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| | David Grann et la littérature du réel (Killers of the Flower Moon, Les naufragés du Wager...) | |
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+5Petit Faucon Elianor Juliette2a Zakath Nath Annwvyn 9 participants | Auteur | Message |
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Annwvyn Subtle scent of rain
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| Sujet: David Grann et la littérature du réel (Killers of the Flower Moon, Les naufragés du Wager...) Lun 29 Jan 2024, 16:41 | |
| J'ouvre un topic à l'auteur David Grann, après avoir lu Les naufragés du Wager, roman réaliste, ou plutôt je dirais "documentaire romanesque", qui m'a enthousiasmée. Avant toutes choses, introduisons David Grann. Je ne le connais pas plus que ça, donc j'essaye de faire au mieux. David Grann, né le 10 mars 1967 à New York, est un journaliste et écrivain américain. Jusqu'en 2003, Grann est rédacteur en chef de The Hill, un journal qui couvre l'actualité politique et institutionnelle de Washington. Il travaille depuis 2003 comme journaliste au New Yorker. David Grann a essentiellement publié trois (ou quatre ?) romans. Je ne m'y retrouve pas trop dans sa page Wikipédia en français qui mélange les articles de presse et les romans de l'auteur, sous le titre de "récits". La page anglaise est mieux faite, mais elle n'a pas l'air exhaustive, elle néglige par exemple de mentionner un dernier "récit" de l'auteur ( The Yankee comandante) dont l'adaptation est semble-t-il à venir. J'ai mis ci-dessous en gras les quatre "récits" qui apparaissent sous le titre "Books" sur le Wikipédia anglais. - Wikipédia a écrit:
- Récits
Un crime parfait : un polar postmoderne, Allia, 2009 ((en) True Crime: A postmodern murder mystery, The New Yorker, 2008), trad. Violaine Huisman, 80 p. Le Caméléon : les multiples vies de Frédéric Bourdin, Allia, 2009 ((en) The Chameleon: The many lives of Frédéric Bourdin, The New Yorker, 2008), trad. Claire Debru, 87 p. Trial by fire : L'État du Texas a-t-il exécuté un innocent ?, Allia, 2010 ((en) Trial by Fire: Did Texas execute an innocent man?, The New Yorker, 2009), trad. Marianne Reiner, 124 p. La Cité perdue de Z, Robert Laffont, 2010 ((en) The Lost City of Z: A Tale of Deadly Obsession in the Amazon, Doubleday, 2009), trad. Marie-Hélène Sabard, 364 p. Chronique d'un meurtre annoncé, Allia, 2013 ((en) A Murder Foretold: Unravelling the ultimate political conspiracy, The New Yorker, 2011), trad. Damien Aubel, 112 p. The Yankee comandante : une histoire d'amour, de révolution & de trahison, Allia, 2015 ((en) The Yankee Comandante: A story of love, revolution, and betrayal, The New Yorker, 2012), trad. Valeria Costa-Kostritsky, 128 p. La Note américaine, Éditions Globe, 2018 ((en) Killers of the Flower Moon: The Osage Murders and the Birth of the FBI, Doubleday, 2017), trad. Cyril Gay, 362 p. Le Diable et Sherlock Holmes, Sous-sol, 2019 ((en) The Devil and Sherlock Holmes. Tales of Murder, Doubleday, 2010), trad. Johan-Frédérik Hel Guedj, Marianne Reiner, Claire Debru et Violaine Huisman, 464 p. The White Darkness, Sous-sol, 2021 ((en) The White Darkness, Doubleday, 2021), trad. Johan-Frédérik Hel Guedj, 160 p. Les Naufragés du Wager : Une histoire de naufrage, de mutinerie et de meurtres, Sous-sol, 2023 ((en) The Wager: A Tale of Shipwreck, Mutiny and Murder, Doubleday, 2023), trad. Johan-Frédérik Hel Guedj, 448 p. C'est en débutant ma lecture des Naufragés du Wager que j'ai découvert que l'auteur était aussi à l'origine de deux romans, plus connus peut-être pour leurs adaptations cinéma : The lost city of Z (La cité perdue de Z), et Killers of the Flower Moon (en français La note américaine). Je reporte ici les avis des lambtoniennes sur ces deux films, en espérant n'en avoir oublié aucun. Sur le livre La note américaine/Killers of the Flower MoonEsperluette avait déjà présenté La note américaine, dans le topic consacré aux Indiens d'Amérique (ledit topic perdu dans la littérature du XIXème siècle). Je poste ici sa présentation. - esperluette a écrit:
- J'ai découvert récemment l'existence d'une enquête de David Grann, La note américaine (Killers of the flower moon), dont je n'avais pas entendu parler à sa sortie. Le livre venait de sortir en poche, ce qui tombait parfaitement bien pour l'ajouter à ma PAL, et je l'ai donc lu début août.
- Citation :
- 1921 Les guerres indiennes sont loin. Leurs survivants ont, pour la plupart, été parqués dans des réserves où ils végètent, misérables, abandonnés à leur sort. Une exception à cette règle : le peuple osage. Il s'est vu attribuer un territoire minéral aux confins de l'Oklahoma. Or ces rochers recouvrent le plus grand gisement de pétrole des États-Unis. Les Osages sont millionnaires, roulent en voitures de luxe, envoient leurs enfants dans les plus prestigieuses universités et se font servir par des domestiques blancs. Le monde à l'envers. Un jour, deux membres de la tribu disparaissent. Un corps est retrouvé, une balle dans la tête. Puis une femme meurt empoisonnée. Et une autre. Plus tard, une maison explose. Trois morts. Qui commet ces assassinats ? Qui a intérêt à terroriser les riches Osages ? Les premières enquêtes, locales, sont bâclées, elles piétinent. C'est pourquoi, après une nouvelle série noire, ce dossier brûlant est confié au BOI (Bureau of Investigation, qui deviendra le FBI en 1935). À sa tête, un très jeune homme. Son nom est Hoover, Edgar J. Hoover. Il veut deux choses. La première : faire toute la lumière sur cette sombre affaire, et il s'en donne les moyens, enquêteurs hors pair, méthodes rigoureuses de police scientifique, mise en fiche de la moindre information. La seconde : le pouvoir. Surtout le pouvoir. Et ce premier coup d'éclat va le lui offrir sur un plateau.
Ce livre a recueilli une foultitude de critiques enthousiastes. J'ai pour ma part eu un peu de mal à me plonger dedans. Je dois dire aussi que j'étais en vacances en Italie et que je consacrais peu de temps à ma lecture. À mon retour, j'ai finalement dévoré le livre en trois jours. Les digressions qui me gênaient au départ sont en fait souvent les parties les plus intéressantes du livre (c'est juste que les transitions manquaient parfois un peu de lien à mon goût, mais je dois reconnaître que je ne suis pas habituée à lire un style journalistique autremenent que dans des articles ).
J'ai lu plusieurs critiques qui disent que l'enquête se lit comme un polar, et c'est en partie vrai. Les faits racontés sont tellement hallucinants parfois qu'on a l'impression d'être dans de la fiction. Je n'en dis donc pas trop sur le contenu pour ne pas spoiler d'éventuelles futur(e)s lecteurs/trices !
Mais c'est surtout tout ce qu'on apprend au passage sur le contexte historique et les lois qui régissaient la vie des Indiens sur les réserves qui est souvent insensé, et révoltant. Sur le film Killers of the Flower Moon (jusque là, les avis et discussions étaient sur le topic de DiCaprio) - Zakath Nath a écrit:
- Je ressors de Killers of the Flower Moon, le dernier Martin Scorsese et j'ai adoré. Je mentirais en disant qu'on ne sent pas passer les 3h26, sur la fin ça pèse un peu mais on est happé par cette histoire horrible sur les meurtres en série d'Osages dans les années 20 par des opportunistes voulant mettre la main sur l'argent du pétrole qui leur revenait. Le film est basé sur un livre-enquête de David Grann que je recommande aussi.
L'histoire est d'autant plus affreuse que les Osages qui n'étaient pas métisses ne pouvaient gérer leur argent à leur guise et dépendant de tuteurs pas toujours bien intentionnés et qui étaient parfois leurs époux ou leurs épouses, des proches... Lily Gladstone est excellente dans le rôle de Mollie Buckhart, riche héritière qui se retrouve au centre des meurtres alors que les membres de sa famille disparaissent et que la réalité est trop horrible à envisager. Robert De Niro est glaçant en éleveur affable, "grand ami" des Osages d'un cynisme hallucinant. J'ai plus de réserve sur DiCaprio qui pousse un peu trop le côté plouc par moment. Il a préféré ce rôle à celui de Tom White, l'agent du FBI qui résous l'affaire et c'est vrai qu'il est plus ingrat mais moins lisse, néanmoins on a un peu de mal à comprendre comment Mollie a pu l'épouser. Malgré ces réserves et le fait que malgré la réécriture du scénario pour mettre plus en avant les Osages, finalement on se concentre bien plus sur les tueurs que les victimes, le film vaut le détour même si c'est difficile de caser une telle séance dans l'emploi du temps. - nephtis a écrit:
- J'ai vu le dernier Scorsese.
Une véritable histoire sordide et violente, racontant la vague de meurtres sur les indiens Osages en Oklahoma. Nous suivons l'histoire dramatique de la famille Kyle Cobb et plus particulièrement celle de Mollie. Je mettais beaucoup d'espoir dans ce film de plus de 3 heures, et donc ma déception fut d'autant plus grande. J'ai été déçu par l'interprétation de ses 2 stars. Di Caprio s'est fait la tête de Marlon Brando dans le Parrain, prognathe avec une moue crispée qu'il garde pendant tout le film. Une seule expression pendant 3 heures, c'est peu... et j'ai bloqué sur Brando . De Niro pour moi fait du de Niro, style mafieux dur et cynique, avec toujours les mêmes mimiques et là aussi cela m'a gênée. Mon coup de coeur est pour Lily Gladstone qui interprète Mollie. Son jeu d'actrice est tout en retenue, et en finesse. Face au jeu caricatural de de Niro et Di Caprio, elle apporte une véritable émotion. Un film à voir pour découvrir cet effroyable histoire, mais pas de chef d'œuvre pour moi. - ludi33 a écrit:
- Nephtis, mon avis rejoint le tien.
De Niro joue une caricature de lui même, pas franchement subtile. Quant à Di Caprio, je ne l'ai jamais vu aussi mauvais, avec cette mimique qu'il s'est collé sur le visage. Il a apparemment beaucoup improvisé sur le tournage, et autant dire que çà ne lui réussit pas Seule Lily Gladstone tire son épingle du jeu, interprétant son rôle avec simplicité.
Côté scénario, ce n'est pas non plus la joie. Les scènes sont redondantes, tournant parfois au ridicule comme quand- Spoiler:
King veut se débarrasser de ses hommes de main parce que le FBI est dans les parages. "Tu n'as pas parlé aux fédéraux, hein, ... (à remplacer par le prénom du personnage qu'on veut éliminer) ? Tiens, à propos, j'ai un bon coup à te proposer " Coup évidemment que l'homme de main va s'empresser de commettre (oui, ils sont tous stupides) avant de se faire exécuter ou prendre par la Police. Scéne bien évidemment répétée plusieurs fois à suivre. J'ai pensé à Lucky Luke, suggérant une idée à Joe, qui s'empresse de se la réapproprier et se fait prendre à tous les coups.
A l'inverse, on passe sous silence des pans entiers de la vie d'Ernest et Mollie et je n'ai vraiment intégré - Spoiler:
qu'ils ont eu des enfants qu'à l'annonce de sa troisième grossesse . Alors même qu'il faut presqu'une heure de film avant qu'ils ne se marient.
Sans parler du manque de subtilité des personnages comme celui-ci, - Spoiler:
qui demande à un notaire après qu'il ai tué sa femme (mort naturelle selon le médecin) "Maintenant que ma femme est morte et que ses enfants ont hérité, si je les adopte et qu'ils meurent, c'est moi qui hérite ?" Et je ne vous parle même pas de la scène finale
Je suis d'autant plus déçue que j'attendais également beaucoup du film, qui ne sert finalement qu'à mettre en avant le cabotinage, assez déplacé au vu du sujet, de ses deux "stars". - Zakath Nath a écrit:
- Pour les points de scénario que tu trouves peu subtils dans le cas
- Spoiler:
des complices ce n'est pas éloigné de la réalité (en fait il y en a eu d'avantage qui sont morts opportunément)
Je n'ai pas le livre sous la main mais il me semble aussi que le passage avec Kelsie Morrison et- Spoiler:
les enfants n'est pas inventé ou en tout cas qu'il y a eu quelque chose de semblable mais pas forcément avec Morrison Hale n'a pas été très subtil concernant ses intentions vis-à-vis de Roan non plus dans la réalité.
Ça peut paraître ridicule mais on n'avait pas affaire des génies du crime, juste des gens très cyniques qui avaient un boulevard pour commettre leurs meurtres (et le film ne montre que la partie émergée de l'iceberg, il y en a eu beaucoup plus avant et même après et Hale n'était au centre de tous. Il y a aussi des trucs qui paraissent énormes et que le film a zappé car l'accent n'a pas été mis sur l'enquête comme - Spoiler:
le fait que Kelsie Morrison a été engagé par le FBI pour servir d'informateur avant que White ne se rende compte qu'il était impliqué dans les meurtres .). Sur le film The Lost city of Z (j'avais posté dans le topic de Robert Pattinson, faute de mieux) - Annwvyn a écrit:
- Je poste ici, mais vraiment à défaut d'un autre topic, puisque Robert Pattinson est un personnage secondaire (convaincant au demeurant), et on le reconnaît à peine sous sa grande barbe.
J'ai regardé sur Netflix le film The Lost City of Z de James Gray, avec Charlie Hunnam et Sienna Miller, et ma foi, c'était excellent ! Ce film raconte l'histoire vraie de l'explorateur anglais Percival Fawcett, qui au début du XXème siècle est allé explorer la forêt amazonienne à plusieurs reprises. Fawcett est un militaire (major) anglais, également géographe, qui est envoyé sur la frontière entre le Brésil et la Bolivie pour cartographier la zone, à la veille de la première guerre mondiale. Comme on peut s'y attendre, l'exploration est hostile (entre les populations indigènes, la jungle humide, les maladies, les piranhas... le moins qu'on puisse dire est que l'équipe de Fawcett n'est pas la bienvenue).
Le film se concentre sur le personnage, très intéressant, de Fawcett. Il est un homme ambitieux, qui souffre du regard condescendant de l'aristocratie anglaise sur sa famille. Il cherche, en explorant, à revenir en Angleterre couvert de gloire - ce qui sera d'ailleurs plus ou moins le cas à un moment. Il tient des discours (très mal perçus) contestant "l'infériorité" des populations indigènes. Et surtout, au fur et à mesure, il se trouve séduit par cette jungle, où il rêve de trouver cette "cité d'or" dont un Indien lui a parlé, une ville avec des routes, des constructions, et qui serait la preuve d'une civilisation plus ancienne que la vieille Europe. Il la nomme "Z", et n'aura de cesse de la chercher au milieu de la forêt. C'est assez fou de penser que c'est une histoire vraie, et qui n'a qu'un siècle.
A la fin- Spoiler:
un encart précise qu'on a bien trouvé, à la fin du XXème siècle, des traces d'une ancienne ville, précisément à l'endroit où Fawcett localisait Z ! Et apparemment depuis le film, on a trouvé encore d'autres indices, en 2018.
J'ai trouvé ce film captivant, sans doute parce que j'aime les histoires d'explorateurs. Le thème m'a rappelé la BD Les Indes Fourbes, on y retrouve la quête de l'Eldorado, qui finit par séduire les hommes les plus équilibrés. Mais j'ai aussi vraiment apprécié l'élégance et la sobriété du film. Le personnage principal est intéressant (et bien joué, avec une sorte de douceur autoritaire par Charlie Hunnam), il ne devient pas fou, mais on le sent sur le fil, tant il est habité par la certitude de l'existence de Z. Les images de nature sont très sombres, et ont parfois un côté mystique (la scène finale est esthétiquement superbe). Le rythme est lent, mais équilibré du début à la fin, et je ne me suis pas ennuyée. Le contexte historique et culturel est évoqué en filigrane, et j'ai apprécié la finesse du regard (première guerre mondiale, relents de colonialisme avec la prétendue suprématie de l'homme blanc, mode de l'exploration aux Etats-Unis).
Bref, je ne m'attendais pas à un film aussi intéressant et aussi riche, et vraiment, je le recommande.
Dernière édition par Annwvyn le Lun 29 Jan 2024, 18:52, édité 3 fois |
| | | Annwvyn Subtle scent of rain
Nombre de messages : 8522 Age : 35 Localisation : Paris Date d'inscription : 24/06/2009
| Sujet: Re: David Grann et la littérature du réel (Killers of the Flower Moon, Les naufragés du Wager...) Lun 29 Jan 2024, 16:42 | |
| Entrons maintenant dans le vif du sujet ! J'ai lu et adoré Les naufragés du Wager. Cela faisait bien longtemps que je n'avais pas été à ce point tenue en haleine par une lecture. Malgré certains aspects de l'histoire très cruels (c'est-à-dire tels que l'était la société à l'époque, ainsi que les conditions de travail des marins), j'ai refermé ce livre à regret. Voici la présentation de l'éditeur (j'ai coupé un peu pour éviter les spoilers !) : - Editions du sous-sol a écrit:
- En 1740, le vaisseau de ligne de Sa Majesté le HMS Wager, deux cent cinquante officiers et hommes d’équipage à son bord, est envoyé au sein d’une escouade sous le commandement du commodore Anson en mission secrète pour piller les cargaisons d’un galion de l’Empire espagnol. Après avoir franchi le cap Horn, le Wager fait naufrage.
Une poignée de malheureux survit sur une île désolée au large de la Patagonie. [...] Mais une fois rentrés en terres anglicanes, commence alors une autre guerre, des récits cette fois, afin de sauver son honneur et sa vie face à l’Amirauté et au grand public.
Reconstitution captivante d’un monde disparu, Les Naufragés du Wager de David Grann est un formidable roman d’aventures et une réflexion saisissante sur le sens des récits. Un grand livre par l’un des maîtres de la littérature du réel. L'auteur y raconte, avec beaucoup d'habileté, l'histoire du naufrage du navire HMS Wager, qui en 1741 s'est échoué sur les côtes chiliennes, peu après le passage du Cap Horn. Le récit est chronologique, on suit toute l'aventure, de la préparation de l'escadre du Commodore Anson (sept navires, dont le Wager) jusqu'au retour des survivants et à la cour martiale. On accompagne l'équipage, avec nombre de personnages, on espère de tout cœur qu'ils vont survivre même si c'est loin d'être le cas pour tout le monde. C'est une histoire vraie et dure, mais c'est aussi un récit d'aventure mené tambour battant, où la lecture de chaque page donne envie de lire la suivante (l'auteur distille les informations en temps voulu, de quoi ménager ses effets). Le roman est aussi ultra-documenté et dense. Chaque chapitre est annoté d'innombrables références (elles sont listées à la fin du livre, la plupart sont des titres de publications diverses, mais certaines donnent des compléments d'information - j'ai pris l'habitude, après la lecture de chaque chapitre, d'aller survoler les notes correspondantes). Le roman repose sur de nombreuses citations entre guillemets (reprises de tel ou tel témoignage ou journal de bord, la plupart du temps des protagonistes de l'histoire eux-mêmes), et tous ces témoignages de première main rendent le récit extrêmement vivant et réaliste. Et puis, c'est très pédagogique. L'auteur, sans faire de raccourcis ou de caricature, vulgarise très bien, d'une manière qui m'a impressionnée : il m'a embarquée, néophyte, au XVIIIème dans la marine anglaise, avec les préoccupations de l'époque, l'état de la médecine de l'époque, le fonctionnement d'un navire, le fonctionnement de la Navy, la pratique de la navigation... Celles qui s'y connaissent déjà en littérature marine, en vocabulaire maritime et en histoire de la Royal Navy, y trouveront peut-être moins leur compte. Mais pour ma part, j'ai énormément appris, et ça m'a enchantée ! L'arrivée vers le Cap Horn, après le passage vers les quarantièmes hurlants et les cinquantièmes rugissants, a été pour moi un grand moment ! Le roman suit essentiellement trois protagonistes : - le capitaine du Wager, un écossais autoritaire du nom de Cheap (il est issu d'une famille de "Laird", c'est à dire pas tout à fait de la noblesse écossaise) ; - le canonnier John Bulkeley, anglais, issu du peuple, intelligent et charismatique, mais qui n'a pas la possibilité de devenir officier. Il a, tout au long du voyage, tenu un journal de bord extrêmement détaillé et factuel, laissant voir sa très grande solidité dans les épreuves traversées ; - et le jeune enseigne de vaisseau, John Byron, idéaliste, un brin romantique, qui est peut-être le plus attachant des trois. Fils cadet d'une famille de la noblesse anglaise (son frère ayant le domaine familial, lui doit se trouver un emploi, et ne se voit pas religieux), John Byron est aussi le grand-père du poète bien connu Lord Byron ! (David Grann reprend de temps en temps des extraits de poèmes de Lord Byron, inspirés par les aventures de son grand-père, voilà pour la petite touche lambtonienne !). Que dire de plus, pour ne pas vous spoiler ? Que c'est une histoire de fou, que c'est incroyable de voir les ressources que peuvent déployer les humains pour survivre, et que c'est incroyable aussi de voir le peu de cas que l'Empire Britannique pouvait faire de ses sujets, pour une chose aussi dérisoire (a priori) qu'un bateau rempli d'or. Les naufragés du Wager fait ressentir puissamment les affres de l'âme humaine, et à plusieurs reprises je me suis sentie très touchée. Il faut dire que plus le livre avance, et moins les survivants sont nombreux, sans compter ceux qui sont abandonnés ça ou là sur le rivage, pour disparaître à jamais. C'est un roman intéressant sur le plan historique, riche d'enseignements sur l'Angleterre (David Grann est sévère sur la politique impérialiste de l'Angleterre), et plus largement sur les hommes, ce qui les rend grands et ce qui les rend très petits, et sur la force des récits et des histoires. J'ai été si frappée par ce livre... Si j'avais été réalisateur, j'aurais acheté les droits. Mais a priori, Scorsese s'en est déjà chargé ! Je regrette un peu que DiCaprio soit encore prévu au casting (je n'ai rien contre lui, mais j'aurais préféré des visages moins connus), mais je serai tout de même très curieuse de voir ça...
Dernière édition par Annwvyn le Lun 29 Jan 2024, 18:54, édité 3 fois |
| | | Zakath Nath Romancière anglaise
Nombre de messages : 4741 Age : 40 Date d'inscription : 04/11/2007
| Sujet: Re: David Grann et la littérature du réel (Killers of the Flower Moon, Les naufragés du Wager...) Lun 29 Jan 2024, 16:49 | |
| Merci pour l'ouverture du sujet. Je ne savais pas qu'il avait aussi écrit The Lost City of Z, je n'ai vu que le film que j'aime beaucoup.
La lecture de Killers of the Flower Moon/La note américaine m'a beaucoup marquée l'année dernière. Les naufragés du Wager me fait très envie.
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| | | Annwvyn Subtle scent of rain
Nombre de messages : 8522 Age : 35 Localisation : Paris Date d'inscription : 24/06/2009
| Sujet: Re: David Grann et la littérature du réel (Killers of the Flower Moon, Les naufragés du Wager...) Lun 29 Jan 2024, 16:52 | |
| Oui Zakath, j'avais aussi beaucoup aimé le film, vu par hasard alors que je ne m'attendais à rien. Ca m'a fait plaisir de découvrir que David Grann avait écrit La cité perdue de Z ! Il y a de grandes chances que tu aimes Les naufragés du Wager, j'espère que ce sera le cas ! |
| | | Juliette2a Tenant of Hamley Hall
Nombre de messages : 28495 Age : 27 Localisation : Entre l'Angleterre et la Thaïlande ! Date d'inscription : 06/03/2012
| Sujet: Re: David Grann et la littérature du réel (Killers of the Flower Moon, Les naufragés du Wager...) Lun 29 Jan 2024, 19:02 | |
| Mais quelle présentation alléchante !! J'ignorais également que David Grann était l'auteur de The Lost City of Z (j'adore le film ), il a une œuvre prolifique et souvent adapté au cinéma ! |
| | | Annwvyn Subtle scent of rain
Nombre de messages : 8522 Age : 35 Localisation : Paris Date d'inscription : 24/06/2009
| Sujet: Re: David Grann et la littérature du réel (Killers of the Flower Moon, Les naufragés du Wager...) Lun 29 Jan 2024, 20:35 | |
| Merci Juliette ! Je ne sais pas ce que donnent ses autres livres, mais en lisant Les naufragés du Wager, je le voyais tout de suite transposé à l'écran, ça s'y prête vraiment ! Il y a tellement de thèmes à explorer, voilà un film qui peut bien durer 4 heures lui aussi. Bon maintenant, mon problème est le suivant : que puis-je bien lire après ce coup de foudre littéraire ? |
| | | Elianor Eclectic spirit
Nombre de messages : 5581 Localisation : Ici ou là-bas, un livre dans les mains... Date d'inscription : 28/05/2011
| Sujet: Re: David Grann et la littérature du réel (Killers of the Flower Moon, Les naufragés du Wager...) Lun 29 Jan 2024, 20:38 | |
| Merci pour l'ouverture du topic Annwvyn ta présentation donne vraiment très envie de lire Les naufragés du Wager, malgré la dureté du sujet. D'autant que, même si je n'y connais rien, les histoires de navigation me fascinent - Juliette2a a écrit:
- J'ignorais également que David Grann était l'auteur de The Lost City of Z
Tout pareil. Je ne savais pas que le film était tiré d'un livre |
| | | Annwvyn Subtle scent of rain
Nombre de messages : 8522 Age : 35 Localisation : Paris Date d'inscription : 24/06/2009
| Sujet: Re: David Grann et la littérature du réel (Killers of the Flower Moon, Les naufragés du Wager...) Lun 29 Jan 2024, 22:23 | |
| J'espère que tu donneras sa chance à ce livre, Elianor ! J'ai oublié de dire qu'il y avait quelques illustrations (en noir et blanc) entre les chapitres. Et notamment, ce portrait du petit jeune (il a 16 ans au début de l'histoire) John (Papy) Byron ! - Spoiler:
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| | | Petit Faucon Confiance en soie
Nombre de messages : 11812 Age : 59 Date d'inscription : 26/12/2011
| Sujet: Re: David Grann et la littérature du réel (Killers of the Flower Moon, Les naufragés du Wager...) Mar 30 Jan 2024, 16:52 | |
| Très joli portrait du grand-père Byron C'est une belle présentation, d'un auteur que je ne connaissais pas du tout. Ce que tu dis, Annwvyn, des naufragés du Wager me ramène aux livres de Michel Hanniet sur le naufrage de La méduse, sujet qui m'a toujours passionné également (l'aveuglement du pouvoir, l'épreuve comme révélatrice des vrais caractères humains, ...). A quelques décennies de distance, et dans un autre pays, c'est la même catastrophe humaine et la même gestion désolante. Je me note le livre pour une lecture future ! |
| | | Annwvyn Subtle scent of rain
Nombre de messages : 8522 Age : 35 Localisation : Paris Date d'inscription : 24/06/2009
| Sujet: Re: David Grann et la littérature du réel (Killers of the Flower Moon, Les naufragés du Wager...) Mar 30 Jan 2024, 17:21 | |
| J'ai pensé à toi Petit Faucon, en écrivant ma présentation du roman, je pense qu'il pourrait t'intéresser. Depuis, j'ai survolé quelques interviews de David Grann, et l'auteur revient souvent sur deux points très importants à ses yeux, qui représentent peu de pages du livre, qui m'ont en effet beaucoup marquée (là encore, l'auteur le raconte bien, en plusieurs étapes pour amener le lecteur à une prise de conscience - j'ai hâte de pouvoir échanger sur ce point). Il y a d'une part, la mention de John Duck, unique (a priori) marin noir du bateau (c'était un esclave affranchi). Et d'autre part, la rencontre par les naufragés d'un peuple indigène de la Terre de feu, les Kawésqars (qui eux, savent survivre et se nourrir en milieu hostile, c'est fascinant). Je ne veux pas en dire plus, disons que cela ajoute encore une dimension à ce livre , au-delà du sujet de l'âme humaine "révélée" dans sa réalité nue dans les moments extrêmes.
Dernière édition par Annwvyn le Mar 30 Jan 2024, 18:28, édité 2 fois |
| | | Petit Faucon Confiance en soie
Nombre de messages : 11812 Age : 59 Date d'inscription : 26/12/2011
| Sujet: Re: David Grann et la littérature du réel (Killers of the Flower Moon, Les naufragés du Wager...) Mar 30 Jan 2024, 17:40 | |
| En effet, ces 2 points, surtout celui des relations avec les peuples indigènes, rompus à leurs conditions extrêmes de vie, sont très intéressants. |
| | | Tatiana A view from the past
Nombre de messages : 14196 Age : 39 Localisation : Quelque part dans l'Angleterre du XIXe... Date d'inscription : 26/02/2010
| Sujet: Re: David Grann et la littérature du réel (Killers of the Flower Moon, Les naufragés du Wager...) Mer 31 Jan 2024, 19:08 | |
| Merci pour le topic et la présentation fouillée de l'oeuvre de ce romancier, Annwvyn. J'ignorais aussi qu'elle est l'auteur du livre qui a inspiré The Lost City of Z que j'avais aussi beaucoup aimé à sa sortie au cinéma. Mes souvenirs sont flous maintenant, un revisionnage serait le bienvenu. Quant au dernier Scorcese, je ne l'ai pas encore vu, mais j'espère le découvrir cette année. En lisant ton retour si enthousiaste sur les Naufragés du Wager, j'ai tout de suite pensé qu'il plairait à Fauvette, grande amatrice de romans maritimes si je ne m'abuse . C'est un univers que je ne connais pas, mais visiblement c'est un roman à découvrir pour une immersion totale. _________________ |
| | | Annwvyn Subtle scent of rain
Nombre de messages : 8522 Age : 35 Localisation : Paris Date d'inscription : 24/06/2009
| Sujet: Re: David Grann et la littérature du réel (Killers of the Flower Moon, Les naufragés du Wager...) Mer 31 Jan 2024, 19:55 | |
| - Tatiana a écrit:
- C'est un univers que je ne connais pas, mais visiblement c'est un roman à découvrir pour une immersion totale.
Je me dit que ce roman peut être une bonne entrée en matière dans la littérature maritime ! Je n'y connais pas grand chose non plus (j'ai à peine lu un mauvais roman de pirates il y a deux ans), et l'avantage c'est que David Grann présente les choses dans l'ordre (d'abord on construit le bateau, puis on réunit l'équipage, puis on navigue...). Ce livre aussi ne dépayse pas trop les amateurs de l'Angleterre, je l'ai trouvé chouette aussi de mon point de vue de lambtonienne. Il m'a rappelé ma visite du Victoria & Albert Museum de Londres, qui consacre une partie de ses salles du XVIIIème siècle à l'Empire Colonial britannique. Je ne vais pas insister sur le lobbying, mon enthousiasme parle de lui-même mais je serais curieuse d'avoir ton retour de passionnée d'histoire, Tatiana ! Et je crois que la maman de Fauvette vient de le lire aussi (dit sur un autre topic), donc j'espère que Fauvette suivra bientôt. |
| | | Fauvette Bluebird on a White Cliff
Nombre de messages : 5733 Age : 36 Localisation : Paris Date d'inscription : 29/04/2009
| Sujet: Re: David Grann et la littérature du réel (Killers of the Flower Moon, Les naufragés du Wager...) Mer 31 Jan 2024, 20:40 | |
| Fauvette devrait pouvoir le lire à la fin du mois, si elle n'oublie pas de dire à sa maman de le lui apporter dans ses bagages ! (Blague à part, merci pour cette chouette présentation Annwvyn, je découvre moi aussi que cet auteur a également écrit des romans ayant inspiré des films à succès ) |
| | | Elianor Eclectic spirit
Nombre de messages : 5581 Localisation : Ici ou là-bas, un livre dans les mains... Date d'inscription : 28/05/2011
| | | | Selenh Méchante Femme Savante
Nombre de messages : 6881 Age : 64 Localisation : Aquitaine. Date d'inscription : 24/02/2010
| Sujet: Re: David Grann et la littérature du réel (Killers of the Flower Moon, Les naufragés du Wager...) Lun 19 Fév 2024, 15:12 | |
| Merci pour cette magnifique présentation qui me fait très envie, Annwvyn. |
| | | Ju Gone With The Books
Nombre de messages : 12472 Age : 33 Localisation : In the Tardis, with Ten Date d'inscription : 15/05/2010
| Sujet: Re: David Grann et la littérature du réel (Killers of the Flower Moon, Les naufragés du Wager...) Lun 25 Mar 2024, 09:56 | |
| Suite au lobbying d' Annwvyn, je me suis lancée dans la lecture des Naufragés du Wager. J'avais peur de ne pas aimer/accrocher car à priori, les histoires de bateaux ne me passionnent pas, mais finalement j'ai beaucoup aimé ma lecture, que j'ai trouvé hautement instructive, prenante et très intéressante. Je ne connaissais absolument rien sur le sujet des bateaux, de la navigation etc... j'ai appris plein de choses, j'en suis ravie Idem, je n'avais jamais entendu parler du Wager, du commodore Anson, etc... J'ai trouvé très intéressante cette leçon d'Histoire, qui ne prend pas la forme d'une leçon Le récit est très prenant à partir du moment où les navires quittent l'Angleterre (le 1er chapitre de présentation des protagonistes, bien qu'intéressant, m'a moins captivée) et tout en connaissant vaguement la suite (le quatrième de couverture spoile un peu), j'ai eu hâte de poursuivre ma lecture pour savoir comment ça se passait exactement ! Les informations sur l'époque ne donnent pas envie d'y être J'ai réservé La note américaine à la bibliothèque, pour le lire avant de voir l'adaptation. Maintenant que j'ai terminé le roman du Wager, j'ai hâte de le récupérer pour m'y lancer, en espérant qu'il soit d'aussi bonne qualité ! |
| | | Annwvyn Subtle scent of rain
Nombre de messages : 8522 Age : 35 Localisation : Paris Date d'inscription : 24/06/2009
| Sujet: Re: David Grann et la littérature du réel (Killers of the Flower Moon, Les naufragés du Wager...) Lun 25 Mar 2024, 10:11 | |
| Chouette Ju, je suis contente que ce livre t'ait plu ! Je pense que c'est une de ses grandes réussites, parvenir à rendre intéressante (sans être une leçon d'histoire rébarbative ou réservée aux initiés) une histoire vraie de la marine anglaise au XVIIIème siècle. Comme toi, cela m'a donné envie de lire d'autres romans du même auteur, il semble avoir un vrai talent pour le récit et le suspense. |
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| Sujet: Re: David Grann et la littérature du réel (Killers of the Flower Moon, Les naufragés du Wager...) | |
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| | | | David Grann et la littérature du réel (Killers of the Flower Moon, Les naufragés du Wager...) | |
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