Alfred Hitchcock and the Making of Psycho, de Sacha Gervasi (2013)

INTERVIEW - L'acteur campe le maître du suspense dans le film Hitchcock qui raconte le tournage de Psychose. Sortie en France le 13 février. Entretien exclusif.

Tenant le combiné d'une main, l'homme, très corpulent, passe sa commande. «Allô, Maxim's?, dit-il d'une voix traînante. Pourriez-vous me faire parvenir un kilo et demi de foie gras?» Bajoues imposantes, crâne bien dégarni, bedaine protubérante sanglée dans un costume noir à la coupe irréprochable. De profil, la silhouette est reconnaissable entre mille. C'est bien celle d'Alfred Hitchcock. En fait incarné ici par l'acteur, qui porte les mêmes initiales, Anthony Hopkins, saisissant de ressemblance.

C'était le 25 mai aux Studios Red au cœur du vieil Hollywood, sur ce même plateau où Michel Hazanavicius a filmé le numéro de claquettes final de The Artist. Trente et unième jour de tournage de Hitchcock, réalisé par le Britannique Sacha Gervasi (scénariste de Terminal).

Adapté du livre du journaliste Stephen Rebello, le film retrace les tribulations de la production de Psychose dont le tournage a eu lieu du 11 novembre 1959 au 1er février 1960. Sacha Gervasi s'attache aussi à jeter une lueur oblique et révélatrice sur ses protagonistes, à commencer par le maître du suspense qui allait signer là son film le plus noir… Tandis que l'équipe s'affaire aux préparatifs de la prochaine séquence, entre deux prises, sir Anthony Hopkins se confie au Figaro.

LE FIGARO. - Après Nixon et Picasso vous incarnez une autre personnalité de légende…

Anthony HOPKINS .- (Visiblement ému.) C'est le rôle le plus complexe qu'il m'ait été donné de jouer depuis longtemps et aussi le plus intéressant. Dans ce film, je trouve le parcours de Hitchcock particulièrement émouvant. J'ignore pourquoi au fond, mais je ne me suis jamais senti aussi vulnérable. Quand on a été acteur longtemps, on finit par gagner une certaine confiance en soi. Je crois qu'il est bon, de temps en temps, d'être un peu ébranlé et moins sûr de soi… J'étais terriblement anxieux le premier jour du tournage et ça m'arrive encore. Il y a toujours l'angoisse taraudante de ne pas atteindre la note juste à chaque fois. Cela exige constamment une énorme dose d'énergie mais je suis très heureux du défi. Car c'est un privilège de faire partie de la distribution de ce film. (Après une pause, soudain les larmes aux yeux.) Je ne sais pas pourquoi je deviens si ému quand j'en parle…

Étiez-vous fan de Hitchcock avant de faire le film?

Oui, de longue date. Je me souviens avoir vu Une femme disparaît étant gamin. Si Fenêtre sur cour reste mon film préféré à ce jour, j'ai un faible pour Sueurs froides :la musique de Bernard Herrmann m'avait envoûté et profondément marqué. Voyez-vous, je suis devenu acteur par défaut. Je rêvais d'être musicien mais le hasard et les circonstances de la vie en ont décidé autrement.

Avez-vous eu l'occasion de rencontrer Hitchcock?

Oui, une seule fois, ici à Los Angeles, fin 1979 ou début 1980, au restaurant Ma Maison, très à la mode à l'époque. Il y avait ses habitudes. Il venait d'être anobli. Nous avions le même agent, George Chasin, qui nous a présentés. Il était assis à sa table, énorme et l'air souffrant. Je lui ai simplement serré la main sans avoir le temps de lui dire grand-chose. Visiblement, il n'avait pas très envie de parler. Mais c'était déjà quelque chose pour moi.

Quelles recherches avez-vous effectuées pour préparer ce rôle?

J'ai lu plusieurs livres sur lui, notamment La Face cachée d'un génie, superbe biographie de Donald Spoto. J'ai revu tous ses films, bien sûr, y compris les muets de ses débuts. J'ai visionné quelques documentaires le montrant au travail, en train de diriger ses acteurs. J'ai aussi revu certaines de ses interviews télévisées, notamment celles avec Dick Cavett et Tom Snyder, dont une datant de 1973 très révélatrice. En fait, il ne se livrait pas beaucoup, ménageant sa vie privée. C'était un homme très complexe et je pense que ce film réussit à montrer un peu de cet aspect plus méconnu. Je me suis souvenu d'un déjeuner de Noël chez James Stewart, en 1981. Il nous racontait qu'il restait toujours sur le plateau même lorsque sa présence n'était pas requise, fasciné par Hitchcock. Un homme très coriace, entêté. Plusieurs de ses collaborateurs ont avoué qu'il était souvent insupportable, difficile à satisfaire. Mais il savait exactement ce qu'il voulait voir à l'écran. Autant d'informations que j'ai ensuite laissé infuser…

Et pour la ressemblance physique?

(Rires.) Je me suis simplement mis au régime pizza et McDo! En fait, je porte un faux ventre, ce qui affecte d'ailleurs mon centre de gravité. Je dois donc faire attention en marchant à ne pas trébucher. Ce n'est pas très pesant mais fatigant après une longue journée de tournage. D'autant que j'ai deux heures de maquillage chaque matin pour appliquer les couches de latex qui simulent son imposant double menton… Ça n'est pas un tournage facile mais toute cette expérience est merveilleuse et gratifiante.

Pour Sacha Gervasi, le film est aussi une histoire d'amour qui met l'accent sur l'influence déterminante de sa femme Alma, interprétée par Helen Mirren…

On sait assez peu de chose sur elle car elle semblait toujours un peu en retrait, pour lui laisser toute la gloire et la reconnaissance. Elle était sa monteuse au départ. Son avis était capital dans tout le processus et les décisions artistiques de chacun de ses films. Il l'écoutait beaucoup et la consultait sur tout. À l'époque du tournage de Psychose, ils étaient mariés depuis trente-trois ans. Elle était sa meilleure amie, sa confidente la plus proche et quelqu'un en qui il avait toute confiance. Elle pouvait se permettre de lui dire ses quatre vérités. Vous verrez d'ailleurs dans le film une scène où elle lui reproche violemment son obsession et ses fantasmes pour les actrices blondes.

Cela peut sembler incroyable, mais vous n'aviez encore jamais tourné avec Helen Mirren…

En effet. Alors cela a été un vrai bonheur de pouvoir enfin travailler ensemble. Quelle puissance de jeu. Elle donne beaucoup. Un rêve.

Et Scarlett Johansson dans le rôle de Janet Leigh?

Elle est formidable et sa ressemblance avec Janet Leigh, troublante. Quelque chose dans sa transformation physique, la manière dont son visage bouge. Elle a énormément de talent, comme d'ailleurs tout le reste de ce casting.

Quand avez-vous vu «Psychose» la première fois?

À Manchester où j'ai débarqué par un lugubre dimanche, le 16 octobre 1960… Je n'ai jamais oublié ce choc. Psychose est un film à part dans la carrière ­de Hitchcock qui était alors âgé de 60 ans et pas en très bonne santé. C'est une rupture avec ses thrillers Technicolor glamour comme La Main au collet et La Mort aux trousses. D'ailleurs, les pontes de la Paramount pensaient qu'il était fou de vouloir ainsi rompre avec la formule à succès pour faire un film à petit budget, en noir et blanc, sans star. Ils ont refusé de financer ce projet. Ce qui a contraint Hitchcock à hypothéquer sa propriété de Bellagio Road, à Bel-Air.

Que représente pour vous le cinéma de Hitchcock?

Celui d'un superbe maître absolu et pas seulement du suspense. Innovateur quant à la forme et dans l'utilisation de la caméra mais également dans ses rapports avec les acteurs. Il n'aimait pas les adeptes de la méthode Actors Studio et se targuait, avec raison, que sa caméra disait la stricte vérité. À l'instar d'Orson Welles, il a brisé toutes les règles et pris des risques comme seuls les génies ont le courage de le faire.

femme au foyer ne vivant que pour le génie de son mari, et qui souhaiterait parfois explorer un peu le monde par elle-même

Particulièrement la scène du tournage de la scène de la douche, où c'est Hitchcock lui-même qui distribue les coups de couteaux imaginant que dans la douche, ce n'est plus Janet Leigh mais le censeur, sa femme, et tous les gens lui ayant causé du tort^^

Sa petite danse mimant les coups de couteaux au rythme de la musique est fa-bu-leuse!! j'en perds même mon dictionnaire des synonymes!!