Je suis tombée récemment sur un certain nombre de critiques de lecteurs dithyrambiques sur
L’Arbre-Monde (
The Overstory en VO), de Richard Powers, le présentant comme un chef-d’œuvre.
Voici le résumé en quatrième de couverture :
- Citation :
- Après des années passées seule dans la forêt à étudier les arbres, la botaniste Pat Westerford en revient avec une découverte sur ce qui est peut-être le premier et le dernier mystère du monde : la communication entre les arbres. Autour de Pat s’entrelacent les destins de neuf personnes qui peu à peu vont converger vers la Californie, où un séquoia est menacé de destruction.
Au fil d’un récit aux dimensions symphoniques, Richard Powers explore ici le drame écologique et notre égarement dans le monde virtuel. Son écriture généreuse nous rappelle que, hors de la nature, notre culture n’est que « ruine de l’âme ».
Comme le sujet avait tout pour me plaire, avec un sujet sur les arbres et forêts, la dénonciation du rapport consumériste que la société a dorénavant avec le vivant avec notamment les déforestations massives et les reboisements en monoculture et la perte de lien avec la nature, je me suis jetée en confiance dans cette lecture.
J’en ressors néanmoins avec un sentiment ambivalent.
Pour qu’il soit utile aux prochains lecteurs et soit éventuellement discuté et enrichi, je choisis néanmoins d’ouvrir un topic à l’auteur pour ma critique du roman.
Voici un résumé de ce qui est publié sur sa page Wikipedia :
Richard Powers est un écrivain né en 1957 dans l’Illinois aux États-Unis.
Il semblerait qu’il ait passé une enfance entre les Etats-Unis et la Thaïlande (où son père y a été muté de ses 11 à 16 ans), se passionnant pour la musique. Il a commencé des études de physique, a continué en littérature et choisi d’arrêter avant de se spécialiser.
C’est un auteur à succès aux États-Unis, ayant écrit des romans à la frontière des sciences et technologies et des arts. Il a écrit 13 romans, dont 11 ont été traduits en français.
Il a reçu en 2019 le prix Pulitzer de la fiction de littérature pour
L’Arbre-Monde. Ce roman aurait une suite s’appelant
Sidérations.
Dans les points positifs de ce roman, il y a essentiellement le fond.
Lire et résumer sa biographie a été intéressant après ma lecture, car on retrouve la richesse de ces multiples intérêts dans ce roman. L’auteur semble avoir collecté une connaissance riche des différentes essences d’arbres américains (et importés ou étrangers pour certains passages entre Thaïlande et Vietnam) et dans différents domaines concernant certaines personnages (psychologie, développement informatique,…).
Le roman a une structure intéressante, en plusieurs parties : les racines (l’origine des différents personnages de ce récit choral et de leurs futurs engagements), le tronc (quand leurs destins s’entrelacent pour des actions communes), la cime (quand leurs chemins divergent à nouveau pour la construction de nouveaux avenirs) et les graines (avec les espoirs futurs).
Cette structure nous permet de découvrir comment des personnes très diverses peuvent s’intéresser aux monde végétal jusqu’à rejoindre des groupes écolos, voire devenir éco-terroristes.
Ce roman n’est pas une fable, ni une utopie. Il retranscrit avec beaucoup de réalisme nos sociétés, ses failles collectives et individuelles, et le destin qui nous guette.
Cependant, il y a un certain nombre d’éléments qui m’ont dérangés.
Tout d’abord, il faut savoir que c’est un pavé, de 738 pages en version poche. En général, le nombre de pages ne me rebute pas si l’histoire m’emporte. Or, le style littéraire m’est apparu laborieux, trop lourd.
Il y a quelques phrases lyriques, qui extraites du roman peuvent faire de belles citations, mais qui en trop grand nombre et noyées au milieu d’un discours, parfois trop technique et clinique, parfois trop abscons, virent à l’indigestion.
Pour la partie absconse, je ne sais si c’est moi qui ai manqué d’attention, lisant en diagonale quand ça devenait trop long ou trop lourd, ou s’il a été trop elliptique, mais il y a un certain nombre de passages-clés que je n’ai pas compris, ce qui est dommage pour son message, notamment
- Spoiler:
- Qu’est-ce qui a déclenché la mort d’Olivia lors de la dernière action éco-terroriste du groupe, menant à leur dissolution ?
- Que sont les apprenants de Neelay ? Des IA ? Sont-ce elles qui répareraient le monde selon Richard Powers ? L'informatique est-il l'avenir de l'homme ?
- Qu’est-ce que font Nick et les indigènes dans la forêt à la fin du roman ? En quoi cela va-t-il aider les hommes et/ou les forêts ?
- Qu’est-ce que Mimi apprend de son Illumination ?
En général, les ellipses ne me dérangent pas dans les romans, notamment asiatiques, construits autour de ce préconçu à accepter. Cela m’a dérangé ici, dans ce roman fourmillant de certitudes, que certains événements-clés passent dans le flou …
En résumé, j’ai trouvé ce roman
trop intellectualisé. J’aurais préféré un récit biographique si l’auteur préfère rester factuel ou une fiction au style littéraire plus aérien et ne touchant pas que le cerveau, mais touchant aussi les sens et le cœur. Si nous aimons les arbres, ce n’est pas avec notre tête (ou pas seulement). La raison en est plus diffuse et multiple (leur immobilité élégante et altière, l’ombre et l’apaisement qu’ils donnent, les fruits qu’on peut y goûter, les senteurs ou couleurs de leurs fleurs, etc…). Toucher plusieurs modes de perception par la littérature m’aurait plus séduite.
Néanmoins, je ne regrette pas ma lecture. On sent que l’auteur a un engagement écologique et qu’il essaie à sa façon de nous faire entrer en empathie avec les arbres. J'ai aussi aimé le fait que ce soit un roman choral, permettant de voir la diversité humaine en parallèle de celle des arbres. De plus, le roman me semble assez complet dans l'histoire de nos sociétés, nos rapports au vivant, dans la multiplicité des visions. Il dénonce aussi la participation des autorités et des gouvernements dans le pillage du végétal par quelques multinationales.
Au final, c’est plus aux "insensibles du végétal" que je recommanderai ce roman car il pourrait leur plaire dans l'approche littéraire et les faire réfléchir sur la philosophie du vivant. Pour ceux déjà conquis, attention, il faut digérer la forme du roman.
Vous comprendrez que je ne lirai pas la suite. En revanche, si certain(e)s en parlent ici, je lirai avec intérêt vos retours !