En ce moment à Paris, se joue la pièce
Les quatre soeurs March, adaptée des romans de Louisa May Alcott (on reste sur un découpage classique, jusqu'à Plumfield et le dénouement heureux avec le Professeur Bhaer, en gros). C'est la compagnie
Le Hasard du Paon qui est à la manette, la mise en scène est signée Armance Galpin et Aurélien Houver, et l'affiche du spectacle déclare que les romans sont "Pour la première fois au théâtre en France".
A Paris, la pièce est présentée au théâtre du Ranelagh, que je découvrais mais que je connaissais déjà de réputation pour être très beau (c'est un théâtre droit, au plafond à caissons et panneaux de chêne sculptés, de style néo-Renaissance flamande nous dit Wikipédia). Je lui ai trouvé un petit côté anglais avec tout ce bois, c'est un cadre agréable pour voir un spectacle.
J'ai appris l'existence de cette pièce par hasard, et bien entendu j'y suis allée.
Je vous la recommande, je pense que c'est une franche réussite.
J'ai été séduite et convaincue par le spectacle. La pièce offre un excellent travail d'adaptation (je reconnais que j'ai lu le roman il y a une éternité, mais j'ai bien en tête l'histoire et le film de Greta Gerwig, donc ça peut aller). Le découpage des scènes m'a convaincue, il y a du rythme, mais aussi du temps accordé à l'émotion (j'ai eu la gorge nouée
), et à une ou deux exception près
- Spoiler:
il manque par exemple la scène où Amy brûle le projet de roman de Jo, et la chute dans la glace d'Amy qui s'ensuit
les événements clefs de l'histoire sont repris.
Les costumes sont demi-historiques, disons un peu vintage, avec les bottines qui vont bien, puis un pantalon à la coupe années 30 pour Jo. Les décors ont juste ce qu'il faut d'esthétique (des panneaux à trois faces, à motifs fleuris ou géométriques, qui tournent à volonté, et permettent de reconfigurer l'espace), et il y a le piano de Beth dont la musique rythme la pièce de manière émouvante.
Les comédiens sont au nombre de 6, 4 femmes et 2 hommes. Il y a une belle homogénéité dans le talent de la distribution. Personnellement, cela m'a permis de redécouvrir des personnages auxquels je m'identifie souvent moins, c'est à dire Beth, et Laurie, dont j'ai bien aimé les interprètes.
Seul bémol, mais qui n'engage que moi (j'ai vu la pièce avec une lambtonienne qui n'a pas été gênée du tout !), j'ai tout simplement (et avec ferveur
), dé-tes-té le choix d'interprétation de Jo !
La comédienne est très bien pourtant, donc je me dis que c'est surtout une question de direction de l'actrice, et de parti pris qui n'aurait pas été le mien. J'ai perçu sa Jo comme très "grande gueule", sans vraiment de sensibilité, et à quelques scènes près, je l'ai trouvée uniformément agressive, bruyante, et insupportable, il faut bien le dire...
Ceci dit, ça ne m'a pas autant empêchée de profiter du spectacle que ça aurait pu. J'ai toujours aimé le personnage de Jo, je me bloque juste peut-être un peu quand ça ne colle pas exactement avec ce que je ressens. J'ai donc fait avec ce choix des metteurs en scène, qui semblent aussi dire ainsi qu'une femme n'a pas à être douce ou "féminine" parce qu'elle est une femme, affirmation avec laquelle je suis bien entendu d'accord. Et tout le reste était vraiment bien, donc j'avais de quoi profiter par ailleurs (même si j'ai vraiment détesté cette Jo
).
Il y a peut-être juste deux choses que j'ai moins aimées.
D'abord le début
- Spoiler:
on commence avec l'enterrement de Jo, qui permet aux personnages de se souvenir. C'est peut-être maladroit comme moyen de lancer la pièce, mais c'est surtout que ça a provoqué chez moi une sorte de bouffée d'angoisse de temps qui passe assez désagréable, et un peu étourdissante !
Et autre chose, mais c'est plus diffus et plus difficile à expliquer, j'ai trouvé que la pièce, si elle met bien à l'honneur Jo qui veut devenir "autrice" (c'est le mot que la pièce choisit
), passait un peu à côté de la passion de Jo pour l'écriture, ou en tout cas de l'enthousiasme créatif que l'écriture génère. Mais pour le coup, je pense que je compare avec le film de Greta Gerwig, qui avait provoqué chez moi une grande envie de m'asseoir par terre et d'écrire, alors que là, rien du tout !
Voilà en tout cas une jolie pièce, qui a plus que le mérite d'exister, en étant de grande qualité.
Elle est à Paris jusqu'à fin mars, mais rien ne dit qu'elle ne tournera pas ensuite en France !