Chose promise… voici la présentation de mon feuilleton culte, et en vous en parlant, c‘est un jardin qui était encore secret que je vous ouvre
. Mais la ressortie du DVD m'a convaincue de faire mon 'coming-out'
.
En découvrant ce feuilleton à 8 ans, il a scellé mon goût pour les grands romans historiques. Il a marqué aussi mon premier swoon : autant l’avouer, ce swoon est toujours intact, même après près de 30 ans…
Il s'agit d'une coproduction franco-allemande de 1971, réalisée par Gilles Grangier, et composée de 7 épisodes. Bref, 6 heures de plaisir
. Sa réussite tient, selon moi, à deux points essentiels :
- un très bon casting, en particulier pour les deux rôles principaux, à savoir le Quentin Durward d'Amadeus August et le Louis XI de Michel Vitold
- le roman de Walter Scott : le scenario tout en recentrant l'action sur Quentin et Louis XI et par là même modifiant certains épisodes et en ajoutant d'autres, lui reste fidèle. Les dialogues sont plutôt enlevés, bref, on aime à suivre cette histoire
.
Ajoutez à cela un réel souci de reconstitution fidèle et vous vous retrouvez embarqué dans les aventures de Quentin avec délectation.
L’intrigueL'intrigue, située en 1468, prend comme cadre la rivalité entre Louis XI et Charles le Téméraire, duc de Bourgogne. Le héros, Quentin Durward, fuit son Ecosse natale pour la France. Il y retrouve son oncle Ludovic Lesly et intègre auprès le lui la Garde Ecossaise de Louis XI, découvrant avec surprise que ce dernier et le marchand qu’il a croisé peu de temps auparavant - et qui s’intéressait étrangement à lui - ne font qu‘un. Parallèlement, Isabelle de Croye, comtesse bourguignonne, est venue chercher refuge auprès de Louis XI pour échapper au mariage auquel Charles le Téméraire la destine. Louis, décidé à faire tomber le comté de Croye aux mains d’un allié, décide de la livrer à Guillaume La Marck. Pour ce faire, il fait croire qu'il l'envoie auprès de l’évêque de Liège, allié de Charles. Quentin Durward, est chargé du convoi ...
Les PersonnagesLes Personnages de fictionQuentin Durward : c'est le héros, un jeune Ecossais, dernier de son clan, contraint de fuir l'Ecosse pour échapper à l'habit monacal auquel le clan des Ogilvies l'a condamné. Et autant dire qu'il fallait trouver un acteur capable d'endosser ce rôle de preux Ecossais, dont Walter Scott ne cesse de nous écrire qu'il est beau . L'acteur est juste parfait et trop bôôôô. Allemand, il parle
merveilleusement remarquablement le français avec juste une très légère pointe d'accent
qui me fait fondre qui rend son personnage plus réaliste. On évite ainsi l’écueil des coproductions à savoir le doublage de certains personnages : c’est assez rare pour être noté…
Ahlalala, mon Dieu qu'il était beau
(même avec un coupe années 70s ).
Isabelle et Hameline de Croye : Isabelle (la très jolie Marie-France Boyer, aussi blonde comme les blés qu'Isabelle est noir de jais dans le roman - mais pour moi, les princesses elles sont blondes, alors...) fuit la cour de Bourgogne pour échapper au mariage avec Campo Basso auquel la destine Charles le Téméraire. Avec l'aide d'agents français - le domaine de Croye étant stratégique entre les frontières de Flandres et de Bourgogne - elle se réfugie en France.
Elle est accompagnée dans sa fuite par sa Tante Hameline. Le caractère de cette dernière est modifié par rapport au roman. Si elle reste fortement condescendante (géniale Clarisse Deudon !), elle n'est pas stupide
et limite nympho comme dans le roman. En effet, le scenario ne reprend pas sa destinée du roman, choix que j’approuve car cela aurait pas mal dispersé le récit à mon sens !
Bertrand Joué par Philippe Avron, c'est le valet d'armes de Quentin et un personnage presque totalement créé par le scénariste. Presque, car il existe bien un Bertrand qui appartient au convoi de Liège mais qui demeure une brève silhouette. Finalement ce choix scénaristique me paraît très judicieux (non, non, je ne suis pas de parti pris, c'est très réfléchi
) car :
- il peut paraître assez invraisemblable qu'un jeune étranger se débrouille comme un chef en arrivant en France, et ce en une poignée de jours et tout seul. Lui créer un compagnon, et donc un appui, rend la chose plus vraisemblable;
- ensuite, dans le roman, Quentin pense, imagine énormément, chose difficile à retranscrire à l'écran. La présence de Bertrand permet à Quentin d'exprimer ses pensées (même si certaines pensées/actins de Quentin sont ici attribuées à Bertrand…)
Le Balafré : oncle de Quentin, il n'est pas le colosse du roman mais apporte une touche de gaité et d'humour. Il faut dire que le grand Noël Roquevert est juste génial dans ce rôle et a l'air de bien s'amuser.
Hayraddin Personnage complexe, espion bourguignon puis français, retournant sa veste sans regret, Hayraddin ne se sent pas moins redevable envers Quentin qui a dépendu son frère. André Oumansky est vraiment excellent dans son interprétation : il est mystérieux, ambigu et sa relation avec Quentin est vraiment intéressante... Il faut dire aussi que le scenario a donné plus de corps et de complexité à ce personnage, l'activité d'espionnage de Zammet étant additionnée à celle de l’Hayraddin du roman.
Marion, jouée par Claire Maurier, est espionne du roi de France et engagée en qualité de suivante des comtesses pour le voyage à Liège. Là encore, le rôle est largement étoffé par rapport au roman. Marion est ici une femme réfléchie et redoutable.
Pavillon et Peterkin : Joués par Claude Evrard et Georges Atlas, ce sont des bourgeois de Liège - Pavillon en est le syndic - qui se sont révoltés contre le Prince-évêque. Ils constituent la touche d'humour, gentiment ridicules (accentué par rapport au roman).
A la cour de FranceLouis XIC’est l’autre personnage principal du roman, celui par qui tout arrive. C'est Michel Vitold qui prête ses traits et son talent au roi. Ce dernier est fidèle à l'image du roman : roi manipulateur, roi superstitieux, roi méfiant mais pas assez, roi stratège, roi comédien... C'est véritablement l'anti-Quentin : les critiques du roman disent souvent qu'avec Louis XI, c'est la fin des codes de la chevalerie, codes associés à Quentin. Le scenario donne la part belle à cette grande figure historique qui lutte dans un royaume très affaibli : je trouve cela absolument passionnant et ça donne inévitablement envie de se pencher sur les livres d'Histoire...
Olivier le Daim : barbier et confident du roi, il a une grande influence sur ce dernier et est redouté par la Cour. Son point faible : l'argent... André Valmy lui prête ses traits et est excellent, comme à son habitude, dans le rôle.
Le Cardinal La Balue et Galeotti : Le Cardinal (joué par Jacques Monod), 1er conseiller du roi, intrigue dans l'entourage du roi, craignant de perdre son influence auprès de ce dernier... Il est ainsi de mèche avec Galeotti, l'astrologue du roi, sans les prédictions et horoscopes duquel ce-dernier ne prend pas de décision...
Le Duc d’Orléans et DunoisLe Duc (Denis Savignat) est promis à Jeanne la Boiteuse, princesse de France, qui ne peut assurer de descendance : Louis XI espère ainsi éteindre cette branche prétendante à la couronne (peine perdue puisque le Duc accèdera au trône : le futur Louis XII fera également annuler son mariage et épousera la reine Anne de Bretagne). Ici, le Duc est amoureux d'Isabelle de Croye, et dans sa folie amoureuse entraîne son cousin Dunois (Roger Pigaut), le fils du fameux bâtard d'Orléans...
A La cour de Bourgogne et à la cour de LiègeCharles le Téméraire : le Duc de Bourgogne (William Sabatier), est un personnage colérique, assez impétueux, mais à qui manque l’intelligence de Louis XI dont il rêve à la couronne. La tension avec la France a redoublé avec la fuite des comtesses. La révolte des Liégeois, et la possibilité que Louis XI l’ait soutenue, affaiblit encore le Roi face à ce cousin ambitieux. Mais, Louis XI a pour lui l’art de la ruse … et Quentin Durward
Comte de Crèvecoeur: Joué par le magnifique Georges Marchal (quelle allure à cheval !), il est l’ambassadeur du Téméraire et le cousin des comtesses. Moins cruel, plus compréhensif que dans le roman, il est aussi présenté - avec Philippe de Commines - comme chef d’une conjuration à Péronne. Là encore, c’est un choix scénaristique qui se démarque du roman (même si Crèvecoeur y prend le parti du roi) pour se rapprocher de l’Histoire.
Prince-Evêque de Liège : Louis de Bourbon doit faire face au soulèvement des bourgeois de Liège qui ne veulent plus payer leurs impôts, se révoltant ainsi par ricochet contre le Duc de Bourgogne. Pour ce faire, ils se sont adjoint les services de Guillaume de la Marck.
Guillaume et Eric de La Marck : puissant seigneur de la principauté de Liège, Guillaume de la Marck, homme sanguinaire surnommé le "Sanglier des Ardennes" et accompagné de son intelligent fils, a été excommunié et banni de sa cour par le Prince-évêque du fait des actes atroces dont il s‘est rendu auteur. Il rêve à se venger de lui tout en servant ses intérêts. Il est ouvertement l’ennemi de Charles le Téméraire et de Louis XI, mais officieusement allié de ce dernier, qui souhaite donc lui livrer Isabelle de Croye, en faisant croire qu’elle se rend en terrain neutre chez l’évêque…
Scenario vs RomanComme déjà indiqué, le feuilleton est globalement fidèle au roman tout en le réaménageant. En ressort un recentrage de l’intrigue sur Quentin, très preux chevalier et toujours là pour Isabelle en détresse, et Louis XI, encore plus manipulateur envers Quentin que dans le roman.
La conséquence est l’introduction du personnage de Bertrand, la modification de l’évolution du personnage de Marion (déjà modifié à la base) et la suppression de certains personnages (notamment à Liège) et de certaines intrigues secondaires (Hameline, en particulier). De ce fait, le traitement de la fuite de Liège est modifié tout en gardant une cohérence et permettant de retomber sur ses pieds...
Des scènes sont également ajoutées / éléments modifiés, plutôt à bon escient
, notamment :
- Quentin est ici présenté comme ayant été élevé dans un couvent alors que dans le roman, il n'y reste qu'un peu plus d'un an.
- Maître Pierre offre une médaille de St Julien (toujours l’accent sur sa superstition) à Quentin à la place d’une coupe (il lui donne bien une chaîne dans le roman mais plus tard)
- Quentin se montre bien plus téméraire à sa première rencontre avec Isabelle puisqu’il saute sur son balcon (avec une déclaration énooooorme
) au lieu de rester dans l’ombre. De même, alors que dans le roman il regrette que le châle noué à son bras soit celui d’Hameline, c’est celui d’Isabelle qu’il porte ici. En contrepartie, il ne pourra pas lui voler de baiser à travers une certaine grille (on peut pas tout avoir !
).
- le procès de Quentin : il se fait en "off" dans le roman. Ici le scenario exploite le roman qui évoque la possibilité d’un tel procès ainsi que l’ "achat" d’Olivier le Daim. Cela rend le récit plus vivant tout en ne trahissant pas l’intention de Scott.
- la tentative d’enlèvement, l’incendie de l’auberge, l’offre du Duc à Isabelle sont de pures inventions du scénariste : elles permettent de mettre l’accent sur le côté chevaleresque de Quentin et rendent aussi plus compréhensible pour le spectateur la démarche du Duc au départ du convoi. Donc, là encore, pas de trahison pour autant de Sir Walter
.
- les poursuites avec Guillaume de la Marck : là encore cela permet de donner de l’action sans que cela paraisse absurde
- la conjuration de Péronne, la mort de La Marck etc
* * *
Pour moi, c’est un très beau feuilleton - non sans blague
- malgré ses défauts, qui a toujours fait vibrer ma fibre midinette, fleur bleue, et amoureuse de l‘Histoire. L’équilibre entre romance, aventure et politique est très bien rendu, reflétant l’équilibre du roman (rendons à Sir Walter ce qui lui appartient).
Côté défauts : la palme va aux chevauchées mal filmées, à la bataille confuse du 7e épisode et aux cascades pas toujours bien réglées (ah les coups de poing
)... Pour le reste, parfois le scenario est léger (comme lorsque Quentin et Bertrand entrent dans Liège révoltée et qu'ils interrompent les combats individuels pour passer
…), ou, parfois, les dialogues tombent quelque peu à plat. Mais, franchement, ce serait dommage de bouder ce plaisir pour ces quelques broutilles, nan?!
J’apprécie particulièrement les
efforts de reconstitution. Les moyens sont limités mais les extérieurs sont réalisés en décors naturels essentiellement de la 1ere Renaissance, contemporaine de l‘époque (châteaux de Montpoupon, du Rivau, d’Ussé…),. Une des plus géniales idées a été de
transformer la cité de Carcassone en ville de Liège.
Une des scènes que j’affectionne aussi est la
chasse au sanglier (3e épisode) : alors c’est mal filmé - pas à l’aise du tout avec la vitesse des chevaux le réalisateur - mais on a l’ impressions (en tout cas moi) de voir des morceaux de tapisserie prendre vie. Il est juste dommage que les couleurs se soient tant affadies avec le temps…
Bien sûr, avec le standards d'aujourd'hui, la romance entre Isabelle et Quentin peut paraître particulièrement prude - il faut dire aussi que cela semble un amour impossible du fait du statut de la demoiselle et du côté désargenté du héros... On se dit pas qu’on s’aime mais on le dit aux autres (mention spéciale à la confession au couvent d’Isabelle, pas piquée des vers … mais j’adore, j’assume !) ou alors on le dit sans le dire (ah, l’art de la métaphore du voyage qu‘on voudrait ne pas voir se finir…). C’est ce côté désuet qui donne justement son charme intemporel à ce feuilleton… et au moins on peut mettre les enfants devant sans problème
Bon, après ce laïus interminable
et sans doute un peu ennuyeux, je vous laisse vous exprimer, j’espère que vous aurez envie en tout cas de le regarder ou de le redécouvrir (oui, parce que je ne suis pas seule à avoir swooné enfant, n‘est-ce pas cat ???).
Mais j'ai d'autres petites choses en réserve pour alimenter le topic