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| Abou Nouwas et Omar Khayyam : Deux poètes arabo-perses de l'âge d'or Islamique: | |
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Elisabeth Hale Subtil compliment
Nombre de messages : 157 Age : 28 Localisation : Quelque part entre Spock, Sherlock Holmes et John Thornton Date d'inscription : 29/01/2013
| Sujet: Abou Nouwas et Omar Khayyam : Deux poètes arabo-perses de l'âge d'or Islamique: Mar 24 Sep 2013 - 23:00 | |
| Bonsoir à tous et à toutes! J'écris ce topic pour vous faire découvrir deux poètes extraordinaires, prolifiques et scandaleux pour leurs époques, considérés aujourd'hui comme les plus grands poètes du monde Arabe. Tout d'abord, pourquoi parler de ces deux poètes ensembles? Eh bien, tout simplement pour les thématiques abordées par leur poésie, leur côté subversif et leur origine : Tous deux d'un milieu mélangé (perses arabisés). Commençons donc par Abou Nouwas: - Biographie::
Aboû Nouwâss né entre 747 et 762 à Ahvaz (Iran) et décédé vers 815 à Bagdad (Irak actuel), est un poète arabo-persan. Considéré en son temps comme le plus grand poète arabe classique, il est aujourd'hui très populaire dans les pays de langue arabe. D'un milieu persan mais arabisé, il passe toute sa vie à Bagdad. Ses contacts avec des mécènes, tels les vizirs barmécides, et son aura scandaleuse lui valent les foudres du calife Haroun ar-Rachid.
Quand il émigre à Bagdad, Abou Nouwass devient rapidement célèbre par sa poésie pleine d'esprit et d'humour, qui ne traite pas les thèmes traditionnels du désert, mais parle de la vie urbaine et chante les joies du vin et des boissons (khamriyyat) et l'amour des jeunes garçons (mujuniyyat) avec un humour grivois. Emprisonné par le fils de Haroun Al Rachid, le calife Al Amin, suite à son goût pour le vin et son esprit libre en matière de mœurs, sa situation ne s'arrange pas sous le règne du frère du calife, très religieux : Abû Nuwâs mourra en prison sans jamais en être ressorti, haï par le calife et son vizir.
Son travail comprend des poèmes sur la chasse, l'amour des garçons, et autres panégyriques de ses patrons. Il se fait connaître pour son goût de la dérision et de la satire, deux de ses thèmes de prédilection étant la passivité sexuelle des hommes et la débauche sexuelle des femmes. S'il se plaît à évoquer la liberté sexuelle des hommes, il n'a en revanche aucune sympathie pour les lesbiennes. Il aime à scandaliser la société en écrivant ouvertement des choses interdites par l'Islam. Il est probablement le premier poète arabe à avoir écrit sur le thème de la masturbation. Ses thèmes privilégiés versent dans une tendance hédoniste aux relents mystiques : amour du vin, des garçons et de la chasse, libertinage mais aussi angoisse de la mort et du vieillissement. Son esprit critique se tourne notamment contre les institutions religieuses. Extraits: Dis-moi : « voilà du vin ! », en me versant à boire. Mais surtout, que ce soit en public et notoire. Ce n’est qu’à jeun que je sens que j’ai tort. Je n’ai gagné qu’en étant ivre-mort. Proclame haut le nom de celui que tu aimes, car il n’est rien de bon dans les plaisirs cachés- poème amoureux::
Au bain maure
Ce que les pantalons ont caché se révèle. Tout est visible. Rince-toi l’œil à loisir. Tu vois une croupe, un dos mince et svelte et rien ne pourrait gâcher ton plaisir. On se chuchote des formules pieuses… Dieu, que le bain est chose délicieuse ! Même quand, venant avec leurs serviettes, les garçons de bain ont troublé la fête.
- Hommage au Diable::
Hommage au diable Toi dont l’œil est sorcier, ô Destin endormi ! Le mystère des cœurs pour toi est sans secret. Il te suffit de voir pour percer, par magie, et rendre clair ce qui était discret. Ton pouvoir fait surgir les secrètes pensées : ce que tu fixes du regard devient connu. Qu’y a-t-il entre nous, toi qui m’as dépecé et qui m’as recouvert, toi, Destin, qui es nu? Tu te venges de moi sans raison et me tues ; comme un sacrifice agréable au Seigneur. … Et maintenant, buveurs, rendons hommage au diable, toute la nuit dont un moine annonce la fin.
Passons maintenant à Omar Khayyam: - Biographie::
La vie de Khayyam est entourée de mystère, et peu de sources sont disponibles pour nous permettre de la retracer avec précision. Durant ses études chez l'imam Mowaffak, dans sa ville natale de Shinapur, la légende dit qu'Abou-Ali Hassan (Nizam al-Mulk) et Hassan Sabbah étudiaient alors également sous la direction de ce maître et qu'un pacte légendaire aurait été conclu entre les trois étudiants : « Celui d'entre nous qui atteindra la gloire ou la fortune devra partager à égalité avec les deux autres ». Nizam al-Mulk devient cependant grand vizir de Perse et les deux autres se rendent à sa cour. Hassan Sabbah, ambitieux, demande une place au gouvernement ; il l'obtient immédiatement. Khayyam, moins porté vers le pouvoir politique, ne demande pas de poste officiel, mais un endroit pour vivre, étudier la science. Il reçoit alors une pension de 1 200 mithkals d'or de la part du trésor royal ; cette pension lui sera versée jusqu'à la mort de Nizam al-Mulk (tué par un assassin).
Grand poète, c'est aussi un des maîtres des mathématiques et de la philosophie. Ses poèmes, appelés « rubaiyat »,ce qui signifie « quatrains », sont souvent cités en Occident pour leur scepticisme, et recéleraient des "perles mystiques", faisant de Khayyam un soufi. Il aurait prôné l'ivresse de Dieu, et se disait infidèle mais croyant. Dans la pratique, si l'on s'en tient au texte, Khayyam se montre bel et bien fort critique vis-à-vis des religieux - et de la religion - de son temps. Quant au vin dont la mention revient fréquemment dans ses quatrains, le contexte où il se place constamment (agréable compagnie de jeunes femmes ou d'échansons, refus de poursuivre la recherche de cette connaissance que Khayyam a jadis tant aimée) ne lui laisse guère de latitude pour être allégorique. Ainsi ses thèmes se déclinent de la façon suivante dans ses poèmes: Chagrin et désespoir, Lucidité et scepticisme, Sagesse et épicurisme, Distance par rapport à l'islam orthodoxe. Exemple de quatrain: « Elle passe bien vite cette caravane de notre vie Ne perds rien des doux moments de notre vie Ne pense pas au lendemain de cette nuit Prends du vin, il faut saisir les doux moments de notre vie »Personnellement, ma préférence va plus à Abbou Nouwass, pour sa poésie certes choquante, mais qui a une double dimension dépravée et humoristique. La bisexualité, tabou à l'époque, est assumée sans complexe par le poète, et sa poésie politique pro-persane est délicieusement incisive, ironique, juste et cruelle pour ses ennemis politiques. C'est un poète extraordinaire, qui a dépassé les interdits religieux et sociaux, et tout en ayant la volonté de provoquer par certains poèmes pornographiques, a su rester dans l'histoire de la poésie. Paradoxalement, Abou Nouwass Al Hakami et Omar Khayyam, sont aujourd'hui toujours les poètes les plus appréciés dans les pays arabes, et continuent de faire rire, sourire, de choquer, de provoquer le lecteur et sa sensibilité artistique. Je ne peux que reprendre cette excellente interrogation: S’il avait été vivant au 21ème siècle, aurait-il osé cette audace insolente et insolite ? Cette candeur et cette impertinence ? Etant donné qu'il vivait dans une époque plus "libre" et plus "spirituelle" (mais pas sans censure ni réprobation, puisque cela dépendait de la chance du poète et du calife sous lequel il vivait) que celle que vivent les écrivains et poètes arabes du siècle présent... En bref, ce sont des poètes que je conseillerai à tous (mais à partir d'un certain âge quand même, tant certains passages sont crus...) et un bon moyen de se faire une idée de la rigueur et de la beauté de la poésie arabe, l'une des deux choses, avec les chevaux, que les arabes ont su manier avec une finesse et une rigueur merveilleuses. |
| | | Petit Faucon Confiance en soie
Nombre de messages : 12005 Age : 59 Date d'inscription : 26/12/2011
| Sujet: Re: Abou Nouwas et Omar Khayyam : Deux poètes arabo-perses de l'âge d'or Islamique: Lun 7 Oct 2013 - 17:54 | |
| Merci Elisabeth Hale pour ce beau post en hommage à Abou Nouwas et Omar Khayyam qui met l'accent sur les textes toujours d'actualité de ces magnifiques poètes. Les poèmes de Khayyam sont plus connus que ceux de Abou Nouwas qui sent encore le soufre, j'ai l'impression. Nous avons déjà indirectement évoqué Omar Khayyam dans le fil consacré à Amin Maalouf, et en particulier à propos de Samarcande dans lequel il évoque sa vie : c'est ICI vers la fin de la page. Nous avions également indiqué un lien avec une traduction française des Quatrains : OK |
| | | | Abou Nouwas et Omar Khayyam : Deux poètes arabo-perses de l'âge d'or Islamique: | |
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