Oswald Wynd : Une Odeur de Gingembre

J'ai lu ce livre il y a quelques jours et je me suis dit qu'il fallait absolument que j'en fasse un post !



De quoi s'agit-il?

Présentation de l'éditeur :
En 1903, Mary Mackenzie embarque pour la Chine où elle doit épouser Richard Collinsgsworth, l'attaché militaire britannique auquel elle a été promise. Fascinée par la vie de Pékin au lendemain de la Révolte des Boxers, Mary affiche une curiosité d'esprit rapidement désapprouvée par la communauté des Européens. Une liaison avec un officier japonais dont elle attend un enfant la mettra définitivement au ban de la société. Rejetée par son mari, Mary fuira au Japon dans des conditions dramatiques. À travers son journal intime, entrecoupé des lettres qu'elle adresse à sa mère restée au pays ou à sa meilleure amie, l'on découvre le passionnant récit de sa survie dans une culture totalement étrangère, à laquelle elle réussira à s'intégrer grâce à son courage et à son intelligence. Par la richesse psychologique de son héroïne, l'originalité profonde de son intrigue, sa facture moderne et très maîtrisée, Une odeur de gingembre est un roman hors norme.

Mon avis:
Ce roman, dont la couverture m'a tout de suite interpellée, s'est avéré être tout bonnement captivant. Oswald Wynd, auteur écossais, dont il s'agit ici du roman le plus célèbre, nous plonge dans la vie et la conscience de Mary, personnage dont nous suivons les pérégrinations -extérieures et intérieures. La jeune femme doit quitter sa famille et l'Ecosse pour peut-être ne plus jamais y revenir, afin de se rendre en Chine où elle doit retrouver son fiancé, un homme qu'elle connaît à peine ... Mary se pose des questions sur la toute nouvelle vie qui l'attend là-bas, se montre plein de curiosité pour cet endroit qui ne peut être pour elle qu'une incroyable source de dépaysement. Sous la plume de l'auteur, Mary évolue. Au travers des écrits de son journal intime, le lecteur est plongé dans le plus profond de son être, tel un confident. Il est donc en mesure de connaître les tréfonds de son âme, ses peurs, ses doutes, ses sentiments, ses espoirs. Et le moins que l'on puisse dire, c'est que la vie qui l'attend en Asie sera loin d'être de tout repos pour cette jeune femme en quête d'amour mais aussi un peu en quête d'elle-même. Ce roman, en plus d'être formidablement écrit et construit, se révèle aussi être un plaidoyer terriblement juste et sensible de la femme, plus particulièrement d'une femme au coeur meurtri, à l'âme brisé, à l'honneur bafoué, une femme qui trébuche et tombe mais qui se relève sans cesse. Une femme qui devra trouver sa place dans un pays qui la rejette mais qu'elle ne peut s'empêcher d'aimer. Le récit est aussi la vision d'une européenne de la Chine en pleine période coloniale, l'évolution des droits des femmes, l'essort du Japon au début du siècle, dans un monde en pleine mutation.

Plus qu'un roman historique, Une Odeur de Gingembre est aussi un roman éminemment féminin. Ce récit sur l'exil, la recherche et la connaissance de soi, est aussi un formidable livre sur la culture asiatique de la première moitié du 20ème siècle. Il foisonne de détails, de notes de couleurs. Mary est un personnage fascinant, dont l'évolution ne peut que nous toucher.

En bref, c'est un roman qui m'a fait très forte impression. A conseiller à tous les amoureux de la littérature, en particulier à ceux qui affectionnent le romanesque...


Un court extrait:
Le samisen s'est mis à jouer dans la maison voisine, comme cela arrive souvent à cette heure mélancolique. Je n'ai jamais vu la musicienne, mais je me plais à imaginer que c'est une veuve âgée, et que ces notes qui s'égrènent lentement sont pour elle comme la chanson éternelle de la vie écoulée, que l'on ne regrette peut-être qu'à demi, tant il y avait de peines. Je suis restée assise à l'écouter, et ma rancoeur s'est apaisée, comme si cette musique attirait mon attention sur son inanité. J'ai commencé à avoir des crampes au bout d'un moment, mais je n'ai pas bougé, ni délassé mes membres. La discipline de ce pays a déjà commencé à s'infiltrer en moi.

Voilà ! J'espère que ce petit compte-rendu vous aura donné envie d'ajouter ce roman à votre P.A.L

J'avais lu la critique sur ton blog. Je l'ai reservé à la biblio et j'espere qu'il va me plaire autant qu'il t'a plu.

lorelai59 a écrit:

J'avais lu la critique sur ton blog. Je l'ai reservé à la biblio et j'espere qu'il va me plaire autant qu'il t'a plu.

Oh super ! J'attends de lire ton avis avec impatience alors ! Excellente lecture à toi!

Petit remontage de topic pour un livre auquel j'ai consacré un billet sur mon blog et qui vaut vraiment la peine d'être lu !

Tout comme Emjy, la couverture de ce livre m'a tout de suite fait de l'oeil lorsque je l'ai vue il y a quelque temps à la bibliothèque, et j'ai eu du mal à lâcher ce roman avant d'arriver à la toute dernière page. L'auteur nous plonge dans la vie et la conscience de Mary au moyen de ses lettres et de son journal intime. L'écriture est subtile et fine et jamais on ne se douterait que c'est un homme qui tient la plume. Le voyage rocambolesque et dangereux de Mary pour aller d'Ecosse en Chine nous tient en haleine, de même que sa description de la Chine qui se relève tout juste de la révolte des Boxers. Sa vie en Chine, puis au Japon, révèle que les pays européens et occidentaux n'ont rien à envier à ces pays émergents pour ce qui est de bafouer le droit des femmes à être considérées comme les égales des hommes et à disposer d'elles-mêmes. Mary est une jeune femme séduisante, d'abord naïve, constamment vive, curieuse et intelligente, ouverte aux autres, et amenée à évoluer au fil de ses aventures et expériences. Sa modernité choque et scandalise, pourtant elle parviendra à prendre sa vie en main avec succès... mais à quel prix ?

Quelques extraits pour la mise en bouche :

Mary est amenée, avec quelques unes de ses compatriotes, à rencontrer l'impératrice Tseu Hi. Voici le portrait qu'elle dresse de ce personnage haut en couleurs :

Citation :

"Au milieu de toute cette immobilité figée, le geste de Sa Majesté nous a fait sursauter, une main levée de ses genoux. Ce n'était pas une main ordinaire, mais un éblouissement de griffes en or. J'avais entendu parler de ces étuis à ongles mais les voir pour la première fois m'a quand même donné un choc. Ils avaient au moins trente centimètres de long, sinon lus, sur les doigts principaux, et même si l'or en était aussi fin que possible, ces étuis protégeant des ongles qui n'ont jamais été coupés devaient être affreusement lourds. L'impératrice ne peut rien faire toute seule à cause d'eux. Elle doit être nourrie, habillée, servie en tout et en permanence par les dames de cour ; elle doit même se coucher sans ôter ses étuis à ongles. Je suis restée une minute ou deux à me poser des questions à leur propos, les yeux rivés sur ces mains qui reposaient à nouveau sur ses genoux, comme les nervures repliées d'un éventail. Chacune des bouchées qu'elle avale doit être mise dans sa bouche par quelqu'un, et l'impératrice qui règne sur le plus grand nombre de sujets sur terre après le roi Edouard est aussi dépendante qu'un infirme sans bras. Il ne faut sans doute pas s'étonner qu'elle se conduise de temps à autre comme une démente."

Plus tard, elle est amenée à rencontrer le comte Kentaro Kurihama, mais les premier contacts sont difficiles :

Citation :

"Je n'ai pas eu l'impression que ma contribution au succès du dîner des Chamonpierre était si décisive que cela quand j'ai réalisé que ma tâche était à nouveau d'essayer de tirer quelques mots du comte Kurihama à table. Il était manifeste qu'il n'en avait aucune envie, et je ne suis pas parvenue à un grand résultat. Je lui avais dit que j'avais vu des représentations du mont Fuji, qui est très beau, et que j'espérais bien avoir un jour l'occasion de le voir en vrai, et il a répondu "ah." Je lui ai demandé s'il avait déjà fait l'ascension de cette célèbre montagne et il a dit :"non." Je lui ai dit que je trouvais cela étonnant et il a répondu : "Trop occupé devenir soldat."Je suis persuadée qu'il fait exprès de parler aussi mal anglais, parce qu'il doit penser que c'est de cette façon que les Anglais s'attendent à voir s'exprimer un Japonais, et subitement, à mon propre étonnement, je le lui ai dit tout de go tel quel. Il m'a regardé droit dans les yeux pour la première fois, il me semble, puis il a éclaté de rire. C'était un peu comme lorsque j'avais fait rire Yao, la figure du comte a été complètement transformée pendant trente secondes ou plutôt trois secondes, lui donnant presque l'air d'un gamin."

Enfin, voici les quelques lignes qui donnent une explication au titre choisi par Oswald Wynd :

Citation :

"Une équipe d'ouvriers doit commencer aujourd'hui à préparer la terre de mon jardin, qui sera livré au début de la semaine prochaine. Je suis restée à la maison pour surveiller les travaux. Il ne pousse plus que des mauvaises herbes, c'est du moins ce que je croyais. Les graines n'auraient pas pu survivre à ce brasier, les vents d'hier ont donc dû en apporter d'autres. J'ai jeté un coup d'oeil aux restes de mon vieux pin devenu quasiment du charbon de bois avant de monter sur le petit terre-plein d'où saillait le chicot de l'arbre à gingembre comme un piquet passé à la créosote. Je n'en croyais pas mes yeux, quand j'ai vu ce qui luttait contre les mauvaises herbes pour gagner sa part de soleil : une pousse verte toute nouvelle, émergeant d'un amas de racines noircies, et qui portait déjà neuf de ces feuilles aromatiques si facilement reconnaissables. J'en ai pincé une pour être bien sûre, qui m'a laissé sur les doigts cette odeur de gingembre.
Je ne crois pas aux présages, sauf quand ils sont bons. Et c'était un bon présage. Je suis de retour dans une maison qui sent encore la menuiserie fraîche, et ressens une joie parfaitement ridicule. Je vais rester avec les terrassiers toute la journée, pour être bien sûre qu'une colline artificielle sera de nouveau dominée par cet arbre venu d'ailleurs."

Emjy et Popila ont déjà très bien exprimé ce que j'ai ressenti à la lecture de ce livre que je n'ai pas lâché avant de l'avoir fini.
Il est passionnant, et le style de l'auteur est vraiment très agréable. C'est à peine croyable d'imaginer que c'est un homme tant il a parfaitement su se glisser dans la tête d'une femme. Et quelle femme que cette Mary que rien ne semble pouvoir abattre! Une Scarlett en puissance, qui se relève toujours.

J'ai lu sur Wikipedia que ce livre était le seul du genre écrit par Oswald Wynd, dont les autres publications sont en fait des romans policiers écrits sous le nom de Gavin Blake.
Il a vécu au Japon jusqu'à l'âge de 20 ans, ce qui explique le réalisme des descriptions des quartiers de Tokyo et de la culture japonaise. J'ai eu la chance de séjourner à Tokyo une dizaine de jours l'année dernière. Même si la ville a été presque entièrement démolie par le tremblement de terre de 1923, puis par les bombardements américains pendant la seconde guerre mondiale, j'en ai reconnu l'atmosphère si particulière...

Enfin dernière chose : la BBC a réalisé une adaptation dans les années 80. Elle ne semble pas être sortie en DVD .

Merci pour ton avis enthousiaste, Natacha !

J'espère qu'il donnera envie de lire ce livre aux membres du forum, car Une odeur de gingembre vaut vraiment le détour !

J'ignorais complètement qu'il y avait eu une adaptation, j'espère qu'elle sera un jour disponible en DVD, ou que quelqu'un aura la bonne idée d'en réaliser une nouvelle, cinématographique ou télévisée.

C'est vrai que ce livre très bon potentiel pour être adapté au cinéma!

Je me suis peut-être trompée en ce qui concerne l'adaptation en DVD, voici ce que j'ai trouvé sur le site http://memories-tv.com (un site qui se présente ainsi :

Citation :

We are a UK based business aiming to sell the shows you can't currently buy, or the lost treasures. We are equally in the market to buy shows, so drop us an email with your treasures! The shows we sell have all been rescued

)

Attention aux spoilers qui suivent car les épisodes sont résumés

Citation :

The Ginger Tree 1989 Mini Series

The Ginger Tree 1989 Mini Series - On DVD

Runtime: 240 (4 episodes)

Please Note it is a video recording it jumps at the beginning when the credits are running then plays fine

Starring

Barbara Barnes Noriko Aida Jean Badin Samantha Bond Fumi Dan Nicholas Farrell Togo Igawa Hiroshi Iyo Ryan Le Neveu Nicholas Le Prevost David Lomas Cécile Paoli Oliver Parker Adrian Rawlins Daisuke Ryu Mari Shirato Carol Starks Kenichi Yajima Yoshinori Yamamoto

The GINGER TREE PART 1

Mary MacKenzie embarks on a dangerous journey to Manchuria in 1903 for her wedding to Richard Collingworth in Russian-occupied Mukden. When the Russo-Japanese war breaks out Richard finds himself under siege in Port Arthur. Her marriage and subsequent life, isolated from her family and trapped in a war zone, provokes bitter disappointment and disillusion. While Richard is kept busy, her friendship with the Japanese military attache Count Kentaro Kurihama rapidly develops into a passionate affair.

The GINGER TREE PART 2

Disowned and heavily pregnant, Mary arrives at her new home provided by her lover Count Kentaro Kurihama. There she is befriended by Baroness Aiko Onnodera and Alicia Basset-Hill, but is shocked to discover that Kentaro is already married and her official status is that of a concubine. After a difficult confinement Mary learns she can have no more children.The

The GINGER TREE PART 3

On his father's instructions, Mary's son has been abducted. Determined to find work, Mary embarks on a new career in a Tokyo store, updating the shop's range of Western ladies' fashions. She is taken aback when a new customer calls to arrange a new wardrobe for her husband's posting to England - the Countess Kurihama. Meanwhile, still grieving for the loss of her child, Mary determines to confront Kentaro to keep alive a chance of finding her son.

The GINGER TREE PART 4

It is now 1935, and, although resigned to never finding her son, Mary has remained in Japan and become a wealthy and successful businesswoman. Despite the worsening political situation in Asia she refuses to leave because of her continuing involvement with Kentaro, who finds himself more isolated as the war party grows in power in Japan and survives an assassination attempt. Mary finds herself treated with mounting hostility and her position as a foreigner growing increasingly difficult.

Merci pour toutes ces infos, Natacha ! Je viens de jeter un coup d'oeil sur le site dont tu donnes le lien, et apparemment, on peut acheter le DVD sur cette page (c'est du moins ce que j'ai compris) :

http://memories-tv.com/detailsTheGingerTree.htm

Je vais tâcher de me renseigner pour voir si cette adaptation vaut le coup.

C'est avec beaucoup de plaisir que j'ai lu ce livre.

Je vous rejoins dans votre étonnement que l'auteur soit un homme. On se croirait au coeur des pensées et des émotions de Mary.

De plus la forme journal/lettres me plaît énormément.
Je ne sais pas pourquoi, cela crée pour moi une distance qui me met à l'abri d'une émotion trop forte. A travers ce procédé je me sens plus paisible.

Mary est une jeune fille d'abord, puis une femme très attachante. On sent bien sa naïveté de départ mais aussi son ouverture et son désir qui l'inciteront à mordre dans la vie plutôt que de se morfondre dans l'insipidité bien que le prix en soit, je trouve, très lourd à payer.

La scène finale est remplie d'une belle émotion toute de retenue et étrangement procure un certain apaisement malgré la terrible épreuve dont elle est l'aboutissement. Elle ouvre la porte à une suite et un possible quoiqu'il doive arriver.

Très beau livre que je recommande chaleureusement.

Merci Majeanne pour cet avis enthousiaste!

Avec plaisir Natacha.

Je suis en train de lire "Seul le silence" de Ellory qui est très noir et je me disais que vraiment "Une odeur de gingembre" était bien meilleur pour le moral. Pourtant on ne peut pas dire que ce qui arrive à Mary n'est pas tragique. Cela tient sûrement à l'espérance qui cotoie ou non l'épreuve.
Finalement ce qui est terrible dans la vie ce n'est pas uniquement ce qui nous arrive mais la façon dont nous réagissons à l'épreuve (et je sais de quoi je parle moi qui suis une grande angoissée).
Certains livres sont bons pour nous et d'autres pas. Cela pourrait faire une discussion intéressante : "Quels sont les livres qui vous aident à vivre ?"

Très bonne idée majeanne!
Une odeur de gingembre m'avait fait cet effet là : Mary est une femme tellement forte qu'elle nous en transmet un peu quand on découvre l'histoire de sa vie.

Amusant de croiser Natacha Rostov sur ce topic : je sais que tu l'as lu aussi, mais je ne le savais pas quand je l'ai acheté, un peu par hasard, en librairie...
Je n'ai pas réussi à lâcher "Une Odeur de Gingembre" ; le roman m'a happée, sans doute grâce à sa forme - un journal intime courant sur des décennies, qui permet de sonder les tréfonds de l'âme de Mary, héroïne hors-norme et féministe avant l'heure.
Ce que j'ai en effet aimé, c'est cette oscillation entre enchantement et désenchantement, fascination et rejet de l'Asie et plus particulièrement du Japon.
Le portrait également des hommes, européens ou asiatiques, tour à tour absents, lâches ou froids, montre le chemin que des millions de Mary Mackenzie, militantes ou tout simplement actrices de leur propre vie, ont dû parcourir pour nous permettre d'être aujourd'hui (plus) libres. Encore que cela ne soit peut-être pas encore tout à fait le cas au Japon, où la soumission des épouses reste très fortement ancrée dans les mentalités.

Konbanwa Marygoodnight! Ravie (super ravie!) que cette lecture t'ait plu. Quand j'ai vu que tu l'avais dans tes lectures de vacances, je m'en suis voulue de ne pas avoir pensé à te le prêter...mais finalement ton flaire a remédié à mon étourderie  
Une odeur de gingembre est un livre auquel je pense souvent. Parce que je le croise régulièrement dans les rayonnages des bonnes librairies et qu'à chaque fois je repense à Mary, à son courage

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