Sylvie Germain : un auteur d'exception

J'ouvre un topic sur celle qui est peut-être mon auteur de littérature française contemporaine préférée, j'ai nommé Sylvie Germain !

Je vais commencer par une petite présentation :

Citation :

SG est née en 1954 à Chateauroux. Après des études de philosophie à la Sorbonne, Sylvie Germain se lance dans des recherches sur l'ascèse dans la mystique chrétienne, son sujet de maîtrise, et sur le visage humain, son sujet de doctorat. Elle entre au ministère de la culture en 1981, à la direction de l'audiovisuel, et se met à écrire des contes et des nouvelles. C'est sur les conseils de l'écrivain Roger Grenier, à qui elle envoie un recueil d'écrits, qu'elle se lance dans l'écriture de son premier roman. 'Le livre des nuits' est publié en 1984, et reçu au mieux par le public et la critique. Entre 1986 et 1992, elle connaît sa 'période tchèque', s'installe à Prague où elle travaille comme documentaliste et professeur de philosophie ; son roman 'Jours de colère', qui sort en 1989, est récompensé par le prix Fémina. Le retour à Paris en 1992 est difficile et ne dure que deux ans : Sylvie Germain part vivre à La Rochelle, puis à Pau, où elle se consacre à son métier d'écrivain - entre fictions et essais - et à son compagnon photographe.

Elle a écrit une trentaine de romans et nouvelles. Je suis loin d'avoir épluché toute sa bibliographique. A vrai dire, je préfère me laisser du temps avant de tout découvrir ...


Je vais vous présenter 2 romans en particulier :

Citation :

C'est l'histoire, triste à pleurer d'une petite fille joyeuse qui regarde les étoiles en compagnie de son meilleur ami, astronome en herbe. Ils vivent à la campagne, au milieu des oiseaux, des grenouilles et des fées des contes, qu'on leur raconte, et ceux qu'ils inventent, habillent leur vie d'une lumière innocente, celle de l'enfance naïve et pleine de rires. Mais dans un conte de fées, il y a toujours un ogre qui va manger, non pas sa petite victime, mais toute sa joie de vivre. Il y a toujours un monstre et un méchant. L'ogre de notre histoire est un pédophile immonde et terrible (qui n'est autre que son demi-frère, son aîné, le préféré de sa mère qui plus est. Une mère qui ne voit ni n'entend rien...

Quel roman ! Un livre profondément dramatique. Mais Sylvie Germain réussit là un tour de force, elle parvient à insuffler un véritable souffle lyrique à son récit. Elle ne se contente pas de faire dans le pathétique, elle fait aussi dans le poétique. Toutes ses phrases chantent comme autant de petits poèmes, elle est parvenue à mettre ses mots en musique et à créer une sorte de chant profondément mélancolique. Car c'est avant tout d'un conte cruel dont il s'agit ici : un monde où une douce et tendre fillette se voit malgré elle entraînée dans les ténèbres. Elle voit s'enfuir ses sourires, ses rêves, sa candeur, son insouciance, ses espoirs. Ce monstre lui enlèvera absolument tout mais il lui restera au moins une chose: la haine (et n'est-ce pas cruelle pour une petite fille ? ).
C'est ainsi que s'explique ce titre, magnifique métaphore, qui est une analogie avec la méduse qui pique et est vénéneuse.
L'écriture de Sylvie Germain est remarquable dans la mesure où son texte ne tombe jamais dans le langage crû et violent, même le drame de l'inceste est décrit avec une poésie cruelle, emplie d'émotions troubles et fortes. De de fait, selon moi, on ne peut oublier la lecture d'un tel roman. Je vous le conseille fortement !


Sinon, il y a aussi le non moins magnifique Jours de colère, qui est peut-être finalement mon préféré

Citation :

Dans les forêts du Morvan, la folie s'installe peu à peu. Coupés du monde, les bûcherons, les flotteurs de bois, les bouviers sont à l'image de la nature : sauvages et passionnés, durs et solitaires. Même l'amour prend des accents de violence. Poussé à l'extrême, celui-ci devient une pulsion meurtrière.

Parce qu'il a recueilli le dernier éclat de beauté d'une femme, poignardée par son mari, Ambroise Mauperthuis, aïeul taciturne et colérique tombe dans la folie et devient maître-chanteur. Dans sa folie, il va entraîner ses deux fils, Reinette, la douce obèse, les neuf fils de cette dernière, tous nés le jour de la Sainte Vierge et surtout Camille, sa petite-fille. Elle est, à ses yeux, la réincarnation de son amour perdu.

Un roman foisonnant, brillant, et encore une fois, superbement écrit. Le style de Sylvie Germain se fait terriblement envoûtant. Les paysages du Morvan prennent vie sous nos yeux. Les thèmes chers au coeur de l'auteur, à savoir l'amour, la rage, la passion sont très présents dans ce roman et ne sont pas sans rappeler une certaine Emily Brontë. C'est à un véritable drame familial auquel on assiste ici, ainsi qu'à un amour destructeur, qui hante et empoisonne. C'est fascinant, tout simplement.


J'ai aussi littéralement adoré Le Livre des Nuits, Tobie des Marais et La Chanson des mal-aimants (et un peu moins, Magnus). Je n'ai pas lu son dernier par contre ...

Ce que je retiens de Sylvie Germain, c'est son style poétique et incroyablement fluide et ses histoires qui vous laisse des souvenirs très forts.

Connaissiez-vous cet auteur ? Sinon, j'espère que cette (longue) présentation a piqué votre curiosité.

Emjy, je connais bien sûr, mais je n'ai pas encore lu... Ma pal va vraiment se fâcher contre toi!!! En tout cas, ta présentation donne envie...

Emjy a écrit:

Connaissiez-vous cet auteur ? Sinon, j'espère que cette (longue) présentation a piqué votre curiosité.

Touchée !

HS : tu connais Arnaud Cathrine ?

Merci Emjy pour ce nouveau topic.
Tu as aussi touché une autre cible, avec moi.
Mais j'avais déjà entendu beaucoup de bien de Jours de colère auparavant et ton avis le confirme alors ce livre risque fort de se retrouver sur ma PàL d'ici la fin de l'année...

cecilou41 a écrit:

HS : tu connais Arnaud Cathrine ?

Non pas encore Mais ça va être difficile, ils n'ont aucun livre de lui à la bibliothèque, du moins pas pour le moment

OMG!!! Mais c'est quoi cette bibliothèque ???

Je me pose souvent cette question moi aussi

Je passe en coup de vent pour dire que j'ai emprunté Tobie des Marais pour ma mère à la médiathèque et qu'elle l'a trouvé super ! Dès que j'ai un moment, je le lis et je reviens !

Oups ! Je n'avais pas vu que tu avais répondu à ce topic

Je suis ravie que ta mère ait aimé Tobie des Marais, Cécilou ! Et j'espère qu'il en sera de même pour toi Je crois que c'est mon préféré avec Jours de Colère et L'Enfant-Méduse

C'est fait ! Et oui, j'ai aimé !
Sylvie Germain a vraiment un style d'écriture bien à elle. C'est fou à quel point ce roman regorge de sensations... C'est un véritable mélange poétique d'odeurs, de couleurs et de sons (d'ailleurs, je pense que sa couleur préférée est le bleu ). Elle a l'art de créer une ambiance palpable et authentique. Impressionnant ! Je suppose ne pas me tromper si je dis que c'est une de ses caractéristiques et que je vais avoir le même ressenti en lisant ses autres romans, Emjy ?
Pour en revenir à Tobie des Marais, l'histoire est bien construite, intrigante, pensée, mais un poil morbide tout de même ! A un certain point (

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, j'ai commencé à être fatiguée de lire toutes ces histoires de décès. Par contre, j'ai adoré l'arrivée de Sarra,

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et celle de Raphaël dans le livre et dans la vie de Tobie. Ce sont deux personnages que j'affectionne beaucoup : Sarra pour sa fragilité et sa souffrance, Raphaël pour son humanité

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et son infinie sagesse. J'ai d'ailleurs noté deux de ses répliques, qui m'ont beaucoup plu :

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Je sais toujours ce que je veux, je veux passionnément ce que je sais.

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Les chemins les plus courts sont rarement les meilleurs, ils ont souvent bien moins d'intérêt que les détours. Méfiez-vous des lignes droites, elles sont monotones, on finit par s'y endormir. Enfin, c'est une question de goût, moi je préfère les méandres, l'imprévu, les voies détournées.

Dorotha m'a également touchée. C'est un personnage d'une force rare, qui traverse les âges et les épreuves avec un courage sans faille. Je voudrais pouvoir être aussi forte et vaillante

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Tobie, bien que personnage central, me fait plus l'effet d'un fil d'Ariane que d'autre chose. On ne le rencontre pas suffisamment en profondeur pour s'y attacher vraiment, je trouve. Il n'est dépeint qu'en superficie, sans doute dû parce qu'il est un être de silence, meurtri dès son plus jeune âge. Petit clap pour S.G : le début du roman est excellent !

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Un petit bémol : je veux bien concevoir qu'on puisse aimer la faune et la flore, être experte en botanique, en géologie et autre ornithologie, mais S.G devrait tout de même songer aux pauvres ignares que sont certains de ses lecteurs (du genre : MOI) et qui ne comprennent pas un mot de ce qu'elle écrit par moment !! Si elle parlait pigeon, pas de souci, mais elle parle schiste, onyx et je ne sais quoi d'autre encore !!!

Cécilou, merci pour ton compte-rendu ! J'ai lu ce roman il y a déjà pas mal d'années, mes souvenirs sont donc assez flous. Néanmoins, je me souviens avoir été très impressionnée par le style de Sylvie Germain, aussi fluide que travaillé, ainsi que par sa maîtrise de l'intrigue.

Citation :

Elle a l'art de créer une ambiance palpable et authentique. Impressionnant ! Je suppose ne pas me tromper si je dis que c'est une de ses caractéristiques et que je vais avoir le même ressenti en lisant ses autres romans, Emjy ?

C'est tout à fait ça Ses histoires sont ténébreuses. Jours de Colère et L'Enfant Méduse, qui m'ont peut-être encore plus marquée, sont deux autres exemples de cette faculté à plonger son lecteur dans un univers qui lui est propre : palpitant, enchanteur mais aussi et peut-être surtout très sombres.

En tous cas, je suis ravie que tu aies succombé à mon lobbying et apprécié ce roman Promis, cette semaine, je vais voir si ma bibliothèque a du Arnaud Catherine dans ses rayons. Je ne désespère pas d'y trouver un de ses livres

J'ai terminé L'enfant méduse et je ne peux que plussoyer sur ça :

Emjy a écrit:

Un livre profondément dramatique. Mais Sylvie Germain réussit là un tour de force, elle parvient à insuffler un véritable souffle lyrique à son récit. Elle ne se contente pas de faire dans le pathétique, elle fait aussi dans le poétique. Toutes ses phrases chantent comme autant de petits poèmes, elle est parvenue à mettre ses mots en musique et à créer une sorte de chant profondément mélancolique.

Je pense - même s'il est sans doute encore un peu tôt pour que je puisse l'affirmer ; il faut que je laisse tout ça murir en moi - que j'ai préféré ce roman-ci à Toby des Marais, qui m'a pourtant beaucoup plu. C'est sans doute dû à mon appétit de souffrance et de torture .
J'ai aussi apprécié le fait qu'elle se noie moins dans des descriptions interminables de la faune et la flore de nos campagnes, même si elle a su avec brio, une fois de plus, utiliser la nature et les couleurs pour alimenter son livre.

L'histoire est touchante et les personnages sont croqués avec soin et précision. On imagine parfaitement les 2 vieilles tantes et la marraine aigrie, la mère en amour avec son fils pourtant cruel, le père perdu dans sa solitude et sa souffrance silencieuse et l'enfant méduse qui se débat comme elle peut pour garder la tête hors de l'eau sans bien savoir comment faire.

J'ai eu un peu de mal avec les espèces d'introduction en italiques au début de chaque chapitre. Elles font, pour la plupart (c'est mieux vers la fin du roman), un peu trop "envolées lyriques" pour moi.
Par contre, j'ai adoré le ryhtme créé par la répétition d'incises dans la partie intitulée Lumière (elle répète "Son corps" ou "Son secret", par exemple). Pour moi, ça, c'est une vraie réussite en matière d'écriture (il m'en faut peu, peut-être !)

Détail qui va sans doute vous paraître insignifiant mais qui m'a marqué elle a opté pour la graphie "Phratrie" au lieu de "Fratrie" qui est pourtant nettement plus répandue (à vrai dire, j'ignorais même qu'on pouvait l'écrire "PH").

Enfin voilà quoi... J'ai des milliards d'autres livres à lire et une PAL qui n'en finit pas de s'accroître alors je vais attendre un peu avant de découvrir ses autres livres mais merci Emjy de m'avoir fait découvrir cette auteure.

Au passage, j'ai envoyé Magnus dans le cadre d'un échange de livres. J'espère que ma destinataire va apprécier !

Double post (mais c'est pour la bonne cause ).

Paru dans Télérama :

Je n'ai lu que Magnus, que j'avais bien aimé sans être totalement conquise non plus (mais c'est un livre dont on a beaucoup, et peut-être trop parlé...) mais je ne demande qu'à découvrir d'autres livres de Sylvie Germain... (Jours de colère me tente beaucoup, je ne sais pas pourquoi d'ailleurs^^).