Nouvel éclairage sur le caractère de Patrick Brontë

Nous n’avons pas encore parlé de la récente découverte d’une lettre de Patrick Brontë, qui remet en question l’image stéréotypée du père froid et distant souvent véhiculée à son sujet. La lettre, écrite dix jours après la mort de Charlotte, le montre en effet grandement ébranlé par la perte de sa fille et parlant avec tendresse des dons de ses enfants et de l’union heureuse de Charlotte et du révérend Nicholls. On sent même de la révolte chez un homme d’église qui peine à accepter ce dernier coup du sort, allant jusqu’à affirmer qu’il est parfois difficile de se laisser guider entièrement par la foi.

Sa réputation plutôt négative doit être imputée principalement à Elizabeth Gaskell, première biographe de Charlotte, qui avait détaillé le caractère sombre de leur père dans une première édition expurgée par la suite à la demande de Patrick Brontë car basée sur les ragots d’une servante qui avait été renvoyée de la famille.

BrontëBlog présente à ce sujet un article très intéressant publié dans le Guardian et qui affirme qu‘Elizabeth Gaskell aurait été encline à présenter l’enfance des Brontë comme marquée par un père sans cœur pour expliquer le style peu féminin de Charlotte et le choix audacieux de ses intrigues (qui choquaient évidemment plus d’un contemporain et peut-être même Gaskell elle-même).

Voici un lien vers l'article en question :
http://books.guardian.co.uk/review/story/0,,1972873,00.html

ainsi que le texte de la lettre de Patrick Brontë :

Citation :

Letter of Patrick Brontë to Charles Longley, Bishop of Ripon, later Archbishop of Canterbury.
Lambeth Palace Library MS. 4545, ff.208-209

Haworth,
nr. Keighley,
April 10th 1855


My Lord Bishop,
Amongst the various letters of kind sympathy which we have received, Your Lordships Letter gives us especial pleasure – It is worthy of One who is justly esteemed the Father of His Clergy, and I will retain it amongst my most valued treasures, as long as I shall live. “A word in due season, how good is it”. And most assuredly, if a season of sorrow, needs a word of consolation and support ours is that season. I have lived long enough to bury a beloved wife, and six children – all that I had. I greatly enjoyed their conversation and company, and many of them were well fitted for being companions to the wisest and best. Now they are all gone. Their image and memory remain, and meet me at every turn – but they themselves have left me a bereaved old man. I hop’d and wish’d that the Lord would spare them, to see me laid in my grave, but the Lord has ordered it otherwise, and I have seem them all laid, in that place “where the wicked cease from troubling And the weary are at rest”. I have not only my own sorrow to bear, but I am distress’d for Mr. Nicholls whose grief is very great. His union with My Daughter was a happy one. They were well fitted for each other, and naturally look’d forward, to future scenes of happiness for a long time to come – but the Lord gave, and the Lord took early away. May we both be able from our hearts to say blessed be the name of the Lord. But I have often found and find in this last sad trial, that it is frequently extremely difficult to walk entirely by faith, and sincerely, to pray, “Thy will be done on earth, as it is in heaven”. Mr. Nicholls, who is every thing I could desire, to the Church and to me, intends to stay with me, during the brief remainder of my life. May we beg that your Lordship will sometimes remember us in your prayers?

I remain, My Lord Bishop,
Your Lordship’s Most
Obedient Humble servant,
Patrick Bronte

Quel topic intéressant, Cat ! Merci beaucoup d'en parler.

Tu as raison, l'image assez négative que nous avons de Patrick Brontë est due à la biographie d'Elizabeth Gaskell qui a fait de lui un portrait peu flatteur.
Il y a quelques années, Arte a diffusé un thema sur les soeurs Brontë, contenant un documentaire sur leurs vies à Haworth. Le révérend Brontë y était décrit comme un personnage impulsif et assez fantasque (voire même un peu dérangé ). Je pense que le documentaire était d'ailleurs illustré par des passages du livre d'Elizabeth Gaskell, mais je n'en suis plus totalement certaine.
J'avais gardé de ce documentaire un avis assez négatif sur P.Brontë, même si j'avais du mal à croire certaines choses (notamment le fait, que lorsqu'il était contrarié, il allait décharger un pistolet sur une porte de la maison... )...

Merci de nous éclairer sur ce point, Cat.

Clelie a écrit:

(notamment le fait, que lorsqu'il était contrarié, il allait décharger un pistolet sur une porte de la maison... )...

mdrr!!
j'ai vu ce reportage aussi!
Quelle famille passionnante! Destinée terrible mais passionnante. Perdre sa femme, puis tous ses enfants, pour un père...no comment.
merci pour cette lettre extrémement intéressante.

Voilà qui éclaire d'un jour nouveau la personnalité un peu "calomniée" de Patrick Brontë. J'ai été très émue à la lecture de sa lettre. Comment rester insensible devant la détresse de cette homme à qui la Mort a tout pris et qui a même du mal, en tant qu'homme d'Eglise, à se raccrocher à sa Foi. Cet homme si éprouvé comme mari et comme père, avoue avoir prié et demandé au Seigneur de le prendre lui et d'épargner ses enfants, mais en vain. Et ce que je trouve de plus touchant c'est que du fond de son chagrin, il s'inquiète pour son gendre et a de la peine en voyant sa douleur d'avoir perdu sa femme.
C'est vraiment un homme bien, avec une belle âme et il est heureux que la découverte de cette lettre lui rende enfin justice.

Séli

Dans l'édition de la Pléiade, on apprend aussi qu'il était bouleversé et s'est beaucoup appuyé sur son gendre (le veuf de Charlotte). La notoriété de sa fille était spectaculaire et il ne savait pas comment gérer cela. Une anecdote raconte que des touristes américains sont venus voir la maison de l'auteur de Jane Eyre et réclamaient un autographe... Patrick Brontë en arrivait jusqu'à découper la signature de sa fille dans des courriers. Il était dépassé et très perturbé par tous ces événements.