Une auberge pour les admirateurs de Jane Austen, et bien plus encore... |
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| Ré-écritures, fanfictions et droit d'auteur | |
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Panda Un beau geste, j'espère.
Nombre de messages : 4993 Age : 38 Date d'inscription : 28/11/2009
| Sujet: Ré-écritures, fanfictions et droit d'auteur Ven 31 Aoû 2012 - 10:47 | |
| Depuis que je suis au Royaume-Uni, je vois fleurir dans les vitrines, sur des pans entiers de mur de librairies ou dans des publicités la trilogie Fifty Shades of Grey. Initialement, ce roman n’était rien d’autre qu’une fanfiction* de Twilight, publiée parmi tant d’autres sur un site spécialisé. Les derniers développements du sujet consacré à ce livre ( ), ainsi que les nombreux livres ou adaptations qui voient le jour (qui peuvent être un véritable travail de ré-écriture – je pense notamment à Bridget Jones, ou plus récemment à The Lizzie Bennet diaries -, ou de livres pouvant être qualifiés de fanfictions (comme les fameux journaux de Mr. Darcy, Mr. Tilney (Mr. Tilney ) etc.) m’ont amené à ouvrir ce sujet. Si certaines œuvres ne posent pas particulièrement de problème quant aux droits d’auteurs (c’est très souvent le cas avec les romans de Jane Austen, l’auteur étant malheureusement (ou bien heureusement) (Jane Austen Zombie : elle a vu vos adaptations et elle n’est pas contente ) morte depuis de très nombreuses années, ses écrits ne sont plus protégés par les droits d’auteurs) pour d’autres la question se pose. Que protègent les droits d’auteurs ? Pouvons-nous faire des fanfictions en sifflotant tranquillement dans les prés ? Jusqu’à quel point une œuvre se doit-elle d’être originale pour être protégée ? Avant de vous laisser débattre tranquillement, je vais essayer de rappeler (sans trop faire d’erreur) quelques notions de droit d’auteurs, notamment en France et en Grande Bretagne. Ouvrez bien les yeux, ça va être passionnant ! La naissance du droit d’auteur :Pour alléger le sujet, je vais mettre ces maigres développements sous spoiler : - Spoiler:
en FranceEn France, le droit d’auteur naît dès la création de l’œuvre. Il n’est pas nécessaire de faire de démarches particulières quant à sa protection, même s’il est recommandé, d’un point de vue pratique, de mettre en place un système pouvant prouver la paternité de l’œuvre (l’enveloppe Soleau est assez connue pour cela, mais s’envoyer une lettre en recommandé est censé pouvoir suffire, la date figurant sur le cachet de la poste faisant foi – attention aux étourdis : il ne faut pas ouvrir l’enveloppe chez soi, sinon votre preuve est partie en fumée ). Au Royaume UniD’après le site de l’ Intellectual Property Office , le droit d’auteur est lui aussi protégé dès la naissance de l’œuvre ( « Copyright is an automatic right, which means you don’t have to apply for it ») Aux Etats-UnisD’après le site copyright.gov, l’œuvre créée est protégée dès sa naissance, mais la déclaration de cette dernière est nécessaire pour pouvoir faire une action en justice visant à la protéger. ( “In general, registration is voluntary. Copyright exists from the moment the work is created. You will have to register, however, if you wish to bring a lawsuit for infringement of a U.S. work.”) La distinction droit moral et droit patrimonial: Même punition ! - Spoiler:
En France et Royaume-Uni, le législateur dissocie les droits moraux (incessibles et liés à l’auteur) aux droits patrimoniaux (cessibles, quant à eux). les droits morauxLes droits moraux protègent l’intégrité de l’œuvre et son auteur. En France, il s’agit du droit de divulgation de l’œuvre, de la paternité (nom de l’auteur), au respect de l’intégrité de l’œuvre (on ne peut pas la dénaturer ou la détruire. Ainsi, si vous achetez le tableau d’un artiste, vous n’avez pas le droit de le brûler. De manière plus générale, on ne peut pas la modifier ou la dénaturer) et de repentir (l’auteur peut décider de retirer l’œuvre du grand public après divulgation. Evidemment, si un contrat a été signé avec une maison d’édition, cela peut entraîner des dommages-intérêts). Ces droits sont incessibles et protègent l’œuvre pendant la vie de l’auteur et jusqu’à 70 ans après sa mort. Au Royaume-Uni, les droits moraux concernent : le droit d’être reconnu comme l’auteur de l’œuvre, l’intégrité de l’œuvre et le droit de divulgation (il n’existe donc pas de droit de repentir, mais je peux avoir mal lu). Pour plus de précision, vous pouvez lire la section dédiée aux droits moraux du Copyright, Designs and Patents Act 1988. Les Etats-Unis ont accepté de concevoir que les droits moraux puissent exister après la signature de la Convention de Berne (qui explique notamment aux états qu’ils doivent protéger les œuvres étrangères comme une œuvre nationale : si vous pensez que télécharger un film non licencié en France vous protège, vous avez tout faux si le pays dont est issu l’œuvre est signataire de cette convention ). Néanmoins, cela reste l’état le plus réfractaire aux droits moraux (enfin, d’après internet, et on sait tous et toutes qu’internet… . Les droits patrimoniauxCe sont ceux qui intéressent notamment les maisons d’éditions (et les Etats-Unis). Ce sont des droits cessibles et relatifs à l’exploitation de l’œuvre (si l’auteur a accepté de divulguer son œuvre), qui peuvent être cédés pour une durée limitée. Ils vont permettre notamment de publier des livres ou des films sur divers supports, d’en faire la publicité etc. Les exceptions aux droits d’auteursIl existe certaines exceptions aux droits d’auteurs. En France, c’est assez simple de s’y retrouver : elles sont citées par le Code de la propriété intellectuelle : - La diffusion (gratuite) dans le cercle familial (et comme cela n’apparaît pas dans le nom, le cercle familial est constitué de la famille et des amis très proches) - La copie privée - L’utilisation de courtes citations (avec citation de l’auteur) - Les parodies ou caricature de l’œuvre - Reproduction ou diffusion d’extrait de l’œuvre à des fins d’information (comme pour les revues de presse, par exemple) - L’exception pédagogique (parce que l’école c’est bien) Il me semble que la France est un des pays les plus sympa en matière d’exception au droit d’auteur, mais le Royaume Uni et les Etats-Unis semblent s’ouvrir un peu plus au concept de fair use, notamment en ce qui concerne la copie privée, etc. etc. L’œuvre protégéeEn gros, pour être protégée, l’œuvre doit être originale, c’est-à-dire… euh… n’existant pas auparavant (en France, les juges ont décidé de ne pas regarder la « qualité » de l’œuvre afin d’éviter toute subjectivité). Et c’est là qu’apparaît notre grand problème avec les fan-fictions et les travaux de ré-écriture ! En effet, si l’œuvre initiale est protégée dès sa naissance, pouvons-nous l’utiliser pour créer des fanfictions et les publier gratuitement ? Une fanfiction ou le travail de ré-écriture peut-il être considéré comme assez original (nouveau) pour être considéré comme une nouvelle œuvre ? Le fait de rendre hommage à une œuvre que l’on aime bien peut-il être mal perçu ? Certains auteurs y sont plutôt réfractaires : Anne Rice a ainsi interdit le fait d’utiliser ses personnages pour en faire des fanfictions "I do not allow fan fiction. The characters are copyrighted. It upsets me terribly to even think about fan fiction with my characters. It is absolutely essential that you respect my wishes." ) et G.R.R. Martin a répété à plusieurs reprises être contre les fanfictions ( et ). J’ai trouvé un développement de G.R.R. Martin intéressant d’un point de vue moral, - Spoiler:
- G.R.R Martin a écrit:
- I think the fan fictioneers write about certain characters because they love them. And I think the writers who object to having their characters written about do so because they love them too. Which brings us back to the "my characters are my children" thing, which may be central.
Et deux autres d’un point de vue plutôt légal : - Spoiler:
- G.R.R Martin a écrit:
- Myself, I think the writers who allow fan fiction are making a mistake. I am not saying here that the people who write fan fiction are evil or immoral or untrustworthy. The vast majority of them are honest and sincere and passionate about whatever work they chose to base their fictions on, and have only the best of intentions for the original author. But (1) there are always a few, in any group, who are perhaps less wonderful, and (2) this door, once opened, can be very difficult to close again.
Most of us laboring in the genres of science fiction and fantasy (but perhaps not Diana Gabaldon, who comes from outside SF and thus may not be familiar with the case I am about to cite) had a lesson in the dangers of permitting fan fiction a couple of decades back, courtesy of Marion Zimmer Bradley. MZB had been an author who not only allowed fan fiction based on her Darkover series, but actively encouraged it... even read and critiqued the stories of her fans. All was happiness and joy, until one day she encountered in one such fan story an idea similar to one she was using in her current Darkover novel-in-progress. MZB wrote to the fan, explained the situation, even offered a token payment and an acknowledgement in the book. The fan replied that she wanted full co-authorship of said book, and half the money, or she would sue. MZB scrapped the novel instead, rather than risk a lawsuit. She also stopped encouraging and reading fan fiction, and wrote an account of this incident for the SFWA FORUM to warn other writers of the potential pitfalls of same.
That was twenty years ago or thereabouts, but that episode had a profound effect on me and, I suspect, on many other SF and fantasy writers of my generation - G.R.R. Martin a écrit:
- If someone infringes on your copyright, and you are aware of the infringement, and you do not defend your copyright, the law assumes that you have abandoned it. Once you have done that, anyone can do whatever the hell they want with your stuff.
D’autres encouragent leurs lecteurs à en écrire, à condition de ne pas le faire à titre commercial ou lucratif, comme JK. Rowling. Et d’autres, enfin, s’en fichent complètement. Pour aller un peu plus loin, je (re)conseille un article donné par notre admin vénéré dans le sujet Classiques revus et corrigés et… pimentés ! : qui retrace l’histoire des fanfictions et qui parle de manière très intéressante de la relation entre les auteurs et la fanfiction. On y a notamment les points de vues de Douglas Adams, qui considère que c’est plutôt bien pour les ventes de son livre, ou de JK. Rowling. On y retrouve également certains arguments avancés par G.R.R. Martin concernant la perte de contrôle des personnages créés. Cet article pointe d’ailleurs du doigt le problème de l’originalité : - Citation :
- We should not consider EL James an author in the conventional sense for the same reasons that we wouldn't call someone from before the invention of copyright an author. Rather, her books are like medieval lore – in a sense she doesn't own the content. This content was circulating in 60,000 variations among the fanfic of other Twilight fans for years before she even created the books. Like a gambling machine with a limited number of options for recombination, the story was going to eventually be spat out as a win for somebody. This isn't an example of plagiarism but a return to an earlier notion of collective creation. Fifty Shades is a book with 60,000 authors.
The only innovation is not in the story itself but in the delivery system that launched it – Amazon KDP. Without Kindle the book(s) would never have escaped the gravitational pull of fanfic sites and would not have been able to earn their author any money.
Bon, et après tout ça, je n’ai malheureusement plus rien de pertinent à dire, mais je serai ravie de lire ce que vous avez à dire sur le sujet, sur l’intérêt que vous portez aux fan-fictions ou aux réécritures ! * une fanfiction est une fiction écrite par un fan reprenant des éléments originel de l’œuvre qu’il apprécie. Il peut s’agit des personnages, des lieux, d’éléments de la trame, mais le plus souvent des trois à la fois. Cependant, la trame n’a pas nécessairement à être respectée (certaines fan-fiction se passent dans des « univers alternatifs » (sans magie, pour Harry Potter, par exemple)).
Même si, à titre personnel, je préfère celle donnée par G.R.R. Martin : In those days, however, the term did not mean "fiction set in someone else's universe using someone else's characters." It simply meant "stories written by fans for fans, amateur fiction published in fanzines."
Dernière édition par Panda le Ven 31 Aoû 2012 - 11:18, édité 1 fois |
| | | Selenh Méchante Femme Savante
Nombre de messages : 7065 Age : 65 Localisation : Aquitaine. Date d'inscription : 24/02/2010
| Sujet: Re: Ré-écritures, fanfictions et droit d'auteur Ven 31 Aoû 2012 - 11:13 | |
| Rien de pertinent à ajouter pour le moment.
Mais l'expression de mon admiration, c'est un article passionnant, d'un niveau qui atteint largement celui d'un magazine littéraire (ou non, d'ailleurs).
Et le droit d'auteur, sur lequel je suis obligée de plancher régulièrement pour des raisons diverses, c'est pas le plus sexy des sujets, soyons formel.
J'admire tout particulièrement l'équilibre entre ta synthèse et les citations, pourtant longues. Un grand, grand bravo, et c'est dit par quelqu'un dont l'analyse d'article aussi est malheureusement l'une des spécialités, malheureusement parce que je m'ennuie viiiiite en les lisant. |
| | | marie21 Lost in RA Sunbae
Nombre de messages : 19045 Age : 45 Localisation : In a forest, halfway from the Peak District to Seoul with a stopover in Istanbul Date d'inscription : 25/09/2006
| Sujet: Re: Ré-écritures, fanfictions et droit d'auteur Ven 31 Aoû 2012 - 12:33 | |
| Merci beaucoup Panda pour cette superbe introduction dans le monde des fanfics et des droits d'auteur les concernant! tes explications sont très claires, surtout que ces questions de droits d'auteur varient d'un pays à un autre, et d'auteur à un autre... je savais pour Fifty Shades of Grey, que c'était soit disant une fanfic de Twilight, pourtant pour moi, c'est une œuvre à part entière et j'ai vraiment du mal à trouver de liens entre les deux, à part peut-être le côté manipulateur d'Edward/Grey... |
| | | Fée clochette Soul dancing on the breeze
Nombre de messages : 26773 Age : 79 Localisation : sur le chapeau de Mrs Bennet, ayez pitié de mes pauvres nerfs ! Date d'inscription : 03/03/2008
| Sujet: Re: Ré-écritures, fanfictions et droit d'auteur Ven 31 Aoû 2012 - 13:36 | |
| Merci Panda, j'ai eu un peu de mal à comprendre les variations des droits par pays... n'y-a-t-il pas de droit international qui peut jouer lors des litiges ? Sinon, j'ai lu quelques fanfictions, et des suites... Je n'aime pas trop les fanfictions, car elles reprennent une partie des auteurs des livres et détournent l'histoire, ce qui est une erreur, sachant que le vrai livre est toujours mieux que certaines de leur élucubrations... dans ce cas précis, je me demande vraiment pourquoi, les histoires reprennent les noms des héros inventés par une autre. Les suites me plaisent plus , ( sur internet il y a de tout et certaines en plus c'est la grande majorité). Mais j'ai trouvé tout de même quelques histoires qui sont à suivre attentivement. |
| | | Elisha Ready for a strike!
Nombre de messages : 1310 Age : 36 Date d'inscription : 24/12/2008
| Sujet: Re: Ré-écritures, fanfictions et droit d'auteur Ven 31 Aoû 2012 - 16:28 | |
| Tout d'abord, je tiens à te féliciter Panda pour ce 1er post tout à fait passionnant Je trouve très intéressant de voir de plus en plus d'articles sur le phénomène de la fanfiction paraître dans des quotidiens. Mais j'avoue que j'ai toujours un peu du mal avec ces articles que je trouve jamais très objectifs. L'article posté par Cat est de le loin le meilleur que j'ai lu sur le sujet vu que les autres faisaient plus du "fanfiction bashing" et prenaient les pires idées de fanfiction qu'on peut trouver et les présentaient comme représentatifs de toutes les fanfictions liées à ce livre/ce film/cette série. Toutefois, même si j'ai trouvé l'article très intéressant, après j'ai lu une partie des commentaires de l'article, je suis pas sûre que tous les faits soient justes (et je sais en tout cas que la définition de "slash" est fausse). Je suis non plus très sûre de l'objectivité de l'auteur qui a l'air plutôt contre les fanfictions... Après, il est aussi relativement difficile d'être objectif sur un sujet comme celui-ci. De ce que j'ai lu des commentaires, j'ai surtout retenu deux choses: - le site Fanlore qui m'a l'air très intéressant pour l'histoire du fandom et de la fanfiction - la question de Wide Sargasso Sea. En quoi finalement cette oeuvre est-elle plus qu'une fanfiction? J'ai l'impression que de toutes les oeuvres qui sont des ré-écritures/suites/"prequels" de romans de Jane Austen et des soeurs Brontë, Wide Sargasso Sea est vraiment considéré comme une oeuvre à part entière. La preuve, je l'ai lu en classe d'anglais mais je ne l'ai pas lu en tant que livre accompagnant Jane Eyre, je l'ai lu seul, ses liens avec Jane Eyre ont été expliqués mais nous nous avons pas lu Jane Eyre (enfin moi si, mais c'est une autre histoire ). Je pense pas qu'il viendrait à l'esprit d'un prof de faire pareil avec le journal de Mr Darcy par exemple. (J'espère que je suis pas trop HS avec mes réflexions, mais ce statut de Wide Sargasso Sea m'a toujours intriguée... ) Par rapport à Fifty Shades of Grey, je suis assez d'accord avec Marie. Le produit final, s'il a été une fanfiction Twilight au début, n'a plus rien à voir avec Twilight. Nous avons aucune trace du monde vampiresque mis en place par Stephenie Meyer. Les personnages sont peut-être assez proches de ceux décrits par Stephenie Meyer mais vu le changement de monde, c'est finalement assez difficile à dire. |
| | | Selenh Méchante Femme Savante
Nombre de messages : 7065 Age : 65 Localisation : Aquitaine. Date d'inscription : 24/02/2010
| Sujet: Re: Ré-écritures, fanfictions et droit d'auteur Ven 31 Aoû 2012 - 16:54 | |
| - Elisha a écrit:
- la question de Wide Sargasso Sea. En quoi finalement cette oeuvre est-elle plus qu'une fanfiction? Tu as raison, dans l'absolu, techniquement comme on dit. Sauf que c'est pas très "fan" comme fiction, déjà... En tout cas on peut au moins le classer dans les prequels. Mais on met sans doute ce roman à part pour deux (ou trois) raisons assez pertinentes: il précède de loin le phénomène des fanfictions dans le temps d'abord. Et surtout le projet en est démystificateur par rapport au roman d'origine, et pas simplement de façon ludique: retournant le personnage de Rochester pour en lire l'envers social, on interroge dans l'histoire de prince-amoureux-d'une-bergère ce qu'est le héros beau ténébreux «en vrai», IRL, si je puis me permettre. Critique quasi marxiste d'une littérature qui fait l'impasse sur les "péchés" sociaux, de classe veux-je dire, d'un personnage idéalisé en époux très désirable. La raison trois ou deux et demi, c'est encore le projet de critique sociale avec la démonstration des ravages individuels et sociaux du colonialisme, de l'esclavage etc pratiqués par une classe sociale historiquement perverse dont Rochester est un représentant. Ce qui est ajouté par Rhyss, tandis que la carte d'identité sociale du personnage peut être lue en creux dans Jane Eyre même. |
| | | Panda Un beau geste, j'espère.
Nombre de messages : 4993 Age : 38 Date d'inscription : 28/11/2009
| Sujet: Re: Ré-écritures, fanfictions et droit d'auteur Ven 31 Aoû 2012 - 22:37 | |
| Merci pour vos réponses ! (et vos compliments ) Je n'avais jamais entendu parler de Wide Sargasso Sea et je dois dire qu'avec Fifty Shades of Grey, ils tombent exactement dans ce qui m'intéresse : à partir de quel moment une oeuvre peut-elle être considérée comme assez original pour être qualifiée, non pas de fanfiction ou de ré-écriture, mais d'oeuvre à part entière ? Par exemple, je me demande si Sherlock et Bridget Jones auraient pu voir le jour si Sir Arthur Conan Doyle et Jane Austen étaient encore vie (et s'ils n'avaient pas donné leurs accords. Et en imaginant que la série Sherlock s'appelle... euh... Hemlock). Pour Fifty Shades of Grey et Twilight, votre parole fera office d'évangile, car je n'ai lu aucun des romans et les comparer me sera donc difficile Fée Clochette, tu poses une autre question qui m'intéresse, mais qui a été aussi soulevée par G.R.R. Martin : le fait d'aimer une histoire légitimise-t-elle le fait d'en détourner les héros et / ou la trame ? Personnellement, je ne voyais pas franchement le mal que les fanfictions pouvaient faire, je trouvais même ça plutôt mignon. Maintenant, je comprends aussi que les auteurs n'aiment pas voir leurs héros « maltraités » (mal traité serait plus juste ) et les risques que cela peut faire porter à leur créativité (je ne reviens toujours pas de l'anecdote sur Marion Zimmer Bradley ) ----- Edit : Fée Clochette, j'en ai oublié de répondre à ta question sur le droit international Il y a la Convention de Berne, qui est très importante ( ) : elle impose aux états signataires de protéger les oeuvres d'autres pays comme ils protégeraient une oeuvre nationale et imposent d'autres règles (aux pays signataires, toujours) comme la durée minimale de protection des oeuvres originales serait ainsi de 50 ans après la mort de son auteur ou l'existence du droit moral. Le droit international peut uniformiser un minimum les règles de droit (en imposant des règles générales, par exemple), mais il n'impose que des bases : les différents pays peuvent décider d'être plus strict (ou plus large, selon la formulation de la règle de droit). La France, par exemple, respecte le minima de protection de l'oeuvre et va même plus loin que ce que la convention prévoit en décidant que l'oeuvre est protégée jusqu'à 70 ans après la mort de l'auteur (ou du traducteur, s'il s'agit d'une traduction). Et là où ça peut devenir très compliqué, ce sont avec les conventions bilatérales signées entre deux pays régulant de manière spéciales la façon dont seront gérées les droits d'auteurs entre ces deux pays (en générale, on y parle de protection de l'oeuvre venant du pays co-signataire). Bon, je dis bilatérales, mais ça vaut aussi pour les petites conventions en trois ou quatre pays, hein, c'est juste pour dire qu'il peut exister une multitude de règles et que ça devient compliqué |
| | | Fée clochette Soul dancing on the breeze
Nombre de messages : 26773 Age : 79 Localisation : sur le chapeau de Mrs Bennet, ayez pitié de mes pauvres nerfs ! Date d'inscription : 03/03/2008
| Sujet: Re: Ré-écritures, fanfictions et droit d'auteur Sam 1 Sep 2012 - 13:21 | |
| - Panda a écrit:
- Personnellement, je ne voyais pas franchement le mal que les fanfictions pouvaient faire, je trouvais même ça plutôt mignon.
Elles font du mal, c'est mon point de vu personnel, car je n'en ai jamais trouvée une de très bien écrite... suis difficile... Une suite c'est totalement différent, elle laisse plus de fantaisie, donc de création véritable, ... dans la mesure où l'auteur est mort depuis pas mal de siècles ... quand l'histoire est tombée dans le domaine publique et que des films existent. (j'élimine d'emblée les livres actuels "dits épicés et pimentés" cela dénature l'oeuvre d'une façon malsaine, plus que cela n'apporte à l'imagination) mais je m'égare dans d'autres considérations. Merci pour la réponse "droit international" Panda |
| | | Zakath Nath Romancière anglaise
Nombre de messages : 4814 Age : 41 Date d'inscription : 04/11/2007
| Sujet: Re: Ré-écritures, fanfictions et droit d'auteur Sam 1 Sep 2012 - 15:28 | |
| Merci pour ce sujet et la présentation détaillée . Par contre, Fée Clochette, je ne suis pas d'accord vis-à-vis du fait que les fanfictions "fassent du mal" (et les suites sont aussi des fanfictions, pourquoi séparer les deux?). Bien sûr, on en trouve écrites avec les pieds (Fanfiction.net n'a pas beaucoup de restrictions et est très fréquenté, du coup on trouve de tout et n'importe quoi. Mais si on va sur les communautés livejournal, par exemple, il y a déjà davantage d'exigence au niveau du style) mais l’œuvre de base ne va pas en souffrir et pas grand monde n'est dupe. Généralement, on se rend compte dès le début de la fic si l'auteur se défend bien ou non, et on passe vite à autre chose dans le second cas. Les romans de base ne sont pas modifiés et les lecteurs font généralement la différence entre eux et ce qu'on leur propose dans les fanfictions. Ils ne vont pas en lire d'ailleurs pour retrouver l'égal de la prose de l'auteur d'origine et généralement, quand un auteur de fanfiction prétend avoir fait mieux ou corriger les "erreurs" de l'auteur, il se fait habiller pour l'hiver. La fanfiction permet un bien plus grand champs d'action que tu sembles le considérer. Ce n'est pas simplement une question de suites ou de préquelles, mais ça permet aussi de développer des personnages secondaires, de s'amuser avec des univers alternatifs (et si un personnage avait choisi de faire ceci plutôt que cela). Ce sera plus ou moins bien traité selon le talent des auteurs, mais c'est intéressant, et c'est bien moins restrictifs que de ce cantonner à des suites, justement. Bien sûr, on va trouver des personnages mal aimés dans certains fandoms qui seront souvent maltraités, au point qu'on a parfois eu des "sociétés de défense", proposant des fanfictions pour rééquilibrer cette vision (par exemple, Ron Weasley est souvent présenté sous ces pires travers dans des fics du fandom Harry Potter - on exagère ses défauts présents dans les livres, et on en rajoute au passage - mais du coup en réaction on a eu des fics prenant soin de réhabiliter le pauvre garçon). Tu sembles penser que les suites ne concernent que les auteurs morts dont l’œuvre est tombée dans le domaine public, mais là encore, il n'y a pas de différence. On trouve aussi sur le net des fanfictions qui proposent de suites, parfois d’œuvres pas tombées dans le domaine public, parfois si. La seule différence entre une suite d'un roman de Jane Austen publié, par exemple et une diffusée sur ff.net, ce sera que la première sera normalement passé par les mains d'un éditeur, d'un correcteur professionnel, donc a priori elle devrait être mieux écrite, mais ce n'est pas toujours le cas, et que pour la seconde, son auteur ne touchera pas un rond, et dans ce cas, pourquoi l'auteur mettant sa fic gratuitement sur fantiction.net et n'étant payé que par des commentaires devrait-il être moins considéré qu'un auteur qui fait du profit en faisant à la base la même chose? Margaret Mitchell ne voulait pas de suite à Autant en Emporte le vent, et ses héritiers ont passé outres avec Scarlett, notamment. En quoi un auteur de fanfictions qui va gentiment délirer en écrivant un slash Rhett/Ashley que personne ne prendra au sérieux fait-il plus de mal qu'une suite qui a l'aval des ayant-droits mais qui est à la base purement commerciale et impose au lecteur une suite plus ou moins officielle à un roman qui n'en demandait pas et le laissait rêver? Dans le cas des auteurs vivants, ça semble se faire à l'amiable. Certains sont indifférents ou encouragent (parfois eux-même ont écrit des fanfictions après tout) du moment qu'il n'y a pas de profit financier et parfois c'est même positif (quand un tome tarde à venir, se distraire avec des fanfics, ça aide, et ça garde le fandom vivant une fois l’œuvre terminée). Quand ce n'est pas le cas, je respecte leur décision, pour autant, je ne suis absolument pas d'accord avec les arguments avancés par GRR Martin et Robin Hobb. Qu'ils considèrent leurs personnages comme leurs enfants, c'est compréhensible, mais un parent doit accepter que leurs enfants deviennent indépendants et ne suivent pas la trajectoire prévue. Sinon, ils les enferment à la maison. Pareil pour les romans. À partir du moment où ils publient, c'est pour partager, et ils doivent faire avec le fait que leur livress, fanfiction ou non d'ailleurs, ne seront pas toujours interprétés comme ils le voudront, que les personnages qu'ils aiment le plus ne seront pas les préférés du publics et inversement, et que peut-être, les lecteurs préféreraient une autre fin, etc. L'auteur de fanfiction ne va faire que mettre par écrit ce que les livres lui inspirent et vouloir les partager, mais c'est ce qu'on fait tous à la lecture d'un bouquin, de toute façon: on ne voit pas tout exactement comme l'auteur et on ne se contente pas de lire ce qui est écrit, on remplit les trous, on se pose des questions, on imagine, etc. La fanfiction n'est qu'une concrétisation de cela. Pour Wide Sargasso Sea et globalement ce qui est considéré comme de la fanfic ou non parmi les œuvres dérivées publiées, je pense que plusieurs choses jouent. Même si a priori ça ne devrait pas, parce qu'à l'origine ça reste de la fanfiction, on a tendance à considérer que si le récit est de qualité, ça n'en est pas (ce qui est un peu injuste et n'aide pas à apprécier la fanfiction). Wide Sargasso Sea a une écriture et une narration quand même très recherchée, ce qui n'est pas le cas de la majorité des fanfictions, même si on y trouvent des perles. Si en plus il y a une relecture plutôt critique du roman d'origine, ça va être davantage reconnu également que s'il s'agit juste d'imaginer Elizabeth et Darcy après Orgueil et Préjugés dans un récit qui ne bousculera pas trop ce qui a été établi par Austen mais n'a d'autre prétention que de prolonger le plaisir des lecteurs en leur proposant de retrouver les personnages qu'ils aiment sans trop de bouleversement. Et il y a la notoriété du roman d'origine qui joue aussi. Jane Eyre, c'est un classique, par contre s'inspirer de Twilight qui n'est pas vraiment reconnu pour ses qualités littéraires, c'est tout de suite vu comme moins glorieux. |
| | | Fée clochette Soul dancing on the breeze
Nombre de messages : 26773 Age : 79 Localisation : sur le chapeau de Mrs Bennet, ayez pitié de mes pauvres nerfs ! Date d'inscription : 03/03/2008
| Sujet: Re: Ré-écritures, fanfictions et droit d'auteur Sam 1 Sep 2012 - 20:58 | |
| - Zakath Nath a écrit:
- les suites sont aussi des fanfictions, pourquoi séparer les deux, .... ça permet aussi de développer des personnages secondaires,
Je suis totalement d'accord avec toi, personnellement je sépare les deux, c'est ainsi. Ensuite, j'ai participé avec MissAcacia et Clinchamps à l'écriture de ce qui aurait pu se passer dans les "trous" des livres P&P et Persuasion de Jane Austen, (le temps passe à toute vitesse, c'était dans les débuts de L'inn at Lambton et les histoires dorment dans le fond du fond de l'Auberge), c'était fort amusant... Kibiko s'est même jointe à nous sur la fin. C'était stimulant ( je ne pratique que l'écriture solitaire)... cela m'a incitée à découvrir une foultitude de fictions dans toutes les langues et sur presque tous les sujets. Hélas j'ai souvent été très déçue. Par contre, je suis attentive à certaines histoires fictives régulièrement, car l'écriture est parfaite et l'imagination au rendez-vous. - Zakath Nath a écrit:
- Margaret Mitchell ne voulait pas de suite à Autant en Emporte le vent, et ses héritiers ont passé outres avec Scarlett, notamment. En quoi un auteur de fanfictions qui va gentiment délirer en écrivant un slash Rhett/Ashley que personne ne prendra au sérieux fait-il plus de mal qu'une suite qui a l'aval des ayant-droits mais qui est à la base purement commerciale et impose au lecteur une suite plus ou moins officielle à un roman qui n'en demandait pas et le laissait rêver?
J'ai lu la suite et j'ai été fort déçue aussi Zakath Nath, ton raisonnement est si bien structuré, tu es tellement persuasive que nul ne peut te résister je vais réviser ma théorie... |
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