Fanny Price: une héroïne contreversée

Parmi les héroïnes de Jane Austen, Fanny a tendance à polariser. Pas mal de gens la trouvent ennuyeuse, passive et sermonneuse. Ils veulent la secouer et lui donner des baffes. J'ai lu ça tant de fois...

D'autres la trouvent douce, admirable et courageuse, un roc dans la tempête. Ils souffrent avec elle. Je suis dans cette catégorie, même si j'ai pas mal de distance avec le personnage que la lectrice lambda (Etant un homme en premier lieu).

Sur les forums anglais, il y a quelques années, il y a eu des batailles acharnées entre pro et anti. Ils appelaient ça les Fanny wars. Et vous, qu'est ce que vous pensez d'elle? Pro ou anti Fanny?

margause a écrit:

Pas mal de gens la trouvent ennuyeuse, passive et sermonneuse. Ils veulent la secouer et lui donner des baffes.

je suis bien de ton avis, Fanny est tenace, volontaire, très pure et je l'admire. Mais elle n'est pas si douce

Exact. Ses manières sont douces, mais le fond de son caractère est ferme. Certain là diraient intransigeante. Toujours cette dichotomie pro/anti Fanny

Je n'ai pas d'opinion tranchée sur Fanny, je la trouve très en retrait, comme si l'auteur ne l'aimait pas pour elle et s'en servait uniquement pour dépeindre les autres personnages. Il est vrai que son statut est complètement bancal (cousine pauvre, elle n'est pas l'égale des soeurs Bertram, mais pas non plus une domestique, un peu dame de compagnie de Lady Bertram, un peu "bonne à tout faire" de Mrs Norris...), du coup on ne sait pas bien à quoi s'en tenir : comment doit-on se comporter dans ces circonstances?

Elle est assez en retrait de sa propre histoire, surtout au début. Pour autant, l'auteur nous transmet sa sensibilité à fleur de peau (à moi en tout cas...). on vit les évènements avec elle, sans recul.

Je doute que Jane Austen n'aime pas son personnage. Dans le chapitre de conclusion, elle écrit à son sujet "my Fanny", et les critiques ont relevé cette implication inhabituelle.

Je ne sais pas si je serai une combattante acharnée dans les Fanny wars, dans un camp ou dans l'autre. Ce personnage m'inspire des sentiments ambivalents.
D'un côté, je n'aime pas son côté intransigeant ou plutôt "mère la vertu", notamment vis à vis de Mary Crawford. Sur ce chapitre, elle même n'est pas sans défauts : elle ne peut s'empêcher de renier sa famille d'origine d'une façon assez peu charitable, lorsqu'elle est en disgrâce à cause de son refus (que je comprends par ailleurs) d'accepter Henry Crawford.
D'un autre côté je la plains car elle se trouve, sans avoir rien demandé à personne et sans rien pouvoir faire, dans une situation très inconfortable chez les Bertram, son statut oscillant entre le meuble et le souffre-douleur suivant ses interlocuteurs, et elle doit en plus supporter le spectacle des amours d'Edmund, qui l'éloigne d'elle pendant un assez long moment. Bref, elle n'a pas la vie facile et supporte son lot de souffrance.
Pour finir, je trouve le personnage intéressant et plus complexe qu'il n'en a l'air de prime abord mais je n'irai pas passer l'après-midi chez elle même si je n'avais rien d'autre à faire.

MissAcacia a écrit:

D'un côté, je n'aime pas son côté intransigeant ou plutôt "mère la vertu", notamment vis à vis de Mary Crawford. Sur ce chapitre, elle même n'est pas sans défauts : elle ne peut s'empêcher de renier sa famille d'origine d'une façon assez peu charitable, lorsqu'elle est en disgrâce à cause de son refus (que je comprends par ailleurs) d'accepter Henry Crawford.

Exact Elle a un côté intransigeant sous la douceur de ses manières. Sur ce forum, j'avais écrit autrefois qu'elle me faisait penser à une sorte de martyre chrétienne, du genre qui mourrait à 18 ans d'une mort affreuse sans renier leur foi. Et je maintiens.
Après fermeté ou intransigeance, c'est dans l’œil du spectateur. Mais il s'agit d'un point important pour comprendre les réactions ambivalentes envers elle.

Sur sa famille, Renier est un mot bien fort.Elle a en réalité honte de ses parents. C'est un sentiment d'adolescent qu'on peut tous comprendre. Et elle leur témoigne une loyauté filiale sans faille en dépit de tout. Cette attitude contraste avec l'attitude plus libre de Mary Crawford qui crache sur son oncle.

Et elle supporte mal la turbulence de ses petits frères, ou le fait que sa petite soeur soit gâtée. Mais elle a été élevée ailleurs et se retrouve donc quelque part étrangère dans sa propre famille. Sans oublier, son adoration pour William qui lui fait fermer les yeux sur ses défauts. La petite Fanny n'est donc pas parfaite.

MissAcacia a écrit:

Pour finir, je trouve le personnage intéressant et plus complexe qu'il n'en a l'air de prime abord mais je n'irai pas passer l'après-midi chez elle même si je n'avais rien d'autre à faire.

Et oui. Parce qu'elle est ennuyeuse . Moi, je ne ressens pas du tout les choses de cette manière. Je ressentirai de la tranquillité.

margause a écrit:

Sur ce forum, j'avais écrit autrefois qu'elle me faisait penser à une sorte de martyre chrétienne, du genre qui mourrait à 18 ans d'une mort affreuse sans renier leur foi. Et je maintiens.

Et je suis d'accord.

Et non, fanny n'est pas parfaite et c'est tant mieux et c'est pourquoi elle ne mourra pas en martyre chrétienne . Mais c'est aussi pourquoi je lui reproche d'être aussi dure avec les imperfections des autres. La honte est le début du reniement.

tranquille ou ennuyeuse, that is the question ? Plus qu'ennuyeuse (même si j'ai plus de goût pour les personnes un peu plus extraverties), je lui trouve une propension à juger ses semblables sous son air tranquille qui me mettrait mal à l'aise.