Une auberge pour les admirateurs de Jane Austen, et bien plus encore... |
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| Louise Erdrich | |
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+6Petit Faucon Tatiana Vavyala Juliette2a Rosalind esperluette 10 participants | |
Auteur | Message |
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esperluette Magnolia-White Ampersand
Nombre de messages : 9312 Date d'inscription : 11/07/2009
| Sujet: Louise Erdrich Mer 28 Aoû 2019 - 11:38 | |
| Cela fait un moment que j'ai évoqué l'idée d'ouvrir un topic sur Louise Erdrich, je passe enfin à l'acte ! Elle a déjà été évoquée dans le topic des auteurs amérindiens, mais mérite bien d'avoir sa chambre à elle. En effet, Louise Erdrich est sans conteste une des voix majeures de la littérature amérindienne. Wikipedia nous apprend qu'elle est née en 1954 dans le Minnesota, que sa mère est une Ojibwa et que son père est germano-américain. Louise Erdrich a grandi dans le Dakota du Nord, où ses parents travaillaient au Bureau des Affaires Indiennes. Aujourd'hui, elle vit dans le Minnesota, où se trouve sa petite librairie indépendante appelée Birchbark Books. Si un jour je vais dans ce coin des États-Unis, j'irai ! J'ai trouvé quelques photos sur Internet, cette librairie a l'air super chaleureuse : J'ai découvert Louise Erdrich il y a quelques années en lisant deux romans qui m'ont fait une forte impression. J'ai tout d'abord lu son premier roman, Love medicine (1984), dont voici la présentation qui figure sur le site du Livre de poche : - Citation :
- De 1934 à nos jours, les destins entrelacés de deux familles indiennes, isolées dans leur réserve du Dakota, à qui les Blancs ont non seulement volé leur terre mais aussi tenté de voler leur âme. Mêlant comédie et tragédie, puisant aux sources d'un univers imaginaire, riche et poétique, qui marque tous ses livres, de Dernier rapport à Little No Horse à Ce qui a dévoré nos cœurs, ce premier roman de Louise Erdrich est présenté ici dans sa version définitive, reprise et augmentée par l'auteur.
Un livre d'une telle beauté qu'on en oublierait presque qu'il nous brise le cœur. Toni Morrison, prix Nobel de Littérature.
Ses livres ont imposé Louise Erdrich comme l'une des grandes voix de la littérature américaine, mais elle est l'une des rares à construire un édifice romanesque d'une complexité comparable à celle de Faulkner. Le Point. Avec ma mémoire de poisson rouge, j'ai pas mal oublié l'histoire, mais je sais que ce roman m'a énormément touchée et que je le relirais probablement un jour. Cette première rencontre avec l'univers de Louise Erdrich m'a marquée : en un livre, j'ai directement ajouté l'autrice à ma liste d'écrivains favoris. Dans mon souvenir, ce roman n'est pas évident à lire de par ses allers-retours dans le temps, mais rien d'insurmontable avec l'arbre généalogique qui figure au début. C'est un texte sublime sur des êtres abîmés. Dans ma lancée, j'avais lu Ce qui a dévoré nos cœurs, à la construction plus classique. Je le conseillerais d'ailleurs pour découvrir Erdrich, car on y retrouve sa poésie, ses personnages à la fois forts et cassés par la vie, et de plus on y apprend plein de choses sur les traditions indiennes. Voici le résumé : - Citation :
- Chargée de procéder à l’inventaire d’une demeure du New Hampshire, Faye Travers remarque parmi une étonnante collection d’objets indiens du XIXe siècle un tambour rituel très singulier. Émue et troublée par cet instrument, elle se prend à l’imaginer doté d’un étrange pouvoir : celui de battre au rythme de la douleur des êtres, comme en écho à la violente passion amoureuse dont il semble perpétuer le souvenir...
J'ai ensuite délaissé l'autrice pendant quelques années, en gardant l'envie de revenir à ses livres, et cette année j'ai lu Le pique-nique des orphelins, son deuxième roman publié (qui a été retraduit récemment) : - Citation :
- La dernière chose que Mary et Karl entrevoient de leur mère, c’est la flamme de ses cheveux roux émergeant du biplan qui l’emporte pour toujours aux côtés d’un pilote acrobate... Devenus orphelins, les enfants montent dans un train de marchandises afin de trouver refuge chez leur tante, dans le Dakota du Nord. Ainsi commence, en 1932, une chronique familiale qui s’étend sur plus de quarante ans, et fait vivre toute une galerie de personnages hors du commun en proie aux paradoxes de l’amour.
Ce livre est un peu différent des deux autres : la culture indienne y est moins présente, même si un des personnages est d'origine indienne. C'est une étonnante saga familiale : étonnante car la chronologie est déroutante (par l'usage fréquent d'ellipses) et les personnages principaux parfois (souvent) antipathiques. Pas une saga familiale classique du tout, donc. J'ai cependant beaucoup aimé cette lecture : Louise Erdrich y fait vivre des personnages plein de failles et de défauts, qui arrivent pourtant à nous toucher. Son écriture est une nouvelle fois empreinte de poésie, mais il y a aussi une certaine distance, voire froideur parfois dans la narration. L'autrice est parfois apparentée au courant du réalisme magique et c'est vrai qu'on en trouve une petite touche dans ce texte, quelques clins d'œil de surnaturel ou superstition. Je ne le conseillerais peut-être pas pour une première rencontre avec Erdrich, mais c'est un très bon roman. Voilà, j'espère vous avoir donné envie de la lire ! J'ai sur ma PAL un autre de ses romans et un recueil de nouvelles. Je tiens à celui-ci comme à la prunelle de mes yeux : je l'ai acheté et fait dédicacer au Salon du livre de Paris il y a 3 ans. Elle est assez impressionnante en vrai, très belle, elle dégage une impression de force et de sérénité. J'étais évidemment paralysée par la timidité et ai juste bredouillé un pathétique Thank you, mais Louise Erdrich m'a dit que mon prénom était beautiful et a ajouté un cœur à sa dédicace (alors que la femme avant moi avait eu une simple signature) donc c'était un des plus beaux moments de ma vie. |
| | | Rosalind Ice and Fire Wanderer
Nombre de messages : 17037 Age : 74 Localisation : entre Rohan et Ruatha ... Date d'inscription : 17/04/2008
| Sujet: Re: Louise Erdrich Mer 28 Aoû 2019 - 12:56 | |
| Merci Esperluette pour l'ouverture du topic Beau travail, tu sais donner envie Cette femme me paraît fascinante, j'ai beaucoup aimé ton anecdote de la dédicace J'ai repéré plusieurs livres à la médiathèque, et je vais suivre ton conseil et commencer par Ce qui a dévoré nos coeurs |
| | | Juliette2a Tenant of Hamley Hall
Nombre de messages : 29105 Age : 27 Localisation : Entre l'Angleterre et la Thaïlande ! Date d'inscription : 06/03/2012
| Sujet: Re: Louise Erdrich Mer 28 Aoû 2019 - 17:49 | |
| Merci pour cette très jolie présentation, Esperluette ! J'aime beaucoup l'anecdote du Salon du Livre également Je vais m'intéresser à cette auteure ! |
| | | Vavyala Wood Full Of Song
Nombre de messages : 4631 Age : 40 Localisation : Entre une forêt francilienne et celle des pages des livres qui m'entourent Date d'inscription : 27/08/2018
| Sujet: Re: Louise Erdrich Mer 28 Aoû 2019 - 17:59 | |
| Merci esperluette pour la présentation de l'autrice et 3 de ses livres et pour le récit de la dédicace, qui rajoute un supplément d'âme à ta belle introduction |
| | | esperluette Magnolia-White Ampersand
Nombre de messages : 9312 Date d'inscription : 11/07/2009
| | | | Tatiana A view from the past
Nombre de messages : 14359 Age : 39 Localisation : Quelque part dans l'Angleterre du XIXe... Date d'inscription : 26/02/2010
| Sujet: Re: Louise Erdrich Jeu 29 Aoû 2019 - 12:30 | |
| Très belle et alléchante présentation esperluette . Je note ce nom dans les auteur(e)s à découvrir, car la littérature amérindienne m'intéresse et ce serait l'occasion de lire davantage de littérature contemporaine. O joie, un bon nombre de ses romans sont disponibles à la bibliothèque anglophone que je fréquente et l'offre en livres audio Audible est également vaste, je n'ai donc aucune excuse de ne pas plonger dans son œuvre la tête la première . _________________ |
| | | Vavyala Wood Full Of Song
Nombre de messages : 4631 Age : 40 Localisation : Entre une forêt francilienne et celle des pages des livres qui m'entourent Date d'inscription : 27/08/2018
| Sujet: Re: Louise Erdrich Jeu 26 Sep 2019 - 11:12 | |
| Suite à la belle promotion d' esperluette en ouverture de topic, j'ai eu envie d'essayer un roman de Louise Erdrich. Mon premier essai s'est porté sur Love medicine, que j'ai adoré , au point que je le mets sans hésiter dans mon top 3 des belles découvertes littéraires de mon année. Merci beaucoup esperluette d'avoir été l'élément déclencheur de ma rencontre avec l'univers de cette autrice, que je ne connaissais pas!!! Alors, pas facile de résumer simplement l'intrigue de Love medicine... Je dirais qu'on y suit le destin de plusieurs familles indiennes issues d'une même réserve, à travers le point de vue de certains de ses membres emblématiques, à différents temps forts de leurs histoires familiales, un même évènement étant parfois raconté dans deux chapitres sous les points de vue des différents protagonistes. Le récit n'est pas chronologique, on a parfois des allers-retours entre le passé et le présent, mais sans que je ne me sente perdue. Je ne suis pas capable de décortiquer à quoi tient la logique de ces changements d'époque pour qu'ils soient passés sans heurts pour moi (et je préfère ne pas creuser pour garder la magie de l'équilibre que Louise Erdrich a su trouver). Comme dit par esperluette, un arbre généalogique figure en début de livre, mais l'histoire me semblait tellement claire que je n'y ai eu que très peu recours. Dans mon vécu de lectrice, ce livre est un OLNI (objet littéraire non identifié ): - dans le sens où Louise Erdrich ne me semble pas souhaiter donner un sens à ce qui se passe (comme dans les constructions classiques état initial-déclenchement-péripéties-état final). Cela se passe. Sans qu'elle oriente ce qu'on "devrait" en penser, sans morale. Certains événements sont décrits avec des ellipses, sans qu'on sache le fin mot de l'histoire, mais au final, ce n'est pas si important. - s'entremêlent le réalisme et le surnaturel lié aux croyances indiennes et au chamanisme qui en découle - et y sont décrits en filigrane, la condition des Indiens au sein et en marge de la société "blanche", de même que les conséquences de la guerre du Vietnam sur les anciens combattants, sans militantisme mais sans fermer les yeux dessus non plus. J'ai le ressenti qu' à aucun moment Louise Erdrich ne juge ce qui passe, ni ne souhaite nous orienter sur une position quelconque. C'est en cela que son livre est rare à mes yeux. Elle décrit. Et libre à chacun de se faire son avis, voire mieux, d'arriver à l'absence de jugement comme elle. Elle décrit sous différents angles un même événement et on est amené à comprendre que personne n'est ni bon ni mauvais, que chacun avait de bonnes raisons de se comporter comme cela (même si les conséquences peuvent en être dramatiques). Ses personnages, même perspicaces, sont humains. Ils font des erreurs. En ce sens, j'ai ressenti son livre comme un chant d'amour pour la condition humaine, pour ses beautés, comme ses fêlures... Dans ma première lecture de ce livre, à mes yeux, les voix de 3 femmes se détachent du lot, les "chefs" des deux familles principales qu'on suit: Lulu Nanapush (bonne vivante, frivole, avec presque des talents de sorcière-chamane) et Marie Lazarre (au mental d'acier, maternelle et accueillant les enfants délaissés et presque sorcière-chamane aussi à ses heures perdues) et en pont entre ces deux familles, celle de l'éthérée June Morrissey, à la fois trait d'union généalogique, mais aussi fil conducteur invisible de l'histoire. Les hommes ne sont pourtant pas délaissés dans l'histoire, on suit les arcs narratifs ascendants ou descendants de certains d'entre eux. Certains ont ma préférence (Gerry Nanapush, Lipsha Morrissey, Lyman Lamartine et même Nector Kashpaw). Mais pour une première lecture, j'ai été happée par la force de volonté des femmes, peu victimes et souvent actrices de leur destinée. Je l'ai lu en VF, donc mon avis portera peut-être plus sur la traduction que la langue originale, mais j'ai trouvé l'écriture très agréable, avec des beaux moments de poésie. - Citation :
- Même quand il se mit à neiger, elle ne perdit pas le sens de l'orientation. Ses pieds s'engourdirent, mais la distance à parcourir ne l'inquiétait pas. Les vents violents ne pouvaient la détourner de son cap. Elle poursuivit son chemin. Même quand son coeur se contracta et que sa peau se craquela de froid, elle ne s'en soucia pas, car la part d'elle-même qui était pure et nue continuait à aller de l'avant.
Il tomba davantage de neige, à Pâques de cette année-là, qu'il n'en est tombé depuis quarante ans, mais June marcha dessus comme sur l'eau et s'en retourna chez elle. Pour conclure, il y a de la violence, de l'âpreté et de l'amertume aussi, mais toujours décrites dans des termes supportables (et c'est une hypersensible qui vous écrit ce retour ), mais surtout, un grand courant d'amour pour la vie, l'humanité (dans son imperfection). C'est un livre que je relirai certainement, avec beaucoup de plaisir et la surprise des nouvelles impressions que me feront ma relecture! |
| | | esperluette Magnolia-White Ampersand
Nombre de messages : 9312 Date d'inscription : 11/07/2009
| Sujet: Re: Louise Erdrich Jeu 26 Sep 2019 - 14:01 | |
| Je suis absolument ravie de te voir si enthousiaste. Il y a des auteurs précieux qu'on a à la fois envie de garder jalousement pour soi, et de faire découvrir au monde entier, et pour moi Louise Erdrich fait partie de ceux-là. Ma lecture remonte trop pour que je puisse rebondir sur ce que tu dis des personnages. Mais je me retrouve dans tes impressions. C'est un livre douloureux mais tellement beau et juste qu'on oublie la dureté de ce qui est raconté. Et c'est intéressant, ce que tu dis sur le fait qu'il n'y ait pas de jugement dans ce roman. Je pense que c'est quelque chose d'important pour moi quand je lis un livre, même si je n'y avais jamais réellement réfléchi. |
| | | Petit Faucon Confiance en soie
Nombre de messages : 12005 Age : 59 Date d'inscription : 26/12/2011
| Sujet: Re: Louise Erdrich Jeu 26 Sep 2019 - 14:15 | |
| Bon, esperluette et Vavyala, vos commentaires enthousiastes convergents m'ont convaincu !!! je vais tâcher de voir lequel de ses livres figure dans les étagères de ma médiathèque ... pour dans quelque temps, parce que mon horizon est déjà bien occupé |
| | | esperluette Magnolia-White Ampersand
Nombre de messages : 9312 Date d'inscription : 11/07/2009
| Sujet: Re: Louise Erdrich Jeu 26 Sep 2019 - 19:02 | |
| Ah, super ! Je suis très contente que ce topic vous ait accrochées ! |
| | | Vavyala Wood Full Of Song
Nombre de messages : 4631 Age : 40 Localisation : Entre une forêt francilienne et celle des pages des livres qui m'entourent Date d'inscription : 27/08/2018
| Sujet: Re: Louise Erdrich Ven 27 Sep 2019 - 10:07 | |
| - esperluette a écrit:
- Et c'est intéressant, ce que tu dis sur le fait qu'il n'y ait pas de jugement dans ce roman. Je pense que c'est quelque chose d'important pour moi quand je lis un livre, même si je n'y avais jamais réellement réfléchi.
Moi non plus je ne m'étais jamais posé la question du jugement de l'auteur (et par extension celui orienté du lecteur) avant ce roman. C'est quelque chose de nouveau pour moi, finalement peu étonnant car il y a peu de personnes qui ont réussi à se détacher du jugement et à porter un regard d'acceptation bienveillante sur ce qui est. Du coup, j'ai ressenti cette lecture comme un soulagement. Même si je ne m'identifie pas aux personnages (j'ai une histoire très différente de la leur), j'ai ressenti que l'autrice donnait le droit à l'humain d'être humain, c'est-à-dire imparfait et faillible. Comme toi, je sais que dans 6 mois j'aurai oublié noms des personnages et trame de l'histoire. En général, je ne retiens que les émotions ressentis suite à mes lectures et parfois une ambiance. Cette fois-ci, je pense que je retiendrai aussi cette sensation d'absence de jugement bienveillante et (je ne sais comment bien le décrire) l'entrelacement entre la réalité physique et les visions, le monde des esprits & la conception unifiée de la vie (humains-animaux-plantes-terre, vivants-morts) de la culture amérindienne. S'il est disponible dans la bibliothèque de ma ville, je lorgne maintenant sur Ce qui a dévoré nos cœurs. |
| | | Juliette2a Tenant of Hamley Hall
Nombre de messages : 29105 Age : 27 Localisation : Entre l'Angleterre et la Thaïlande ! Date d'inscription : 06/03/2012
| Sujet: Re: Louise Erdrich Ven 27 Sep 2019 - 18:07 | |
| Merci pour ce commentaire très enthousiaste, Vavyala ! Je suis très tentée par Love Medicine, je vais voir si ce livre est disponible à la bibliothèque |
| | | Vavyala Wood Full Of Song
Nombre de messages : 4631 Age : 40 Localisation : Entre une forêt francilienne et celle des pages des livres qui m'entourent Date d'inscription : 27/08/2018
| Sujet: Re: Louise Erdrich Lun 14 Oct 2019 - 13:52 | |
| J'ai terminé Ce qui a dévoré nos cœurs et j'ai une nouvelle fois adoré cette incursion dans l'univers d'Erdrich!!! Je dois avouer que j'ai mis un peu plus de temps à rentrer dans l'histoire que pour Love medicine. L'autrice nous introduit la vie de Faye Travers, qui a des origines Ojibwa (nation aussi appelée Chippewa ou Anishinaabe d'après ce que j'ai appris dans un recueil de poèmes amérindiens et me permet mieux de comprendre l'utilisation indifférente de ces différents termes par Louise Erdrich dans les 2 premiers romans que j'ai lus d'elle). Celle-ci semble ne pas accorder d'importance à ses racines indiennes (comme sa mère) et s'être parfaitement intégrée dans la société blanche américaine. J'ai commencé à mieux être "aspirée" dans l'histoire à partir du moment où Faye Travers va faire l'inventaire d'une collection d'objets amérindiens et découvrir le tambour (tel que décrit dans le résumé partagé par esperluette). A partir de ce moment-là, je n'ai plus lâché l'histoire. Pour les réfractaires aux allers-retours dans le temps, contrairement à Love medicine où ils sont récurrents, ici, le récit est structuré en quatre parties où la temporalité et la localisation géographique est plus figée, ce qui peut leur faciliter le suivi de l'intrigue. J'ai adoré les trois pôles temporels et géographiques pour différentes raisons: - Celui autour de Faye Travers et sa mère, en Nouvelle Angleterre: malgré leur intégration à la société américaine, on ressent une quête identitaire et la présence des esprits indiens en lisière de leurs vies. Il y a de très beaux passages, notamment celui où Faye explique que la maison restitue les pas dans la nuit. La maison étant en bois, quand on y marche, les planches bougent. La nuit, les planches reprennent l'une après l'autre leur place, comme des pas fantômes qui suivent les chemins parcourus dans la journée. En parallèle, il y a des évocations intéressantes sur le travail de deuil, de pardon et les non-dits filiaux et amoureux. C'est le plus "occidental" des trois pôles. - Celui autour de l'histoire du tambour où on plonge dans l'histoire plus ancienne amérindienne, à une époque où les rites, les esprits, la "magie" étaient plus forts. C'est la partie la plus proche du genre fantastique du récit, avec des moments très poignants - Celui autour d'une famille contemporaine amérindienne, vivant en réserve, qui fait le lien entre les familles évoquées dans les parties précédentes et le tambour, mais aussi entre les époques (ancienne et contemporaine) et les différents modes de vies amérindiens (ceux habitant en réserve et les "assimilés" comme la famille Travers). Dans cette partie, j'y ai retrouvé une partie des thèmes abordés dans Love medicine: difficultés financières, traumas de guerre,... J'ai ressenti ces trois pôles comme la présentation de trois façons différentes de vivre son identité amérindienne, tout en conservant un lien logique entre ces vies, celui du tambour. Cela m'a amusé de retrouver des noms de famille de Love medicine, comme Nanapush, Pillager... Pas besoin d'avoir lu Love medicine pour suivre l'histoire, j'ai juste trouvé le clin d’œil sympa. Et puis, c'est comme si avec ces deux livres on avait différentes pièces du puzzle sur l'histoire des familles de cette réserve, mais aussi du personnage de Fleur Pillager, le seul commun au deux romans, spoiler pour esperluette et celles/ceux qui liront les romans plus tard: - Spoiler:
Si je ne me trompe pas, Fleur Pillager est la femme qui aide Marie Lazarre à accoucher, en présence de sa belle-mère acariâtre Rushes Bear qui va apprendre à l'aimer après son courage pendant son accouchement. Ici, Fleur Pillager est présentée comme étant la petite sœur de la fille-tambour, le bébé qui a survécu aux loups, aux enchantements de la première femme de son père, etc... Il semblerait donc qu'après des débuts difficiles, elle ait appris à être femme-médecine auprès de sa famille d'adoption les Pillager.
En revanche, je dois avouer que je n'ai pas compris le titre français... Quand je suis allée en première page chercher le titre original, pour avoir des pistes, j'y ai vu que c'était The painted drum, ce qui me semble très logique. Je ne comprends pas quelle a été la motivation de la traductrice à réinventer le titre, pour obtenir quelque chose de plus (trop?) mystérieux... Pour conclure, j'ai trouvé que c'était un très beau roman où on entre plus dans la façon de concevoir et vivre le monde des Amérindiens, tout en conservant les thèmes de la recherche identitaire en pays colonisé, de l'importance de la figure féminine, etc... Il sera ex aequo avec Love medicine dans mon top 3 des découvertes de l'année 2019. J'ai préféré sa structuration, mais j'avoue avoir un faible pour les sagas familiales et le fil conducteur de June Morrisey dans Love medicine, du coup, je les aime autant, mais pour des raisons différentes. Enfin, sauf bouleversements par des entrées imprévues dans l'automne... |
| | | serendipity Aurora Borealis Chaser
Nombre de messages : 12420 Date d'inscription : 31/05/2007
| Sujet: Re: Louise Erdrich Lun 14 Oct 2019 - 14:34 | |
| Merci pour ton retour si enthousiaste Vavyala. Ca donne envie - Vavyala a écrit:
- En revanche, je dois avouer que je n'ai pas compris le titre français... Quand je suis allée en première page chercher le titre original, pour avoir des pistes, j'y ai vu que c'était The painted drum, ce qui me semble très logique. Je ne comprends pas quelle a été la motivation de la traductrice à réinventer le titre, pour obtenir quelque chose de plus (trop?) mystérieux...
J'ai pu lire sur Internet que les premiers romans de Louise Erdrich avaient été traduits une première fois (traduction tronquée peut-on lire sur certains sites) puis que des retraductions avaient été effectuées par Isabelle Reinharez, assorties de nouveaux titres. Tel n'est pourtant pas le cas pour ce roman-ci. Ce que je peux dire, c'est que les traducteurs n'ont que rarement voix au chapitre pour le choix du titre (même s'ils font des propositions), qui est plutôt effectué par l'éditeur. Pour répondre à ta question Vavyala (très intéressante d'ailleurs), il faudrait en parler avec la traductrice Isabelle Reinharez. Si jamais elle nous lit un jour, nous pouvons espérer une réponse ici* Sinon, il peut y avoir des pistes d'explication dans ses interviews si elle en donne *c'est déjà arrivé une fois sur le forum, alors on peut toujours rêver |
| | | Vavyala Wood Full Of Song
Nombre de messages : 4631 Age : 40 Localisation : Entre une forêt francilienne et celle des pages des livres qui m'entourent Date d'inscription : 27/08/2018
| Sujet: Re: Louise Erdrich Lun 14 Oct 2019 - 15:39 | |
| J'espère que ces romans t'intéresseront quand tu t'y plongeras! Merci pour les indications sur les précédentes traductions des romans de Louise Erdrich et sur le poids que peut avoir un éditeur sur certains choix de traduction. Oui, j'espère qu'on trouvera une ou des interviews dans lesquelles elle décrit son travail sur les romans de Louise Erdrich ou qu'elle soit une année invitée au festival VO-VF. En tout cas, je peux dire que sa mission de traduction est bien remplie pour nous avoir fait adhérer sans heurt à ces histoires! En cherchant sur internet des interviews d'Isabelle Reinharez, je suis tombée sur une de Louise Erdrich où elle explique aimer le titre français Dans le silence du vent de son roman The round house. |
| | | esperluette Magnolia-White Ampersand
Nombre de messages : 9312 Date d'inscription : 11/07/2009
| Sujet: Re: Louise Erdrich Lun 14 Oct 2019 - 15:49 | |
| Je regrette d'avoir une et de ne pas pouvoir réagir plus en détails à ton post Vavyala, mais je suis encore une fois ravie de ton enthousiasme ! J'ai un souvenir très flou mais très fort de ce roman. Concernant les titres, oui, c'est vrai pour les traductions mais aussi pour les romans d'auteurs français : l'éditeur est décisionnaire la plupart du temps... J'aime plutôt bien le titre "ce qui a dévoré nos cœurs" mais c'est vrai que cela n'a pas grand-chose à voir avec le titre original ! Le dernier que j'ai lu, The Beet Queen en VO, a été traduit une première fois par "la branche cassée" (dans une des versions tronquées évoquées par Serendipity) puis par "le pique-nique des orphelins" (titre de la dernière traduction). Les 3 titres font référence à des épisodes du roman, mais les titres français penchent plus vers une coloration sentimentale et nostalgique. Pour le coup je crois que je préfère le titre original. - Vavyala a écrit:
- Et puis, c'est comme si avec ces deux livres on avait différentes pièces du puzzle sur l'histoire des familles de cette réserve, mais aussi du personnage de Fleur Pillager, le seul commun au deux romans, spoiler pour esperluette et celles/ceux qui liront les romans plus tard:
- Spoiler:
Si je ne me trompe pas, Fleur Pillager est la femme qui aide Marie Lazarre à accoucher, en présence de sa belle-mère acariâtre Rushes Bear qui va apprendre à l'aimer après son courage pendant son accouchement. Ici, Fleur Pillager est présentée comme étant la petite sœur de la fille-tambour, le bébé qui a survécu aux loups, aux enchantements de la première femme de son père, etc... Il semblerait donc qu'après des débuts difficiles, elle ait appris à être femme-médecine auprès de sa famille d'adoption les Pillager.
Il faudra que je vérifie mais je crois que Fleur Pillager apparaît aussi dans Le pique-nique des orphelins ! Je ne me rappelais pas qu'on la croisait dans Love medicine et Ce qui a dévoré nos cœurs, merci de l'avoir signalé. |
| | | Vavyala Wood Full Of Song
Nombre de messages : 4631 Age : 40 Localisation : Entre une forêt francilienne et celle des pages des livres qui m'entourent Date d'inscription : 27/08/2018
| Sujet: Re: Louise Erdrich Lun 14 Oct 2019 - 16:04 | |
| J'avoue que je me sers en partie du forum comme mémo de mes impressions de lecture, car me connaissant, dans quelques semaines, mois, j'aurai oublié le nom des personnages et l'intrigue principale et ne me souviendrai que des empreintes émotionnelles laissées par les romans lus. Il faut que je relise mes romans préférés plusieurs fois pour que les noms et péripéties s'impriment plus durablement... A l'inverse, mon mari a une mémoire d'ordinateur pour les romans, capable une décennie plus tard de raconter toute l'histoire, avec le nom des protagonistes, après avoir lu un roman une seule fois... Par contre, il est aux abonnés absents pour les dates (des RDV, des anniversaires, de mariage...). Eh bien, je ne savais pas que c'était aussi le cas des romans français... Je pense que je connais très peu finalement le travail d'un éditeur sur la construction et la diffusion d'un roman... J'apprends des choses, je me coucherai moins bête ce soir J'ai l'impression que les titres originaux sont plus secs et descriptifs que ceux français, plus poétiques. Mais ceux français reflètent-ils une vision amérindienne ou la vision française de la poésie amérindienne? Si Louise Erdrich en apprécie (au moins un), c'est qu'elle ne se sent pas trahie... Haha, si Fleur Pillager apparait dans Le pique-nique des orphelins, voire d'autres romans, ce serait marrant d'avoir ce personnage discret mais présent tout au long de ces récits, comme un fil conducteur sur l'histoire de cette réserve... |
| | | MissAcacia DerbyCheshire Cat
Nombre de messages : 7646 Age : 51 Localisation : Perched on a hot sound tree Date d'inscription : 26/10/2007
| Sujet: Re: Louise Erdrich Lun 14 Oct 2019 - 19:54 | |
| Vous donnez envie de découvrir Louise Erdrich Je penserai à elle pour ma prochaine incursion dans la littérature nord-américaine. Pour le moment, je suis toujours dans l'Oregon avec Ken Kesey et à New York avec Edith Wharton. |
| | | esperluette Magnolia-White Ampersand
Nombre de messages : 9312 Date d'inscription : 11/07/2009
| Sujet: Re: Louise Erdrich Mar 15 Oct 2019 - 16:58 | |
| J'ai vérifié hier soir et je confirme que Fleur Pillager apparaît brièvement dans Le pique-nique des orphelins, Vavyala. Tu as raison, les titres anglais d'Erdrich sont plutôt secs. J'aime bien les titres français, plus évocateurs. HS : tu ne voudrais pas ouvrir un topic à Ken Kesey, MissAcacia ? J'ai Vol au-dessus d'un nid de coucous à lire depuis une éternité et potentiellement aussi Et quelquefois j'ai comme une grande idée, que j'avais offert à mon frère de manière tout à fait intéressée. |
| | | Juliette2a Tenant of Hamley Hall
Nombre de messages : 29105 Age : 27 Localisation : Entre l'Angleterre et la Thaïlande ! Date d'inscription : 06/03/2012
| Sujet: Re: Louise Erdrich Mar 15 Oct 2019 - 17:58 | |
| Merci pour ton avis, Vavyala ! Ton enthousiasme fait plaisir à voir Je suis également intéressée par un topic sur Ken Kesey |
| | | Vavyala Wood Full Of Song
Nombre de messages : 4631 Age : 40 Localisation : Entre une forêt francilienne et celle des pages des livres qui m'entourent Date d'inscription : 27/08/2018
| Sujet: Re: Louise Erdrich Mar 15 Oct 2019 - 18:21 | |
| MissAcacia et Juliette, j'espère que vous prendrez plaisir à découvrir cette autrice un jour! esperluette, merci d'avoir regardé! Je trouve ça marrant la présence de ce personnage secondaire récurrent. Je serai attentive à vérifier si elle apparaît dans d'autres romans la prochaine fois que je reviendrai vers Louise Erdrich. |
| | | MissAcacia DerbyCheshire Cat
Nombre de messages : 7646 Age : 51 Localisation : Perched on a hot sound tree Date d'inscription : 26/10/2007
| Sujet: Re: Louise Erdrich Jeu 17 Oct 2019 - 19:55 | |
| Je l'espère aussi J'ai même vérifié dans ma vertigineuse PAL au cas où, mais non, je n'ai pas eu l'intuition d'y glisser un roman de L. Erdrich. Il me faudra le trouver ou l'acheter. (message reçu 5/5 pour Ken Kesey les filles...) |
| | | Rosalind Ice and Fire Wanderer
Nombre de messages : 17037 Age : 74 Localisation : entre Rohan et Ruatha ... Date d'inscription : 17/04/2008
| Sujet: Re: Louise Erdrich Ven 30 Avr 2021 - 13:37 | |
| Je lis son dernier roman, L'enfant de la dernière aurore paru en janvier 2021.
Très surprenant, je ne m'attendais pas du tout à cela. J'ai pensé en lisant les premières lignes dans lesquelles elle fait allusion à une situation alarmante qu'elle l'avait écrit très récemment, et qu'il fallait y lire une référence à la situation sanitaire actuelle.
Mais non, il s'agit d'une dystopie cauchemardesque, la description d'un monde effrayant dans lequel une catastrophe génétique fait régresser l'humanité aux premiers stades de l'évolution des espèces. Un gouvernement totalitaire religieux traque les femmes enceintes.
Le récit prend la forme d'un journal intime adressé par la narratrice, une jeune femme indienne, à son futur bébé.
Je n'en suis qu'au début du livre, très dérangeant mais captivant, et reviendrai pour en dire plus.
Il est comparé à La servante écarlate de Margaret Atwood qui traite du même thème. |
| | | Petit Faucon Confiance en soie
Nombre de messages : 12005 Age : 59 Date d'inscription : 26/12/2011
| Sujet: Re: Louise Erdrich Ven 30 Avr 2021 - 14:38 | |
| Le thème parait très intéressant, et en effet en te lisant j'ai pensé tout de suite à La servante écarlate. Merci pour cette présentation Rosalind |
| | | Juliette2a Tenant of Hamley Hall
Nombre de messages : 29105 Age : 27 Localisation : Entre l'Angleterre et la Thaïlande ! Date d'inscription : 06/03/2012
| Sujet: Re: Louise Erdrich Ven 30 Avr 2021 - 18:13 | |
| Je plussoie Petit Faucon ! Merci pour cette présentation, Roz, qui fait effectivement penser à La Servante Ecarlate |
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| Sujet: Re: Louise Erdrich | |
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| | | | Louise Erdrich | |
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