parmi lesquels on relèvera Guillaume Apollinaire, Aimé Césaire, Emily Dickinson, Fernando Pessoa ou Georges Simenon.
2) Déjà évoquées plus haut, ses volumineuses correspondances, entretenues aussi bien avec des grands noms de la littérature mondiale qu'avec des proches ou des anonymes. Je retranscris ici un choix des éditions françaises de certains de ces échanges épistolaires:
Spoiler:
Bibliographie sélective des éditions françaises de correspondances de Paul Celan:
Paul Celan-Ingeborg Bachmann, Le temps du cœur. Correspondance, trad. par B. Badiou, Paris, Le Seuil, 2011.
Paul Celan-Ilana Shmueli, Correspondance, éd., comm. et trad. par B. Badiou, Le Seuil, 2006.
Paul Celan-Gisèle Celan-De Lestrange, Correspondance, éd. et comm. par B. Badiou avec le concours d’É. Celan, Le Seuil, 2001.
Paul Celan-Nelly Sachs, Correspondance, trad. de M. Gansel, Belin, 1999.
3) Enfin, ses poèmes à proprement parler, tous rédigés en allemand, dont je retranscris ici un choix bibliographique de traductions françaises:
Spoiler:
Bibliographie sélective de traductions françaises d'œuvres poétiques de Paul Celan:
Paul Celan, La Rose de personne, trad. de M. Broda, José Corti, 2002.
Paul Celan, Pavot et mémoire, trad. de V. Briet, Bourgois, 2001.
Paul Celan, De seuil en seuil, trad. de V. Briet, Bourgois, 2001.
Paul Celan, Grille de parole, trad. de M. Broda, Bourgois, 2001.
Paul Celan, Choix de poèmes, augmenté d’un dossier inédit de traductions revues par P. Celan, textes réunis par P. Celan, trad. et prés. par J.-P. Lefebvre, Gallimard/Poésie, 1998.
Paul Celan, Soleils-Filaments, trad. de B. Vilgrain, Théâtre typographique, 1990.
Paul Celan, Strette et autres poèmes, trad. de J. Daive, Mercure de France, 1990.
Paul Celan, Contrainte de lumière, trad. de B. Badiou et J.-C. Rambach, Belin, 1989.
Paul Celan, Poèmes, trad. de J. E. Jackson, Éditions Unes, 1987.
Paul Celan, Enclos du temps, trad. de M. Broda, Clivages, 1985.
Paul Celan, Poèmes, trad. d'A. du Bouchet, Mercure de France, 1978; 1986.
Je signale également publication, en français, de son discours de réception du Prix Georg-Büchner:
Paul Celan, Le Méridien et autres proses, trad. J. Launay, Le Seuil, 2002.
***
Je crois que la "littérature des camps" n'existe pas - pas plus que la "littérature d'accouchement", la "littérature de campagne" ou la "littérature d'aristocratie". Nous fuselons une réalité complexe, individuelle, insaisissable et contradictoire à l'aide de concepts bien découpés et enregistrons sous des noms au carré les formes vagues et mouvantes d'œuvres singulières que la langue et la philosophie rendent à toute autre incomparables. Il y a des livres intéressants, des livres ratés, des livres étonnants, des livres dont on ne sait que penser. Des livres intelligents, des livres glaçants, des livres indifférents, des livres indéfinissables, des livres trop grands ou trop petits, des livres sublimes, des livres bien écrits, des livres sympathiques, des livres déchirants, des livres incompris, des livres dégoûtants. Des livres bénins, des livres bénis, des livres importants, du noir, du rouge, du gris, du blanc. Certains d'entre eux ont pour objets les camps de concentration - toute sorte de camps de concentration -, d'autres non.
Des livres profonds: des mots qu'un esprit pénétrant semble avoir su déposer, par un geste de grâce inspiré, dans le moule d'une réalité creusée pour eux. Il me semble que les œuvres de Paul Celan, un très grand poète, sont de ceux-là.
Oublions la "littérature des camps". Lisons Paul Celan.
Dernière édition par Dérinoé le Sam 23 Juil 2016 - 21:05, édité 2 fois
Invité Invité
Sujet: Re: Paul Celan - Les mots de personne Ven 19 Juil 2013 - 18:21
Merci Dérinoé pour le temps, la peine et ce minutieux travail d'introduction à l'oeuvre de Paul Celan; l'auteur méritait en effet sa place en ces lieux d'écriture.
Dérinoé a écrit:
Semblable en cela à de nombreux écrivains, Paul Celan a du reste entretenu de très volumineuses correspondances au cours de sa vie, notamment avec la poétesse allemande Nelly Sachs, Prix Nobel de littérature en 1966, ou l'écrivain autrichien Ingeborg Bachmann
Sentiment personnel mais plus j'avance en âge, plus les romans et autres oeuvres de fiction m'indiffèrent — au contraire des correspondances. Pêché à l'instant sur le site d'Assouline, La République des livres, cet article de décembre 2011 consacré à ladite correspondance avec Bachmann, éprouvante: "Celan/Bachmann ou l'indestructibilité d'une relation":
Dixit Assouline: "On dira que tout les séparait: lui, juif roumain de langue allemande, interné dans un camp de travail pendant la guerre, orphelin de ses parents déportés; elle, fille d’un instituteur protestant ayant tôt adhéré au parti national-socialiste autrichien. Mais l’écriture était au centre de leur vie. Ils faisaient couple, même pour la société littéraire, qui associait naturellement leurs noms chaque fois qu’était évoqué le meilleur et le plus prometteur de la jeune poésie lyrique allemande. (...) Tout est poésie en eux; d’ailleurs, nombre de lettres, de même plusieurs dédicaces de livres, sont des poèmes; c’est dire si la frontière est poreuse. Que peuvent s’offrir des poètes amoureux sinon des poèmes qu’elle qu’en soit la forme?"...
Dérinoé a écrit:
Je crois que la "littérature des camps" n'existe pas — pas plus que la "littérature d'accouchement", la "littérature de campagne" ou la "littérature d'aristocratie". (...) Il y a des livres intéressants, des livres ratés, des livres étonnants, des livres dont on ne sait que penser
Même avis. De même qu'il n'existe pas, comme l'a démontré certain Irlandais rendu à la Bible après déconfiture, de littérature de l'immoralité, le talent seul valant parentèle...
Dérinoé Ready for a strike!
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Sujet: Re: Paul Celan - Les mots de personne Sam 20 Juil 2013 - 13:54
@ TimesNewRoman:
Un grand merci pour ton message et ravie que cette brève introduction te plaise.
Dixit Assouline: "On dira que tout les séparait: lui, juif roumain de langue allemande, interné dans un camp de travail pendant la guerre, orphelin de ses parents déportés; elle, fille d’un instituteur protestant ayant tôt adhéré au parti national-socialiste autrichien. Mais l’écriture était au centre de leur vie. Ils faisaient couple, même pour la société littéraire, qui associait naturellement leurs noms chaque fois qu’était évoqué le meilleur et le plus prometteur de la jeune poésie lyrique allemande. (...) Tout est poésie en eux; d’ailleurs, nombre de lettres, de même plusieurs dédicaces de livres, sont des poèmes; c’est dire si la frontière est poreuse. Que peuvent s’offrir des poètes amoureux sinon des poèmes qu’elle qu’en soit la forme?"...
Merci beaucoup pour ce lien: comme d'habitude, excellent article de Pierre Assouline, très éclairant quant à la personnalité de Paul Celan et aux accès psychotiques qui auront fini par avoir raison de lui.
En parcourant le blog de Pierre Assouline, La République des Livres, à la recherche d'autres articles portant sur Paul Celan et son œuvre, je suis tombée sur deux intéressants billets - l'un portant sur le travail de l'écrivain, l'autre sur l'un des pans les plus dramatiques de sa vie:
1) Pierre Assouline, Ce qui rongea Celan, publié le 14 décembre 2007 in La République des Livres.
Ce billet porte sur les rumeurs de plagiat aussi ignobles qu'infondées que subit Paul Celan à la fin de sa vie, persécuté par la veuve, malhonnête, d'Yvan Goll, un poète qu'il avait traduit en son temps. Pierre Assouline offre un élogieux compte-rendu d'un livre d'Yves Bonnefoy, Ce qui alarma Paul Celan, consacré à la réhabilitation de l'écrivain qui fut rongé par cette sale affaire jusqu'à son suicide.
2) Pierre Assouline, En décryptant Paul Celan, publié le 20 juin 2009 in La République des Livres.
Ce billet-ci est consacré au travail d'analyse de Jean-Michel Maulpoix dans un livre intitué Choix de poèmes, un décryptage d'un panel de vers de notre auteur loué pour sa clarté et son intelligence didactique.
(Pour accéder aux deux pages mentionnées, cliquez sur les titres en rouge.)
Dernière édition par Dérinoé le Sam 23 Juil 2016 - 21:10, édité 1 fois
Ysabelle Stardust Reveries
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Sujet: Re: Paul Celan - Les mots de personne Sam 20 Juil 2013 - 19:25
Merci Derinoe pour cette brillante présentation. Je ne connaissais pas ce poète qui semble avoir marqué une époque. Je ne manquerai pas de penser à acquérir une de ses œuvres afin de faire sa connaissance. Je ne pourrai pas le lire, toutefois, dans l'immédiat car j'ai fait une PAL dans ma PAL que j'essaie à tout prix de finir . Je dois passer une commande dans les jours à venir et il en fera partie, cependant. Tu disais qu'il avait écrit la plupart de ses livres en allemand. J'espère que la traduction est assez fidèle. Deuxième question : en as-tu parlé ou posté un de ses poèmes dans le topic dédié à la poésie? Je ne m'en souviens pas
Dérinoé Ready for a strike!
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Sujet: Re: Paul Celan - Les mots de personne Sam 20 Juil 2013 - 20:17
@ Ysabelle:
Citation :
Merci Derinoe pour cette brillante présentation. Je ne manquerai pas de penser à acquérir une de ses œuvres afin de faire sa connaissance. Je ne pourrai pas le lire, toutefois, dans l'immédiat car j'ai fait une PAL dans ma PAL que j'essaie à tout prix de finir Laughing .
Merci beaucoup, chère Ysabelle, pour ce retour: je serai ravie de lire ton avis sur Paul Celan à l'occasion. N'hésite pas à faire un saut sur le fil pour commenter tes lectures lorsque le temps sera venu.
Citation :
Je ne connaissais pas ce poète qui semble avoir marqué une époque.
Je crois, en effet. Je me méfie des avis que nous livre la postérité, c'est-à-dire, bien souvent, une intelligentsia dominante favorisant autant - voire plus - certaines légendes biographiques que les qualités littéraires d'une œuvre. Toutefois, Paul Celan, malgré une solide réputation d'hermétisme, a vu le nombre de ses admirateurs de tous poils grossir d'année en année, ce dont je me réjouis - lui qui est parti rongé (entre autres) par une accusation de plagiat mensongère.
D'ailleurs, en parcourant la toile à la recherche d'avis de lecteurs sur sa poésie, on constate que nombre de journalistes et de bloggeurs, professionnels de la littérature ou amateurs de tous âges, expriment un enthousiasme toujours renouvelé pour ses recueils et son parcours de vie.
Citation :
Tu disais qu'il avait écrit la plupart de ses livres en allemand. J'espère que la traduction est assez fidèle.
Excellente question! Comme écrit plus haut, la poésie de Paul Celan est réputée difficilement traduisible, truffée de néologismes complexes, de métaphores liées à la structure de la langue allemande et d'arythmies prosodique. Dans l'article relayé par TimesNewRoman, Pierre Assouline, en bon chroniqueur, ne manque pas, en soulignant l'obscurité de cette forge de mots, de saluer le talent de l'un de ses traducteurs les plus acharnés, Betrand Badiou, grand spécialiste universitaire de son œuvre.
Voici un exemple de traduction d'un poème tiré de La Rose de personne, le recueil que je propose justement pour lecture, ainsi que le commentaire vif et ironique de Pierre Assouline:
Spoiler:
"Pour se remettre de ces déceptions, rien ne vaut de retourner à l’œuvre. La Revue des Belles-Lettres à Lausanne a récemment publié une curiosité : un poème abandonné sous le titre titre Walliser Elegie (Elégie valaisanne) en date du 1er avril 1961, destiné à l’origine à figurer dans l’un de ses plus beaux recueils La Rose de personne (Die Niemandsrose). En voici les derniers vers, traduits par Bertrand Badiou :
«( …) Je chante : J’ai/ vu l’âme./ (Vu-Vu-Baisé)/ Elle vint,/ l’œil vigilambule, elle vint, ouverte./ Elle vint avec l’unique,/ avec cette imperturbable intuition, une lumière/ dix fois éteinte, claire/ elle la portrait en son sein, libre/ comme une sœur elle/ remonta le chemin des ombres, le chemin des mille,/ des péages, le non-vu –Toi, l’E-/ trange. In-/ déviable. Sein de lumière./ Salve Regina.
Emois, spasmes, triomphes/ muets de demi-nuits et de nuits/ remémorées. Le Toujours-/ proche perdu, ici,/ aujourd’hui. Voyage de/ vendredi saint avec toi, sous/ des aiguilles, toi,/ Désespérance nanifiée. Rarogne. »
Avant d’en critiquer la traduction, avisez-vous du texte allemand du poème, ne fût-ce que pour prendre la mesure de sa complexité… :
« (...) Ich singe : Ich habe/ die Seele gesehn./ (gesehen-Gesehen-Geküsst)/ Sie kam,/ augenwandlerisch kam sie, offen./ Sie kam mit der einen/ unbeirabben Ahnung, ein Licht,/ ein zehnmal erloschnes, hell/ trug sie’s im Schloss, frei,/ schwesterlich ging/ sie den Schattenweg aufwärts, den Tausend-,/ den Mautenweg, den ungesehenen-Selt-/ same du,Un-/ entwegbare. Lichtschoss./ Salve Regina.
Dans les notes qui suivent ce poème, lequel n’arrangera probablement pas la réputation d’hermétisme et d’inaccessibilité de cette œuvre, le traducteur précise à propos de « augenwandlerisch » rendu en français par « vigilambule »: « L’adjectif est formé sur nachtwandlerisch, « somnambule ». Il ne faut bien sûr pas l’entendre ici au sens technique, psychiatrique (substantif) ». Quant à « Kar-/ freitagsfahrt », il précise encore, non sans se reporter à l’ensemble du poème : « Par l’emploi de la césure, de l’enjambement, Celan met en tension les deux composés du mot : le premier appartient au vocabulaire géologique (das Kar, le mot d’un mot dialectal signifiant « poêle », casserole »), désignant un cirque glaciaire au versant d’une montagne, le deuxième fait allusion au « voyage » en enfer de Dante ». Voilà, maintenant vous pouvez critiquer le traduction puisque, comme on le sait, tout honnête homme de langue française a deux métiers : le sien et traducteur…"
Pierre Assouline, Extrait de Celan/Bachmann ou l'indestructibilité d'une relation in La République des Livres, publié le 29 décembre 2011.
Dans la mesure où je l'ai toujours lu en allemand, je ne peux me prononcer sur la qualité des traductions. En revanche, et sans rien ôter aux mérites très probables des autres traducteurs ayant œuvré à la diffusion francophone de ses œuvres, je peux à tout le moins relayer l'admiration vouée par nombre de lecteurs éclairés au travail de Bertrand Badiou.
Citation :
Deuxième question : en as-tu parlé ou posté un de ses poèmes dans le topic dédié à la poésie? Je ne m'en souviens pas scratch
Non, jamais encore. Une idée que je retiens, en tous les cas.
Dernière édition par Dérinoé le Sam 23 Juil 2016 - 21:16, édité 1 fois
Dérinoé Ready for a strike!
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Sujet: Re: Paul Celan - Les mots de personne Dim 21 Juil 2013 - 22:58
Oyez, oyez bonnes gens!
Petit message pour vous annoncer l'ouverture imminente d'un groupe de lecture du recueil de Paul Celan intitulé La Rose de personne dont je reproduis ici les références de deux éditions, l'une bilingue, l'autre en traduction française:
1) Paul Celan, La Rose de personne, [Die Niemandsrose, 1963], éd. bilingue allemand-français, trad. de M. Broda, Points Poésie, 2007, 186 p., à 6 Euros 83 (avec livraison offerte).
2) Paul Celan, La Rose de personne, [Die Niemandsrose, 1963], trad. de M. Broda, Éd. José Corti, 2002, 160 p., env. 18 Euros.
Je remercie infiniment TimesNewRoman qui s'est donnée la peine de chercher une édition de poche de ce très beau recueil. Je précise ici, pour tous les intéressés, que je me ferais un plaisir de partager d'éventuels bons plans pour l'acquisition du livre si jamais je devais dénicher quelque information sur la toile: n'hésitez pas à me contacter.
Voici les modalités du groupe du lecture, qui ne réunit pour l'instant que TimesNewRoman et moi:
1)À compter de cette semaine du 22 juillet 2013, chacun commentera, de la manière qui lui convient le mieux, au moins 1 poème par semaine sur ce fil, et ce jusqu'à épuisement du corpus.Ou des participants, c'est à voir.
2)Les modalités de participation, en termes de:
(a) nombre de poèmes lu hebdomadairement, (b) chronologie de lecture (c) jour(s) de publication des commentaires (d) type de message rédigés,
sont absolument libres.
"Vivre et laisser vivre" sera notre devise - ce qui, sur un fil comme celui-ci, ne me paraît pas tout à fait déplacé.
4)Quiconque intéressé par ce recueil est bienvenu sur ce fil et pourra prendre le train en route, y compris pour un bref trajet, afin de participer à la discussion.
Je saisis le prétexte de cette lecture libre pour mettre en lumière la poésie de cet auteur, trop souvent ignorée sous prétexte d'hermétisme. Contrairement à la prose, la poésie a ceci de magique qu'elle touche autant par ce que l'on en comprend que par ce qui demeure mystérieux en elle.
Un été à l'ombre de Paul Celan? On ne pourrait rêver mieux.
À bientôt j'espère!
Dernière édition par Dérinoé le Sam 23 Juil 2016 - 21:17, édité 1 fois
Dérinoé Ready for a strike!
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Sujet: Re: Paul Celan - Les mots de personne Mar 23 Juil 2013 - 23:25
Ma librairie favorite n'ayant pas en magasin l'édition de la Rose de Personne publiée par Points Poésie, j'ai acheté, en attendant l'arrivée de ma commande, un autre recueil bilingue mentionné dans la bibliographie sélective mise sous spoiler dans mon message d'ouverture, à savoir:
Paul Celan, Choix de poèmes augmenté d’un dossier inédit de traductions revues par P. Celan, textes réunis par P. Celan, trad. et prés. par J.-P. Lefebvre, Gallimard/Poésie, 1998.*
Cette édition comprend des poèmes issus de 5 des 7 recueils de poèmes publiés individuellement:
1)Pavot et Mémoire (Mohn und Gedächtnis) 2)De Seuil en Seuil (Von Schwelle zu Schwelle) 3)Grille de Parole (Sprachgitter) 4)La Rose de Personne (Die Niemandsrose) 5)Renverse du Souffle (Atemwende)
Ce recueil a la particularité d'avoir été supervisé par Paul Celan lui-même qui sélectionna le panel des poèmes dans chacun de ses recueils antérieurs pour une première anthologie en allemand et révisa la traduction française établie pour Gallimard par Jean-Pierre Lefebvre, l'un des grands spécialistes universitaires de l'auteur, quelques années plus tard.
La double photographie qui fait bandeau sur la couverture et dont j'avais du reste reproduit une version dans le message d'ouverture a été prise par Gisèle de Lestrange, son épouse.
Ce soir, j'ouvre donc la lecture de La Rose de Personne par un poème intitulé Psaume (en all. Psalm), p. 181 dans l'édition susmentionnée.
Spoiler:
Psalm
Niemand knetet uns wieder aus Erde und Lehm, niemand bespricht unsern Staub. Niemand.
Gelobt seist du, Niemand. Dir zu lieb wollen wir blühn. Dir entgegen.
Ein Nichts waren wir, sind wir, werden wir bleiben, blühend: die Nichts-, die Niemandrose.
Mit dem Griffel seelenhell, dem Staubfaden himmelswürst, der Krone rot vom Purpurwort, das wir sangen über, o über dem Dorn.
Paul Celan, Psalm in Die Niemandsrose, 1963.
Psaume
Personne ne nous pétrira de nouveau dans la terre et l'argile, personne ne soufflera la parole sur notre poussière. personne.
Loué sois-tu, Personne. C'est pour toi que nous voulons fleurir A ta rencontre.
Un rien, voilà ce que nous fûmes, sommes et resterons, fleurissant : la rose de Rien, la rose de Personne
Avec la clarté d'âme du pistil l'âpreté céleste de l'étamine, la couronne rouge du mot pourpre que nous chantions, au-dessus, ô, au-dessus de l'épine.
Paul Celan, Psaume in La Rose de Personne, trad. de J.-P. Lefebvre, 1998.
Et récitée par le Maestro en personne. À ne pas écouter si vous êtes déjà très abattus par la canicule ou rongés par quelque mal de vivre existentiel - mais quelle diction sublime!
Spoiler:
Psalm, lu par Paul Celan:
Je laisse les amateurs profiter des mots et de la voix et repasserai dans un deuxième temps pour laisser commentaire, remarques et questions sur ce très beau texte.
*En Suisse, le volume coûte, neuf, une petite vingtaine de Francs suisses.
Dérinoé Ready for a strike!
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Sujet: Re: Paul Celan - Les mots de personne Dim 24 Juil 2016 - 21:04
J'aimerais signaler l'existence d'un très beau documentaire biographique réalisé par Ulrich H. Kasten et Hans-Dieter Schütt et diffusé pour la première fois par Arte en juillet 2014: Paul Celan. Écrire pour rester humain (2014). Sur la base de quelques mots-clefs, les intéressés le retrouveront aisément sur la Toile.
Le documentaire suit une ligne du temps prenant ancrage en Bucovine, région natale de Paul Celan alors située en Roumanie, et suit le poète à travers les différentes étapes de son parcours et de ses pérégrinations, jusqu'aux tragiques rives de la Seine d'où il s'ôta finalement la vie, à l'âge de 50 ans, après des années de crises maniaco-dépressives et d'internements.
Le documentaire, riche de nombreuses images et de vidéos d'époque, est éclairé par les commentaires, très complémentaires, de Bertrand Badiou - universitaire traducteur et éditeur de Paul Celan - et du fils du poète, Éric Celan (né en 1955), qui livre là un témoignage aussi pudique que bouleversant sur ses parents.
Éric Celan, fils de Paul Celan et de Gisèle Celan-De Lestrade.
J'ai beaucoup aimé ce documentaire, sans emphase ni pathos inutile, qui s'arrime à la chronologie apparente des faits pour mettre en lumière, avec tact et simplicité, la poésie de Paul Celan et offrir à son œuvre un trop rare porte-voix.
À vous lire...
Léti Cat in a Magic Wood
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Sujet: Re: Paul Celan - Les mots de personne Lun 25 Juil 2016 - 10:17
Merci, Dérinoé, pour l'indication de ce documentaire, je vais essayer de visionner cette semaine. Merci surtout, de me faire découvrir cet homme et ce poète, à travers ce topic et celui sur la poésie. Si j'ai des commentaires suite au visionnage, je vous tiens au courant, bien sûr !
Au passage, j'ai particulièrement apprécié le poème que tu as cité le 23 juillet...2013, le Psaume. J'aime sentir cette référence constante à l’Écriture, dans un texte qui semble moins "hermétique" que les autres que tu as pu citer pour le moment. "Loué sois-tu, Personne", c'est un abîme, et en même temps...
J'aime également beaucoup cette strophe : "Un rien, voilà ce que nous fûmes, sommes et resterons, fleurissant : la rose de Rien, la rose de Personne "
Très proche de ma propre sensibilité. L'éphémère, certes, mais l'éphémère joli. Et pour qui, pour quoi ? Va savoir...Personne, sans doute ? Et avec cette fameuse rose de Personne, qui donne son titre au recueil, d'ailleurs (comme quoi, je ne suis pas la seule à accrocher sur cette expression :p) Ceci dit, je pense que l'expression allemande est plus forte encore, mais comme je ne suis pas germanophone, je suis hautement redevable de l'existence de la traduction.
Dérinoé Ready for a strike!
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Sujet: Re: Paul Celan - Les mots de personne Mar 26 Juil 2016 - 3:52
@ Léti:
Merci beaucoup pour ton message qui m'a fait grand plaisir Léti.
Citation :
Merci, Dérinoé, pour l'indication de ce documentaire, je vais essayer de visionner cette semaine. Merci surtout, de me faire découvrir cet homme et ce poète, à travers ce topic et celui sur la poésie. Si j'ai des commentaires suite au visionnage, je vous tiens au courant, bien sûr !
C'est moi qui te remercie. Comme tu peux l'imaginer, les occasions de parler de Paul Celan et de sa poésie sont, au quotidien, assez rares et je suis par conséquent très heureuse de pouvoir partager ici avec vous. Des retours comme les tiens - ou plus haut, ceux d'Ysabelle et de TimesNewRoman - me mettent toujours en joie.
Je serais très intéressée par ton avis sur le film! Pour ma part, j'ai beaucoup aimé la ligne narrative chronologique qui, sans tomber dans le pensum biographique, permet d'en apprendre plus sur la vie et les relations de Paul Celan et, dans un même temps, d'éclairer sa poésie à l'aune d'une trajectoire qui est raison même de sa vocation. L'une des questions à l'origine du travail poétique de l'auteur prenant naissance dans la question suivante: "Comment puis-je écrire, penser, aimer dans la langue de mes bourreaux?"
À cet égard, le passage sur la rencontre, assez mystérieuse, entre Paul Celan et le philosophe allemand Martin Heidegger - admirateur du Régime national-socialiste et nommé dès 1933 Recteur de l'Université de Fribourg-en-Brisgau d'où le pouvoir aura tôt fait de chasser son Maître Edmund Husserl, en raison de sa confession - est exemplaire: où l'on voit comment la poésie, à mots couverts, a gardé trace d'un moment de vie très particulier.
En outre et comme déjà évoqué, j'ai trouvé le témoignage d'Éric Celan très marquant, et notamment dans la manière, délicate, dont il évoque la maladie de son père et les violences qu'elle infligeait à lui-même comme à ses proches. En très peu de mots et sans faire étalage de sentiments, il laisse deviner la complexité, sinon le tragique, de la personnalité et du destin de Paul Celan, ce jusqu'à la dernière rencontre, alors que le jeune homme n'a que quinze ans. On sent du reste un très grand respect mutuel entre Bertrand Badiou et Eric Celan - qui parlent côte-à-côte face à la caméra et s'écoutent, l'un l'autre, entreprendre le canevas du poète par un côté différent de la tapisserie.
Citation :
Au passage, j'ai particulièrement apprécié le poème que tu as cité le 23 juillet...2013, le Psaume.
Merci. Il est très beau, c'est vrai.
Citation :
"Loué sois-tu, Personne", c'est un abîme, et en même temps...
Un Psaume au Grand Absent...
Citation :
J'aime également beaucoup cette strophe : "Un rien, voilà ce que nous fûmes, sommes et resterons, fleurissant : la rose de Rien, la rose de Personne "
Très proche de ma propre sensibilité. L'éphémère, certes, mais l'éphémère joli. Et pour qui, pour quoi ? Va savoir...Personne, sans doute ? Et avec cette fameuse rose de Personne, qui donne son titre au recueil, d'ailleurs (comme quoi, je ne suis pas la seule à accrocher sur cette expression :p)
Oui, l'on trouve dans plusieurs de ses poèmes cette référence à la Grande Absence qui ne dit pas son nom.
Citation :
Ceci dit, je pense que l'expression allemande est plus forte encore, mais comme je ne suis pas germanophone, je suis hautement redevable de l'existence de la traduction.
Pour la petite information, l'expression est littéralement traduite à partir d'un compositum - agglomération de deux termes en un seul -, ici formé à partir mots "niemand", à savoir "personne", et "Rose", c'est-à-dire "la rose": Niemandsrose.
***
Et pour ce soir, l'un des ses poèmes que j'aime le plus.
Paul Celan a écrit:
Zähle die Mandeln
Zähle die Mandeln zähle, was bitter war und dich wachhielt, zähl mich dazu:
Ich suchte dein Aug, als du’s aufschlugst und niemand dich ansah, ich spann jenen heimlichen Faden, an dem der Tau, den du dachtest, hinunterglitt zu den Krügen, die ein Spruch, der zu niemandes Herz fand, behütet.
Dort erst tratest du ganz in den Namen, der dein ist, schrittest du sicheren Fußes zu dir, schwangen die Hämmer frei im Glockenstuhl deines Schweigens, stieß das Erlauschte zu dir, legte das Tote den Arm auch um dich, und ihr ginget selbdritt durch den Abend.
Mache mich bitter. Zähle mich zu den Mandeln.
Paul Celan, Zähle die Mandeln in Mohn und Gedächtnis, 1952.
Compte les amandes
Compte les amandes, compte ce qui était amer et t’a tenu en éveil, compte-moi au nombre de tout cela :
je cherchais ton œil quand tu l’as ouvert et que personne ne te regardait, j’ai tourné ce fil secret sur lequel la rosée que tu pensais a glissé en bas jusqu’aux cruches que protège une formule qui n’a trouvé le cœur de personne.
C’est là-bas seulement que tu es entré tout entier dans le nom qui est le tien, que tu as marché d'un pied sûr vers toi-même, que les marteaux se sont balancés librement dans le beffroi de ton silence, que le tout juste Entendu est soudain venu jusqu’à toi, que le déjà-mort t'a aussi entouré de son bras, et vous êtes allés trois en un dans le soir.
Rends-moi amer. Compte-moi au nombre des amandes.
Paul Celan, Compte les amandes in Pavot et Mémoire, trad. de Jean-Pierre Lefebvre, 1998.
Dernière édition par Dérinoé le Mar 26 Juil 2016 - 20:52, édité 2 fois
Petit Faucon Confiance en soie
Nombre de messages : 12005 Age : 59 Date d'inscription : 26/12/2011
Sujet: Re: Paul Celan - Les mots de personne Mar 26 Juil 2016 - 11:30
Merci Dérinoé, pour ce dernier poème, que j'essaie de lire et de comprendre en allemand avant de lire ta traduction ...
Par ailleurs j'ai noté le documentaire, je vais essayer moi aussi d'y jeter un oeil à l'occasion.
Dérinoé Ready for a strike!
Nombre de messages : 1084 Date d'inscription : 15/10/2011
Sujet: Re: Paul Celan - Les mots de personne Jeu 28 Juil 2016 - 16:31
@ Petit Faucon:
Citation :
Merci Dérinoé, pour ce dernier poème, que j'essaie de lire et de comprendre en allemand avant de lire ta traduction ...
Merci à toi pour ton retour.
Je précise juste - au cas où il y aurait malentendu - qu'il s'agit d'une traduction du germaniste Jean-Pierre Lefebvre.
Citation :
Par ailleurs j'ai noté le documentaire, je vais essayer moi aussi d'y jeter un oeil à l'occasion.
Je serais vraiment très intéressée à lire ton avis également.
La vie de Paul Celan est tout à fait romanesque, bien que le plus important se niche sans doute dans le secret des pièces où il travaillait ses poèmes.
Spoiler:
Une famille germanophone vivant au sein d'un pays latin, à la croisée de l'Histoire et des cultures; un don pour les langues (en particulier l'allemand, sa langue maternelle, le roumain et l'hébreu) qui s'exprime très vite, entre une mère passionnée d'arts et de littérature avec qui il nouera des liens très forts, et un père croyant désireux de lui prodiguer une éducation religieuse; un premier voyage en France, avant la Guerre, pour y étudier la médecine, très vite abandonnée au profit des Lettres qui le passionnent déjà; puis, comme un ouragan se monte sur la brise, la Guerre, la déportation, le génocide, à commencer par son propre internement et la mort, odieuse, de ses parents; alors la Roumanie, l'Autriche et la France, derechef; des amours passionnées, notamment avec l'écrivain Ingeborg Bachmann et, plus tard, sa femme Gisèle de Lestrange, elle-même peintre et graveur en rupture avec une famille pétainiste, qui entretiendront avec lui de magnifiques correspondances tout au long de leurs vies; des amitiés littéraires profondes et des rencontres avec des auteurs et des intellectuels dont l'Histoire a retenu le nom (parmi lesquels le poète français Yves Bonnefoy tout récemment disparu); la maladie mentale grignotant du terrain sur la vie quotidienne et la création littéraire; la réception inégale de ses poèmes en Allemagne - parfois moqués ou pris de haut parce que profondément incompris; Gisèle se battant pour le garder à flot entre deux internements en hôpital psychiatrique; le caractère obsessionnel conféré par la maladie à une ridicule accusation de plagiat portée contre lui par la veuve d'un poète ami et à laquelle personne ne prêtera foi; et à la toute fin, la disparition, le Pont Mirabeau, la Seine. Le plongeon.
Une amande amère...
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Sujet: Re: Paul Celan - Les mots de personne
Paul Celan - Les mots de personne
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