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 Sur les traces d’Anne Brontë

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Leibgeber
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Leibgeber
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MessageSujet: Sur les traces d’Anne Brontë   Sur les traces d’Anne Brontë Icon_minitimeJeu 20 Juin 2013, 03:12

SUR LES TRACES D’ANNE BRONTË
EN CINQ PROMENADES


Anne Brontë est la moins populaire des sœurs Brontë, et je le dirai fort simplement : c’est immérité. Comme j'ai à le regretter au sein même de cette auberge imaginaire, sa lecture est faussée par le fait d'en attendre des passions analogues à celles offertes par Charlotte et Emily.

Toutefois, au lieu de me lancer dans un long plaidoyer en sa faveur, je voudrais faire découvrir sa vie et son œuvre à travers les lieux qui ont compté pour elle en vous proposant une suite de promenades littéraires que nous ferons d'un pas tranquille et contemplatif selon les habitudes d'Anne Brontë elle-même s'il faut en juger d'après son double Agnès Grey.

Je reconnais que mes photos ne sont pas de qualité égale, que l'on soit indulgent comme pour le reste, je n'entends pas faire un récit exhaustif de la vie d'Anne Brontë ni son portrait précis, mais seulement la rendre plus familière.

Bien ! Est-ce que tout le monde a pensé à se munir d'une ombrelle, le temps est en effet des plus changeants à Haworth ? Sinon, vous en trouverez dans les boutiques de souvenirs sur la grande-rue que nous allons grimper maintenant !

I
HAWORTH

Cadette d'une fratrie comptant déjà cinq sœurs et un frère, Anne Brontë naquit en 1820 dans le village de Thornton, à quelques kilomètres de Bradford dans le Yorkshire au nord de l'Angleterre - alors en plein développement industriel.

D'origine irlandaise modeste, son père, Patrick Brontë, était pasteur au sein de l’église anglicane, carrière qu'il embrassa après avoir été boursier à Cambridge. Sa mère, Maria Branwell, était issue pour sa part d'une famille aisée de Cornouailles.

C'est quelques semaines après la naissance d'Anne Brontë que sa famille quitta Thornton pour le village voisin de Haworth situé en lisière de landes qui devaient compter beaucoup dans la vie des enfants Brontë.

Un an plus tard, en 1821, alors qu'Anne n'était que bébé, sa mère succomba, après de grandes souffrances, à un cancer. Ce triste événement décida de l'emménagement à Haworth de la sœur de cette dernière, Elizabeth Branwell.

Ce ne fut pas la seule disparition qui marqua les premières années des enfants Brontë. En 1825, les deux sœurs aînées Maria et Elizabeth, âgées l'une de 11, l'autre de 10 ans, furent emportés à leur tour par des infections causées par les conditions sanitaires exécrables de la pension pour filles de pasteurs pauvres où elles avaient été placées avec leurs plus petites sœurs Charlotte et Emily.

Charlotte fera revivre plus tard le souvenir traumatique de Cowan Bridge dans Jane Eyre où elle dépeindra sa sœur Maria sous les traits d’Helen Burns, l'amie bonne, intelligente et pieuse de son héroïne enfant.

PHOTOS (À dérouler) :

Jusqu'en 1836 et ses 15 ans et demi, la vie d'Anne Brontë se déroula exclusivement au sein du presbytère familial aux côtés de ses sœurs et de son frère Branwell. Durant cette période, seule Charlotte, en 1831, alors qu'elle avait 14 ans, quittera Haworth pour entrer de nouveau en pension.

Privés de mère, les enfants Brontë eurent pour père un homme indubitablement bon, mais assez distant, sinon avec son fils Branwell, enfant surdoué sur lequel toute la famille fondait de grandes espérances. De même, l'affection d'Elizabeth Branwell pour ses nièces et son neveu semble avoir été peu effusive. L'on sait toutefois que celle-ci éprouvait une prédilection pour la petite Anne à la santé déjà fragile et qui souffrait de plus d'un défaut d'élocution. Elizabeth Branwell en fit même sa compagne de lit la nuit. Comme elle appartenait à la confession méthodiste, certains biographes et commentateurs en ont donné une image de vieille fille fanatique. Toutefois, le peu que l'on sache d'elle ne laisse en rien suggérer une telle conduite même si on ne peut exclure la possibilité que ses croyances aient laissé, d'une façon ou d'une autre, leur marque dans l'esprit des sœurs Brontë – Anne et Charlotte connaîtront en effet de grandes périodes de crise religieuse au fil des années.

Parmi les adultes entourant les petits Brontë, il ne se trouvera que la truculente servante Tabitha Aykroyd pour témoigner d'une attitude chaleureuse à leur endroit. Ceci étant, après de premières épreuves douloureuses, on peut dire que leurs années d'enfance et d'adolescence furent somme toute paisibles, voire heureuses.

Sans guère fréquenter, à la différence de leur frère, les autres habitants du bourg, les sœurs Brontë voyaient leurs occupations se partager entre études, promenades dans la lande et jeux d'écriture menés avec passion.

Sous l'égide de Branwell, les sœurs Brontë commencèrent en effet tôt à développer leur talent littéraire à travers l'univers de Glass Town, colonie imaginaire d'Afrique où était donné libre-cours à l'imagination la plus fantasque . Plus tard, au début de leur adolescence, Emily et Anne délaisseront Glass Town pour créer leur propre univers de Gondal qu'elles se plairont à situer dans le Pacifique Nord.

Nous reviendrons à l'occasion de notre deuxième promenade dans la lande  (oui, madame, il faudra grimper encore un peu) sur cette œuvre poursuivie jusqu'à un âge avancé par Emily et Anne et dont il ne subsiste que quelques poèmes à la différence des milliers de pages laissés par Branwell et Charlotte autour de Glass Town.

(Crédit photo : Jean Ange)
Mon blog sur les sœurs Brontë : https://thewandererofthemoors.blogspot.com/


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MessageSujet: Re: Sur les traces d’Anne Brontë   Sur les traces d’Anne Brontë Icon_minitimeJeu 20 Juin 2013, 10:33

Citation :
aucune de mauvais traitement.

Aucune trace ? Wink

Après avoir lu ceci, je me dis que la production littéraire des soeurs Brontë (sans les départager) était une réaction plutôt qu'une action. Je m'explique : c'était de la survie ! Certes leurs conditions de vie étaient difficiles mais même si elles ne l'avaient pas été, l'ennui devait être omniprésent... Je n'ai lu que Jane Eyre. J'ai vraiment beaucoup beaucoup aimé et c'est sans doute parce qu'un désir d'évasion perçant était présent chez ces jeunes filles et il semble qu'elles aient réussi à le transmettre !

J'attends la deuxième promenade !
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MessageSujet: Re: Sur les traces d’Anne Brontë   Sur les traces d’Anne Brontë Icon_minitimeJeu 20 Juin 2013, 12:57

Excellent début Sur les traces d’Anne Brontë 846997Sur les traces d’Anne Brontë 846997   extrêmement apéritif pour la suite !!! cheers   cheers   Les photos donnent une réalité prenante au récit ... J'ai moi aussi hâte de lire la suite !!! Very Happy
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MessageSujet: Re: Sur les traces d’Anne Brontë   Sur les traces d’Anne Brontë Icon_minitimeJeu 20 Juin 2013, 13:59

Merci Leibgeber pour cette promenade ; je me demandais si ce que tu racontes est tiré de tes propres souvenirs de lecture (de E Gaskell, par exemple), ou si tu as compilé diverses sources sur internet ; est-ce toi qui a pris les photos de Haworth ?

Je voulais attirer ton attention sur le sujet "Haworth" qui existe ici où figurent aussi les compte-rendus de visites des lieux d'autres Lambtonien(ne)s ...

Il y a également un très beau livre de photos "The Brontës at Haworth", dont nous avons parlé ici.

Dans ce livre, il y aune citation d'un critique littéraire, George Moore, qui a écrit en 1904 (je cite de mémoire) : "si Anne Brontë avait vécu 10 ans de plus, elle aurait été un des romanciers majeurs de notre temps."

Je voulais réagir aussi à ce que tu as dit du sentiment religieux de Anne :

"De la tante Elizabeth Branwell, on peut dire encore moins de choses fondées que sur Patrick Brontë. Elle appartenait notamment à l’oppressante confession méthodiste, d’inspiration calviniste, et Anne Brontë en aurait été marquée par une grande inquiétude religieuse. Ayant indiqué ceci, je pense que certains ont eu tort d’induire de sa confession seule qu’Elizabeth Branwell s’employât à décerveler d’Anne Brontë. Là encore il n’y a pas de témoignages, et avant de se faire un jugement sur l’ambiance au sein du presbytère, il faudrait considérer d’abord que Patrick Brontë était, lui, un pasteur anglican modéré. Ensuite, il se peut qu’Anne Brontë fût anxieuse pour avoir été, enfant, simplement impressionnable, s’imprégnant de vues affirmées sans volonté résolue de les lui imprimer comme au fer rouge. Personne ne peut rien conclure sinon qu’Anne Brontë fut effectivement angoissée devant Dieu et qu’elle chercha à surmonter cela au cours de sa vie."

Je dirais qu'ayant été témoin très jeune, comme tu le rappelles, de la mort de sa mère puis de ses 2 soeurs ainées, puis de la déchéance de son frère Branwell (alcool et laudanum), car Anne et lui ont travaillé dans la même famille les Robinson pendant 2 ans, puis à la maladie et à la mort de sa soeur Emily (qui a refusé de se faire soigner), Anne a des raisons d'être angoissée, indépendamment de son caractère et de son éducation ; n'importe qui le serait à sa place.

Et il me semble que des 3 soeurs, c'est celle qui avait le plus le sens des réalités ; elle a été fiancée puis son fiancé est mort (de maladie). Et ses héros masculins sont tous des hommes normaux, sains, pas des héros byroniens comme Heathcliff ou Rochester.


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MessageSujet: Re: Sur les traces d’Anne Brontë   Sur les traces d’Anne Brontë Icon_minitimeJeu 20 Juin 2013, 15:10

Citation :
Anne a des raisons d'être angoissée, indépendamment de son caractère et de son éducation ; n'importe qui le serait à sa place.

Sur les traces d’Anne Brontë 999779 Petit Faucon, j'ai pensé la même chose...
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MessageSujet: Re: Sur les traces d’Anne Brontë   Sur les traces d’Anne Brontë Icon_minitimeJeu 20 Juin 2013, 15:44

À Lady A : Par « aucune trace de mauvais traitement » subi par les sœurs Brontë, j’entends  de la part de leur père – qui pendant longtemps en a été accusé sans fondement, notamment à cause de la biographie d'Elizabeth Gaskell. Je n’évoque pas les souffrances que les sœurs Brontë ont pu éprouver par ailleurs en vivant à Haworth. Au vrai, je crois que l’on ne peut guère que spéculer sur leur nature précise. Trop de personnes à mon sens ont été enclines à le faire de sorte que l’image des sœurs Brontë est devenue des plus brouillées (le « Brontë Myth »). Une des intentions de mes promenades est de ne rapporter que des choses avérées ou très vraisemblables.

À Petit faucon : Mes sources sont constituées de divers ouvrages. Les photos sont de moi – je vais le préciser.

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MessageSujet: Re: Sur les traces d’Anne Brontë   Sur les traces d’Anne Brontë Icon_minitimeJeu 20 Juin 2013, 15:52

Citation :
Une des intentions de mes promenades est de ne rapporter que des choses avérées ou très vraisemblables, la vie étant compliquée, si compliquée parfois.

Parfaitement clair et merci de te donner tant d'efforts !
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MessageSujet: Re: Sur les traces d’Anne Brontë   Sur les traces d’Anne Brontë Icon_minitimeJeu 20 Juin 2013, 16:01

Moi aussi Leibgeber, je te remercie pour ta présentation ... je n'avais pas compris que les photos étaient de toi, en relisant le début de ton texte j'ai vu que tu l'avais mentionné.

Est-ce que tu as visité l'intérieur du musée ? Est-ce que tu as trouvé la visite de Haworth émouvante ?
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MessageSujet: Re: Sur les traces d’Anne Brontë   Sur les traces d’Anne Brontë Icon_minitimeJeu 20 Juin 2013, 18:39

Merci pour cette belle présentation,  j'attends la suite avec beaucoup d'intérêt. J'avoue n'avoir jamais rien lu d'Anne Bronte. J'ai bien envie de commencer par Agnès Grey...
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MessageSujet: Re: Sur les traces d’Anne Brontë   Sur les traces d’Anne Brontë Icon_minitimeJeu 20 Juin 2013, 19:09

À Petit faucon : Ce qui m’a frappé d’emblée au presbytère a été la petitesse des pièces ! En fait, je sais que les lieux ont été réaménagés, mais je ne saurais dire dans quelle mesure. Dans l’ensemble, je n’ai pas éprouvé d’émotion particulière lors de ma visite, sauf un serrement au cœur devant la pièce qui servait de bureau au mari (pasteur) de Charlotte Brontë. Celle-ci, qui l'avait fait retapisser pour lui, devait en effet mourir quelques mois seulement après la célébration de leur union...

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MessageSujet: Re: Sur les traces d’Anne Brontë   Sur les traces d’Anne Brontë Icon_minitimeVen 21 Juin 2013, 09:30

Merci beaucoup pour tes impressions, sur Charlotte, comme sur Anne Brontë ...

C'est un plaisir de voyager en ta compagnie   I love you

Et j'attends moi aussi la suite de ta promenade avec impatience ...
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MessageSujet: Re: Sur les traces d’Anne Brontë   Sur les traces d’Anne Brontë Icon_minitimeSam 22 Juin 2013, 08:43

SUR LES TRACES D’ANNE BRONTË
EN CINQ PROMENADES

II
DANS LA LANDE

« Lorsque le temps était beau et convenable, nous partions en balade dans la lande, descendant dans les petites gorges qui en rompent la monotonie. Les rives et le clapotis des ruisseaux constituaient des trésors de ravissement. Emily, Anne et Branwell avaient coutume de franchir les courants à gué, y plaçant parfois des pierres pour leurs deux autres camarades [c'est-à-dire Charlotte et Ellen Nussey, la narratrice de cet extrait]. Nous prenions un long plaisir à ces endroits – chaque touffe de mousse, chaque fleur, chaque couleur et forme était signalé et apprécié. Emily en particulier témoignait sa jubilation devant toutes ces niches de beauté – pour un temps, sa réserve habituelle disparaissait. Une fois, nous fimes une plus longue promenade vers un endroit qu'Emily et Anne appelaient « La rencontre des eaux ». C'était un petit oasis de gazon vert-émeraude. Quelques larges pierres servirent comme sièges de repos. Assises là, nous étions cachées du reste du monde, rien n'apparaissant à l'horizon sinon des miles et des miles de bruyères, un ciel bleu splendide et un soleil éclatant. Le souffle d'une brise fraiche nous grisa. Nous rîmes et plaisantâmes les unes des autres, puis décidâmes de nous surnommer le quartette. Emily, penchée sur une pierre en forme de dalle, jouait comme une enfant avec les têtards, les faisant nager pour ensuite moraliser sur les forts et les faibles, les braves et les lâches comme elle les poursuivait avec sa main. »


Le récit d'Ellen Nussey est l'un des rares à offrir une image vivante des soeurs Brontë au sein de cette lande qu'elles chérissaient. Après la mort d'Anne, Charlotte se remémorera comment « les perspectives lointaines faisaient [son] ravissement et quand je regarde autour de moi, elle est là, dans le bleu, les brumes pales, les vagues et les ombres de l'horizon. »

PHOTOS (À dérouler) :

Emily et Anne Brontë furent particulièrement proches l'une de l'autre au cours de leur adolescence. Les unissaient non seulement un même amour de la lande, des animaux et du jardinage, mais aussi l'imaginaire sous l’impulsion d'Emily à travers Gondal après avoir pris part dans leur enfance au jeu de Glass Town aux côtés de Charlotte et Branwell.

Manifestement, Emily et Anne ne se retrouvaient plus dans un univers où Charlotte et Branwell se délectaient à faire se déchaîner sous un soleil tropical d'Afrique les passions guerrières et sentimentales. D'après le peu qu'il en reste, les aventures imaginées par Emily et Anne sur l'île froide de Gondal dégagent un ton plus concentré, méditatif et grandiloquent - peut-être dans le goût des grands cycles chevaleresques médiévaux comme le Roi Arthur.

À l'image de leurs aînés, Emily et Anne resteront attachés à leur jeu au-delà des années d'adolescence. Anne s'en lassera la première dans son désir de se frotter à la vie de la société - désir que n'éprouvera jamais guère Emily.

Ce serait du reste à la répugnance de cette dernière à vivre éloigné de la lande qu'Anne devrait son premier départ de Haworth pour la pension proche de Roe Head à ses 15 ans, en 1836. Devenue enseignante de l'établissement après y avoir été elle-même élève, Charlotte avait en effet accepté que la moitié de sa rétribution soit de voir une de ses sœurs y être accueillie gratuitement. Mais Emily, qui fut alors la sœur désignée, tomba gravement malade après seulement quelques semaines de séjour, rongée par la nostalgie de la liberté et de ses terrains de promenade - du moins d'après le diagnostic établi par son aînée.

Quelle que soit la cause réelle de l'infection que contracta Emily, Anne prit alors la place de cette dernière à Roe Head. Au cours des deux années passées aux côtés de Charlotte à Roe Head puis à Dewsbury Moors où la pension déménagera en 1837, on sait qu'elle se révéla une élève studieuse et solitaire - un document subsiste sur un premier prix qu'elle reçut pour bonne conduite (Note 1).

Jusqu'à ce que la maladie n'entraine à son tour son départ à la fin de l'année 1837 (Note 2), ce séjour fut aussi marqué pour Anne (comme pour Charlotte du reste) par le tourment d'être, selon la doctrine de la prédestination, une âme réprouvée par Dieu. Anne parviendra toutefois à surmonter ses angoisses spirituelles, du moins pour un temps, grâce à un pasteur morave dont elle sollicita les visites, James LaTrobe, qui sut l'ouvrir à une vision plus bienveillante de Dieu à l’égard de ses créatures.

Plus tard, Anne Brontë fera prévaloir dans son œuvre une foi dans un salut universel et non réservé à quelques élus, mais nous sommes encore loin de ce moment de sa vie. Comme nous le relaterons au cours de la prochaine promenade, avant de confier son destin à l'écriture, Anne sera d'abord pendant plusieurs années une « pauvre gouvernante »…

Note 1 : Pendant ce temps, Emily quittera à nouveau Haworth pour occuper brièvement un poste d'enseignante dans la ville voisine d'Halifax. De son côté, après avoir eu en 1835 des velléités d'entrer à la Royal Academy de Londres, Branwell voudra prendre son envol dans la vie en 1837 en ouvrant un atelier de peintre-portraitiste à Bradford – après des débuts prometteurs, l'expérience tournera rapidement court.

Note 2 : Charlotte démissionnera de son poste pour la même raison au printemps suivant.


(Crédit photo : Jean Ange)
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MessageSujet: Re: Sur les traces d’Anne Brontë   Sur les traces d’Anne Brontë Icon_minitimeSam 22 Juin 2013, 11:03

Mise en page très correcte, la lecture peut se faire de façon fluide.

C'est encore une fois très intéressant. Ces paysages me rappellent le Burren en Irlande et me renvoient à mes propres souvenirs.

Ce que je retiens de cette deuxième promenade est la pureté qui semble transparaître d'Anne. Peut-être est-ce la raison qui explique le fait que son oeuvre est moins "populaire" que celles de ses soeurs. La pureté entraîne souvent une certaine transparence aux yeux des autres...

Pour ce qui est de la troisième promenade : j'en suis !
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MessageSujet: Re: Sur les traces d’Anne Brontë   Sur les traces d’Anne Brontë Icon_minitimeSam 22 Juin 2013, 11:29

Formidable contribution Leibgeber ! bravo et merci! Smile
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MessageSujet: Re: Sur les traces d’Anne Brontë   Sur les traces d’Anne Brontë Icon_minitimeDim 23 Juin 2013, 11:52

Merveilleuses balades ! sunny quelle belle découverte par un dimanche matin !!!
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Saatiya
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MessageSujet: Re: Sur les traces d’Anne Brontë   Sur les traces d’Anne Brontë Icon_minitimeDim 23 Juin 2013, 12:08

Je n'avais pas encore vu ce topic, effectivement balades très agréables, je t'en remercie Leibgeber! J'apprends beaucoup, ne connaissant Anne que par ses ouvrages, et j'ai surtout énormément apprécié ces prises de vue de la lande Sur les traces d’Anne Brontë 150390
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Leibgeber
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MessageSujet: Re: Sur les traces d’Anne Brontë   Sur les traces d’Anne Brontë Icon_minitimeLun 24 Juin 2013, 04:21

SUR LES TRACES D’ANNE BRONTË
EN CINQ PROMENADES

III
À YORK

C'est à ses 19 ans, en avril 1839, qu'Anne Brontë entra dans la carrière de « pauvre gouvernante » chez la famille Ingham à Blake Hall. Charlotte en découvrira aussi les affres un mois plus tard, chez les Sidgwick, à Lothersdale, dans le cadre d'un engagement de quelques semaines.

Si Charlotte doutait des capacités de sa sœur, au caractère doux et effacé, à remplir une telle charge, celle-ci entendait bien la détromper. Malheureusement, Anne ne devait pas parvenir à asseoir son autorité sur les enfants qui lui furent confiés de sorte qu'elle reçut son congé au bout de seulement six mois de service.

Anne Brontë fera revivre plus tard cette première expérience difficile dans Agnès Grey, la famille de parvenus aux enfants particulièrement mal élevés que représentent les Bloomfield étant inspiré par les Ingham. Charlotte se plaindra aussi en privé du caractère entre deux chaises de la condition de gouvernante la plaçant au-dessus des  domestiques, mais au dessous des employeurs.

Ainsi, à l'orée de l'année 1840, Anne Brontë fit son retour à Haworth où elle retrouva ses soeurs privées comme elle de situation.

Après son récent échec à Bradford comme peintre-portraitiste, Branwell était peut-être – les dates sont imprécises - aussi présent pour la réconforter avant son prochain départ pour Ulverston, petite cité à proximité de la région des lacs, où l'attendait un emploi de précepteur - emploi dont il démissionnera quelques mois plus tard avant d'atterrir, les semaines suivantes, lui qui avait rêvé d'une vie d'artiste, dans les chemins de fers comme modeste préposé au guichet...

Quant à ses sœurs à l'avenir incertain pour lequel elle ne comptait ni sur le mariage ni sur la littérature, c'est au cours de cette période qu'elles commencèrent à songer à ouvrir leur propre école.

Sur ce, les sœurs Brontë étaient loin d'être malheureuses d'une situation qui leur donnait notamment tout le loisir de cultiver leurs jeux d'écriture conduits depuis l'enfance.

Leur quotidien se trouva en outre égayé par leur fréquentation du nouveau vicaire de leur père, William Weightman, dont la bonté et la douceur les enchantèrent.

Particulièrement soigneux de sa mise – ce qui lui valut de la part des sœurs Brontë le surnom de Miss Celia Amelia – le jeune homme était porté aussi aux toquades sentimentales. Dans une lettre de cette époque, Charlotte plaisante à cet égard sur les regards insistants que, lors du service dominical, le jeune homme adressa du haut de sa chaire à une Anne s'efforçant de rester de son côté imperturbable.

En considérant certains poèmes ainsi que le personnage de John Weston dans Agnès Grey, certains ont avancé que cette dernière tomba follement amoureuse de son soupirant au cœur d'artichaut. Pour ma part, je ne suis pas convaincu par cette théorie. Si l'on songe par exemple à la personnalité présentée par John Weston, elle n'est empreinte ni de féminité ni d'inconstance.

Quoi qu'il en soit, ce qui reste certain est le fait que William Weightman ne s'offrit pas en mariage à Anne au cours de l'année où ils se côtoyèrent à Haworth jusqu'au départ, fin 1841, de la jeune femme pour entrer dans ses nouvelles fonctions de gouvernante chez la famille Robinson à Thorp Green Hall dans la région de York.

Ce départ advint cette fois peu après celui de Charlotte chez la famille White à  Rawdon, près de Bradford, même si cette dernière put résigner bientôt sa charge comme elle parvint à convaincre sa tante Elizabeth Branwell du bien-fondé de son projet d'école et à obtenir de sa part un prêt pour qu'elle et Emily puissent compléter leurs qualifications sur le continent.

Après avoir été tenté, pour des raisons de coûts, de fixer son choix sur une école située à Lille, Charlotte cédera finalement aux instances de sa grande amie Mary Taylor de voir venir les deux jeunes femmes la rejoindre à Bruxelles où elle et sa sœur Martha étaient pensionnaires. Ainsi Charlotte, le cœur plein d'espoirs, et Emily, le dos rond, quittèrent l'Angleterre pour la Belgique au début de l'année 1842.

PHOTOS (À dérouler) :

Pour revenir à Anne, sa seconde expérience comme gouvernante fut plus heureuse que la première. Elle sut faire apprécier ses talents d'éducatrice par la famille Robinson même si de son côté leurs moeurs aristocratiques ne lui plurent guère - comme elle en témoignera aussi dans Agnès Grey à travers la famille Murray.

Toutefois, les soucis et les malheurs devaient assombrir ses jours et ceux de sa famille tout au long de l'année 1842. Pour commencer, au mois de mars, Branwell fut honteusement renvoyé des chemins de fer pour négligences comptables. De façon plus dramatique ensuite, une série de morts frappa l'entourage des soeurs Brontë :  en effet, en l'espace de seulement quelques semaines, disparurent tour à tour William Weightman, des suites d'une infection, en août, puis Martha Taylor à Bruxelles, dans des conditions restées mystérieuses, en octobre, enfin la vieille tante Elizabeth quelques jours plus tard.

Ce dernier décès provoquera le retour précipité à Haworth de Charlotte et Emily. Temporaire pour la première, il sera définitif pour la seconde afin de ne pas laisser sans proche leur père devenu aussi âgé. Charlotte regrettera cependant son choix de revenir seule à Bruxelles comme elle y développera des sentiments sans retour pour son professeur de français, Constantin Heger, époux de la directrice de sa pension. Sa détresse décidera finalement de son départ de Bruxelles à la fin de l'année 1843.

De leur côté, au cours de cette même année, Anne et Branwell se retrouvèrent à partager le même toit à Thorp Green Hall après qu'Anne eut convaincue les Robinson d'engager son frère comme précepteur de leurs fils. Malheureusement, l'enfant terrible de la fratrie Brontë fera encore faire des siennes et pas des moindres puisqu'il nouera une liaison adultère avec la maîtresse de maison. On ne sait comment cette liaison fut découverte, mais elle aura pour conséquence de voir Anne démissionner de son poste en 1845 peu avant que n'intervienne le renvoi bruyant de Branwell.

En fait, il convient de savoir que la réalité elle-même de cette liaison a été dans le passé remise en cause faute de documents directs connus. Ainsi dans Le Monde infernal de Branwell Brontë, paru en 1960, Daphné du Maurier développa la thèse selon laquelle cette liaison fut une pure invention du jeune homme pour donner un caractère avantageux à son congé. Toutefois, une lettre trouvée dans les années 80 prouverait bel et bien le fait que Branwell et Mrs Robinson furent amants. Pour ma part, j'avoue qu'il faudrait que j'en prenne lecture pour être convaincu, mais passons à nouveau.

Branwell ne devait jamais se remettre de son renvoi. Sombrant dans l'alcool et la drogue (le laudanum, médicament à base d'opium), ses crises de violence et de démence feront vivre un quotidien de plus en plus pénible à sa famille maintenant entièrement réunie à Haworth.

À cela s'ajouta pour les sœurs Brontë le fait de voir leur projet d'ouvrir une école tourner court. Prévoyant d'établir leur établissement au sein même du presbytère familial, elles ne reçurent même pas une seule inscription.

*

C'est ainsi seulement à l'automne 1845, après la découverte impromptue par Charlotte de poèmes qu'Emily avait composé en secret, découverte qui occasionna du reste une dispute mémorable, que les sœurs Brontë se décidèrent à placer leur destin dans les mains de la littérature - ce sans en faire part à personne, y compris Branwell.

Elles conçurent d'abord un recueil commun de poésies qui, publié à leur frais en 1846, sous les pseudonymes masculins de Currer (Charlotte), Ellis (Emily) et Acton (Anne) Bell, ne trouvera en tout et pour tout que deux acquéreurs.

Pendant la préparation de la publication de leur recueil, les sœurs Brontë se lancèrent aussi  chacune dans la rédaction d'un roman : Le Professeur pour Charlotte, Les Hauts de Hurlevent pour Emily et Agnès Grey pour Anne. Seuls les deux derniers trouveront alors un éditeur non sans que leurs auteurs n'en soient à nouveau en partie de leur poche.

Toutefois, ce sera finalement Charlotte (ou plutôt Currer Bell) qui, avec Jane Eyre, écrit rapidement dans la foulée du Professeur, sera la première à être publié à l'automne 1847 pour connaître un succès retentissant que les romans d'Emily et Anne (ou plutôt Ellis et Acton Bell, les sœurs Brontë garderont toujours ces pseudonymes) seront loin de partager à l'occasion de leur parution quelques semaines plus tard. D'après toutes mes lectures sur les sœurs Brontë, il semblerait que, tandis que Les Hauts de Hurlevent suscita quelque intérêt, Agnès Grey soit passé inaperçu.

Pour notre part, nous lui consacrerons la prochaine fois une promenade particulière, je n'en dis pas plus.

(Crédit photo : Jean Ange)
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MessageSujet: Re: Sur les traces d’Anne Brontë   Sur les traces d’Anne Brontë Icon_minitimeLun 24 Juin 2013, 10:02

Merci pour ces belles promenades Leibgeber, et pour les photos qui les accompagnent.

Dans la 2e promenade, c'est la 2e photo que je trouve la plus belle, avec ce paysage gris et vert-jaune ... on dirait un tableau ; elle est particulièrement réussie.
Si j'en juge par le ciel, tu es allé à Haworth et dans le Yorkshire en hiver Leibgeber ?
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MessageSujet: Re: Sur les traces d’Anne Brontë   Sur les traces d’Anne Brontë Icon_minitimeLun 24 Juin 2013, 11:26

L'anecdote concernant Anne attachant des enfants à un pied de table me plaît beaucoup ! Douce, discrète mais déterminée !
Je trouve intéressant de voir l'influence que cette fratrie semblait avoir sur ses membres. Certes, le fait d'être sans emploi donne du temps pour écrire mais je ne peux pas m'empêcher de penser que c'est leur réunion qui a nourri leurs plumes...
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MessageSujet: Re: Sur les traces d’Anne Brontë   Sur les traces d’Anne Brontë Icon_minitimeLun 24 Juin 2013, 12:53

Merci Leibgeber pour ces belles promenades , et pour les belles illustrations!. Tout cela éclaire pas mal de zones d'ombres, concernant Les Brontë
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MessageSujet: Re: Sur les traces d’Anne Brontë   Sur les traces d’Anne Brontë Icon_minitimeLun 24 Juin 2013, 15:07

À Petit Faucon : Bien vu ! Je suis allé dans le Yorkshire cet hiver et ce printemps, à chaque fois une semaine après un trajet en avion low-cost depuis Saint-Étienne vers Bradford, la première fois via Genève, après une nuit à Bellegarde-sur-Valserine, près de la frontière suisse, la seconde via… Montpellier. Les sœurs Brontë m’en font faire des choses !

À Lady A : Bien vu aussi ! Àu sujet d’Anne Brontë, les qualificatifs « sweet » et « gentle » ont été employés par sa sœur Charlotte et Ellen Nussey (aussi que l’éditeur de la première citée à une occasion fort spéciale que j’évoquerai), mais comme le peu que l’on sait d’elle et de ses romans le dégagent, elle était volontaire et même opiniâtre. Anne Brontë avait une personnalité complexe qu’il n’est certes pas aisé de cerner, si cela est possible. Pour le reste, Charlotte Brontë a raconté comment, lorsqu’elle et ses deux sœurs projettèrent d’envoyer leurs premiers romans à des éditeurs, elles se les lisaient les unes aux autres, mais on ne sait pas quelle influence cela a eu.

À Ysabelle : Merci ! Je ne suis pas assez maître de mon sujet cependant pour pouvoir me sentir satisfait de mon travail. Avec ma série, j'aimerais surtout contribuer, à ma petite mesure, à ce que l'on n'ait plus certains préjugés à l'égard d'Anne Brontë et qu'on la lise ou la relise avec ouverture.

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MessageSujet: Re: Sur les traces d’Anne Brontë   Sur les traces d’Anne Brontë Icon_minitimeLun 24 Juin 2013, 21:24

Je crois que tu réussis parfaitement à redorer le blason d'Anne par rapport à ses soeurs et que c'est très instructif, je te remercie beaucoup.
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MessageSujet: Re: Sur les traces d’Anne Brontë   Sur les traces d’Anne Brontë Icon_minitimeMar 25 Juin 2013, 13:31

Citation :
Pour ce que tu dis sur leur écriture, Charlotte Brontë a raconté comment, lorsqu’elles se destinèrent à envoyer leurs premiers romans à des éditeurs, elles se les lisaient les unes aux autres, mais on ne sait pas quelle influence elles ont eu les unes sur les autres. Une chose qu’il est peut-être bon d’avoir à l’esprit concernant les sœurs Brontë, c’est qu’on ne sait pas quelles étaient leurs relations au quotidien, si elles se parlaient beaucoup ou peu.

Je comprends, je n'exprimais qu'une impression. Néanmoins, on peut être extrêmement influencé par quelqu'un, même si on lui parle peu. Je ne sais pas si elles étaient très proches mais il semble qu'elles étaient très liées. Smile
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MessageSujet: Re: Sur les traces d’Anne Brontë   Sur les traces d’Anne Brontë Icon_minitimeMer 26 Juin 2013, 04:34

SUR LES TRACES D’ANNE BRONTË
EN CINQ PROMENADES

IV
MONDE INTÉRIEUR

La « pauvre gouvernante » que je suis, et dont le bonnet est imbibé de la sueur des efforts fournis pour parler d’Anne Brontë sous un jour que je voudrais limpide, s’offre un petit sourire timide : elle va enfin pouvoir parler un peu d’Agnès Grey, ce roman mal aimé aussi bien par les spécialistes que le grand public. Ne m’en voulez pas de le confesser, j’ai été chagriné par ce que j’ai entendu dire à son sujet au sein de cette auberge. Mesdames, vous avez blessé le cœur d’un homme ! (regard par en dessous le bonnet pour juger de son effet.)

IMAGE (À dérouler) :

Pardonnez ma fantaisie (oh ! j’avoue que je me plais à être une « pauvre gouvernante » affublée d’un bonnet au sein d’une auberge littéraire), je vais redevenir sérieux. J’ai été déçu de voir que personne n’avait pris Agnès Grey pour ce qu’il était : un roman, sans nul doute inspiré par le vécu de son auteur, mais porté par une réelle ambition sociale et didactique dépassant le cas personnel.

Bien plus encore, cette œuvre mal comprise, ou plutôt mal approchée, est aussi animé par un certain souffle poétique si bien que George Moore, l'auteur, au tournant du 20ème siècle, des Confessions d'un jeune Anglais et d'Esther Waters, chef-d’œuvre du naturalisme britannique, compara le style d'Anne Brontë à de la « mousseline blanche ».

Pour ma part aussi, j'ai éprouvé un sentiment de beauté devant ce style épuré et fluide que partagent les poèmes d'Anne Brontë ainsi que les quelques dessins connus de sa main, dessins qui m'ont fait songer aux tableaux contemplatifs de Caspar David Friedrich, le célèbre peintre romantique allemand. En fait, j'ai été si troublé par leur ressemblance que je désire vous permettre d'en être troublé peut-être à votre votre tour par une confrontation. De cette manière, j'espère rendre plus directement sensible tout ce qu'un roman comme Agnès Grey offre au lecteur - pour peu qu'il le lise sans prévention.

IMAGES (À dérouler) :

Je ne sais si Anne Brontë connaissait l’œuvre du C.D. Friedrich (ce n'est pas impossible à une époque où l'Angleterre était attentive à la vie culturelle germanique). Quoi qu'il en soit, il est difficile de ne pas être frappé par tout ce que les dessins de l'une et les tableaux de l'autre offrent de commun.

Et ainsi d'Agnès Grey. En effet, au-delà de traiter sans fard de la condition des gouvernantes, le roman d'Anne Brontë constitue aussi le récit d'une jeune fille qui, après une enfance préservée du mal, s’élance dans le monde, ou plutôt la « création », car Agnès Grey est des plus pieuses, pour y découvrir, écœurée, les vanités et les turpitudes humaines.

Face au mal, Agnès Grey ne se rebelle certes pas ouvertement - elle ne le peut pas en tant que femme de condition inférieure. Elle ne cède pas non plus à un fatalisme sans espoir ni pour les autres ni pour elle-même mais, sans perdre confiance en un Dieu aimant, même si cela est parfois difficile, elle s’évertue à faire ce qu’elle peut, modestement, pour rester fidèle à elle-même face à tous ceux qui ne l’aiment pas, qui ne peuvent pas aimer quelqu’un de profondément, authentiquement honnête, droit et généreux.

Agnès Grey décrit les couches supérieures de la société victorienne dans un tel souci de véracité (j'insiste sur le terme) qu'on qualifierait volontiers l'approche d'Anne Brontë de naturaliste – ce qui était certes s'exposer (hier comme aujourd'hui) au rejet de la part d'une masse de lecteurs cherchant dans la littérature une vision adoucie et réconfortante du monde.

Toutefois, à travers son héroïne et l'espèce de pèlerinage existentiel qu'elle poursuit, le roman d'Anne Brontë est traversé par une poésie qui, sans affecter son  caractère documentaire sur la société, lui confère quelque chose de frais et touchant - il est fort regrettable que si peu de monde y ait été sensible.

On pourrait envisager de la même manière les poèmes d'Anne Brontë. Comme Agnès Grey, leur facture simple a paru porter la marque d’une capacité bornée d’expression. Cependant, il faudrait aussi plutôt voir dans ce style le miroir d’une émotivité aussi profonde que contenue.

Pour autant, cela ne signifie pas qu’Anne Brontë n'éprouva pas de grands tourments personnels et spirituels tout au long de sa vie, comme le révèle le poème To Cowper mais, pour les apaiser, elle aspirait plutôt à des baumes caressants (comme s'entretenir avec un pasteur appartenant à une confession prêchant un Dieu bienveillant – cf. épisodes précédents) qu’aux brutales et enivrantes médecines de la passion.

Cela ne signifie pas non plus que le cœur doux d’Anne Brontë n’était pas irritable au plus haut point. La Locataire de Wildfell Hall est ainsi l’œuvre d’une femme très en colère !

Le fait qu’Anne Brontë a envoyé quelques assiettes et casseroles sur la tête d’une gent masculine odieuse envers les femmes sera un des sujets de notre dernière promenade.

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MessageSujet: Re: Sur les traces d’Anne Brontë   Sur les traces d’Anne Brontë Icon_minitimeMer 26 Juin 2013, 09:30

Encore une bien belle rêverie que celle-ci ...
C'est une bonne idée d'avoir rapproché les tableaux de Friedrich des dessins d'Anne, ils se répondent bien.

C'est dommage que les soeurs Brontë n'aient pas eu l'occasion d'apprendre à peindre à l'huile comme leur frère Branwell, car les dessins qu'elles ont laissé sont le plus souvent au crayon ou à l'aquarelle, moins chère et plus facile à transporter, je suppose ...
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