Witold Gombrowicz, Les Envoûtés

Autant jouer carte sur table : il y a quelques mois, je n'avais jamais entendu parler de cet auteur et ne m'y serais sans doute jamais intéressée sans une lambtonienne qui a misé sur mon goût de la différence en me le faisant découvrir. Un coup de poker qui s'est révélé gagnant car j'ai eu beaucoup de plaisir à lire Les envoûtés, un roman qui ne ressemble à rien!!! En tout cas pas au reste de l'oeuvre de Gombrowicz, si j'en crois ce que je lis çà et là sur le net.

wikipedia a écrit:

Witold Gombrowicz est un écrivain polonais. Il est aujourd'hui reconnu comme l'un des plus grands auteurs du XXe siècle et a influencé de nombreux écrivains, tels que Milan Kundera.

Issu d'une famille de la noblesse terrienne de la région de Varsovie, il étudie le droit à l'Université de Varsovie, puis la philosophie et l'économie à l'Institut des hautes études internationales de Paris. La publication des Mémoires du temps de l'Immaturité en 1933 puis de Ferdydurke en 1937 l'impose comme l'enfant terrible de la littérature moderne polonaise. Arrivé en Argentine pour un court séjour en 1939, l'invasion de la Pologne par l'Allemagne nazie le dissuade de rentrer en Europe. Il finit par rester vingt-cinq ans en Argentine, dans la ville de Tandil, province de Buenos Aires. Sa vie au milieu du peuple argentin ainsi que de l'intelligentsia de l'émigration polonaise est racontée dans son Journal argentin, publié à Paris dans la revue polonaise Kultura ; on en trouve également des échos romancés dans son roman Trans-Atlantique. L'œuvre de Gombrowicz, interdite en Pologne par les nazis puis par les communistes, tomba dans un relatif oubli jusqu'en 1957 où la censure fut levée provisoirement.

Gombrowicz revient en Europe en 1963, à Berlin d'abord grâce à une bourse de la fondation Ford. Son œuvre connaît alors un succès croissant en France et en Allemagne. En mai 1964, il s'installe en France à Royaumont, près de Paris. En septembre 1964, il déménage définitivement à Vence (près de Nice), petite ville où résident de nombreux artistes et écrivains. Il décède à Vence en 1969 d'insuffisance respiratoire, à la suite d'une longue maladie.

Style : les œuvres de Gombrowicz sont caractérisées par une analyse psychologique profonde, un certain sens du paradoxe, un ton absurde et anti-nationaliste.

Les Envoûtés semble vraiment être à part dans la production de l'écrivain, même si par ailleurs le livre entre bien dans la définition du style de l'écrivain donnée ci-dessus. Publié en feuilleton dans deux quotidiens polonais juste avant la guerre, le roman ne fut édité "en livre" que tardivement (1973, tronqué, dans une édition des oeuvres complètes puis 1990, dans une édition comprenant des chapitres retrouvés en 1986 dans de vieux journaux parus les 1er, 2 et 3 septembre 1939 – terrible coïncidence ).

Je l'ai dit plus haut, ce livre ne ressemble à rien. Ou plutôt, il ressemble à tout, une sorte de melting pot (ou OVNI ?) dans lequel chaque lecteur peut trouver de quoi se divertir. Tour à tour analyse sociologique, aventure gothique, romance, policier, le livre me semble être une sorte de tentative de trouver une voie par un jeune écrivain qui sait manier les mots mais ne sait pas encore de quoi l'avenir sera fait. Ce qui a signifié pour moi de nombreuses surprises et un dépaysement total qui m'a fait beaucoup de bien. Roman d'apprentissage autant pour les deux héros que pour le lecteur aventureux ou alors pastiche élégant, dont le dénouement raisonnable peut décevoir l'amateur de sensations fortes mais pas l'adepte des symboles. On y retrouve un château hanté, un couple de jeunes héros qui ne savent pas vraiment de quoi leur vie sera faite mais pour lesquels une chose est sûre, l'amour est un combat!, un historien empathique, du tennis, un meurtre digne de Conan Doyle ou d'Agatha Christie, des secrets de famille, des paysans polonais tout droit sortis du Bal des Vampires de Polanski, bref, il y en a pour tous les goûts.

Cat, je suis totalement convaincue par ta présentation : j'ai envie de commander tout de suite ce livre (mais ça attendra un peu car le porte-monnaie râle!)

Si avec ça les membres de l'auberge n'ont pas envie de découvrir ce livre, je n'y comprends plus rien
Tu as raison de souligner toute la richesse de ce livre, ses emprunts à moults univers et à de nombreux procédés d'écriture. J'étais presque certaine que tu craquerais pour ce livre, mais je suis soulagée d'en avoir la confirmation . Personnellement, j'avais marché à fond dans cet espèce de jeu de piste gothique (et puis, je voulais savoir comment l'histoire d'amour allait tourner ).

Gombrowicz a aussi écrit des pièces de théâtre, ainsi qu'une collection de souvenirs et un journal, mais je ne les ai pas encore lus.

@Natacha : dis à ton porte-monnaie que ton bien-être passe avant tout

Ce roman m'attire depuis un sacré bon bout de temps déjà parce que je suis persuadé que je vais l'adorer mais je n'ai jamais eu l'occasion de tomber dessus en librairie.
Mais ton excellente et alléchante critique (la petite référence au Bal des Vampires, un de mes films cultes ), Cat, me fait fortement hésiter entre : Me jeter sur Amazon et le commander et Me jeter sur Amazon et le commander.

misshoneychurch a écrit:

@Natacha : dis à ton porte-monnaie que ton bien-être passe avant tout

C'est malin! Voilà que je viens de le commander!

Je ne pensais pas que Les envoutés serait si facile à lire. Car en faisant des recherches sur cet auteur, dont je n'avais jamais entendu parler avant que Cat n'ouvre ce topic, j'ai vu qu'il était considéré comme l'un des plus grands écrivains du XXe.
Sentiment renforcé quand mon cher et tendre a haussé des sourcils étonnés en découvrant que je lisais une oeuvre de "Gombrowicz" (forcément, pour lui, ça fait tâche à côté de Meg Cabot!).

Et pourtant, Les envoutés, c'est un ovni littéraire (je reprends l'expression tout à fait appropriée de Cat) qui se dévore.
On se retrouve en Pologne dans les années 30 (du moins il me semble), dans une pension de famille tenue par une aristocrate ruinée.
Sa fille, Maya, a tout juste 18 ans. Elle s'ennuie à la campagne, elle rêve se sortir de son milieu, de s'élever, de s'enrichir. On découvre qu'elle est une joueuse de tennis hors pair. D'ailleurs elle fait partie du prestigieux club de Varsovie.
Pour l'occuper durant son été, sa mère recrute un jeune moniteur de tennis (Waltchak) qui vient s'installer à la pension de famille pour entraîner sa fille.
Maya méprise Waltchak et son origine populaire. Et pourtant, elle est très troublée par une étrange ressemblance entre elle et son moniteur : ils semblent taillés dans le même bois.
Ajoutez à cela qu'elle est fiancée au secrétaire d'un prince ruiné qui habite un château voisin. La bâtisse est on ne peut plus mystérieuse, ses occupants encore plus...

L'auteur nous tient au haleine tout au long de son roman. Tour à tour roman noir, fantastique, policier, on se demande souvent où tout cela va nous mener...et si Gombrowicz lui-même le sait.
Beaucoup on été déçus par le dénouement. ça n'a pas été mon cas, peut-être parce que justement, j'étais prévenue. Mais je ne vois pas quelle alternative pouvait avoir l'auteur

Spoiler:

Tout cela donne envie de découvrir l'oeuvre de Gombrowicz, même si Les envoutés semble faire figure d'un roman à part dans les productions de l'écrivain. Paraît-il même qu'il l'aurait renié

Je suis ravie de voir que tu as aimé Natacha Pour la fin, de toute façon, les gens sont obligés de râler. Avant, ils étaient mécontents parce que la fin était perdue, et maintenant ils trouvent qu'elle est trop facile

Sinon, je crois moi aussi avoir lu que Gombrowicz a écrit ce livre pour des raisons financières essentiellement, et qu'il refusait d'en reconnaître la paternité. C'est étonnant je trouve, j'ai tellement aimé ce livre, il est loin d'être creux . Je connais très peu le reste de ses écrits, mais je pense que Les Envoûtés n'est pas si éloigné de ses préoccupations habituelles. J'ai lu Cosmos également, et il y avait des thèmes communs aux deux livres. C'est un excellent livre d'ailleurs, si tu as l'occasion de le lire. Pour ma part, j'espère lire rapidement ses journaux, j'en ai lu beaucoup de bien.

Contente que tu aies aimé, Natacha! Bravo pour ton résumé, j'ai toujours un peu de peine dans cet exercice, j'admire les personnes qui savent donner envie tout en ne dévoilant pas l'essentiel.

Et comme Misshoneychurch avant moi, soulagée. Oui, car ce livre n'est pas du bois dont on fait les best sellers, il se lit facilement tout en nous posant un défi, je trouve. Il est donc assez difficile de savoir s'il va plaire.

Pour le reste de l'oeuvre, j'attendrai peut-être un peu mais les journaux sont très tentants, c'est vrai.