Transatlantique (2023)

J'ouvre un sujet à cette mini-série allemande (je la pensais plutôt américaine, mais c'est la nationalité indiquée sur sa fiche Wiki), adaptée du roman The Flight Portfolio de Julie Orringer, pour que nos posts ne se perdent pas dans le copieux topic général. Disponible sur Netflix, elle est suivie d'un making-of que j'ai pris plaisir à suivre, en particulier les interviews de l'équipe.

Une fiction sympathique et dynamique, qui ne me marquera néanmoins pas sur la durée. Sur le plan du cadre historique, j'ai trouvé le postulat de départ très intéressant, en ce qu'il sort des sentiers battus. Je n'avais personnellement jamais entendu parler de l'action menée par Varian Fry envers la population juive et ceux considérés comme "indésirables" dans les débuts de la guerre. Dans les manuels scolaires et dans ce qu'on voit en général dans la fiction, on part de l'entrée en guerre des Américains après Pearl Harbor, et des efforts de l'infatigable Churchill pour convaincre Roosevelt, sans expliquer que des Américains étaient en réalité, et depuis longtemps, déjà engagés dans la lutte contre les Nazis. Il y a donc un aspect rafraîchissant à cette histoire romancée, mais basée sur des faits réels qui restent ignorés de beaucoup. Autre bon point, la distribution internationale et les différentes langues qu'on y entend - cela dit, mieux vaut ne pas s'attarder aux invraisemblances, comme un Nazi parlant anglais au chef de la police française   . Il est très sympathique de croiser à la fois des acteurs français (Louis-Do de Lencquesaing, Grégory Montel, Birane Bâ, pour ne citer qu'eux), britanniques, allemands et américains, dont beaucoup de nouvelles têtes. En dehors des acteurs déjà cités, de Lucas Englander, que j'ai été contente de retrouver après Parlement, et de Luke Thompson (Bridgerton), les autres sont de talentueuses découvertes. L'ensemble créé une grande richesse. Visuellement c'est très joli et lumineux, un peu comme dans Poldark pour les Cornouilles dans le sens qu'on a l'impression que le soleil brille en permanence dans le Sud de la France   . Les mélanges des genres (drame, comédie et romance) est assez bien dosé aussi, la légèreté n'étant pas absente, lors de moments qui rappellent même parfois les comédies américaines. La quantité de critiques françaises qui soulignent les incohérences géographiques et la vitesse à laquelle est franchie la frontière espagnole depuis Marseille me surprennent un peu. Ce n’est pas un détail, compte tenu de l’importance dudit trajet pour l’opération de sauvetage, mais je trouve que ça ne gâche en rien le propos de la série.

Le scénario et la place accordée aux personnages m'ont, plus que la manière très contemporaine de dépeindre les mentalités, davantage posé problème. On comprend vite que la série tourne autour de quelques personnages principaux (Mary Jayne, Albert, Varian et Paul) auxquels se joignent une quantité de protagonistes secondaires. Il y a bien sûr tous ceux qui sont accueillis à la villa, où j'ai bien aimé l'ambiance "communauté", mais où on a voulu aussi caser une pléiade d’autres personnes, dont des célébrités sorties de nulle part, Peggy Guggenheim et Hannah Arendt en tête. Ce qui créé à la fois des personnages inutiles et sous-exploités, à l'image du chef de la police française (comme s'il fallait absolument qu'il y ait un "Collabo" pur et dur), et un certain côté brouillon. Une intrigue plus resserrée aurait été plus captivante, me semble-t-il, même si le scénario ne cède pas à la facilité en ménageant quelques surprises finales.

Voici les impressions qu'avait postées Annwvyn :

Annwvyn a écrit:

Je vois que mon avis est attendu au tournant. Si ce n'est pas si mal, j'ouvrirai un topic. J'ai vu les deux premiers épisodes pour le moment, et ça me plaît plutôt. J'ai l'impression que c'est la première fois que je vois la deuxième guerre mondiale avec ces couleurs et cette énergie (on oscille entre un ton grave et un peu d'humour, et les héros sont des battants, inspirants quand on sait que c'est une histoire vraie !).

Annwvyn a écrit:

J'ai compris, j'ai compris, j'ouvrirai un topic à Transatlantique !

Le seul reproche que je ferais pour le moment, c'est que malgré la diversité des personnages, la série a tendance à caricaturer : les artistes sauvés par Fry sont forcément de grands naïfs (pour ne pas dire bêtas) qui se laissent porter, les Américains ont le beau rôle, les Anglais sont forcément de nobles soldats (ou des espions) qui veulent se battre, les Africains (des colonies françaises, c'est présenté ainsi) sont forcément résistants, et les Français sont au choix des colonialistes ou des collabos de Vichy. Certes, c'est secondaire à l'intrigue, mais je finis par trouver ça moyennement crédible, voire niais...

Pour tous les bons aspects de la série, que je trouve vraiment très bien, celui-ci commence à me gêner un peu. On verra si ça se prolonge.

Annwvyn a écrit:

Tout compte fait, pas sûre du tout d'ouvrir un topic à Transatlantique. Il me reste encore un épisode à regarder, ce n'est pas que ce soit pénible ou ennuyant, mais il faut croire que mon intérêt a diminué avec les épisodes.

Je pense que ça vaut le coup d'y jeter un oeil. La série dépeint la guerre et les débuts de la résistance de manière assez différente de ce à quoi on est habitués. C'est à dire que les sujets restent graves, mais le tout est habillé d'une forme d'ensoleillement et de légèreté, qui semble découler du soleil, des personnalités des artistes secourus, et de celles des sauveurs (Mary Jayne Gold par exemple, qui était une richissime jeune femme américaine, de la jet set on pourrait dire aujourd'hui). C'est intéressant aussi pour l'histoire vraie que cela raconte (bien que romancée).

Néanmoins, j'ai noté sur Allociné des critiques acerbes qui reprochent à la série un petit côté Emily in Paris. Et je dois dire qu'il y a un peu de ça. Déjà, le tournage n'a pas eu lieu à Marseille mais à Aix en Provence (pour ceux qui connaissent les villes, ça donne une idée du décalage de représentation), ensuite il y a beaucoup de fêtes très stylées, et enfin il y a quelques raccourcis géographiques (on a l'impression que l'Espagne voire le Portugal ont une frontière avec l'arrière pays marseillais...). Personnellement, tout cela ne m'a pas spécialement gênée, il me semble que ça ajoutait des couleurs à l'ensemble, une sorte de style, sans nuire au propos.

Ce qui m'a beaucoup plus contrariée en revanche, c'est la lecture extrêmement actuelle des événements et des personnages. Ils ont tous une mentalité très 2023, on a l'impression que c'est nous, déplacés dans le temps. C'est à dire que l'homosexualité est acceptée sans problème, les Anglais noirs sont considérés (sans qu'on demande leur avis aux personnes intéressées !) comme des victimes d'un pays impérialiste n'attendant que l'occasion de se rebeller (la dame en question est pourtant responsable des services secrets anglais !), et les discours anti-colonialistes sont au moins aussi présents que la lutte contre le nazisme et l'antisémitisme. Je n'ai rien contre ces discours, ils étaient peut-être en partie existants à l'époque (je n'ai pas assez de culture de l'époque pour en juger). Mais il me semble dans cette série le dosage est si mal fait que j'ai eu une impression un peu dérangeante et déstabilisante de réécriture de l'histoire, au mieux venue de la maladresse des scénaristes, au pire d'une sorte de malhonnêteté. A côté de ça, à peine un mot sur les communistes, qui ont été parmi les premiers résistants.

De tout cette série, je retiendrai néanmoins ma rencontre avec un paquet d'acteurs de bon niveau, notamment l'excellent Cory Michael Smith, qui campe Varian Fry. Et l'énergie inspirante venue de toute cette troupe de jeunes gens, qui a bien dû exister à l'époque pour sauver toutes ces personnes. Pas du tout sûre ceci dit, de regarder la saison 2 si elle voit le jour.

Merci d'avoir donné ton avis Tatiana, et d'avoir ouvert ce topic. Malgré tes réserves, tu sembles avoir davantage aimé que moi.

Au-delà du manque d'intérêt que j'ai fini par ressentir à mesure des épisodes, je crois que ce qui m'a gêné dans cette fiction, c'est la sensation que j'ai eue qu'elle cherchait en partie à réécrire l'histoire. Ce n'est sans doute pas à ce point là mais, une fois cette idée dans ma tête, impossible de l'apprécier sans réserves.

Tatiana a écrit:

Dans les manuels scolaires et dans ce qu'on voit en général dans la fiction, on part de l'entrée en guerre des Américains après Pearl Harbor, et des efforts de l'infatigable Churchill pour convaincre Roosevelt, sans expliquer que des Américains étaient en réalité, et depuis longtemps, déjà engagés dans la lutte contre les Nazis.

Il me semble qu'on ne peut pas parler des initiatives individuelles de Varian Fry comme un début de l'entrée en guerre des Etats-Unis. Je trouve ça très intéressant qu'on mette à l'honneur les actions de Fry (et il y en a sûrement eu d'autres semblables, tout comme il existait des opposants au nazisme sur le territoire américain, parmi les auteurs de Comics notamment), mais vraiment, sauf à ce que je trouve d'autres sources historiques sérieuses, je suppose que cela devait être des initiatives minoritaires (d'où l'insistance constante d'ailleurs des autorités américaines pour inciter Fry à la prudence, voire l'empêcher d'aller au bout de son action). J'imagine que c'est pour ça que les manuels scolaires, restant quand même dans les grandes lignes, n'ont pas forcément retenu Fry.

De même que l'Angleterre délivrait des visas (au compte gouttes certes) aux réfugiés juifs dès avant la guerre, les Etats-Unis protégeaient certaines personnes... tout en maintenant une politique très prudente et passive vis à vis de l'Allemagne nazie.

Oui je suis plutôt positive dans l'ensemble.

Loin de moi l'idée de mettre sur le même plan l'initiative de Varian Fry et l'entrée en guerre du pays tout entier. Je me suis sans doute mal exprimée en faisant un raccourci . Je veux dire qu'on parle évidemment beaucoup de l'engagement des États-Unis dans le conflit à partir de sa déclaration de guerre à la suite de l'attaque contre Pearl Harbor - et c'est bien sûr logique, puisque c'est un pays qui se déclare officiellement en guerre contre un autre - alors que des actions, individuelles et minoritaires certes mais qui fonctionnaient quand même en réseau et ont mobilisé pas mal de personnes, existaient dès 1940, Certains n'ont pas attendu la déclaration de guerre officielle pour se mobiliser. Il y a eu certainement d'autres engagements de ce genre, mais c'est en ce sens que je trouve intéressant d'avoir sorti l'initiative Fry de l'ombre.