Une auberge pour les admirateurs de Jane Austen, et bien plus encore... |
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| Scott Heim : Mysterious skin et son adaptation | |
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+5Liewen christelle Pando_Kat cat47 toxicangel 9 participants | Auteur | Message |
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toxicangel Snails Huntress
Nombre de messages : 6202 Age : 47 Localisation : Somewhere between Heaven and Hell, obviously... Date d'inscription : 07/04/2006
| Sujet: Scott Heim : Mysterious skin et son adaptation Mar 4 Juil - 20:07 | |
| Je viens de terminer Mysterious skin de Scott Heim et je ne résiste pas à l'envie de vous en parler, car même si certaines d'entre vous n'ont pas encore l'âge légal de le lire (et encore moins de voir son adaptation ciné ) et s'il ne s'inscrit pas dans la logique directe de ce forum (il n'y pas de mariage à la fin, je vous le dis tout de suite), il reste le meilleur livre que j'ai lu depuis ce début d'année. L'histoire est celle de 2 jeunes garçons que l'on suit depuis l'été de leurs 8 ans, jusqu'à leurs retrouvailles 10 ans, 5 mois et 7 jours plus tard. Cet été 1981 : 2 évènements se produisent en parallèle. Brian Lackey, garçon gauche et rêveur, se réveille dans le vide sanitaire de la maison de ses parents, saignant du nez et ayant tout oublié des 5 heures précédentes de sa vie. Neil McCormick, petite frappe sexuellement précoce, vit lui une "histoire d'amour" avec l'entraîneur de son équipe de base ball. A partir de ce moment, Brian va grandir avec la certitude d'avoir été enlevé par des extra-terrestres et chercher les indices expliquant sa disparition. Neil va lui s'adonner à la délinquance et la prostitution, avec un mélange perturbant de perversion et de naïveté. Comme vous l'aurez sans doute compris, le fond de cette histoire, c'est la pédophilie et plus encore, ses conséquences sur la vie de ses victimes. Dire que certains passages de ce roman sont durs serait un euphémisme. Il serait cependant réducteur d'en faire un simple roman choc, car ce qui le caractérise surtout, c'est la poésie et la nostalgie enfantine qui s'en dégagent. Il règne dans cette histoire une atmosphère de flottement, renforcée par l'atmosphère sordide du Kansas et par des passages plus doux, où les membres de l'entourage des 2 garçons prennent le relais de la narration. Un beau livre, tour à tour rêveur ou sordide, mais toujours très sobre sur l'enfance maltraitée. Dans la foulée, j'ai regardé son adaptation par le metteur en scène Gregg Araki, dont les précédents essais "pop trash" ( Nowhere et The doom generation) m'avaient laissée quelque peu... perplexe . Les similitudes entre le monde de Scott Heim et celui d'Araki sont pourtant évidentes : l'enfance maltraitée, l'homosexualité, les extra-terrestres, la culture pop... La 1ère impression que j'ai eue était néanmoins mitigée . Ayant encore le roman en tête, quelques détails me gênaient : les couleurs pop, alors que je voyais des paysages arides bouffés par le soleil ; la béatitude des personnages secondaires et les 1ères scènes qui s'enchaînaient à toute vitesse, sans prendre le temps d'installer les caractères. Car le principal problème est bien sûr celui de toutes les adaptations : concentrer en 1 heure 40, 400 pages d'un roman dont la majeure partie se passe dans la tête. Cette première déception passée, je suis vraiment rentrée dans le film, qui est peut être plus "évident" que le livre. Araki a en effet choisi de ménager le suspens du dénouement de l'histoire (les retrouvailles des 2 garçons et les révélations qui s'en suivent) tandis que Scott Heim, s'intéressait plus au cheminement personnel des 2 enfants, le dénouement étant assez vite évident. Sa force est également d'avoir choisi de jeunes acteurs qui collent vraiment aux personnages, ce qui créé un plus grand malaise. A la lecture du roman, on oubliait parfois leur âge, ce qui n'est pas possible sur un écran, même si bien évidemment les scènes avec les enfants de 8 ans n'ont pas été tournées selon un mode réel. La musique éthérée de Robin Guthrie (ancien membre des Cocteau Twins) et certains effets de réalisation, renforcent également le côté poétique du livre. En final, la dernière scène, remplie de métaphores sur l'enfance et illuminée par la musique des islandais de Sigur Ros, est absolument bouleversante... et m'a quasi empêchée de dormir cette nuit. Donc voilà, en clair après ce très long post, je vous conseille indifféremment le livre ou le film (même si j'ai une nette préférence pour le livre ) mais sachez que dans un cas comme dans l'autre, vous n'en ressortirez pas indemne. Quant à Scott Heim, je vais essayer de découvrir ce qu'il a fait d'autre. Par contre, je ne vous conseillerai pas les précédents essais d'Araki, sauf si vous êtes capables de débroussailler 3 tonnes de trash pour parvenir à déceler 3 g de poésie . |
| | | cat47 Master of Thornfield
Nombre de messages : 24251 Age : 67 Localisation : Entre Salève et Léman Date d'inscription : 28/01/2006
| Sujet: Re: Scott Heim : Mysterious skin et son adaptation Mar 8 Sep - 20:10 | |
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| | | Pando_Kat Lady Gunslinger of Gilead
Nombre de messages : 7151 Age : 43 Localisation : Dans le Tardis, entre Westeros, Arrakis et Giléad Date d'inscription : 26/06/2008
| Sujet: Re: Scott Heim : Mysterious skin et son adaptation Mar 8 Sep - 20:35 | |
| Oh, même ici j'aurai jamais cru trouver un sujet où ça parlait de Gregg Araki Toxic, tu es géniale Et merci donc Cat pour ce remontage de topic Sans être fan absolue, j'ai quand même vu et très beaucoup aimé Doom Generation et Nowhere (je trouvais très choupi James Duval aussi à cette période, je me demande ce qu'il devient tiens...) (par contre effectivement je ne les conseillerai pas à tout le monde, c'est * vraiment* trash ) et totalement adoré Mysterious Skin, qui a un peu pris tout le monde par surprise parce que personne n'attendait Araki sur ce terrain et wow, quel film Il faudrait que je le revois, les souvenirs se sont un peu estompés depuis, mais j'avais trouvé Joseph Gordon Lewitt absolument exceptionnel. _________________ Library Thing - Listography - Tumblr - Goodreads"Captain Cogitation" | CEO of Black Corporation | Commander of the Kraken (and other big bad ass monsters) N°1 loyal subject of the One and Only Queen Margaret |
| | | toxicangel Snails Huntress
Nombre de messages : 6202 Age : 47 Localisation : Somewhere between Heaven and Hell, obviously... Date d'inscription : 07/04/2006
| Sujet: Re: Scott Heim : Mysterious skin et son adaptation Mar 8 Sep - 21:58 | |
| Vouiiiiiiiii, merci cat, c'était mon dernier post encore non répondu à ce jour Quelle remontée fulgurante : un record à battre Moi aussi les souvenirs de Mysterious skin se sont un peu estompés (ben ouais, si je regarde la date du message, ça fait quand même... 3 ans ). Mais vraiment j'avais adoré le livre, que je classe parmi mes préférés (et oui, malgré le propos). Je ne sais pas si tu l'as lu Pandora ? Je sais qu'Elisha a également vu le film. Quant à Gregg Araki, oui oui j'ai également vu Nowhere et The doom generation. Et bon, même si j'ai quand même préféré Nowhere au précédent, humpf, comment dire Je crois que j'ai encore les VHS ( ) chez mes parents, faudrait que je reregarde tiens... peut être Et James Duval (oh moi aussi n'aimait bien ), je l'ai au moins revu dans Donnie Darko mais pour le reste, aucune idée de ce qu'il est devenu. |
| | | Pando_Kat Lady Gunslinger of Gilead
Nombre de messages : 7151 Age : 43 Localisation : Dans le Tardis, entre Westeros, Arrakis et Giléad Date d'inscription : 26/06/2008
| Sujet: Re: Scott Heim : Mysterious skin et son adaptation Mar 8 Sep - 22:29 | |
| Copine de moi, Doom Generation je l'ai aussi en VHS cela dit c'est vrai que ça fait aussi des années que je ne les ai pas vus, je sais pas si j'aimerai toujours autant... expérience à tenter tiens, sachant que ça date quand même de 95 et 97 (oh la vache...) Je viens de regarder la page imdb de James Duval, et elle est bien remplie, mais que de trucs dont je n'ai personnellement jamais entendu parler >>> (et comme toutélié il y a un film dans sa filmo qui s'appelle Toxic ) Ah mais si j'ai May avec lui aussi, mais je ne l'ai toujours pas regardé... Bref, à part ça non je n'ai pas lu le roman mais du coup, malgré le propos comme tu dis, j'ai bien envie de le lire. _________________ Library Thing - Listography - Tumblr - Goodreads"Captain Cogitation" | CEO of Black Corporation | Commander of the Kraken (and other big bad ass monsters) N°1 loyal subject of the One and Only Queen Margaret |
| | | christelle The Gathering Storm
Nombre de messages : 3481 Age : 48 Localisation : Entre Paris, Londres, Hong Kong et Séoul... Date d'inscription : 10/09/2007
| Sujet: Re: Scott Heim : Mysterious skin et son adaptation Mar 8 Sep - 23:03 | |
| Argllh, Joseph Gordon-Lewitt dans Mysterious Skin, trop trop bien!!! |
| | | Liewen Stubborn creature
Nombre de messages : 2657 Age : 44 Date d'inscription : 02/12/2008
| Sujet: Re: Scott Heim : Mysterious skin et son adaptation Mer 9 Sep - 2:33 | |
| J'ai vu le film, mais pas lu le livre, je n'ai donc pas de point de comparaison, mais je confirme, Mysterious Skin est un film dont on ne ressort pas indemne. Il est extrêmement difficile d'aborder ce genre de sujet sans sombrer dans le voyeurisme ou dans le pathos complaisant... Je trouve que le film déjoue tous ces pièges, et les acteurs sont tout bonnement excellents ! |
| | | misshoneychurch Poppy dream by the Arno
Nombre de messages : 6062 Date d'inscription : 01/09/2006
| Sujet: Re: Scott Heim : Mysterious skin et son adaptation Mer 9 Sep - 10:20 | |
| Je n'avais pas vu ce topic, mais j'hésitais à lire le roman. Tu m'as définitivement convaincue Toxic :doddy: |
| | | toxicangel Snails Huntress
Nombre de messages : 6202 Age : 47 Localisation : Somewhere between Heaven and Hell, obviously... Date d'inscription : 07/04/2006
| Sujet: Re: Scott Heim : Mysterious skin et son adaptation Mer 9 Sep - 19:50 | |
| Ouais, miss honeychurch : un livre de plus à ajouter à notre pile commune sur librarything Honnêtement, je pense que si on n'est pas à la base hostile au sujet de départ (je peux comprendre que certains refusent tout bonnement de lire le livre, rien que par rapport au thème abordé), on ne peut être qu'emporté par ce livre. C'est l'un des très rares livres que je prenais directement à la sortie du boulot parce que j'avais hâte de connaître la suite. Et je n'ai à aucun moment trouvé le bouquin voyeuriste ou malsain. Bien sûr le parcours de Neil est semé de quelques passages assez glauques mais cela n'est jamais aussi déshumanisé que chez Brett Easton Ellis, par exemple. Et certains passages sont malgré tout très poétiques. Mais bon, préparez vos mouchoirs quand même |
| | | Folavril Manteau de Darcy
Nombre de messages : 79 Age : 35 Date d'inscription : 20/02/2011
| Sujet: Re: Scott Heim : Mysterious skin et son adaptation Jeu 24 Fév - 13:51 | |
| J'avais vu le film en premier sans savoir qu'il s'agissait d'une adaptation. Je ne l'ai vu qu'une fois, jamais osé retenter tellement ça m'avait bouleversée. Ça commence à dater mais ça reste un des meilleurs films que j'ai vu, et je l'ai encore bien en tête. Certaines images sont vraiment insoutenables, mais je n'ai pas du tout ressenti ça comme du voyeurisme, juste la volonté de montrer une réalité crue, sans jugement. La réalisation et les acteurs sont juste excellents, je voue depuis un culte à Joseph-Gordon Levitt (avant je ne l'avais vu que dans 10 bonnes raisons de te larguer donc ça m'a fait un choc ! ) C'est seulement il y a quelques semaines que j'ai appris que le film était tiré d'un bouquin, que j'ai donc voulu absolument lire. Je viens de le terminer là donc je suis encore toute retournée. Pourtant je connaissais l'histoire, mais le livre est tout aussi excellent et bouleversant. Et malgré la violence de certaines scènes, je l'ai trouvé encore plus poétique et touchant que le film. Je ne me souviens pas parfaitement du film, mais il me semble (arrêtez moi si je me trompe, j'irai revoir le film !) que le livre donne une plus grande place aux personnages "secondaires", ce que j'ai trouvé très intéressant. Tout particulièrement le personnage d'Eric. Donc voila, c'est un livre (et un film) qui ne fera sans doute pas l'unanimité parce que le sujet est sensible mais je le conseille quand même ! Il ne peut pas laisser indifférent, ça c'est certain. |
| | | cat47 Master of Thornfield
Nombre de messages : 24251 Age : 67 Localisation : Entre Salève et Léman Date d'inscription : 28/01/2006
| Sujet: Re: Scott Heim : Mysterious skin et son adaptation Jeu 24 Fév - 14:14 | |
| C'est toujours aussi tentant, et en même temps ça me fait toujours aussi peur. Donc j'hésite encore, là. Merci pour le commentaire, Folavril. _________________ |
| | | toxicangel Snails Huntress
Nombre de messages : 6202 Age : 47 Localisation : Somewhere between Heaven and Hell, obviously... Date d'inscription : 07/04/2006
| Sujet: Re: Scott Heim : Mysterious skin et son adaptation Sam 26 Fév - 17:24 | |
| Que je suis contente que ce topic remonte Merci de ton commentaire Folavril, ça fait plaisir de voir quelqu'un qui connaisse livre et film et les apprécie tous les deux. Ma lecture et mon visionnage du film remontent maintenant à pas mal de temps, mais il me semble que tu as raison par rapport au traitement des personnages secondaires. Si mes souvenirs sont bons, ils sont les narrateurs de chapitres entiers, ce qui permet d'avoir un point de vue extérieur sur l'évolution des deux garçons. Cat, un bon conseil, laisse-toi tenter. |
| | | Dérinoé Ready for a strike!
Nombre de messages : 1084 Date d'inscription : 15/10/2011
| Sujet: Re: Scott Heim : Mysterious skin et son adaptation Mar 31 Jan - 14:48 | |
| Bonjour,
je suis super contente d'être tombée sur ce topic car j'aime énormément le livre et l'adaptation dont je dirais qu'elle compte parmi mes cinq films préférés, toutes catégories confondues.
L'adaptation de Gregg Araki:
Je l'ai découverte durant l'été 2010 et je dois dire qu'elle m'a à ce point touchée que j'ai dû le visionner trois ou quatre fois dans la foulée. D'abord, j'ai adoré le mélange de réalisme très cru et de conte que relève Toxicangel dans sa présentation : comme vous le savez si vous l'avez déjà vu ou si vous avez lu les posts précédents, la trame du film raconte un morceau dans la vie de quatre adolescents que l'ennui et le hasard réunissent dans une petite ville perdue : Neil McCormick, sorte de petite frappe très séduisante vivant seule avec une mère à peine sortie de ses frasques de jeunesse, Wendy Peterson, confidente du premier oscillant entre fraternité et amitié amoureuse, Eric Preston, jeune homosexuel fasciné par le charisme frondeur d'un Neil apparemment insensible aux sirènes de l'amour et, finalement, Brian Lackey, timide à lunettes persuadé d'avoir été enlevé par des extraterrestres durant son enfance. La trame s'organise principalement autour des histoires entrecroisées de Neil et de Brian.
Ce qui est intéressant, c'est que le récit mêle des éléments issus du réalisme le plus brut – négligences chroniques de la mère de Neil enfant, charmante mais plus portée sur les hommes et la boisson qu'elle ne l'est sur l'éducation de son fils, violence familiale latente chez Brian, prostitution de moins en moins occasionnelle de Neil et j'en passe – à une atmosphère de conte tout aussi convaincante – scènes de l'enfance entrecoupant la trame principale, mythes de la jeunesse émaillant le récit de l'adolescence, rites familiaux chaleureux et virées glorieuses entre amis, beauté visuelle de certaines scènes à couper le souffle. Et comme plusieurs d'entre vous l'ont relevé également, la musique planante de Sigur Ros pose un voile aérien sur une histoire qui multiplie les drames, petits et grands.
C'est après avoir vu Mysterious Skin que j'ai d'ailleurs remarqué que les films que j'aime le plus – parmi lesquels la Famille Tennenbaum de Wes Anderson et Antonia's Line de Marleen Gorris – sont ceux qui parviennent à ce mélange étonnant de féerie presque enfantine et de violence frontale.
Bref ! Autre point fort du film : les acteurs sont tous formidables, avec mention spéciale pour Joseph Gordon-Levitt qui donne là la mesure de son talent. Tout, en lui, est Neil : sa démarche nerveuse et nonchalante, ses sourire cruels ou indifférents, l'affection distante qu'il porte à une mère paumée – excellente Elisabeth Shue –, ses crises de rage ou de désespoir lorsqu'il repense au passé. Je ne connaissais pas cet acteur avant de le voir dans ce film mais j'ai été bluffée par sa performance. Il incarne parfaitement ce mélange de désinvolture et de désespoir aigu décrit par Scott Heim dans son livre.
Le livre de Scott Heim :
J'y viens justement, au livre de Scott Heim. Donc, après donc vu le film trois ou quatre fois en enfilade, j'ai emprunté le livre à la Bibliothèque et je l'ai englouti en quelques heures. Plutôt pas mal. L'intrigue s'organise autour des récits juxtaposés de cinq personnages puisque, à Neil, Wendy, Brian et Eric s'ajoute Deborah Lackey, la sœur aînée de Brian. Chaque adolescent raconte des épisodes alternés de sa vie d'enfant et de sa vie présente, le roman apportant certaines pistes d'interprétation inexistantes dans le film – qui, je le précise, demeure fidèle à la lettre comme à l'esprit du roman.
En voici deux que je mets en spoiler pour ceux qui ne connaissent pas encore la trame principale de l'histoire :
- Spoiler:
Dans le roman, comme dans le film d'ailleurs, la mère de Brian est gardienne de prison et, au fil des années, elle monte en grade jusqu'à obtenir la permission de porter une arme. L'auteur insiste sur le fait que cette femme, très combative, dévouée à sa famille mais n'ayant vraisemblablement rien compris de ce qui arrivait à son fils enfant, s'entraîne régulièrement au tir en répétant à la table familiale que, si quelqu'un faisait du mal à ses enfants, elle n'hésiterait pas à le dégommer au pistolet. Or, Brian, qui reconstitue peu à peu les événements de sa jeunesse, ne cesse de se demander avec amertume pourquoi sa mère insiste tant sur sur ce point, elle qui n'a pas su le protéger lorsqu'il était enfant. Il est suggéré, par les jeux de regards décrits, que la mère se doute fortement de quelque chose et que cette façon de mettre en avant son arme et l'usage qu'elle en ferait en cas de danger, ressemble fort à un aveu de culpabilité tardif, à une manière de s'excuser de n'avoir pas agi plus tôt.
- Spoiler:
Autre hypothèse suggérée cette fois par la chronologie de l'histoire : on comprend assez vite, au travers des regards conjugués de Brian et de Deborah que, dans la famille Lackey, le père est perçu comme un intrus. Rivé à des notions de virilité figées, agressif et faisant preuve, à l'occasion, d'une violence injustifiée, peu respectueux de sa femme et de ses enfants, il terrorise Brian enfant et n'entretient pas plus d'affinité avec sa fille. Son départ de la maison constitue une véritable libération pour tous les trois, très bien rendue dans le roman par l'explosion de joie de Deborah et l'indifférence de l'épouse, focalisée sur ses enfants.
Or, les conséquences des abus dont Brian a été victime se poursuivent bien après le départ du père et l'on se demande pourquoi la mère, pourtant très proche de ses enfants, n'interroge pas plus directement son fils sur les raisons de ses problèmes, se contentant d'allusions et de remarques énigmatiques. Mon hypothèse est la suivante : dans les récits d'enfance de Brian et de Deborah, le père plane sur la maisonnée comme une menace indistincte, prête à éclater à tout moment. Son départ insuffle une vraie bouffée d'air frais à la famille et l'espoir de jours meilleurs, apaisés. On peut raisonnablement supposer que, une fois le calme retrouvé, la mère se refuse à provoquer un nouveau tremblement de terre en poussant plus avant une investigation qui pourrait révéler un drame dont on sent bien, dans le livre, qu'elle le devine depuis longtemps. C'est très intéressant de voir comment une dynamique familiale somme toute très banale et très compréhensible – à savoir le désir de conserver un équilibre précaire après des années de crises – empêche un enfant, puis un adolescent, de parler ou, même, de regarder la vérité en face .
Et puis, les mondes de l'enfance et de l'adolescence y sont très bien rendus par chaque voix narrative, de manière simple, réaliste et poétique. On retrouve plein d'éléments communs, je pense, à beaucoup d'enfants: les souvenirs de jeunesse qui donnent naissance à des mythes – comme pour Brian et les extra-terrestres –, les adultes admirés comme des héros de bandes-dessinées – comme pour Neil et le coach de base-ball –, les épisodes d'enfance peu glorieux qui scellent des amitiés indéfectibles – comme pour Wendy et Neil après l'épisode d'Halloween.
Beaucoup de critiques et d'anonymes ont relevé que l'un des grands mérites du livre, très bien aménagé par le film, réside dans le fait de ne pas avoir ancré l'histoire dans un quelconque parti pris moral ou psychologique s'agissant de la pédophilie et de ses conséquences. En effet, ces deux antagonismes que représentent Brian – timide, renfermé, peu sûr de lui, asexué et amnésique – et Neil – homosexuel assumé, s'adonnant à la prostitution et peu enclin à l'attachement –, en donnant à voir deux réactions totalement opposées, désamorce le discours habituel sur les conséquences de l'abus sexuel et propose une vision plus nuancée de ses effets.
Pour ma part, j'irais même plus loin : pour moi, Brian et Neil n'incarnent pas deux manière de « vivre avec » et de se développer avec un traumatisme. Ils n'incarnent rien du tout, d'ailleurs : ils sont juste deux gosses qui, parfois, vivent dans l'insouciance et, parfois, survivent dans les eaux saumâtres de la tristesse et de l'abandon. Le récit ne défend aucune thèse car la vie ne défend aucune thèse. Le livre de Scott Heim, pour moi, ne cherche pas à renverser la vision habituelle que donnent les médias de la pédophilie : il raconte une histoire. Ou, plus précisément, des histoires qui, comme tous les parcours, mélangent du bon, du mauvais et de l'indécidable. Je ne sais pas s'il parle vraiment de pédophilie. Il me semble que c'est un livre qui porte sur les sentiments.
Et il est réussi.
Dérinoé
P.S. De Scott Heim, j'ai également lu Nous disparaissons (We disappear), paru au Diable Vauvert en 2009 et traduit en français par Christophe Grosdidier. J'ai beaucoup aimé. À commenter sur un prochain topic, peut-être ?
P.S.2 Pour moi, le livre et le film comportent de nombreux aspects encore ouverts sur lesquels je m'interroge: s'il y a des amateurs, je serais bien partante pour quelques discussions. |
| | | Dérinoé Ready for a strike!
Nombre de messages : 1084 Date d'inscription : 15/10/2011
| | | | Invité Invité
| Sujet: Re: Scott Heim : Mysterious skin et son adaptation Ven 4 Mai - 8:01 | |
| - toxicangel a écrit:
- Il serait (...) réducteur d'en faire un simple roman choc, car ce qui le caractérise surtout, c'est la poésie et la nostalgie enfantine qui s'en dégagent. Il règne dans cette histoire une atmosphère de flottement, renforcée par l'atmosphère sordide du Kansas et par des passages plus doux, où les membres de l'entourage des 2 garçons prennent le relais de la narration.
Un beau livre, tour à tour rêveur ou sordide, mais toujours très sobre sur l'enfance maltraitée (...). Cela n'est jamais aussi déshumanisé que chez Brett Easton Ellis, par exemple On ne peut plus d'accord... - Dérinoé a écrit:
- mention spéciale pour Joseph Gordon-Levitt (...) mélange de désinvolture et de désespoir aigu décrit par Scott Heim dans son livre
L'acteur à la grâce féline porte le film, oui. - Dérinoé a écrit:
- pour moi, Brian et Neil n'incarnent pas deux manière de « vivre avec » et de se développer avec un traumatisme. Ils n'incarnent rien du tout, d'ailleurs : ils sont juste deux gosses qui, parfois, vivent dans l'insouciance et, parfois, survivent dans les eaux saumâtres de la tristesse et de l'abandon. Le récit ne défend aucune thèse car la vie ne défend aucune thèse
Qu'ajouter? |
| | | toxicangel Snails Huntress
Nombre de messages : 6202 Age : 47 Localisation : Somewhere between Heaven and Hell, obviously... Date d'inscription : 07/04/2006
| Sujet: Re: Scott Heim : Mysterious skin et son adaptation Ven 4 Mai - 21:22 | |
| J'ai bien vu ton message Dérinoé Mais je dois dire que ma lecture du roman datant d'il y a presque 6 ans, j'ai beaucoup de mal à me souvenir des aspects ouverts dont tu parles , hormis qu'à la fin : - Spoiler:
on ne sait pas ce qu'il va advenir d'eux.
Ce dont je me rappelle bien, c'est d'avoir adoré ce livre et d'avoir été émue jusqu'aux larmes mais pour le reste, hormis cette impression de flottement, je dois avouer que les détails se sont effacés. - Spoiler:
Bon si, au rayon "anecdotique" je me rappelle encore bien des morpions de Neil
Je n'ai pas encore lu Nous disparaissons de Scott Heim mais ça m'intéresserait bien d'avoir ton avis sur ce livre. J'ai tellement aimé Mysterious Skin qu'il me tente beaucoup et je pense en faire prochainement l'aquisition. Je peux renommer le titre du topic, ce qui permettra d'en faire la présentation directement ici |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Scott Heim : Mysterious skin et son adaptation Jeu 21 Juin - 20:28 | |
| Poésie, désespoir, insolence... des écorchés vifs. " Wendy et moi avons posé nos vélos pour escalader la clôture et pénétrer dans le labyrinthe de haut-parleurs. La peinture de la cabine de projection s'écaillait. Devant nous, l'écran rectangulaire ressemblait à une gigantesque enveloppe. Il masquait une partie du ciel, telle une porte ouverte sur un monde inoccupé. Nous nous sommes arrêtés au milieu du parking. Il était près de minuit. Le silence nous a enveloppés doucement. J'ai tendu l'oreille pour essayer de percevoir une sirène, un aboiement ou un klaxon, mais tout était calme. Je me rappelle m'être dit, Il est censé neiger et alors, comme par magie, le ciel s'est éclairci, moucheté de milliers de flocons virevoltants. J'avais l'impression de devoir parler pour être sûr que je ne rêvais pas. "Il neige ". J'ai pris la main de Wendy. Des flocons s'accrochaient à nos manteaux. "J'aimerais qu'ils projettent un film, là tout de suite, a-t-elle murmuré. Un film sur nos vies, sur tout ce que nous avons vécu jusqu'à présent. Et nous serions les seuls spectateurs, juste toi et moi". Le bonheur fou des enfants Lackey, le soir tant espéré du départ du père; et leur danse sur la colline, tombeau dédié au tyran. Ou la confession d'Eric Preston (le garçon à l'eye-liner, l'amoureux sincère et obstiné qui adresse des " Reviens!" par télépathie), quant à sa renaissance à la mort de ses parents... Autant de scènes criantes de vérité, à défaut de portrait de famille sur napperon. Large préférence pour le roman, de mon côté, qui m'a paru plus riche, plus complexe que le film. Nous disparaissons sera de la partie, cet été; l'ai reçu ce jour même. Il ne devrait pas décevoir, fond et forme (j'aime beaucoup le style de Heim, décharné, sobre et émouvant). - toxicangel a écrit:
- on ne sait pas ce qu'il va advenir d'eux
" (...) parler pour être sûr que je ne rêvais pas"... De l'hémorragie à la cautérisation, condamnés à s'en sortir, de toutes façons. |
| | | Nymeria Préceptrice
Nombre de messages : 40 Age : 35 Localisation : À l'Ouest, rien de nouveau Date d'inscription : 14/03/2015
| Sujet: Re: Scott Heim : Mysterious skin et son adaptation Sam 14 Mar - 19:19 | |
| Oh ! Un topic sur le fabuleux livre de Scott Heim !
Je pense que Mysterious skin a hanté la fin de mon adolescence. J'ai d'abord vu le film, où j'ai clairement pris une claque (autant par la manière de filmer que par ces acteurs, Joseph Gordon Levitt n'a jamais été aussi fantastique ET charismatique que dans ce film). J'ai ensuite lu le livre de Scott Heim qui m'a autant happé que le long métrage, c'est brute, les sentiments des protagonistes sont extrêmement bien retranscrits, le système du un chapitre/un personnage rend l'histoire encore plus vraie, puisqu'on voit les évènements sous un regard différent...
Pour ma part, les deux supports s'équivalent, la violence du film s'allie à celle du livre, jamais une histoire m'a autant touchée et percutée que celle là. Définitivement, le livre de Scott Heim est parmi mes préférés.
Je n'ai malheureusement pas lu d'autres romans de cet auteur. |
| | | Dérinoé Ready for a strike!
Nombre de messages : 1084 Date d'inscription : 15/10/2011
| Sujet: Re: Scott Heim : Mysterious skin et son adaptation Sam 14 Mar - 23:52 | |
| @ Nymeria: - Citation :
- Oh ! Un topic sur le fabuleux livre de Scott Heim !
Ce qui est fabuleux, c'est que ton message permet à ce fil de remonter et, de ce fait, de gagner en visibilité. - Citation :
- Je pense que Mysterious skin a hanté la fin de mon adolescence.
J'ai d'abord vu le film, où j'ai clairement pris une claque (autant par la manière de filmer que par ces acteurs, Joseph Gordon Levitt n'a jamais été aussi fantastique ET charismatique que dans ce film). J'ai également commencé par voir le film dont je ne savais pas, à l'époque, qu'il était tiré d'un roman et, comme toi, je l'ai trouvé aussi beau que troublant. Il compte aujourd'hui parmi mes films favoris et je pense l'avoir vu une bonne quinzaine de fois au moins, sinon plus. Il me semble que Gregg Araki, le réalisateur, a su restituer deux éléments du livre tout à fait fondamentaux qui, avec moins de talent, seraient passés à la trappe pour laisser place à une polémique vendeuse: la retranscription des mythologies enfantines et la poésie, sordide ou banale, qui est le lot de toute vie humaine. Gregg Araki, connu jusqu'alors pour ses films oniriques et déjantés sur l'adolescence, a été inspiré par la grâce le jour où il s'est emparé du livre. - Citation :
- J'ai ensuite lu le livre de Scott Heim qui m'a autant happé que le long métrage, c'est brute, les sentiments des protagonistes sont extrêmement bien retranscrits, le système du un chapitre/un personnage rend l'histoire encore plus vraie, puisqu'on voit les évènements sous un regard différent...
Je partage tout à fait ton sentiment sur le livre. Scott Heim est l'un de ces rares auteurs capables, selon moi, de décrire l'enfance et l'adolescence avec justesse - au sens même où l'entend l'expression "chanter juste". Souvent, j'ai le sentiment que les écrivains qui s'attaquent au thème de l'enfance mettent dans la tête et dans la bouche de leurs jeunes protagonistes une relecture adulte, plus ou moins habile, des premiers âges de la vie, un peu comme on tenterait d'imiter le style extrêmement reconnaissable des dessins d'enfant tout en respectant inconsciemment les règles de la perspective ou de la chromatique minutieusement apprises à l'âge adulte. Or, avec Mysterious Skin, Scott Heim, au travers de tous les narrateurs, restitue cette qualité de regard si particulière qui, pour être universellement partagée, devient étrangement inaccessible une fois l'enfance dépassée: les ambiguïtés morales qui se perçoivent très bien et ne se perçoivent pas, les terreurs partagées qui scellent des amitiés indéfectibles, la magie que les enfants font prisonnière entre leurs mains comme des crapauds minuscules et qui, lorsqu'elle leur échappe enfin, se change en tragique tristesse. - Citation :
- Pour ma part, les deux supports s'équivalent, la violence du film s'allie à celle du livre, jamais une histoire m'a autant touchée et percutée que celle là.
Décrirais-tu cette histoire comme une tragédie? (Je me permets de te poser la question dans la mesure où je me la pose régulièrement à moi-même.) - Citation :
- Je n'ai malheureusement pas lu d'autres romans de cet auteur.
Quelques temps après avoir découvert Mysterious Skin, j'ai lu Nous disparaissons (We disappear) (2008), le troisième roman de Scott Heim paru en français aux éditions du Diable Vauvert.
Scott Heim, Nous disparaissons, 2008.
Raconté à la première personne, l'histoire est centrée autour de deux personnages: Scott, un jeune auteur de livres pour enfants installé à New-York et sa mère, Donna, ancienne alcoolique atteinte de leucémie qui vit toujours au Kansas. Obsédée par les disparitions d'enfant rapportées par la presse, Donna demande à son fils de revenir auprès d'elle afin de l'aider à élucider des cas pour lesquels elle semble nourrir une passion presque malsaine. Le roman bascule alors dans la superposition de deux trames qui s'entrecroisent et s'alimenter étrangement: d'une part, l'évocation, par Scott, de ses souvenirs d'enfance doux-amers auprès d'une mère fantasque et irresponsable et, d'autre part, les enquêtes que, mandaté par Donna, il commence à mener auprès de rescapés d'enlèvement en se faisant passer pour un journaliste en quête d'informations sur le sujet. Alors qu'il accompagne sa mère dans la maladie, le jeune homme s'interroge de plus en plus sur les causes de son étrange obsession: pensant d'abord à une énième lubie, il finit par se demander si elle-même aurait pu avoir maille à partir avec une quelconque disparition au cours de sa vie ou si, au contraire, fidèle à son caractère extravagant, elle n'aurait pas surjoué la folie douce, ce afin de ramener son fils au bercail pour lui permettre de mettre un peu d'ordre dans sa vie.
- Spoiler:
Personnellement, j'ai beaucoup aimé ce roman qui, encore une fois, aborde la question de l'enfance - celle de Donna, floue et mystérieuse d'un côté, et celles de Scott et de sa soeur, souvent drôlatique, de l'autre - avec une rare justesse et une très grande poésie. Bien qu'il souscrive essentiellement au genre du portrait, le roman oscille également entre enquête et thriller psychologique, Scott délaissant progressivement ses recherches sur les disparitions d'enfant pour enquêter sur les motivations de sa mère.
Il y a aussi quelque chose de crépusculaire dans ce roman. Quelque chose que j'attribue pour ma part à l'état de santé de Donna et à ces retrouvailles familiales où tout - l'évocation des souvenirs d'enfance, les recherches effectuées de concert par la mère et le fils sur des enfants disparus, l'enquête menée par Scott sur le passé de sa famille - semble placé sous l'égide d'une ultime résolution: celle des non-dits familiaux, celle des disparitions inexpliquées. Celle des disparitions tout court. (Puisque nous disparaissons.)
Si jamais tu le lis un jour, je serais heureuse de connaître ton avis, Nymeria.
Dernière édition par Dérinoé le Jeu 19 Mar - 9:51, édité 2 fois |
| | | Nymeria Préceptrice
Nombre de messages : 40 Age : 35 Localisation : À l'Ouest, rien de nouveau Date d'inscription : 14/03/2015
| Sujet: Re: Scott Heim : Mysterious skin et son adaptation Dim 15 Mar - 7:58 | |
| - Dérinoé a écrit:
Je partage tout à fait ton sentiment sur le livre. Scott Heim est l'un de ces rares auteurs capables, selon moi, de décrire l'enfance et l'adolescence avec justesse - au sens même on l'entend l'expression "chanter juste". Souvent, j'ai le sentiment que les écrivains qui s'attaquent au thème de l'enfance mettent dans la tête et dans la bouche de leurs jeunes protagonistes une relecture adulte, plus ou moins habile, des premiers âges de la vie, un peu comme on tenterait d'imiter le style extrêmement reconnaissable des dessins d'enfant en respectant inconsciemment les règles de la perspective ou de la chromatique minutieusement apprises à l'âge adulte. Or, dans Mysterious Skin, Scott Heim, au travers de tous les narrateurs, restitue cette qualité de regard si particulière qui, pour être universellement partagée, nous devient étrangement inaccessible une fois l'enfance dépassée: les ambiguïtés morales qui se perçoivent très bien et ne se perçoivent pas, les terreurs partagées qui scellent des amitiés indéfectibles, la magie que les enfants font prisonnière entre leurs mains comme des crapauds minuscules et qui, lorsqu'elle leur échappe enfin, se change en tragique tristesse. Je ne saurais expliquer mieux que toi ce que je pense de l'écriture de ce brave homme. Toute la sensibilité que l'on peut trouver dans ce livre est due à sa capacité de retranscrire ce regard propre à l'adolescence sans aucun jugement adulte. - Dérinoé a écrit:
- Décrirais-tu cette histoire comme une tragédie? (Je me permets de te poser la question dans la mesure où je me la pose régulièrement à moi-même.)
Hmm, disons que pour ma part, tragédie est synonyme de mort (ça vient sûrement de ma vision théâtrale du mot), qu'il n'y a pas dans cette histoire. J'irai plus dans la définition du drame, lié à une descente aux enfers, à une recherche de soi, jusqu'à arriver à ce point final où les deux protagonistes se retrouvent dans ce lieu qui a changé radicalement leur vie, comme s'il leur fallait ce moment précis entre eux pour pouvoir renaitre à nouveau... - Dérinoé a écrit:
- Si jamais tu le lis un jour, je serais heureuse de connaître ton avis, Nymeria.
En tous cas, tu le vends magnifiquement bien , il a l'air de reprendre quelques uns des thèmes présent dans son premier livre, ce qui m'attire assez forcément. Il y a t-il toujours ce jeu du chapitre = une vision de personnage ? |
| | | Dérinoé Ready for a strike!
Nombre de messages : 1084 Date d'inscription : 15/10/2011
| Sujet: Re: Scott Heim : Mysterious skin et son adaptation Mer 18 Mar - 21:56 | |
| @ Nymeria: - Citation :
- Hmm, disons que pour ma part, tragédie est synonyme de mort (ça vient sûrement de ma vision théâtrale du mot), qu'il n'y a pas dans cette histoire. J'irai plus dans la définition du drame, lié à une descente aux enfers, à une recherche de soi, jusqu'à arriver à ce point final où les deux protagonistes se retrouvent dans ce lieu qui a changé radicalement leur vie, comme s'il leur fallait ce moment précis entre eux pour pouvoir renaitre à nouveau...
Merci pour ta réponse, Nymeria.
Il est vrai que le genre du drame s'impose naturellement à l'esprit lorsque l'on évoque la trame de fond. Et, cependant, l'absence de parti pris respectée par l'auteur et les ambiguïtés recelées par le personnage de Neil même font de cette histoire une sorte de drame sous couverture, comme si le mal ne résidait pas dans les actes et que sa présence ne dépendait que de nos points de vue.
Par ailleurs, ce que tu écris est très intéressant car les dernières paroles respectives du livre et du film diffèrent sensiblement, imprimant deux tonalités bien distinctes à l'histoire et laissant présager des suites peut-être divergentes pour les deux héros. - Spoiler:
Comme tu l'as mentionné, dans les deux cas, les deux adolescents se retrouvent installés dans un salon qu'ils ont bien connu une dizaine d'années auparavant et d'où la voix de Neil nous porte dans un souffle jusqu'à la toute dernière ligne, jusqu'à la toute dernière phrase:
Dans le livre: - Citation :
- "C'était une lumière qui éclairait nos visages, nos blessures et nos cicatrices. C'était une lumière tellement blanche et éclatante qu'elle aurait pu provenir du paradis, et Brian et moi aurions pu être des anges s'y prélassant. Mais la réalité était tout autre."
Scott Heim, Mysterious Skin, trad. de Christophe Grosdidier, 1995.
Dans le film: - Citation :
- "And as we sat there listening to the carolers, I wanted to tell Brian it was over now and everything would be okay. But that was a lie, plus, I couldn't speak anyway. I wish there was some way for us to go back and undo the past. But there wasn't. There was nothing we could do. So I just stayed silent and trying to telepathically communicate how sorry I was about what had happened. And I thought of all the grief and sadness and fucked up suffering in the world, and it made me want to escape. I wished with all my heart that we could just leave this world behind. Rise like two angels in the night and magically... Disappear."*
Gregg Araki, Mysterious Skin, 2004. - Citation :
- En tous cas, tu le vends magnifiquement bien Smile ,
Merci beaucoup mais tout le mérite revient au talent de Scott Heim.
- Citation :
- il a l'air de reprendre quelques uns des thèmes présent dans son premier livre, ce qui m'attire assez forcément. Il y a t-il toujours ce jeu du chapitre = une vision de personnage ?
Alors, pour ce qui est de la reprise des thèmes, je te répondrais que oui, tout à fait. Outre le rapport à la mémoire et à l'enfance qui constitue la cheville ouvrière de chacune des deux histoires, on retrouve, parmi les thèmes communs, celui de la mère à la fois douloureusement instable et joyeusement fantasque, de l'homosexualité masculine - qui n'est toutefois pas au premier plan de Nous disparaissons - et, enfin et surtout, du secret enfoui, vécu par certains, soupçonnés par les autres et qui, paradoxalement, structure par son absence la vie et les pensées des protagonistes.
En revanche, non, le jeu des différentes voix répercutées par les chapitres de Mysterious Skin est absent de Nous disparaissons: l'histoire nous est uniquement rapportée par Scott, le jeune auteur de livres pour enfants qui retourne dans l'Arkansas pour soutenir sa mère malade.
Je profite de notre échange pour te demander, si toutefois tu as l'envie de me livrer ton impression, comment tu comprends le titre de Mysterious Skin. Je me suis longtemps interrogée à ce sujet et je trouve aujourd'hui qu'il constitue presque une clef de lecture du roman, si tant est qu'il y en ait une.
*Je n'ai jamais vu ce film qu'en anglais et je ne sais même pas s'il en existe un doublage français. Je reproduis donc ici le texte original du scripte. |
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