Muriel SPARK

Je l'ai terminé, et comme toi Ludi je reste sur une impression mitigée.

La construction est assez déroutante, et plus d'une fois je suis revenue à la page précédente pour m'y retrouver. J'admire Serendipity qui a lu en anglais  

Jean Brodie est une manipulatrice et une affabulatrice, sa personnalité est inquiétante. Elle aurait pu démolir ces jeunes filles. Mais apparemment ce ne fut pas le cas, sans doute avaient-elles déjà un caractère bien affirmé (à part Mary McGregor).

Muriel Spark a-t-elle eu affaire avec ce type d'enseignante ? je me demande où elle a puisé son inspiration.

La figure la plus intéressante est celle de Sandy, et sa "vue intérieure"    bien que je n'aie pas trop compris ses interrogations sur le calvinisme  

Spoiler:

Une fois n'est pas coutume, j'ai préféré l'adaptation au roman.

Merci pour vos avis Ludi et Rosalind En tout cas, cette lecture ne vous a pas laissées indifférentes

Rosalind a écrit:

Spark a-t-elle eu affaire avec ce type d'enseignante ? je me demande où elle a puisé son inspiration.

Oui et j'ai retrouvé l'article du Guardian où j'avais lu cette information ici

The Guardian a écrit:

In real life, the character of Miss Brodie was based in part on Christina Kay, a teacher of Spark’s for two years at her Edinburgh school, James Gillespie’s School for Girls. the author would later write of her thus: “What filled our minds with wonder and made Christina Kay so memorable was the personal drama and poetry within which everything in her classroom happened.” Miss Kay was the basis for the good parts of Brodie’s character, but also some of the more bizarre. For example, Miss Kay did hang posters of Renaissance paintings on the wall, and also of Mussolini marching with Italian fascists.

J’ai été agréablement déroutée et fascinée par cette lecture, et notamment par le personnage ambiguë de Miss Jean Brodie.

Cette lecture fut déroutante à bien des égards. Au fil de cette narration fragmentée, on découvre une institutrice exaltée, mégalo et autocrate aux méthodes éducatives très (très) particulières : elle se choisit constamment comme sujet de ses propres leçons – surtout sa vie sentimentale et son amour immodéré de l’Art – et impose ses goûts et ses opinions comme étant la norme et l’unique vérité qui soit. J’ai adoré le passage où elle demande à ses élèves : « Quel est le plus grand peintre italien ? / - Léonard de Vinci, mademoiselle Brodie. / - Inexact. La réponse est Giotto : c’est mon préféré ».  
Et son goût de l’art va visiblement de pair avec son esthétisation (effrayante) du fascisme ; elle aime présenter à ses élèves des reproductions de peintures célèbres aux côtés de photographies de défilés mussoliniens.

Outre ses penchants fascistes, Brodie se réclame être une calviniste convaincue : elle est adepte de la doctrine religieuse de la prédestination et de l’élection divine, où les êtres humains n’auraient pas de pouvoir sur leur salut et où seul Dieu décide de qui peut être sauvé. Brodie est ainsi intérieurement persuadée qu’elle fait partie du groupe des élus, et peut ainsi agir à sa guise, sans aucune contrainte morale ou remise en question quelconque.

J’ai particulièrement aimé la façon dont l’auteure applique insidieusement cette conception calviniste « d’élection divine » dans la manière dont Brodie – en figure démiurgique – sélectionne les filles qui feront partie de son « clan », et dont elle se targue d’en faire « la crème de la crème ». Ainsi, au fur et à mesure des années, les six filles, choisies comme favorites, sont modelées par Miss Brodie, et leurs personnalités deviennent en quelque sorte des prolongations de celle de l’institutrice : c’est d’autant plus flagrant dans l’attitude du professeur d’art plastique, son ancien amant, qui portraiturent toutes les filles du clan sous l’apparence unique de Miss Brodie.

Au final, cette narration non linéaire, avec ses prolepses et analepses, permet à l’auteure de mieux nous rendre compte de l’échec inévitable de l’entreprise démiurgique de Miss Brodie, sachant qu’aucune des filles du clan ne remplira les prédestinations assignées par l’institutrice, et qu’une d’entre elles ira même jusqu’à la trahir.

Ce fut donc une courte lecture mais particulièrement intense, et j’ai très hâte maintenant de visionner le film avec la fabuleuse Maggie Smith   .

Merci pour ton intéressant avis Sihaya !

J'avoue pour ma part que si ce livre m'a intriguée à la lecture, il ne m'a pas laissé de grands souvenirs... Je regarderais bien le film, cependant.

Merci Esperluette ! As-tu lu d'autres oeuvres de cette autrice?

J'ai vu le film hier soir, et ma foi c'est plutôt réussi: cela vaut le détours rien que pour la prestation de Maggie Smith qui a su admirablement capturer l'essence du personnage: son anticonformisme et sa déraison totale vis-à-vis de la réalité. L'actrice qui incarne Sandy est également épatante.

Après, le film est très académique et classique, et on ne retrouve pas du tout cette narration fragmentée avec les sauts temporels: on suit chronologiquement le parcours des jeunes filles, de leurs premières rencontres avec Miss Brodie jusqu'à la fin de leurs études secondaires.

Bref, j'ai passé un bon moment !

Sihaya a écrit:

As-tu lu d'autres oeuvres de cette autrice?

Non, mais pourquoi pas si l'occasion se présente ! D'ailleurs, ton post m'a rappelé cette plaque vue lors d'un séjour à Edimbourg :

Spoiler:

Ton avis sur le film donne envie de le découvrir.

esperluette a écrit:

Ton avis sur le film donne envie de le découvrir.

Surtout avec un tel casting !

Merci pour ton avis

Je repasse ici après avoir lu Momento Mori, un roman publié en 1959 -deux avant The Prime of Miss Jean Brodie  

Selon David Lodge, c'est le premier chef d'oeuvre de Muriel Spark

Citation :

Memento mori : "Rappelez-vous qu'il faut mourir". C'est par cette phrase, aussi laconique que désagréable, qu'un mauvais plaisant (ou un malade mental ?) importune à intervalles réguliers, lors de coups de téléphone anonymes, plusieurs personnes âgées appartenant à la meilleure société londonienne. La police semble impuissante à découvrir le coupable, et peu à peu la tension monte, car plusieurs des personnes qui ont reçu ces appels meurent effectivement - ce qui, vu leur âge, n'est pas tout à fait illogique. Qui dit décès dit héritage, et certains héritages suscitent des convoitises... Publié à la fin des années cinquante, Memento Mori est sans aucun doute le livre le plus humoristique qui ait jamais été écrit sur la mort et les tourments du grand âge.

Ce livre est un véritable ovni littéraire  j'ai aimé l'humour noir qui s'en dégage, j'ai aimé suivre ces personnages tout sauf parfaits, j'ai encore beaucoup apprécié le style de Muriel Spark, mais j'avoue que je me demandais tout le temps comment cela allait bien pouvoir finir

Je crois qu'en fait la fin importe peu, ce qui intéresse Spark (qui n'avait alors que 40 ans) sur ce livre, c'est de dresser les portraits de ces octogénaires attachants en dépit de leurs défauts, de leurs mesquineries -sauf l'horrible Mrs Pettigrew  

Malgré tout, je crois que c'est un de mes Spark préférés... en tout cas je l'ai préféré à Miss Jean Brodie qui est généralement considéré comme son oeuvre à lire  

Je pense poursuivre l'exploration de son oeuvre avec The Girls of Slender Means (Demoiselles aux moyens modestes) dont j'ai entendu beaucoup de bien

Citation :

Londres, 1945. Histoire des jeunes filles du club May de Teck, une fondation royale qui accueille des demoiselles aux moyens modestes. Il y a Joanna qui a perdu son fiancé ; Selina dont la beauté tourne toutes les têtes ; Anne qui possède une robe de Schiaparelli, objet de convoitises ; Jane, qui travaille dans une maison d'édition et déverse quantité de bobards sur des auteurs célèbres. Toutes font des prodiges pour joindre les 2 bouts, sur fond d'insouciance. Une vie pas désagréable si une bombe ne faisait exploser ce charmant univers.

Merci pour ton avis
Je n'ai jamais lu cette auteure même si j'en ai assez souvent entendu parler.

Je crois que le dernier roman que tu cites est celui qui pourrait le plus m'attirer

Dulcie a écrit:

Merci pour ton avis
Je n'ai jamais lu cette auteure même si j'en ai assez souvent entendu parler.

Je crois que le dernier roman que tu cites est celui qui pourrait le plus m'attirer

Tout pareil ! Et j'ajouterais The Prim of Miss Jean Brodie dans ma liste à lire !