Autour des Indiens d'Amérique : Jim Fergus et autres auteurs

Je m'autocite, car j'ai fini de lire un recueil de Dorothy M. Johnson (commencé il y a quatre ans ) :

esperluette a écrit:

Citation :

Dans l'intimité de loges indiennes ou celle de ranches à peine construits, à travers les plaines, derrière les murs des forts militaires ou dans les rues de villes nouvelles, pionniers, Indiens et cow-boys sont confrontés à la dure loi de l'Ouest. Dotés d’un formidable instinct de survie, ces hommes et ces femmes résistent à la destruction de leurs foyers, de leurs croyances et de leurs rêves. Ces onze nouvelles – dont deux restaient inédites en français – racontent les incidents devenus légendaires et les paysages encore sauvages de cette terre de frontières. On retrouve parmi elles L'Homme qui tua Liberty Valance et Un homme nommé Cheval qui inspirèrent deux grands westerns de John Ford et Elliot Silverstein.

Avec Contrée indienne, Dorothy Johnson, grande dame de la littérature américaine, ressuscite le mythe de l’Ouest américain.

J'avais beaucoup aimé les 6 nouvelles lues en 2014, j'ai beaucoup aimé les 5 lues en 2018. Ces textes sont assez impressionnants, à la fois pour la maîtrise narrative et pour la précision des connaissances de l'auteure sur cette époque et sur les traditions indiennes. Sa bio est plutôt intéressante (piquée sur le site de l'éditeur Gallmeister) :

Citation :

Dorothy Johnson est née en 1905 dans l’Iowa et a passé son enfance dans le Montana. Rédactrice pour des magazines féminins, elle commence à vivre de sa plume dans les années 1930. Si sa carrière s'interrompt pendant la Seconde Guerre mondiale, elle publiera plusieurs de ses westerns les plus célèbres dans les années qui suivront. Elle devient secrétaire et chercheur au sein de la Montana Historical Society. Cette expérience professionnelle lui inspirera de nombreux essais et nouvelles sur l'Ouest américain. Professeur à l’université du Montana à Missoula de 1956 à 1960, elle publiera une quinzaine de livres et plus de cinquante nouvelles dont plusieurs seront adaptées au cinéma (L'Homme qui tua Liberty Valance, Un homme nommé cheval, La Colline des potences). En 1959, elle est faite membre honoraire de la tribu Blackfoot. Elle meurt en 1984. Particulièrement fière de son indépendance financière tout au long de sa vie (son bref mariage dans les années 1920 se solde par un divorce), elle rédigera pour elle-même cette épitaphe : "Dorothy Johnson, Paid in full.

Bertrand Tavernier dit au sujet de Dorothy Johnson : ll ne s'agit pas avec Dorothy Johnson d'un bon auteur de western, mais d'un écrivain majeur au style dense et laconique. C'est parfaitement résumé.

J'en profite pour évoquer ici un autre livre sur le sujet, que j'ai lu il y a quelques mois : Née contente à Oraibi, de Bérengère Cournut, publié chez Le Tripode.

Citation :

Née contente à Oraibi conte le destin d’une jeune Amérindienne d’Arizona. Le peuple hopi vit depuis des siècles sur un plateau aride, dans des conditions de dénuement extrême. Soumis aux contraintes d’une région désertique, il a développé une cosmogonie extraordinaire et des croyances qui font communier la vie et la mort, la lumière et la nuit, les esprits, les animaux et les hommes. À travers la quête d’une jeune orpheline qui salue le Soleil en riant, c’est la beauté de ce monde aux antipodes du nôtre qui se révèle, et demeure.

C'est un beau texte, un récit dans lequel il ne se passe pas grand-chose, on y rencontre juste une jeune fille qui vit au rythme des rituels et traditions hopis. Une lecture empreinte de poésie, et un bel objet car le livre se termine sur un cahier photos qui vient prolonger le voyage.

Merci pour ces présentations Esperluette, je note le nom de Dorothy Johnson

Oui, c'est très intéressant, merci esperluette  
Je note également le nom de Dorothy Johnson.

J'ai découvert récemment l'existence d'une enquête de David Grann, La note américaine (Killers of the flower moon), dont je n'avais pas entendu parler à sa sortie. Le livre venait de sortir en poche, ce qui tombait parfaitement bien pour l'ajouter à ma PAL, et je l'ai donc lu début août.

Citation :

1921 Les guerres indiennes sont loin. Leurs survivants ont, pour la plupart, été parqués dans des réserves où ils végètent, misérables, abandonnés à leur sort. Une exception à cette règle : le peuple osage. Il s'est vu attribuer un territoire minéral aux confins de l'Oklahoma. Or ces rochers recouvrent le plus grand gisement de pétrole des États-Unis. Les Osages sont millionnaires, roulent en voitures de luxe, envoient leurs enfants dans les plus prestigieuses universités et se font servir par des domestiques blancs. Le monde à l'envers. Un jour, deux membres de la tribu disparaissent. Un corps est retrouvé, une balle dans la tête. Puis une femme meurt empoisonnée. Et une autre. Plus tard, une maison explose. Trois morts. Qui commet ces assassinats ? Qui a intérêt à terroriser les riches Osages ? Les premières enquêtes, locales, sont bâclées, elles piétinent. C'est pourquoi, après une nouvelle série noire, ce dossier brûlant est confié au BOI (Bureau of Investigation, qui deviendra le FBI en 1935). À sa tête, un très jeune homme. Son nom est Hoover, Edgar J. Hoover. Il veut deux choses. La première : faire toute la lumière sur cette sombre affaire, et il s'en donne les moyens, enquêteurs hors pair, méthodes rigoureuses de police scientifique, mise en fiche de la moindre information. La seconde : le pouvoir. Surtout le pouvoir. Et ce premier coup d'éclat va le lui offrir sur un plateau.

Ce livre a recueilli une foultitude de critiques enthousiastes. J'ai pour ma part eu un peu de mal à me plonger dedans. Je dois dire aussi que j'étais en vacances en Italie et que je consacrais peu de temps à ma lecture. À mon retour, j'ai finalement dévoré le livre en trois jours. Les digressions qui me gênaient au départ sont en fait souvent les parties les plus intéressantes du livre (c'est juste que les transitions manquaient parfois un peu de lien à mon goût, mais je dois reconnaître que je ne suis pas habituée à lire un style journalistique autremenent que dans des articles ).

J'ai lu plusieurs critiques qui disent que l'enquête se lit comme un polar, et c'est en partie vrai. Les faits racontés sont tellement hallucinants parfois qu'on a l'impression d'être dans de la fiction. Je n'en dis donc pas trop sur le contenu pour ne pas spoiler d'éventuelles futur(e)s lecteurs/trices !

Mais c'est surtout tout ce qu'on apprend au passage sur le contexte historique et les lois qui régissaient la vie des Indiens sur les réserves qui est souvent insensé, et révoltant.

À noter qu'une adaptation par Scorsese sortira en 2020, avec Robert De Niro et Leonardo DiCaprio.

Merci pour ton retour sur cet ouvrage, esperluette ! Cette enquête a l'air très intéressante et je vais de ce pas noter le titre et l'auteur, car je cherche à lire plus de romans non-européens et l'histoire des peuples amérindiens m'intéresse particulièrement

Je pensais que Sherman Alexie avait déjà été évoqué ici, mais on dirait que non. Je passe donc en dire un mot (après avoir terminé le recueil de nouvelles Dix petits Indiens que j'avais commencé l'an dernier).

Wikipedia a écrit:

Sherman Joseph Alexie, Jr., né le 7 octobre 1966 à Wellpinit dans l'État de Washington aux États-Unis, est un romancier, poète et scénariste américain. Il vit aujourd'hui à Seattle et écrit principalement sur les populations amérindiennes.

Sherman Alexie fait partie de la nouvelle génération d'écrivains amérindiens, appelée Renaissance amérindienne par le critique littéraire Kenneth Lincoln, et est sans doute un de ses membres les plus prolifiques avec une quinzaine de livres parus. Le magazine Granta l'a fait figurer dans sa liste des vingt meilleurs jeunes romanciers américains.

Ses romans, toujours en partie ou entièrement autobiographiques, sont marqués par un grand réalisme, notamment sur le mode de vie actuel des Amérindiens.

C'est un auteur que je voulais découvrir depuis très longtemps : il me semble avoir croisé des extraits de ses textes dans des manuels d'anglais au lycée, et j'avais depuis gardé l'envie de le lire. J'ai donc enfin découvert sa prose avec Dix petits Indiens, que j'ai refermé en me disant que c'était effectivement un auteur intéressant.

Citation :

Dans une Amérique fragilisée par la menace terroriste, tout est source de divisions: les sexes, les races ou les classes sociales. À travers dix récits au timbre unique, portés par le souffle chamanique de la culture Spokane, Sherman Alexie brossent le portrait d'une indianité prise dans les contradictions de ce pays. Etudiant, juriste, mère au foyer, poète, aucun n'échappe au racisme ou au poids du passé, mais tous rêvent d'une intégration réussie. À la fois drôle et grave, mais toujours radicale dans son exigence de justice et de liberté, la voix d'Alexie puise à la source même de l'expérience humaine et nous offre son livre le plus étonnant.

Honnêtement, je n'ai pas été transcendée par toutes les nouvelles, plusieurs m'ont laissée un peu indifférente ou perplexe, mais il y en a trois que j'ai beaucoup aimées. Rien que pour ces trois, je ne regrette pas cette lecture (pour celles qui seraient intéressées, il s'agit de "Moteur de recherche", "Ce que tu mets en gage, je le rachèterai" et "Qu'est-ce qui est arrivé à Franck Snake Church ?") .

Toutes ces nouvelles se passent vers Seattle et concernent des Indiens Spokanes (la mère de l'auteur était d'ailleurs Spokane). Elles évoquent des personnages assez variés, qui ont tous en commun un côté un peu cynique et désabusé, et beaucoup d'humour sur eux-mêmes et leur peuple. Deux extraits qui donnent le ton :

Citation :

Pour faire pleurer un homme blanc, alors qu'une éternité s'est écoulée depuis la dernière fois où il a pleuré, il suffit d'employer les mots "base-ball" et "père" dans trois phrases consécutives.

Citation :

Oui, je suis un homme indien qui essaye de s'accrocher à ce qu'il y a de meilleur chez les Indiens:
1. L'acceptation joyeuse de l'excentricité.
2. L'étreinte amoureuse de l'expression artistique.
3. Le sens communisant de la communauté.

Et je suis aussi un homme indien qui essaye de se débarrasser de ce qu'il y a de pire chez les Indiens :
1. Le manque de respect de soi.
2. L'alcoolisme.
3. La mysogynie.
4. La violence collatérale.

Dans le résumé 10/18 d'un autre livre de l'auteur, il est dit que les Indiens qu'il évoque ne sont "ni victimes ni nobles sauvages", et je trouve la formule assez juste.

J'ai découvert le roman Mille femmes blanches de Jim Fergus et j'ai adoré
Je n'y connais absolument rien aux Indiens d'Amérique et j'ai trouvé cette lecture très intéressante. Les personnages sont très attachants et même si je me doutais de la fin, j'ai été très triste
J'ai emprunté les 2 autres tomes de la trilogie à la médiathèque, je vais enchaîner

Contente que tu aies été happée par cette lecture Ju .
J'ai le 2e tome sur mes étagères, mais je n'ai pas encore pris le temps de le lire. Suis curieuse d'avoir ton retour.

Ah j'ai du lire ce livre il y a une vingtaine d'années, je me revois en train d'en faire un résumé à ma fille qui me demandait de quoi il parlait 
J'avais eu un gros coup de coeur pour lui, je me souviens.

Jim Fergus sera l'invité de La Grande Librairie demain soir pour son roman autobiographique Marie-Blanche, au fil de la vie, une saga familiale selon le site Lisez! publiée en 2011. Une édition enrichie est parue le mois dernier.

Ju a écrit:

J'ai découvert le roman Mille femmes blanches de Jim Fergus et j'ai adoré
Je n'y connais absolument rien aux Indiens d'Amérique et j'ai trouvé cette lecture très intéressante. Les personnages sont très attachants et même si je me doutais de la fin, j'ai été très triste
J'ai emprunté les 2 autres tomes de la trilogie à la médiathèque, je vais enchaîner

J’avais trouvé le tome 1 absolument passionnant (et terrible), je l'ai lu 2 fois. J'ai un peu moins aimé le tome 2 et n'ai pas réussi à finir le tome 3 : honnêtement, je n'y ai pas vu grand chose d’intéressant, il y a beaucoup de redites des tomes précédents, et je m'ennuyais

Merci pour ton avis sur Mille femmes blanches, Ju, il faudra que je lise la suite à l'occasion moi aussi !
Et merci Tatiana pour l'info (je suis ravie (et fort confuse ) de voir que Jim Fergus n'est pas mort tout compte fait )

Tatiana, merci pour l'info. Je ne pourrai pas regarder cette émission ce coup-ci, mais je crois que les émissions restent disponibles même des mois après

Merci pour ton retour sur Mille Femmes blanches, Ju !
Je ne l'ai pas lu, mais je vois que vous avez toutes été convaincues par le tome 1

J'ai lu les deux tomes suivants et ai donc terminé cette trilogie que j'aurais beaucoup aimé
J'ai appris plein de choses sur l'époque et même sur la situation actuelle des Amérindiens restants
Je pense avoir préféré le tome 1, du fait de la découverte de cet univers, mais le tome 2 est bien aussi. Le tome 3 fait un peu plus réchauffé (et il y a quelques éléments de narration trop "faciles"), mais il est intéressant également.
Des romans que je conseille vivement

Merci pour le conseil, Ju !

Ju a écrit:

Le tome 3 fait un peu plus réchauffé (et il y a quelques éléments de narration trop "faciles"), mais il est intéressant également.
 

J'ai trouvé le tome 3 très réchauffé pour reprendre ton expression

Sur le conseil d'une proche, je me suis lancée à la découverte de Mille femmes blanches, de Jim Fergus.

Mon avis est globalement positif, la lecture était très agréable et comme serendipity m'avait prévenue sur un autre topic, c'est un page turner.

Dans ce que j'ai aimé, je citerai principalement l'entrée dans le mode de vie des Cheyennes astucieusement mis en scène par une des femmes blanches, May Dodd, la beauté des paysages, de la faune et la flore et des saisons décrits, l'amitié et la solidarité entre les femmes blanches, l'adaptation et l'intégration réussie de certaines d'entre elles et l'absence de manichéisme chez tous les partis. Il n'y a pas les gentils Indiens contre les méchants Blancs. Chaque culture est capable du pire comme du meilleur. La mise en évidence des différences entre peuples Amérindiens était très intéressante pour déconstruire l'image d'un groupe.

Certains passages m'ont été durs à lire, comme

Spoiler:

Même si leur présence est utile pour apporter un certain réalisme sur la dureté de la vie à cette époque, dans certaines conditions.

Par certains côtés, je trouve que Jim Fergus a réussi à nous faire oublier qu'il est un homme, à croire aux écrits d'une femme, May Dodd. Par contre, dans certains cas,

Spoiler:

j'ai ressenti que ça manquait de crédibilité, je doute que beaucoup de femmes vivent ces événements avec autant de distance que May Dodd et ses compagnes.

J'ai beaucoup aimé l'insertion de ses carnets dans la recherche biographique d'un de ses descendants. Ce choix de construction m'a permis de refermer le roman avec des émotions plutôt positives,

Spoiler:

Je prévois de lire les tomes suivants de la trilogie lors de ce premier semestre de l'année.

Merci pour ton retour enthousiaste, Vavyala ! Tu ne me donnes que plus envie de découvrir cette histoire

Contente que ça t ait plu
J'avais beaucoup aimé ce premier tome
Le deuxième est bien aussi, le troisième un peu moins

Merci pour ton avis Vavyala !

Vavyala a écrit:

Je prévois de lire les tomes suivants de la trilogie lors de ce premier semestre de l'année.

Je ne crois pas avoir poursuivi avec le 2è tome, il faudra que je vérifie

Ju a écrit:

J'avais beaucoup aimé ce premier tome
Le deuxième est bien aussi, le troisième un peu moins

Ton avis et celui de Marganne me motivent pour le tome 2. En revanche, pour le dernier, j'ai peur de m'ennuyer avec vos ressentis de réchauffé.