Bernard Pivot ou l'amour des livres et des mots à la française

Je viens de me régaler avec son dernier livre Les mots de ma vie, sorte d'abécédaire autobiographique à la fois amusant et instructif, et je trouve que ce grand monsieur des livres mérite d'avoir une chambre à Lambton.


Né le 5 mai 1935 à Lyon, Bernard Pivot est d'abord journaliste au Figaro littéraire de 1958 à 1971 avant de devenir chef de service au Figaro. En 1975, il est à l'origine de la création du magazine Lire.
Il se fait surtout connaître en tant qu'animateur d'émissions littéraires télévisées, Ouvrez les guillemets à partir de 1973 puis Apostrophes (1975-1990) suivi de Bouillon de Culture jusqu'en juin 2001. Sa dernière émission, Double je, est diffusée entre 2002 et 2005. Ces émissions rencontrent un énorme succès et incitent de nombreux téléspectateurs à se mettre à la lecture. En 2004, il devient le premier non-écrivain à être élu à l'Académie Goncourt.

En 1985 il lance les Championnats de France d'orthographe, avec ses fameuses dictées, qui deviennent ensuite les Dicos d'or.

Il a quand même publié plusieurs ouvrages, dont 100 mots à sauver (2004), un Dictionnaire amoureux du vin (2006) car c'est un aussi un amoureux de la bonne chère et du bon vin, 100 expressions à sauver (2008) et Les mots de ma vie (2011).

J'ai toujours beaucoup entendu parler de M. Pivot à la maison car mes parents étaient des inconditionnels de ses émissions, mais j'étais hélas trop jeune pour m'y intéresser à l'époque de leur diffusion, du moins avant notre départ à l'étranger. La lecture de son autobiographie m'a révélée un homme modeste plein d'humour très attaché à la langue française.

Je ne résiste pas à l'envie de vous citer l'entrée qu'il consacre à ce qu'il appelle un Salon-bibliothèque :

Citation :

Quelles que soient l'ancienneté des reliures, l'originalité des collections, la rareté des éditions de luxe, la beauté des grands papiers, la distinction des exemplaires numérotés, non coupés, rien de vaut, dans un salon ou une salle de séjour, l'alignement sur les rayonnages de centaines de livres d'édition courante, y compris de poche, dont on voit bien, aux rides de leurs dos, à la patine du temps, à une légère fatigue générale, qu'ils ont été lus, puis jugés dignes, sur leur contenu et non sur leur apparence, de rester à demeure, sous le regard proche et reconnaissant des habitants du lieu.

J'adore la citation! Ca donne envie d'avoir une belle bibliothèque remplie de livres de poches.

Merci Tatiana! Bernard Pivot est un monsieur qui mérite bien une chambre dans l'auberge et bien plus. Tout ce qu'il a fait et continue à faire pour la langue française est tout simplement admirable. Ce livre je l'ai acheté dès sa sortie mais je ne l'ai pas encore lu. Ça ne saurait tarder! Je posterai mon humble avis dès que ce sera fait.

Tatiana cite Bernard Pivot a écrit:

Quelles que soient l'ancienneté des reliures, l'originalité des collections, la rareté des éditions de luxe, la beauté des grands papiers, la distinction des exemplaires numérotés, non coupés, rien de vaut, dans un salon ou une salle de séjour, l'alignement sur les rayonnages de centaines de livres d'édition courante, y compris de poche, dont on voit bien, aux rides de leurs dos, à la patine du temps, à une légère fatigue générale, qu'ils ont été lus, puis jugés dignes, sur leur contenu et non sur leur apparence, de rester à demeure, sous le regard proche et reconnaissant des habitants du lieu.

Je suis d'accord avec la phrase, sauf

Citation :

l'alignement sur les rayonnages de centaines de livres d'édition courante, y compris de poche, dont on voit bien, aux rides de leurs dos, à la patine du temps, à une légère fatigue générale,

Je m'évertue toujours à ne pas trop ouvrir justement mes livres pour que le dos soit impeccable et protège la couverture pour ne pas avoir des livres fatigués, j'aime que l'apparence des livres anciens surprennent par leur fraîcheur.

Bernard Pivot m'a charmée par ses émissions et je suis fan... cependant, parmi les livres que tu cites Tatiana, je dis : aurait pu mieux faire pour le Dictionnaire amoureux du vin il a fait du Pivot facile, mais il aurait pu être excellent en travaillant plus son livre. Les autres j'ai bien aimé et je relis de temps en temps.

Merci pour l'ouverture de ce topic, Tatiana.

Sans avoir suivi régulièrement toutes ses émissions, j'étais très fan d'Apostrophe, que je regardais assez souvent le vendredi soir dans les années 80.

Les mots de ma vie me tente bien, j'aime le principe de baser une autobiographie sur l'amour de la langue.

Je pensais bien ne pas être la seule à apprécier ce monsieur ici

Fée clochette a écrit:

Je m'évertue toujours à ne pas trop ouvrir justement mes livres pour que le dos soit impeccable et protège la couverture pour ne pas avoir des livres fatigués (...)

Je suis comme toi et c'est pourquoi j'ai un peu tiqué sur ce passage en particulier, mais il parle si bien des livres et de la lecture que j'ai mis cette petite différence de côté pour apprécier l'ensemble .

Voilà, une vie de vécue, Bernard Pivot 89 ans est décédé. C'est âgé, mais parfois, je me prends à regretter que de telles personnes, quittent ce monde.

cela me fait penser à la chanson de Pierre Perret : "c'est Bernard Pivot"

J’ai eu envie de faire en m’amusant
Une petit’ chanson
A propos d’un monsieur qui vient souvent
Dans notre maison
Il s’agit pas du facteur du plombier
D’un représentant cass’ pieds
Il rend intelligent mêm’ les plus sots
C’est Bernard Pivot

Un homme illustre disait des Français
Ce sont tous des veaux
On a depuis fait de nombreux essais
Pour changer de peau
Mais c’est pas avec le loto ou Dallas
Que nos cellul’s se décrass’
Un homme est v’nu rehausser le niveau
C'est Bernard Pivot....

Il nous rendait tous intelligent

Fée Clochette, les bons esprits! J'ai oublié qu'il avait son topic et je suis partie écrire dans le topic fourre-tout pour un hommage. Je copie ici ce que je viens d'écrire :

Bernard Pivot s'est éteint ce lundi en laissant derrière lui un passé riche en évènements littéraires et culturels. Sad Touche à tout, c'est avant tout en maniant le verbe qu'il défend la langue française grâce à des émissions qui gagnent des adeptes dans un large public en France comme dans le monde francophone. Apostrophe et ses fameuses dictées ont marqué toute une génération. I love you
Controversé pour son attitude dans l'émission Apostrophes du 2 mars 1990, à laquelle était invité l'écrivain Gabriel Matzneff, Il fait preuve d'une grande humilité en reconnaissant : « Il m’aurait fallu beaucoup de lucidité et une grande force de caractère pour me soustraire aux dérives d’une liberté dont s’accommodaient tout autant mes confrères de la presse écrite et des radios"

Beau texte de Pierre Perret   .

Cette nouvelle m'a attristée, car comme beaucoup j'ai été biberonnée à Pivot, mes parents manquant rarement une de ses émissions. J'ai lu aussi l'un ou l'autre de ses ouvrages. Je suis touchée d'entendre les nombreux hommages qui lui sont rendus depuis cet après-midi. On salue bien sûr son amour de la littérature et de la lecture, son immense talent de passeur (et d'intervieweur) mais aussi son "esprit français". Jusqu'à trois millions de téléspectateurs pour une émission d'Apostrophes, ça fait rêver   .
Merci M. Pivot   .
Pour celles qui sont intéressées, François Busnel et Augustin Trapenard ont parlé de lui avec gourmandise et émotion dans C à vous, qui lui a été en bonne partie consacrée.

Merci Tatiana.

Fée clochette a écrit:

Voilà, une vie de vécue, Bernard Pivot 89 ans est décédé. C'est âgé, mais parfois, je me prends à regretter que de telles personnes, quittent ce monde.

C'est ce que je ressens aussi. Je ne connaissais pas la chanson, merci pour cette pépite Fée.

Pour l'anecdote, quand j'ai pris un âge suffisant aux yeux de ma famille pour regarder la télé le soir après 20 heures (heure officielle de mon coucher à 11 ans encore, quand je vois les gosses d'aujourd'hui !) j'ai eu droit d'abord aux infos qui me permettaient de pousser jusqu'à 20h 30, puis aux Dossiers de l'écran (ben oui, du sérieux, du sociétal, du culturel, de l'historique...) et j'ai su que je devenais une quasi adulte quand vers 15 ou 16 ans on m'a conviée explicitement à participer à la découverte familiale de la première d'Apostrophes. Nous étions abonnés à Lire depuis le début, aussi ; Pivot, c'était le nec plus ultra du lecteur, tout une époque !

Merci d'avoir partagé cette anecdote Selenh. Elle rejoint ce qu'a dit Augustin Trapenard dans C à vous : Apostrophes était la seule émission qu'il était autorisé à regarder quand il était enfant. C'est toute une époque qui se termine, c'est vrai, on le dit souvent quand quelqu'un disparaît, mais ça semble particulièrement réel, palpable, concernant Pivot.

Tout à fait vrai, mes enfants ont été autorisés à regarder l'émission au même âge.

Maintenant, il y a La Grande Librairie, mais un seul être vous manque et tout est dépeuplé !    

Bernard Pivot a écrit un livre avec sa fille. Ils l'ont intitulé "LIRE !" Avec un point d'exclamation, ce à quoi Bernard Pivot a précisé, j'aimerai appeler ce signe ! point d'excitation, car ce point est jubilatoire et lire aussi.

Un grand Monsieur nous a quittés Comme vous, j'adorais ses émissions et nous étions aussi abonnés à Lire Ce que j'appréciais en plus de tout le reste, c'est sa simplicité et sa gentillesse

Quand j'ai entendu la nouvelle à la radio, j'ai eu le sentiment de l'impossibilité, un monument ne meurt pas, et ensuite le sentiment d'une pierre tombale de plus dans mon environnement...