Lecture de groupe n°25 : Ruth d'Elizabeth Gaskell (2ème partie)

Ruth d'Elizabeth Gaskell

Découpage : chapitres 9 à 19 inclus

J'ai enchaîné directement sur cette partie après la première, par contre j'ai réussi à m'arrêter avant la 3e.
Je trouve les personnages de Benson et sa soeur assez intéressant, surtout la soeur. Mais encore plus la bonne en fait ! Pas bête du tout et à qui rien n'échappe. J'ai bien aimé lorsqu'elle se lance dans de grands discours.
Sinon Ruth m'indiffère un peu moins, même si je ne suis pas passionnée par son histoire.
Néanmoins j'ai envie de lire la suite et particulièrement le retour en scène du séducteur (enfin il me semble avoir vu sur le 4e de couverture qu'il revenait un jour)

La bonne fait nettement penser à Dixon, ne trouves-tu pas ?

Et la soeur paraît un reflet d'E. Gaskell elle-même. Elle était femme d'un pasteur dissident, me semble-t-il.

Je suis à l'orée du chapitre 18 et je préfère aussi les personnages secondaires à l'héroïne qui est bien falote.

Si en effet j'ai pensé la même chose !

Miss Benson est très intéressante à observer, avec son prmier mouvement commandé par la morale et les conventions, puis la force de sa bonté naturelle prenant le dessus ! Et aussi les scrupules de M.Benson à assumer le mensonge du veuvage, (d'ailleurs il a raison ! ). Je préfère Sally à Dixon, je trouve Sally plus généreuse et plus drôle aussi ! Il y a aussi la famille Bradshaw, très intéressante, surtout le père et la fille aînée Jemima, là E.Gaskell déploie vraiment tout son talent dans les transcriptions très fines et très fouillées des relations entre le père, Jemima et l'associé M.Farquard !! Là il y a une vraie et profonde étude psychologique, très très intéressante !

Dans cette deuxième partie, la gestion du temps est accélérée. Ruth reste peu intéressante et passive (contrairement en effet aux personnages secondaires), mais elle a beaucoup de chance d’être accueillie à bras ouverts par les Benson car d’autres l’auraient rejetée en apprenant qu’elle était enceinte. La société n’était pas tendre à l’époque pour les filles mères. La supercherie faisant passer Ruth pour veuve me surprend, je m’interroge sur son réalisme. De pareilles situations ont néanmoins dû se produire. C’est un mal pour un bien, le but étant de donner à Ruth une respectabilité aux yeux de cette même société très sourcilleuse. Je me demande si la vérité finira par éclater. Les Bradshaw sont quasiment les seuls résidents de la petite contrée qui nous sont présentés, Jemima semble avoir du caractère, contrairement à Ruth. C'est un personnage prometteur qui j'espère occupera une place importante par la suite.

Comme vous j’aime beaucoup Sally, sa franchise apporte de rares moments d’humour, notamment quand elle raconte à Ruth les offres de mariage qu’elle a reçues. Le lecteur est mis au parfum dès son arrivée, quand elle s'exclame que spontanément elle lui aurait donné une suçette tant elle paraît jeune   . Néanmoins, son extérieur brut et sévère cache un cœur d’or.

Tatiana a écrit:

La supercherie faisant passer Ruth pour veuve me surprend, je m’interroge sur son réalisme. De pareilles situations ont néanmoins dû se produire. .

ça me paraît logique, au contraire, car si je m'en réfère à ma propre expérience, en 1966 l'Inspection académique m'avait obligée à me dire mariée et séparée, parce que j'étais mère célibataire.... et au début du XXème siècle une institutrice dans ce cas a été proprement révoquée ! Donc se dire veuve, ça me paraît une bonne parade ! Seulement là, cela crée un gros problème de conscience aux Benson, qui se trouvent amenés à mentir à leurs paroissiens !

Je vous rejoins sur pas mal de points mais concernant Ruth, je pense que c'est une personne silencieuse mais assez observatrice.  Obnubilée par sa situation qui lui échappe un peu du fait qu'elle ne maîtrise pas encore tout à fait les codes, elle arrive tout de même à saisir petit à petit ce qui est attendu d'elle, se plie patiemment aux règles. Aïe, la séance de sacrifice des cheveux! A sa place, j'en aurais pleuré  . Mais courageusement, elle s' est laissée faire sans brancher. Ce qui m'agace, c'est son côté Deirdre

C'est surtout qu'elle est tellement convaincue d'être la lie de la société qu'elle est prête à tout accepter en expiation !!! C'est cette acceptation sans condition qui me chiffonne !!! Elle ne se raisonne même pas : elle est mauvaise et ne peut que s'enterrer dans le remords, l'expiation !

Je vous rejoins enfin après avoir terminé cette 2è partie ce matin  

J'ai trouvé cette 2è partie un peu plus longuette, alternant des passages religieux qui m'ont parfois ennuyée et des passages plus vivants (notamment les discussions avec Sally en effet   ). Une de ces discussions m'a d'ailleurs rappelé la lecture de groupe "Sarn" quand Sally explique que les Benson avaient oublié d'informer les abeilles quand Mme Benson mère est décédée  

Ysabelle a écrit:

Ce qui m'agace, c'est son côté Deirdre

Tu peux préciser à quel personnage tu fais allusion Ysabelle ? j'avoue ne pas avoir saisi  

Ruth reste un personnage assez falot en effet, ce qui est surprenant car elle donne son nom au roman, mais les personnages autour d'elle sont en effet intéressants. Dans cette fin de 2è partie, Elizabeth Gaskell lance des pistes qui donnent envie de poursuivre la lecture avec Jemima, le fils Bradshaw et sa duplicité et surtout l'associé de M.Bradshaw  

Je me suis demandé si celui-ci n'allait pas

Spoiler:

Serendipity, je n'en dirais pas plus mais la 3e partie devrait répondre à certaines des remarques de ton post

Pour les mêmes raisons que Clinchamps et d'autres j'ai beaucoup aimé cette partie, avec toutes les perspectives ouvertes par la famille Bradshaw. Monsieur le chef de famille est d'un réalisme à grincer des dents... Autant on est parfois surpris par les mentalités d'époque autant les pires défauts semblent intemporels hélas. D'une lecture encore plus fluide, en tout cas sa traduction, que N&S (que j'ai lu seulement en VO, je réalise...) je commence à trouver ce roman vraiment très attachant. Particulièrement (je refais ma Clinclin ) ces portraits psychologiques en action, extrêmement justes et alertes.

clinchamps a écrit:

Miss Benson est très intéressante à observer, avec son prmier mouvement commandé par la morale et les conventions, puis la force de sa bonté naturelle prenant le dessus ! Et aussi les scrupules de M.Benson à assumer le mensonge du veuvage, (d'ailleurs il a raison ! ). Je préfère Sally à Dixon, je trouve Sally plus généreuse et plus drôle aussi ! Il y a aussi la famille Bradshaw, très intéressante, surtout le père et la fille aînée Jemima, là E.Gaskell déploie vraiment tout son talent dans les transcriptions très fines et très fouillées des relations entre le père, Jemima et l'associé M.Farquard !! Là il y a une vraie et profonde étude psychologique, très très intéressante !

serendipity a écrit:

Ysabelle a écrit:

Ce qui m'agace, c'est son côté Deirdre

Tu peux préciser à quel personnage tu fais allusion Ysabelle ? j'avoue ne pas avoir saisi  

Ah désolée! Tu as raison, je pense toujours que les gens peuvent lire dans mes pensés.  Je parlais du mythe de Deirdre et des fils d'Usna, une jeune fille à la beauté tragique de la mythologie celtique irlandaise. Son nom signifie d'ailleurs "Douleur", Deirdre des Douleurs. Cathbad, le druide, prophétisa qu'elle serait d'une beauté telle qu'on n'en a jamais vu, mais qu'elle apportera malheur au royaume d'Ulster.
Deirdre vivra malheureuse et rendra bien des gens malheureux autour d'elle. J'y ai fait allusion car elle était inconsolable lorsque son amant fut tué. La comparaison s’arrête là, car Deirdre, au contraire de Ruth, est une jeune fille de forte personnalité.
Voir Deirdre des douleurs de John Millington Synge
Voilà

Merci pour ces précisions Ruth semble vivre sa beauté d'abord sans trop s'en soucier puis comme une malédiction

J'y pense, j'aurais bien aimé savoir ce qu'il allait advenir de la jeune Jenny qui partageait la chambre de Ruth dans l'atelier de couture Elizabeth Gaskell évacue très vite ce personnage pour permettre à Bellingham de prendre de l'importance auprès de Ruth mais c'est bien dommage. La relation avec cette camarade d'infortune m'a rappelé le début de Jane Eyre qui elle aussi perd sa seule amie dans une institution très dure

Et la scène au cours de laquelle Ruth envisage le suicide dans la lande galloise m'a également rappelé l'épisode de Jane Eyre, là encore dans la lande, avant qu'elle ne soit secourue par St John Rivers (ou ses soeurs, je ne me souviens pas bien).

Du coup, j'ai vérifié les dates de publication pour chaque roman et "Jane Eyre" a été publié 6 ans avant "Ruth" (1847 et 1853). E. Gaskell ayant été amie de Charlotte Brontë, on peut supposer qu'elle avait lu "Jane Eyre" avant de composer "Ruth"

Citation :

La relation avec cette camarade d'infortune m'a rappelé le début de Jane Eyre qui elle aussi perd sa seule amie dans une institution très dure No

Et la scène au cours de laquelle Ruth envisage le suicide dans la lande galloise m'a également rappelé l'épisode de Jane Eyre, là encore dans la lande, avant qu'elle ne soit secourue par St John Rivers (ou ses soeurs, je ne me souviens pas bien).

Du coup, j'ai vérifié les dates de publication pour chaque roman et "Jane Eyre" a été publié 6 ans avant "Ruth" (1847 et 1853). E. Gaskell ayant été amie de Charlotte Brontë, on peut supposer qu'elle avait lu "Jane Eyre" avant de composer "Ruth" scratch

Je ne me souviens pas que Jane Eyre a pensé au suicide. Je pensais qu'elle était tombée de fatigue, voire d'inanition
Tu penses à un plagiat?   Ou juste une influence?

Désolée Ysabelle, je me suis mal exprimée, pour moi Jane Eyre veut se laisser mourir de désespoir (je l'ai lu il y a très longtemps, alors je suis peut-être dans l'erreur ). Et je ne pensais pas du tout à un plagiat mais à une influence inconscient (peut-être)...

serendipity a écrit:

Je me suis demandé si celui-ci n'allait pas

Spoiler:

Je me pose la même question. ça sent le roussi, avec son côté Deirdre (merci pour les explications Ysabelle )

J'en suis au chapitre 15 et je vous rejoins en ce qui concerne Sally, pour le moment le personnage le plus intéressant. On devine tout de suite que sa rudesse n'est qu'une façade et qu'elle cache un coeur d'or.

Quelque chose m'intrigue : au chapitre 13, il est dit que Sally

Citation :

avait abandonné le vouvoiement formel qu'elle avait adopté pour s'adresser à Miss Benson, à leur arrivée, et repris le tutoiement habituel.

Et pourtant, dans les dialogues suivants, elle continue à vouvoyer Mr et Miss Benson

Question aux lectrices en anglais : comment cela est-il rendu

Chouette, une question de traduction, j'adore comparer les versions

Voici ce que donne la version originale :

Citation :

"She had dropped the more formal "you", with which at first she had addressed Miss Benson, and thou'd her quietly and habitually"

Ah merci j'aime bien aussi comparer

Donc en anglais thou correspond à un tutoiement ? c'est archaïque ou c'est encore employé de nos jours ?

Et je reste perplexe car dans mon édition Phébus Sally continue à vouvoyer par la suite  

Question aux lectrices de l'édition Archipoche : est-ce la même chose dans votre traduction ?

J'ai donc fini la seconde partie.

Comme vous, je trouve Ruth peu intéressante en tant que personne. J'ai l'impression qu'elle est plus là pour nous montrer la réaction des gens par rapport à sa situation. Elle me semble être au centre de l'histoire sans en être vraiment actrice.

J'aime beaucoup les "seconds rôles". Les Benson, d'abord, qui accueillent Ruth à bras ouverts et lui inventent une histoire pour la sauver du déshonneur. Mais surtout Sally, mélange de bon sens, de rudesse et de bon cœur, qui règne sur son petit monde.

Les Bradshaw sont également intéressants comme étant le miroir de leur époque. Un père imbu de lui même et fier de sa position, une mère soumise, un fils bien aux yeux de sas parents, mais pas si net que çà . Seules le filles détonnent un peu. Jemima a un caractère bien trempé, qu'elle semble maitriser tant bien que mal et ses 2 sœurs font montrent d'une grande perspicacité.

serendipity a écrit:

Une de ces discussions m'a d'ailleurs rappelé la lecture de groupe "Sarn" quand Sally explique que les Benson avaient oublié d'informer les abeilles quand Mme Benson mère est décédée  

J'y ai également pensé

Sinon, si l'histoire avance bien au début de cette partie, on stagne un peu par la suite.

Allez, en route pour la 3ème partie

Tout à fait d'accord avec toi Ludi sur le rôle de Ruth dans l'histoire

Ah tiens, tu évoques la mère Bradshaw et j'hésite entre pitié et agacement sur ce personnage

Cette histoire comme tant d'autres de l'époque, nous montre que finalement le sort le plus enviable était celui des femmes non mariées à l'instar de Faith Benson

Pour en revenir au "thou", Rosalind, je dirais que c'est une forme archaïque mais elle avait le mérite de permettre une distinction entre le tu et le vous qui a maintenant disparue de l'anglais moderne

Oui, le couple Bradshaw me met un peu mal à l'aise. La soumission de la femme à son mari a l'air sans limite, et elle fait un bon petit soldat, quand elle lui rapporte mot pour mot les discussions qui ont eu lieu en son absence, comme il le lui a appris

ludi33 a écrit:

...Mais surtout Sally, mélange de bon sens, de rudesse et de bon cœur, qui règne sur son petit monde.

Effectivement c'est un personnage très intéressant. A côté de cela elle est trop marante. J'ai hurlé de rire quand elle a racconté la demande de mariage de M. Dixon, (C'est son nom je crois ).  Surtout quand

Spoiler:

Comme toi Ysabelle j'étais pliée de rire avec l'histoire de la demande en mariage
Le prétendant s'est consolé assez vite puisque moins de trois semaines plus tard les cloches sonnaient pour son mariage ! comme Mr Collins il était pressé de se marier  

J'ai bien aimé aussi quand Sally s'oppose à Mr Benson qui veut fouetter Leonard. Le frère et la soeur sont convaincus que c'est la seule méthode pour empêcher l'enfant d'inventer des histoires, et même Ruth est prête à accepter. Je n'ai pas trop compris son argumentation avec l'histoire du roi Salomon et de son fils, mais sa conclusion  m'a enchantée

Citation :

Je ne lis pas ma bible tous les soirs depuis cinquante ans pour être prise en défaut par un dissident, tout de même !