Lecture de groupe n°19 : Partie 2 : Doris LESSING, Dans ma peau Autobiographie 1919-1949

Voici l'endroit où poster vos commentaires, ressentis et critiques sur la deuxième partie de

Dans ma peau / Under my skin - autobiographie 1919-1949 de Doris Lessing

Première partie : chapitres 8 à 12

du 08 au 14 mai, ou plus tard ...

Je continue à lire un chapitre par jour. Cela se révèle une méthode particulièrement adaptée à ce livre car chaque chapitre peut être avantageusement considéré dans son unité: ici, contrairement à ce qui se passe quand je lis un roman, dans lequel j'aime m'oublier, je suis ravie d'approfondir par la prise de conscience. Les chapitres de DL ont sans doute d'ailleurs été conçus ainsi, avec leur projet propre dans la méthode d'organisation et d'écriture et le contenu.

Exemplaire, car cette identité y est facilement lisible, me paraît à ce niveau le chapitre X, qu'on pourrait intituler « l'année 37 ». Court, capital, un chef-d'œuvre d'efficacité dans la combinaison d'une écriture sensible (celle qui passionne et émoustille) et le dessin limpide, vigoureux d'un monde historique et d'un moment essentiel du parcours psychologique d'une fille de ce temps faisant le choix de ne pas se soumettre.

Pas le temps de développer, mais je le recommande tout particulièrement à votre attention (je résiste à mon envie de dévorer ce bouquin, mais cet effort est vraiment récompensé... je sens bien que Miss Trotwood est en train de replonger avec cette technique d'ailleurs!   ).

Selenh, j'admire ton assiduité   

La longueur des chapitres est assez variable, et les chapitres 8 et 9 sont à la fois assez longs, et leur style est plus chaotique, reflétant les errances de son adolescence ; en ce qui me concerne, j'ai trouvé que le ton du récit est un peu plus difficile à suivre, donc j'ai ralenti mon rythme de lecture ...

Selenh a écrit:

je sens bien que Miss Trotwood est en train de replonger avec cette technique d'ailleurs!

 

Ouh là, oui, j'arrive même à la fin du livre ! Je n'ai pas vu les pages défiler.

Dans cette deuxième partie, la mère de Doris Lessing paraît beaucoup moins sympathique, car elle ne supporte pas de voir sa fille grandir et s'éloigner d'elle. Pourtant ce que j'éprouve en lisant les passages où on parle d'elle dans cette deuxième partie, c'est à la fois de la colère et de la pitié. Elle ne respecte pas l'intimité de sa fille, mais j'ai l'impression qu'elle devient un peu folle, au fur et à mesure que sa vie devient plus difficile.   

Ensuite c'est l'arrivée des bébés !   J'adore tous les passages où Lessing parle de ses enfants. Je ne me lasse pas de relire celui où elle lit de la poésie à ses deux aînés, encore tout petits. Ils n'ont pas encore les oeillères de l'adolescence et de l'âge adulte, et "comprennent" instinctivement la poésie.

Et ce sont les premières vraies rencontres et conversations de Lessing avec des Noirs, et elle se rend compte de son ignorance à propos de leur situation.

Et puis j'ai retrouvé avec plaisir cette phrase, qui est l'une de mes citations favorites :

"En politique, il est plus facile d'être fou sans se faire remarquer".

Petit Faucon a écrit:

La longueur des chapitres est assez variable, et les chapitres 8 et 9 sont à la fois assez longs, et leur style est plus chaotique, reflétant les errances de son adolescence ; en ce qui me concerne, j'ai trouvé que le ton du récit est un peu plus difficile à suivre, donc j'ai ralenti mon rythme de lecture ...

Pareil  

Miss Trotwood a écrit:

Ensuite c'est l'arrivée des bébés !   J'adore tous les passages où Lessing parle de ses enfants.

Oh, moi aussi, surtout ce passage où elle lange son fils avec son amie qui s'occupe de sa fille. J'en aurais voulu davantage.

Je suis étonnée et admirative de la façon dont elle aime son corps et sa sexualité, pas tous si puritains, ces anglais, en tout cas dans les années trente.

Je suis troublée aussi (même si je le savais sur le plan historique je ne me rendais pas compte que c'était si horrible sur le plan personnel) par ses explications au sujet de ceux qui sont entrés en communisme comme en religion, et par leur éjection, au final, du Paradis qui en a amenés certains à la dépression, la folie, voire le suicide.

Selenh a écrit:

Petit Faucon a écrit:

La longueur des chapitres est assez variable, et les chapitres 8 et 9 sont à la fois assez longs, et leur style est plus chaotique, reflétant les errances de son adolescence ; en ce qui me concerne, j'ai trouvé que le ton du récit est un peu plus difficile à suivre, donc j'ai ralenti mon rythme de lecture ...

Pareil  

   Du coup, je viens tout juste de finir la seconde partie.

Pour ce qui traite de son adolescence, ce n'est pas la partie qui m'a le plus emballée. Je suis d'accord sur le coté décousu et difficile à suivre, probablement le reflet de ses sentiments contrastés sur cette période de sa vie   

Pour le reste, j'apprécie toujours autant ma lecture  

Concernant sa mère, elle parait de plus en plus désespérée. Elle est coincée dans la brousse, avec un mari impotent, ses enfants l'ont abandonnée et la traite avec un certain dédain, voire avec hostilité. Je pense qu'elle ne sait pas comment faire pour appartenir à leur vie et ses "efforts" sont maladroits et l'éloigne un peu plus d'eux   

Les moments avec ses bébés sont de vrais moments heureux, on sent l'amour qu'elle leur porte malgré toutes les difficultés  

Comme Ludi, j'ai terminé seulement cette 2e partie hier.

Elle est assez dense, avec son adolescence, cette recherche d'un autre foyer, qui finit par la conduire à épouser Franck Wisdom à l'âge de 19 ans, et à avoir si vite 2 petits enfants, alors qu'elle commence juste à vivre. Je comprends ce qu'elle dit lorsqu'elle parle d'étouffer dans cette vie de jeunes mamans, où elle tourne en rond.
En tous cas, à la lecture de ses relations avec ses 2 premiers enfants, on comprend quel crève-coeur cela a du être pour elle de devoir les laisser derrière elle, et de ne pouvoir les revoir qu'adultes.
Elle analyse très bien aussi le fonctionnement de la maternité, et on ne peut reprocher dans ces conditions à certaines femmes de ne pas avoir l'instinct maternel, quand on voit comment on enlevait les enfants à leur mère dès la naissance (ça me rappelle ce que ma mère me racontait de ses propres accouchements dans les années 60)

Je m'émerveille, à chaque lecture de Lessing, de la capacité qu'elle a à toucher le point juste, à faire l'analyse la plus exacte d'une situation, ce qui fait que je me dis très souvent en la lisant : elle a absolument raison, elle exprime parfaitement ce que je ressens obscurément et que je n'ai jamais su formuler. Je ne me lasse pas de son esprit intelligent, et en même temps si simple, elle est brillante dans ses points de vue, sans jamais en faire étalage, elle se contente de relier des faits les uns aux autres, et d'en tirer une conclusion pertinente.

J'ai terminé cette partie hier aussi!
C'est encore foisonnant de thèmes intéressants, l'épisode de la dysenterie au ch 8 avec cette quête jamais satisfaite de l'amour de sa mère" viens me prendre dans tes bras s' il te plaît maman". Cette froideur de sa mère qui semble préférer le petit frère et qui prédestine Doris Lessing à avoir des difficultés avec la maternité à son tour.
Sa mère semble aussi en proie à une sorte de folie au fur et à mesure que les chapitres avancent, le poids de la maladie du père pesant toujours plus sur cette femme ainsi que la responsabilité de la ferme.
La description de tous ses voisins est aussi un élément important de cette partie, cela nous montre un état d'esprit assez solidaire entre blancs et surtout cela permet à la petite Doris de se trouver des mères de substitution, comme Mme Larter, qui lui permettent de se construire en dépit de sa mère.
On sent aussi commencer à poindre sa conscience politique, ses envies d'engagement, ses débuts dans l'écriture, son désir de justice pour les noirs qu'elle et son mari traitent mieux que les autres blancs.
Ce qui me paraît plus effrayant ce sont les chapitres sur son mariage et ses maternités car je ne savais pas à quel point l'alcool était omniprésent dans ce milieu. Elle a un regard assez cru sur le sentiment maternel, sujet tabou à cette époque et même encore maintenant pas très politiquement correct.
Bref seconde partie très riche mais je redoute un peu le chapitre de l'abandon de ses enfants.

Tout à fait d'accord avec toi, Nat2a, D Lessing ne peut pas être accusée d'enjoliver ou d'esquiver les sujets "non politiquement corrects" ou peu glorieux ... C'est aussi ce qui fait la force de ses écrits !

Sans en avoir convenu nous sommes plusieurs à avoir achevé notre lecture de la seconde partie hier   .

Je savoure toujours autant ma lecture, et je pèse mes mots car je me délecte. Il n'y aucun temps mort, aucun ralentissement de rythme, elle s'investit complètement dans le récit et nous y entraîne.

Sur le contenu je n'ai pas grand chose à ajouter à vos commentaires. La sincérité voire la crudité de ses propos - tout en restant fort bien écrits - constituent une véritable mise à nu. Son adolescence difficile est passionnante à suivre. Ses propos envers sa mère son durs, mais celle-ci semble toujours vouloir bien faire et ne comprend pas qu'elle heurte la sensibilité de sa fille. J'ai été frappée par le nombre de séjours effectués par la jeune Doris chez des amis ou des connaissances, cela semblait faire partie de la normale. À lire les passages consacrés à la santé de son père, je m'attends régulièrement à ce qu'il disparaisse, mais il semble résistant.
Sur son mariage et ses premières maternités, toujours aussi intéressants et prenants, la consommation d'alcool décrite est effectivement effrayante, mais il en était de même dans les milieux intellectuels parisiens de l'époque fréquentés par Simone de Beauvoir et Jean-Paul Sartre. J'ai apprécié aussi ses propos sur sa prise de conscience de la condition de la population noire. Franck Weston et elle n'ont pas hésité à mieux payer leurs domestiques, se démarquant en cela de leur voisinage. C'est déjà une distinction et un début d'engagement, aussi timide soit-il.

D'une manière générale, que ce soit à 14 ou à 20 ans, Doris a l'air d'étouffer dans une société et un entourage qui ne lui correspondent pas. Les deux côtés de sa personnalité, la "Tigger" enjouée et sociable et l'autre, secret, masquent un grand mal-être.