Camilla Collett, Les Filles du Préfet (1854-1855).

J'ouvre un topic à cette romancière féministe norvégienne (1813-1895), dont je lis actuellement le chef d'oeuvre "Les Filles du Préfet"

A ma connaissance, ce roman est le seul ouvrage de Camilla Collett actuellement disponible en français (il y a bien quelques nouvelles, mais je ne crois pas qu'elles aient été rééditées depuis leur traduction initiale) et tout le mérite en revient à la maison d'édition (suisse) Zoé et au traducteur Eric Eydoux, car étonnamment, ce roman n'a été publié en version française qu'en ... 2010 !



Camilla Collett est souvent comparée à George Sand, mais aussi (et vous verrez où je veux en venir) à Jane Austen.

Cette évidence s'est imposée au cours de ma lecture des "Filles du Préfet" et je me suis précipitée sur le net afin de voir si c'était une de mes lubies, ou si d'autres y avaient pensé (et la réponse est, oui, d'autres l'ont écrit ).

Je n'ai pas encore terminé ma lecture (j'avoue que je la fais durer car j'aime bien ce livre et qu'il ne se lit pas comme un polar), mais je peux d'ores et déjà dire qu'évocation de Jane Austen, oui, sans l'ironie et avec un certain pessimisme nordique

Je ne vous ferai pas de longs développements sur la vie de Camilla Collett sachez juste qu'elle fut la soeur d'un grand écrivain norvégien (Henrik Wergeland) et qu'elle fut amoureuse (malheureuse) du rival de son frère (Johan Welhaven). Ces deux-là se détestaient, imaginez l'ambiance. Camilla finira par épouser un ami de Welhaven (le fameux M. Collett) qui la poussera à écrire, en lui faisant découvrir George Sand et une romancière suédoise féministe Fredrika Bremer (1801-1865).

On lit aussi que l'oeuvre de Camilla Collett influença fortement Ibsen (ne vous laissez pas décourager par cette référence-ci, je n'aime pas Ibsen et pourtant, Camilla Collett me plait bien ).

Alors qui sont ces "Filles du Préfet" ? L'histoire se focalise essentiellement sur la plus jeune, Sofie, et je passe la parole à l'éditeur car j'ai peur de trop en dire :

Citation :

Lorsque ce chef-d'oeuvre, Les Filles du préfet, paraît en Norvège en 1854 puis en 1855, il fait l'effet d'un véritable coup de tonnerre. Premier roman de la littérature norvégienne écrit par une femme, et premier roman féministe, il raconte une initiation sentimentale délicate, mais hautement dérangeante pour l'époque. Dans les années 1830, le jeune Georg Kold s'installe dans la famille du préfet Ramm comme fondé de pouvoir et précepteur des enfants, dont la cadette Sotie. Un fort élan amoureux pousse les deux jeunes gens l'un vers l'autre, mais se heurte à une société où le sentiment est regardé comme une faiblesse typiquement féminine dont il convient de se préserver.

Je finirai pas dire un grand merci au traducteur, Eric Eydoux, je me régale à lire sa traduction (pour celles que cela intéresse, j'ai trouvé une interview de M. Eydoux ici ).

Alléchant Serendipity

Merci Majeanne, je pense que ce roman peut plaire à de nombreuses lambtoniennes
(la plus grande difficulté sera de trouver le livre ).

Je reviens sur le titre "Les Filles du Préfet" : le préfet (qui est peu présent dans le roman) a quatre filles (comme le docteur March ) et un fils (ce qui lui fait cinq enfants comme M. Bennett ). Les deux ainées ont déjà été sacrifiées par leurs parents et ont dû épouser, sans amour, des précepteurs au mieux ennuyeux et au pire, franchement méchants. La troisième, Amalie, tente mollement d'épouser l'homme qu'elle aime en dépit de ses perspectives d'avenir un peu bouchées. Et enfin, nous avons Sofie, qui est la plus jeune et la plus mystérieuse, mais je n'en dis pas plus

Belle présentation serendipity je suis intéressée également, parce que des ressemblances avec Jane Austen et Louisa May Alcott, c'est chouette. Comme en plus je ne connais absolument pas la littérature nordique, ce peut être une bonne entrée en matière.

serendipity, je ne peux résister à ta présentation . Allez, hop sur la PAL!

Natacha et Tatiana, vous m'en voyez ravie. J'espère juste ne pas avoir survendu le livre

Remontage de topic après avoir achevé ce qui constituera ma première lecture marquante de 2012

Je n'ai pas grand chose à ajouter à mes posts précédents, mais pour vous donner un avant-goût, voici une échange entre Sofie et sa soeur Louise, que l'on a casée avec un juriste à l'hygiène douteuse (la scène dans laquelle elle explique à sa jeune soeur comment sa propre mère a pu transformer ce défaut en qualité est assez savoureuse d'ailleurs) :

Citation :

"Sofie, je m'adresse uniquement à ta raison. Crois-moi, dans la vie, notre situation dépend du seul hasard, une loterie, si tu préfères. Cela se passe comme dans ces jeux où les gains les plus élevés ne font que servir d'appâts. Ils ne sortent jamais. Ne cherche pas à tout prix à les avoir. Si le destin t'offre un lot à peu près acceptable, prends le, prends le pendant qu'il est encore temps (...) quand le coeur n'est pas engagé, tu es beaucoup plus libre de calculer au mieux de tes intérêts, de peser prudemment le pour et le contre : sa situation, ses revenus, la considération dont il jouit, la qualité de ses rapports familiaux ...ne t'imagine que tout cela est dénué d'importance. C'est ce que l'on appelle le bonheur. Courage ma fille ! La jeunesse aura bientôt passé et, avec elle, tous ces tourments du coeur ... Dès que tu en seras venue à bout, tu auras gagné la partie, et une fois l'âge venu, tu seras en possession de tous ces bien!"

Voilà, vous l'aurez compris, ambiance nordique oblige, on est dans le pessimisme et la résignation (ce que dénonce l'auteur)

Ouh là, intéressant! Mais à première vue, à ne pas lire en cas de déprime.

Comment as-tu fait la connaissance de cette romancière, Serendipity? Tu as des filons secrets?

cat47 a écrit:

Mais à première vue, à ne pas lire en cas de déprime.

Franchement, je suis la première à être une éponge émotionnelle (surtout en ce moment avec l'hiver je suis un vrai Caliméro), mais je ne dirais pas cela. C'est loin d'être déprimant. Juste un constat pessimiste de la condition de la femme dans les milieux aisés de la Norvège du XIXè siècle (Ibsen est beaucoup plus déprimant sur ces questions là ).

Donc ce livre fait réfléchir sur notre condition de femme à travers les époques. Et il fait aussi réfléchir sur le mariage d'amour et le mariage d'intérêt

cat47 a écrit:

Comment as-tu fait la connaissance de cette romancière, Serendipity?

Comme certaines le savent, je m'intéresse depuis toujours aux pays nordiques et ce roman revenait toujours dans les classiques de la littérature norvégienne. J'avais aussi été intriguée par des portraits de Camilla Collett (et notamment une sculpture de Gustav Vigeland, le "Rodin norvégien" ).

J'avais raté l'ouverture de ce topic, je viens de tomber dessus en fouinant un peu sur le forum, et je dois dire que je suis trèèès intéressée. Féminisme + références à Jane Austen et Louisa May Alcott, forcément je suis tentée !

En plus je vois que le livre est édité chez Zoé, or en début d'année Marlyse Pietri, qui a lancé cette maison d'édition, est venue parler de son métier à la fac, j'ai pu y assister et elle était passionnante à écouter.

Contente de t'avoir tentée esperluette, j'espère que tu auras l'occasion de te procurer ce roman (et j'avoue qu'il y a un sentiment particulier à découvrir une oeuvre aussi peu lue et connue).

Cette conférence devait être passionnante en effet (n'hésite pas à nous en dire plus ).

Moi aussi je l'avais raté mais je le note dans mes tablettes, c'est bien tentant. Reste à trouver le livre...

serendipity a écrit:

(et j'avoue qu'il y a un sentiment particulier à découvrir une oeuvre aussi peu lue et connue)

Justement l'éditrice nous avait un peu parlé des collections des éditions Zoé, et il y en avait une qui s'attachait à faire découvrir des auteurs étrangers importants et méconnus en France, j'imagine que Les filles du préfet appartient à cette collection.   Quant à la conférence, c'était vraiment intéressant de l'écouter car Marlyse Pietri est vraiment passionnée, elle nous a raconté les débuts de Zoé, la façon dont elle surveille toutes les étapes de la publication d'un livre, les relations avec les auteurs... (D'ailleurs, un des auteurs était là (Catherine Safonoff) et elle nous a fait bien rire, notamment en parlant du livre numérique auquel elle est allergique comme moi   ), ce qui me fait penser qu'il faut que je rajoute son nom à ma liste d'auteurs à découvrir !).

esperluette a écrit:

Justement l'éditrice nous avait un peu parlé des collections des éditions Zoé, et il y en avait une qui s'attachait à faire découvrir des auteurs étrangers importants et méconnus en France, j'imagine que Les filles du préfet appartient à cette collection.

Je leur ai envoyé un mail en février pour savoir s'ils envisageaient un jour de traduire Fredrika Bremer (auteur suédoise dont j'ai parlé dans le premier post de ce topic, et comparée à Jane Austen et Charlotte Bronte), je n'ai pas eu de réponse