Le cinéma danois

J'ouvre ce topic suite aux échanges que j'ai eus avec Serendipity sur le topic fourre-tout des derniers films vus. J'explore actuellement Netflix, plateforme sur laquelle se trouvent des films scandinaves. L'idée est d'ouvrir, pour l'instant, un topic pour chaque pays de Scandinavie.

J'ouvre donc le topic danois, pour parler du film que je viens de voir et que j'ai trouvé excellent. Il s'appelle Barbara, est sorti en 1997,  et est l'adaptation du roman de Jacobsen paru en 1939. Ce roman est écrit en Danois, mais l'auteur est né dans les îles Féroé. C'est en fait la particularité de cette histoire que de se passer dans les îles Féroé.



Nous sommes au 18ème siècle (à l'époque de Madame de Pompadour, dont la liaison avec Louis XV est citée comme de l'actualité brûlante ). Le film raconte l'histoire de Barbara, jeune femme lumineuse, amoureuse de l'amour, éperdue de liberté, qui vit dans l'archipel. Elle est doublement veuve (ses deux précédents maris, pasteurs, sont morts tous les deux), et subit la réprobation de toute sa famille, qui considère ses mœurs comme déplorables. Le film commence avec l'arrivée d'un nouveau pasteur, jeune et séduisant, timide, et qui évidemment tombe sous le charme éclatant de Barbara.

L'histoire se passe entièrement aux îles Féroé. On y voit combien la vie était dure à l'époque, et combien les habitants y étaient peu nombreux (ils sont quasiment tous cousins) et isolés. Seule échappatoire possible, pour les jeunes hommes, partir étudier à Copenhague (je crois qu'à l'époque, les îles Féroé faisaient partie du Royaume du Danemark, comme la Norvège). Autrement, c'est un vase clos, les jeunes gens s'amusent comme ils peuvent, saisissent la moindre occasion (au début du film, trois navires français venus d'Amérique, sont de passage... après leur passage, sept femmes sont enceintes de marins français), les soirées dansantes ont lieu dans des salles obscures, aux murs entièrement lambrissés de bois et sans fenêtres.

Le film s'apprécie d'autant plus qu'on a une petite idée de la géographie du lieu, et combien les îles à l'intérieur même de l'archipel, sont difficilement accessibles les unes des autres (malgré leur grande proximité physique). Barbara et le pasteur vivent à Vagar (qui est l'île où il y a aujourd'hui l'aéroport), mais la capitale Tórshavn est encore sur une autre île. Cela explique pourquoi chaque déplacement est réfléchi, et en quoi chaque visite est un événement. Les paysages sont tels que dans mon souvenirs (bien que le film ait un peu vieilli, et que les images granuleuses ne soient pas toujours très belles). Amoureux de paysages verts battus par la pluie et le vent, ce film est fait pour vous.

J'ai eu la chance d'aller aux îles Féroé, c'est très petit, et le climat est proprement hostile (du brouillard 24h/24, 80% d'humidité, mais malgré la latitude, il ne fait pas froid en raison de l'influence du Gulf Stream). Les trois ou quatre principales îles sont désormais reliées par des tunnels sous-marin ou des ponts, mais les autres ne sont accessibles qu'en bateau, et aujourd'hui encore les traversées sont périlleuses (pour visiter certaines îles par exemple, il est possible de partir le matin s'il fait beau... mais on ne sait jamais quand on fera la traversée dans l'autre sens, tant le temps change vite et la mer est dangereuse , et il y a encore eu des morts relativement récemment). Les îles sont montagneuses, et pour passer d'un village à l'autre, il faut parfois emprunter des chemins de crête périlleux, plongés dans la brume.

Bref, ce film raconte l'histoire de Barbara, mais son histoire est indissociable des îles. On devine qu'une partie des tourments de l'héroïne ne sont pas seulement liés à sa personnalité fantasque, mais aussi au fait qu'elle est prisonnière d'une vie où elle s'ennuie, où elle n'a d'autre choix de vivre pleinement les quelques occasions qu'elle rencontre. Presque personne autour d'elle ne la comprend, et le pasteur sait lui-même que tomber sous le charme de Barbara ne peut que le mener à sa perte.

Dans son rapport aux hommes, ce naturel qui séduit apparemment tous les hommes sur son passage, Barbara est vraiment proche de l'héroïne du film norvégien que j'ai vu hier (The greatest thing). J'ai trouvé la coïncidence amusante. Ceci étant, j'ai cette fois-ci trouvé l'actrice tout à fait rayonnante, entière (et "pure" d'après le héros pasteur), bien que complètement versatile côté sentiments amoureux et considérée comme une vraie séductrice. J'ai eu de l'empathie pour elle. Même si jamais la notion de liberté n'est évoquée expressément, j'ai eu l'impression que c'est ce dont on parlait.

Que dire de plus ? Ce film, dans son sujet, m'a forcément paru atypique. Il faut noter aussi qu'il est dans les deux langues (danois et féroïen) mais je n'ai pas l'oreille assez aiguisée pour distinguer les deux. C'est intéressant de voir combien cet archipel était à la fois en Europe (certains ouvrages français arrivent entre les mains du juge de Tórshavn, il cite La Rochefoucauld, les jeunes reviennent du Danemark avec la mode et la culture du 18ème siècle), et à la fois hors du monde et hors du temps, avec des paysans pauvres, et quelques notables qui vivent eux-mêmes dans des conditions modestes. Importance aussi de la religion, qui semble aux yeux de la population, le seul moyen de "tenir".

Voilà, je le recommande ! Je pense que ça pourrait plaire à Lambton, même si les images ont un peu vieilli et que la musique donne un côté "mélo", l'ensemble est riche en sujets évoqués, et l'âpreté de la vie quotidienne des Féroïens est bien racontée. Et puis, j'ai reconnu de temps en temps le cri des sternes arctiques, et ça m'a rappelé de beaux souvenirs.

Merci Annwvyn pour ce topic. C'est une bonne idée un topic par pays. L'histoire est très séduisante avec une héroïne pétillante et un décors des plus intrigants. Ca me plait bien. Je me le note.

Merci pour le nouveau topic, et ton retour sur ce film Annwvyn. J'ai sûrement dû le voir passer sur Netflix sans y prêter beaucoup d'attention, mais ta présentation et ton commentaire donnent très envie de le découvrir, en particulier pour les cadres historique et géographique.

Sur le cinéma danois, je rappelle qu'il existe aussi un topic sur Mads Mikkelson et les acteurs danois

Merci pour l'ouverture du topic que je vais suivre avec assiduité
J'ai mis Barbara dans ma liste suite à ton avis hier

Je pense que ce film pourrait te plaire Tatiana.

J'ai hésité en effet à poster dans le topic des acteurs danois, mais j'ai eu peur que Barbara y soit un peu noyé, c'est un film qui n'a pas de tête d'affiche connue en France, et je me suis dit qu'il ne serait pas le seul dans ce genre, à n'être pas particulièrement lié à "un acteur danois".

Ysabelle et Serendipity, ravie de pouvoir bientôt échanger avec vous !

Quelle magnifique présentation, Annwvyn ! Le film a tout pour me plaire, je l'ajoute à ma liste à voir

Annwvyn a écrit:

J'ouvre ce topic suite aux échanges que j'ai eus avec Serendipity sur le topic fourre-tout des derniers films vus. J'explore actuellement Netflix, plateforme sur laquelle se trouvent des films scandinaves. L'idée est d'ouvrir, pour l'instant, un topic pour chaque pays de Scandinavie.

Bonne idée Annwvyn , et merci pour cette belle présentation qui donne envie  

J'avais justement eu l'intention d'ouvrir un topic au cinéma islandais il y a quelques jours, après avoir vu "Woman at war"

J'irai compléter le topic quand tu l'auras ouvert.

Ravie de vous donner des envies ! 

Rosalind, je n'ai pas encore prévu d'ouvrir un topic aux films islandais, donc n'hésite pas à me griller la politesse ! Je n'ai pas vu Woman at war mais j'en ai entendu du bien !

Belle idée que de créer un sujet tel que celui-ci.
J'adore le cinéma Danois et Scandinave comme certaines d'entre vous le savent.
Ton avis si enthousiaste me donne envie de le voir.

Annwvyn a écrit:

Je n'ai pas vu Woman at war mais j'en ai entendu du bien !

Je confirme, c'est un très beau film

Annwvyn a écrit:

Rosalind, je n'ai pas encore prévu d'ouvrir un topic aux films islandais, donc n'hésite pas à me griller la politesse !

Merci Annwvyn, je vais le faire. Et arrêter là le hs

J'ai regardé sur Netflix toujours le film danois Un homme chanceux de Bille August, sorti en 2017. C'est un très beau film, assez déprimant il faut le dire, et qui avait failli être soumis par le Danemark à l'oscar du meilleur film étranger. Il s'agit de l'adaptation d'un roman (en partie autobiographique) en huit volumes écrit par le prix nobel danois Henrik Pontoppidan (publié entre 1898 et 1904).

Le film est classique, dans le bon sens du terme. Esthétiquement beau, que ce soient les scènes de paysages, les rues de Copenhague (fin XIXème je dirais), ou les costumes et les chapeaux. Les images sont très belles, et la lumière est aussi douce que le propos du film est amer voire dur. Sobriété et intensité vont ensemble, à l'image de la personnalité du héros, d'un abord froid et indifférent, mais habité d'émotions profondes qu'il peine à exprimer. Je me demande si le temps ne me rendra pas ce film plus fort...


L'histoire est celle Peter-Andreas Sidenius, qui se rend à Copenhague pour y devenir ingénieur. Peter Andreas (ou en danois "Lykke Per", Per le chanceux) a souffert d'une éducation ultra-religieuse et autoritaire (son père était pasteur), et ses projets d'ingénieur sont autant une passion qu'un moyen de fuite et de rébellion contre sa famille. Il a de grands projets, qui tiennent plus des envies de grandeur et d'un idéalisme absolu que d'une entreprise réaliste (construire des canaux à travers le pays, utiliser l'énergie éolienne et hydraulique pour rendre le Danemark auto-suffisant...). Peter est issu d'une classe sociale modeste, ce dont il souffre d'autant que cela lui ferme d'office toutes les portes pour mener à bien ses projets (que ce soit une question d'éducation, d'argent, de codes sociaux...).

Le portrait psychologique de Per est au cœur de ce (long) film, et je l'ai trouvé très soigné.   Le personnage n'est pas particulièrement attachant, il paraît incapable d'aimer ou d'éprouver de l'empathie. On évoque son enfance, où son père autoritaire et violent ne lui laisse aucune place. Ses années d'études et sa rencontre avec la riche (quelle classe ) Jakobe Salomon. Et toujours, au centre de l'histoire, son orgueil, qui sera son moteur, tout en l'empêchant d'accepter le moindre compromis. En filigrane, ce qui est interrogé, c'est la violence sociale, cette condamnation qui est faite des classes modestes, comme un genre de malédiction qui fait que toutes les personnes qui auraient envie un jour d'échapper à leur milieu d'origine y seraient brutalement reconduites par le destin ou par la main de Dieu. Mais ce n'est pas si tranché que ça... je me rends compte que c'est extrêmement bien raconté, avec une vraie subtilité.

Ce film m'a beaucoup affectée, à titre personnel, le héros m'ayant largement fait penser à mon propre père. Le personnage de Per, sans que je ne trahisse la fin du film, est tourmenté de bout en bout, comme si tout était joué dès sa petite enfance, et il lutte seul contre le monde, à la force de sa passion pour son métier et la certitude qu'il a d'être brillant. C'est assez douloureux et amer. L'acteur principal, Esben Smed, est remarquable.

Voilà donc encore une recommandation...

Le catalogue Netflix nous donne accès à des films rares, j'ai récemment visionné un film avec Sidse Babett Knudsen (notre Brigitte Nyborg de Borgen   entre autres) : Thérapie de couple (Parterapi) de 2010.

Pas inintéressant sur le fond, mais une esthétique assez moche (des couleurs assez cacabouillasses

A conseiller à celles et ceux qui ont une folle envie de creuser la filmographie de Sidse Babett Knudsen  -et aux daltoniens

Annwvyn a écrit:

J'ai regardé sur Netflix toujours le film danois Un homme chanceux de Bille August, sorti en 2017. C'est un très beau film, assez déprimant il faut le dire (...)

L'acteur principal, Esben Smed, est remarquable.

Je l'ai vu et mon avis rejoint largement le tien. Gros coup de coeur pour ce long film de presque 3 heures (j'ai lu qu'il avait été décliné au format mini-série au Danemark) et pour cette belle histoire. Mon personnage préféré restera Jakobe, un magnifique portrait de femme  

C'est un tour de force que réussit Bille August en adaptant un tel monument de la littérature danoise

Annwvyn a écrit:

Je me demande si le temps ne me rendra pas ce film plus fort...

Je partage ton point de vue (le film m'a hantée ou habitée plusieurs heures voire jours après l'avoir vu) et suis curieuse de connaître ton avis 2 ans après avoir visionné le film

Je n'en dis pas plus car tout est dit (et très bien dit) dans le post d'Annwvyn. Je recommande don également ce film (et en particulier à Tatiana, Juliette, WayOfEvasion et Petit Faucon*, dont je pense commencer à deviner -modestement- les goûts, mais que les autres ne se sentent surtout pas pas exclues !!)

* certains plans du film m'ont évoqué les toiles d'Hammershoi

Merci pour ton retour, Serendipity !
Il est déjà dans ma wishlist !

Merci beaucoup de ton retour Serendipity. Je suis contente que tu aies apprécié ce film, qui m'avait en effet assez frappée à l'époque, et que tu partages mon ressenti.

Deux ans après, eh bien, il m'en reste un peu moins, mais je dirais que c'est un peu la faute du petit écran. Les choses auraient été différentes si j'avais découvert le film au cinéma. Malgré tout, j'ai gardé le souvenir d'un film esthétiquement très beau, et psychologiquement abouti... et d'un sentiment de malaise, de tourment et d'amertume, autour du personnage principal. Je pourrais le revoir peut-être, si j'ai le courage...

@ serendipity : merci pour ton retour sur ce film. Je l'ai aperçu dans le catalogue Netflix, sans avoir eu la curiosité de me renseigner à son sujet. Je vais l'intégrer à ma liste pour un futur visionnage .

Merci Serendipity d'avoir parlé de ce film. Je suis complètement passé à côté.
J'ai regardé quelques films norvégiens sur Netflix et je suis passé à côté de celui-ci.
Je le note pour le regarder dès que possible

serendipity a écrit:

Je recommande donc également ce film (et en particulier à Tatiana, Juliette, WayOfEvasion et Petit Faucon*, dont je pense commencer à deviner -modestement- les goûts, mais que les autres ne se sentent surtout pas pas exclues !!)

C'est noté !

J'ai vu le film islando-danois Perdus dans l'Arctique (Against the ice) sur Netflix.

Ce film raconte l'histoire vraie de l'expédition de l'explorateur danois Ejnar Mikkelsen qui en 1909 a exploré le nord du Groenland pour prouver qu'il était constitué d'une seule et unique terre (et non pas de plusieurs qui seraient coupées en deux par le Canal de Peary, ainsi que les Etats-Unis le soutenaient - cela leur aurait permis de revendiquer une partie du territoire). Plus exactement, Mikkelsen avait repris le flambeau de l'expédition de Mylius-Erichsen de 1906, lequel n'est jamais revenu de son voyage. A son retour, Mikkelsen avait publié le récit de sa propre expédition, dont le film est l'adaptation.

J'ai trouvé le film intéressant, mais je ne pense pas qu'il soit incontournable. Pour l'histoire exceptionnelle qu'il raconte, il aurait pu être meilleur. Les acteurs sont très bien (j'aime beaucoup Nikolaj Coster-Waldau, également scénariste sur ce film, et Joe Cole est convaincant). Mais le film souffre d'un certain manque de rythme ou de tension dramatique. Les jours d'exploration passent (on a un décompte), les difficultés s'enchainent, on voit que c'est physiquement et psychologiquement éprouvant, mais je n'ai pas ressenti que les personnages allaient vers un point de saturation, alors que c'est clairement ce que veut nous raconter le scénario. Le troisième tiers essaye de montrer le poids de la solitude et de l'incertitude, je ne suis pas sûre d'y avoir vraiment cru.

Au-delà, ça reste un film dont les images sont magnifiques, et qui donne envie d'y réfléchir à deux fois avant de se lancer dans l'exploration de la banquise. Il y a quelques scènes marquantes, comme cette voiture perdue au milieu de la banquise, c'est une image sobre et violente à la fois. Même si on voit bien que les acteurs (dont les personnages disent souffrir de la faim) restent en pleine forme physique, et donc que c'est juste du cinéma, ces déserts de glace restent assez angoissants... On devine la puissance et la dangerosité de la nature. L'acteur Nikolaj Koster-Waldau est assez sensible à la cause environnementale, et sa femme est originaire du Groenland, je me suis dit que c'était peut-être plus pour parler de nature qu'il a fait ce film.

Enfin, vous verrez le nom de Charles Dance au générique, mais inutile de trop l'attendre, il doit avoir trois minutes d'écran, en tout et pour tout.

Merci pour ton retour, Annwvyn ! J'avais visionné ce film en 2022 (déjà ) et j'avais été happée par l'histoire !

Je l'ai également visionné et je pensais avoir écrit mon avis. Je pense l'avoir apprécié plus que toi Annwvyn mais je me rends compte que je n'en garde pas trop de souvenirs