John Cheever est un écrivain américain qui a écrit beaucoup de nouvelles (ce pour quoi il est le plus connu encore aujourd'hui) ainsi que cinq romans (qui apparemment valent également le détour). Il est né dans le Massachussets puis est mort à New York, dans l'Est donc, éléments importants puisque c'est le cadre de la plupart, sinon de toutes ses histoires.
Je suis tombée par hasard sur 2 de ses recueils à la bibliothèque et dès la première nouvelle lue, j'ai été immédiatement conquise. Bien sûr toutes les nouvelle ne se valent pas (en plus des goûts personnels) ; il y le danger d'éprouver un sentiment de lassitude puisque les situations et types de personnages se ressemblent beaucoup de l'une à l'autre. J'ai aussi un regret car dans les recueils que j'ai lu, les nouvelles ne sont pas datées. J'aurais aimé pouvoir les situer, chercher une évolution. Mais sinon, c'est excellent.
Les nouvelles se passent dans les années 30, 40, 50... L'univers décrit m'a fait penser aux films américains de la même époque, ou parmi les récents à des oeuvres comme
Loin du paradis ou
Les noces rebelles, voire pourquoi pas aux peintures d'Edward Hopper
(le topic sur le forum m'y a fait penser - j'aime beaucoup ce peintre moi aussi ).C'est en effet l'époque où dans les classes moyennes ou aisées les femmes font des études, ont un travail, mais ça n'est au fond qu'un passe-temps, puisqu'elles abandonnent forcément tout cela lorsqu'elles se marient. Elles observent alors une stricte vie domestique, même s'il ne s'agit que de se reposer avant de sortir faire les magasins. Les hommes rapportent l'argent, s'embarquent dans des affaires qui le plus souvent échouent, tentent de nouer divers contacts pour avoir une meilleure situation. Le week-end il y a les réceptions entre voisins, les visites de courtoisie, beaucoup d'alcool. Un monde policée, à la lisière de la haute société.
Cheever aime aussi raconter les destins de gens plus modestes, plus pauvres, et leurs efforts souvent dérisoires pour s'en sortir, leur naïveté. J'ai l'impression qu'il y a peut-être une plus grande harmonie dans ces couples-là (dans l'adversité, il faut bien se soutenir).
A travers ces histoires simples, sans événement extraordinaire ou beaucoup de péripéties (rien d'autre n'est décrit que le quotidien de gens banals), Cheever réussit à imposer son empathie, son humanité, en même temps que sa lucidité, qui mène obligatoirement au désenchantement, à une forme voilée du désespoir. Il y a peu d'humour, ce n'est pas gai, sinon par le comique des situations, des comportements, du ridicule de tout.
L'écriture est sèche, précise, mais très belle avec de superbes passages poétiques, situés le plus souvent au milieu de l'anodin, du trivial, où l'effet n'en est alors que plus saisissant.
-------------------------------------------
Dans
Insomnies (le recueil que je trouve le meilleur) :
* 'L'incroyable radio' : un court récit à caractère fantastique où dans un immeuble de New York, une femme découvre qu'elle peut écouter ce qui se passe chez ses voisins en tournant le bouton de sa radio.
* 'La ballade de Joan Harris' : un homme observe une ancienne amie passer d'un amant à l'autre, subir mille déconvenues, mais toujours garder son innocence. La fin est très étrange.
* 'Insomnies' : Un couple se sépare provisoirement. L'homme reste dans la maison familiale et n'arrive plus à dormir. Chaque nuit alors qu'il lit dans le salon, il aperçoit un inconnu qui l'observe par la fenêtre.
* 'Le 17H48' : Une jeune femme s'est fait virer par son employeur dès le lendemain de sa liaison avec lui. Un jour elle le file et le suit sans rien dire partout où il va.