Une auberge pour les admirateurs de Jane Austen, et bien plus encore... |
|
| Sense and Sensibility : le dernier chapitre | |
| | Auteur | Message |
---|
Miss Bell Intendante de Pemberley
Nombre de messages : 575 Age : 38 Date d'inscription : 27/10/2007
| Sujet: Sense and Sensibility : le dernier chapitre Mar 22 Jan 2008, 15:37 | |
| J'ouvre mon premier topic... et je verse une larme d'émotion en même temps... Voilà de quoi continuer la discussion entamée sur le topic de la série. J'ai fait une petite (tout est relatif) explication linéaire des passages concernant Marianne dans le dernier chapitre. Mon point de vue et subjectif et je ne suis ni une spécialiste de la période, ni une spécialiste du roman anglais. cependant j'espère ainsi éclairer mon point de vue de manièe argumentée.Bon j'arrête avec ma "captatio benevolentiae" et je me lance. Je me suis appuyée sur la traduction 10/18 et sur le texte anglais de la collection oxford world's classics. Mon explication va de "le mariage d'Elinor la sépara de sa famille aussi peu que possible" à "comme il l'avait d'abord été à Willoughby" (p 372-373 en 10/18 et p 287-288 en Oxford). Je met l'ensemble en spoiler car c'est vraiment long... et je rappelle que :immo Voilà le texte - Spoiler:
« Le mariage d’Elinor la sépara de sa famille aussi peu que possible sans rendre entièrement inutile le cottage de Barton, car sa mère et ses sœurs partageaient leur temps entre Barton et Delaford. Mrs Dashwood multipliait ses visites à Delaford autant par politesse que par plaisir ; car son désir d’unir Marianne et le colonel Brandon était à peine moins vif, quoique beaucoup plus désinterressé que celui qu’avait exprimé John. C’était maintenant son objectif favori. Si précieuse que lui fut la compagnie de sa fille, elle ne désirait rien tant que d’en donner l’entier bénéfice à son cher ami ; et voir Marianne installée au manoir était également le vœu d’Edward et d’Elinor. Ils avaient conscience des peines de leur hôte et de leurs obligations envers lui et Marianne n’était elle pas la récompense toute trouvée à ses bienfaits ?
En présence d’une telle coalition, connaissant la bonté du colonel et s’étant enfin aperçue de son tendre attachement que pouvait elle faire ?
Marianne Dashwood était née pour un destin extraordinaire ; il devait lui être donné de découvrir la fausseté de ses propres opinions et de contredire, par sa conduite, ses maximes les plus favorites. Elle devait renier un affection formée à un âge aussi avancé que dix-sept ans, et sans un sentiment plus fort qu’une profonde estime et une vive amitié, donner volontairement sa main à un autre. Et cet autre, qui, comme elle, avait souffert d’un amour malheureux, avait été jugé par elle deux ans auparavant trop âgé pour se marier et tout juste bon à soigner ses rhumatismes !
Pourtant c’était ainsi. Au lieu de s’immoler en sacrifice à une irrésistible passion, comme elle s’était flattée de le faire, au lieu même de demeurer toujours avec sa mère et de chercher son seul plaisir dans la solitude et l’étude comme elle s’y était déterminée plus tard par un jugement plus mesuré et plus rassis, elle se trouva à dix-neuf ans, engagée dans un nouvel attachement acceptant de nouveaux devoirs, placée dans une nouvelle demeure, femme, maîtresse de maison, et dame patronesse d’un village.
Le colonel Brandon était maintenant aussi heureux qu’il le méritait, de l’avisde ses meilleurs amis, Marianne le consolant de toutes ses afflictions passées ; ses attentions et sa compagnie lui rendirent l’animation et la gaieté ; et que Marianne trouvât son propre bonheur fut la conviction et fit l’enchantement de tous les amis qui l’observaient. Marianne ne pouvait jamais aimer à moitié ; et, en peu de temps son cœur fut tout à son mari comme il l’avait d’abord été à Willoughby. »
pargraphe 1 - Spoiler:
Paragraphe 1 :
Le paragraphe 1 s’ouvre sur les conséquences du mariage d’Elinor. Les effets en sont envisagés au point de vue relationnel. Il s’agit ici de penser l’individu au sein du cercle social et surtout familial. Le mariage n’est pas vecteur de distance ou de rupture comme le montre l’expression « la sépara de sa famille aussi peu que possible ». Ce n’était pas toujours le cas, les moyens de locomotion de l’époque rendant souvent la distance difficilement surmontable. Le tissu familial est donc préservé comme en témoignent les visites des uns chez les autres. Mrs Dashwood et Marianne « partagent » ainsi « leur temps » entre leur propre maison et celle d’Elinor (qui est la cure de Delaford). Cependant, Austen paraît pointer ironiquement la fréquence de ces visites. L’adverbe de manière « entièrement » met en évidence avec humour le fait que si le cottage de Barton n’est pas « inutile », il ‘est pas non plus vraiment utilisé. Cela suggérerait que le nombre de visite dépasse légèrement la norme admise. L’ironie se poursuit par l’emploi du verbe « multiplier ». Celui-ci, associé à l’imparfait duratif met en évidence un taux exponentiel de « social call » à Delaford et assume donc une valeur légèrement comique . Par ailleurs, le comparatif d’égalité « autant par …autant par » permet d’établir une relation d’équivalence entre la « politesse » et le « plaisir » . Le terme de « politesse » évoque clairement les règles à respecter, les obligations sociales. Mais ici on a dépassé ce stade comme le montre le mot « plaisir ». A quoi donc ce vocable peut-il faire référence ? La conjonction de coordination « car » nous donne un élément de réponse. Elle introduit un lien de cause à effet entre ces visites multipliées et la volonté de mrs Dashwood d’unir sa fille au colonel. Le plaisir pourrait donc être alors non seulement celui de voir son « cher ami », mais aussi celui de jouer les entremetteuses ; Mrs Dashwood deviendrait alors une sorte de réplique atténuée de Mrs Jennings ou encore une Emma avant l’heure. Les visites à Elinor se colorent alors d’un autre sens. Certes, elles sont accomplies par affection pour la fille aînée récemment mariée. Mais elles constituent également un prétexte aisé pour passer voir le colonel qui n’habite pas très loin et ainsi accomplir le vœu le plus cher, « l’objectif favori », le « darling object » de Mrs Dashwood et comme nous le montre la fin du paragraphe du couple Edward/Elinor. On observe d’ailleurs que le champ lexical du « désir » se déploie dans tout le paragraphe . La dérivation entre le verbe « désirer » et le substantif « désir » est ainsi relayée par les termes « objectif » et « vœu » . En outre, ces mots sont souvent renforcés par des marqueurs d’intensité : on note par exemple la présence de la locution « rien tant que », de l’adverbe intensif « si », ou encore d’une litote « à peine moins vif ». Il est donc évident que la famille Dashwood/Ferrars n’attend que le mariage de Marianne. Pourquoi ? Les causes de ce désir ne relèvent pas d’une dynamique mercantile. Il ne s’agit pas de faire un beau mariage comme le prouve le comparatif de supériorité associé à l’adjectif « désinteressé ». Le point de vue bassement vénal du fils aîné, John, est donc d’emblée disqualifié. Il n’est pas question d’avoir le colonel Brandon dans la famille pour « sa propriété, son domaine, sa maison (…), ses bois » ou ses « futaies ». De fait, ce mariage s’inscrit plutôt dans une dynamique d’échange social, de bons procédés. Le champ sémantique du lien social est ainsi particulièrement présent à travers les termes d’ « obligation », de « récompense » et de « bienfait ». Les personnages semblent ici respecter l’adage qui veut que les « bons comptes fassent les bons amis ». Au niveau étymologique « récompense » signifie une « compensation », et « obligation » désigne le lien juridique engageant une partie à une autre. Plus tard, ce terme prendra même le sens de « dette contractée par un lien juridique ». C’est pourquoi nous pouvons affirmer avec certitude que nous sommes ici placés dans un domaine qui a très peu à voir avec les sentiments. Il s’agit plutôt d’entretenir le bon fonctionnement du mécanisme social, en payant ses dettes c’est à dire en offrant un dédommagement à l’autre pour la peine qu’il s’est donné. Les sentiments de Marianne ne sont à aucun moment considérés dans le premier paragraphe. Pire encore, elle est en quelque sorte déshumanisée ou plutôt réifiée par la locution verbale « donner le bénéfice à » . Mrs Dashwood veut donner l’entier « bénéfice » (on note la connotation pécuniaire du terme) de la compagnie de sa fille à Brandon. Elle songe donc à disposer de Marianne comme de sa propriété. Même si évidemment elle ne le fait pas concrètement. Il en va de même pour l’expression, « récompense toute trouvée », associée au jeune couple Ferrars. L’ironie d’Austen se fait donc d’autant plus mordante qu’elle n’est exprimée que par le contraste entre les termes relatifs à l’échange de bon procédés et la réalité de laquelle le paragraphe traite, à savoir un mariage. Une critique sous jacente s’élabore donc à l’encontre des personnages qui sont tentés de disposer de Marianne, comme des propriétaires.
Paragraphe 2 - Spoiler:
paragraphe 2: Toutefois qu’en est il de Marianne elle même ? Le deuxième paragraphe offre une réponse assez ambiguë à cette question. Il est constitué d’une unique question rhétorique qui se déploie en quatre temps. Nous étudierons le texte anglais qui est plus clair que la traduction : « with such a confederacy against her – with a knowledge so intimate of his goodness-with a conviction of his fond attachment to herself, which at last, though long after it was observable to everyone else- burst on her- what could she do ? » Cette phrase semble expliciter les motifs de Marianne pour se marier. L’efficacité implacable de ces raisons est rendue par les trois parallélismes syntaxiques (« with such a confederacy …» , « with a knowledge so intimate… », « with a conviction… ».) Par ailleurs l’énumération de toute ces bonnes raisons occupe la majeure partie de l’espace de la phrase. Par conséquent, la place réservée à Marianne elle-même, à sa liberté d’action (puisque le verbe employé est le verbe « to do » qui est le verbe de l’action par excellence) est réduite : « what could she do ». D’une certaine manière la structure de la phrase semble symboliser la situation dans laquelle se trouve Marianne. Face à tant d’arguments elle ne peut qu’obtempérer. Cela est mis en évidence par le conditionnel « could(…) do » ainsi que par la question rhétorique elle même, qui met en avant une réponse évidente. Pour Marianne les jeux sont déjà joués. Par ailleurs, si l’on étudie en détail ces arguments, on s’aperçoit que aucun n’a trait aux sentiments de la jeune fille. Le premier semble faire référence au paragraphe un consacré au désir de la famille Dashwood/Ferrars de marier Marianne au colonel. Le début du texte est donc résumé avec une concision frappante dans le mot « confederacy ». Ce vocable désigne l’alliance de plusieurs entité qui s’entendent contre une autre. Par ailleurs, le terme (qui peut trouver un équivalent en français dans le mot conspiration) véhicule des connotations ayant trait au complot. L’hypothèse d’une certaine manipulation de Marianne par sa famille (faite dans les meilleures intentions du monde et dans la certitude de son bonheur, bien entendu) n’est donc pas à exclure totalement. La deuxième bonne raison qui pousse Marianne à agir est la connaissance qu’elle a de la bonté du colonel. Le terme de « Knowledge » désigne encore une fois un processus intellectuel et pas sentimental. D’où vient cette connaissance ? Certainement de ce que le colonel a fait pour elle après le malheureux épisode de Willoughby. Toutefois l’adjectif « intimate » renforcé par l’adverbe intensif « so » vient nuancer cette affirmation. Marianne ne peut connaître aussi bien le colonel uniquement par leurs interactions durant sa maladie. Il est permis de penser que les multiples visites à Delaford ont provoqué cette connaissance « so intimate ». La conspiration Dashwood/Ferrars semble donc avoir eu l’effet escompté. Néanmoins, le dernier argument est lui d’ordre sentimental comme le montre l’emploi du terme « attachment ». Mais il ne s’agit pas des sentiments de Marianne. Ceux-ci sont encore passés à la trappe. L’affection dont il est question est celle que porte Brandon à la jeune fille. De fait, l’adjectif possessif utilisé est « his », ce qui indique un possesseur masculin. La relative qui précise que cet attachement a longtemps été ignoré par Marianne, remet encore une fois le cercle social et familial au centre du débat. Celui-ci était présent explicitement au premier argument, implicitement au deuxième et il redevient explicite au troisième. C’est le terme « everyone » qui est employé pour le désigner. Le corps social apparaît donc ici en position de force car il est possesseur de la connaissance(observable to everyone else).Il est l’entité qui sait regarder, voire scruter le comportement d’autrui. Marianne est, en revanche, en position de faiblesse. Elle est celle qui n’a pas su voir, ou qui du moins a vu avec du retard (ce que prouvent les marqueurs temporels « at last » et « long after »). La décision de Marianne semble donc être jouée d’avance. Même si elle agit « volontairement » comme cela est précisé dans la suite du texte, son libre-arbitre semble bien être affecté par le comportement de ceux qui l’entourent. Elle n’est pas en état de refuser puisque elle est systématiquement mise en position de faiblesse.
|
| | | Miss Bell Intendante de Pemberley
Nombre de messages : 575 Age : 38 Date d'inscription : 27/10/2007
| Sujet: Re: Sense and Sensibility : le dernier chapitre Mar 22 Jan 2008, 15:43 | |
| Je continue... Paragraphe 3 - Spoiler:
3e paragraphe :
Le troisième paragraphe est particulièrement remarquable en ce qu’il se joue ironiquement et du personnage de Marianne et des conventions littéraires romanesques. Il est à rappeler que les deux sont intimement liés, puisque durant tout le livre Marianne cherche à adopter l’attitude d’une héroïne de roman. La jeune fille serait-elle le symbole d’une pose romanesque outrée dans les textes de l’époque d’Austen ? C’est ce que nous allons chercher à découvrir dans ce paragraphe. Celui-ci débute comme une parodie mordante des textes reposant sur les clichés de la prédestination de l’héroïne de roman. Austen se joue des excès des normes romanesques en vigueur, tout comme elle le fera sur un autre mode dans l’incipit de Northanger Abbey : « personne ayant jamais vu Catherine Morland dans son enfance ne l’eût supposée née pour être une héroïne » . A l’inverse de Catherine, Marianne est une héroïne puisqu’elle est distinguée dès la naissance et dotée d’un destin, c’est à dire c’est à dire d’un sort fixé à l’avance. Au plan métatextuel, on pourrait ici avancer l’hypothèse selon laquelle Marianne a en effet un destin car elle est avant tout un être de papier dont les faits et gestes sont fixés par le bon vouloir de son auteur et concourent au déroulement de la narration dans le but d’une fin, d’un dénouement. Par ailleurs, Marianne est une héroïne romanesque car son destin est hors du commun. Elle se situe donc au delà de la moyenne des hommes et des femmes. Et de fait, cela s’avère puisque sa destinée de personnage romanesque est justement de dénoncer la figure de l’héroïne de roman comme un ensemble de clichés dépassés et de mots vides de sens. Sa nature est donc d’être une héroïne parmi les héros de roman. La destinée de Marianne consiste en la déconstruction des bases sur lesquelles son caractère et son type de personnage sont fondés. Au plan narratif, Marianne a également une destinée héroïque : de fait, le texte anglais répète une deuxième fois le « she was born to » qui introduisait déjà son destin extraordinaire (« M. Dashwood was born to an extraordinary fate. She was born to discover the falsehood of her own opinions (…) »). Cependant, ce fameux destin est en réalité très simple : il s’agit de « découvrir la fausseté de ses propres opinions et de contredire, par sa conduite, ses maximes favorites ». Cela n’est en rien hors du commun puisque cela fait partie du processus de deuil nécessaire au passage à l’âge adulte. Les termes de « destin extraordinaires » peuvent donc être repensés sous un angle ironique qui dénonce le caractère vain de l’attitude qu’a cru bon d’adopter Marianne durant les trois quart du livre. Le texte de Raison et Sentiment paraît donc se présenter comme un roman d’apprentissage avant l’heure. Le passage suivant, encore introduit en anglais par « she was born to », nous décrit les actions de Marianne avec humour. L’intensif « aussi » donne d’emblée le ton, pointant comiquement le jeune âge de Marianne. Le destin de la jeune fille est ici synthétisé de façon binaire : elle doit tout d’abord « renier » son amour pour Willoughby et par là même à renier à la fois ses idéaux et se renier elle même puisque cett « affection » était intrinsèquement liée à ce qu’elle voulait être, c’est à dire une héroïne romanesque et romantique. Elle doit ensuite donner sa main, c’est à dire se donner à un homme. Marianne est encore une fois comme dépossédée d’elle-même, et ne peut en rien lutter contre ce phénomène puisque c’est son destin :« she was born to overcome an affection formed so late in life as at seventeen (…)and (…) to give her hand to another » Or c’est justement à ce moment précis que le narrateur choisit d’aborder le sujet jusque là évité des sentiments de Marianne. Et il le fait sur le mode négatif : « with no sentiment superior to »/ « sans un sentiment plus fort que ». Le cœur de Marianne est désormais envisagé sur le plan du manque. Bien sûr la touche ironique demeure. Il s’agit de tourner en dérision les croyances précédentes de Marianne en l’amour passionné qui est nécessaire au mariage. Celles-ci sont désormais disqualifiées par ses agissements. En effet, la jeune fille épouse le colonel n’ayant dans le cœur qu’ « une profonde estime et une vive amitié », deux sentiments qui si ils forment les bases de l’amour, ne sont pas suffisant à le constituer. Elle renie donc ce qu’elle était au moment même où elle se donne. Et la boucle est bouclée. Le terme « l’autre » est particulièrement intéressant. Marianne s’offre en effet à un autre. Un autre qui n’est pas Willoughby certes. Mais qu’était Willoughby à la base sinon une projection d’elle même et de sa recherche d’idéal ? Cet adjectif substantivé suggère donc en filigrane que le mariage de Marianne lui permet de se décentrer d’elle même et de s’ouvrir à l’altérité. Altérité toute relative cependant. De fait , la phrase suivante met en évidence sur le mode comique les ressemblances entre les deux époux. L’autre est alors ramené au semblable par la comparaison « comme elle » : Brandon n’est finalement qu’une version plus âgée de Marianne. Tout deux ont « souffert d’un amour malheureux ». Leur seule véritable différence est en réalité leur âge que Marianne est désormais capable d’accepter alors qu’elle le refusait auparavant. La trivialité de l’expression « tout juste bon à soigner ses rhumatismes », formulée d’ailleurs de manière prosaïque (on note ainsi l’emploi adverbial de tout qui témoigne d’une certaine familiarité de lexique), associée à la modalité exclamative, montre avec éclat le revirement total de Marianne en réduisant à néant par le comique ses objections d’autrefois. Cette présentation humoristique est renforcée par la notation temporelle « deux ans auparavant ». Il n’a pas fallu longtemps à Marianne la romantique qui ne jurait que par l’éternité des sentiments pour changer radicalement de point de vue.
Pargraphe 4 - Spoiler:
Paragraphe 4
Le narrateur entame le paragraphe 4 par une confirmation péremptoire du revirement de Marianne. La brièveté et la concision de la phrase « Pourtant, c’était ainsi » met en lumière le caractère définitif du changement de la jeune fille. L’assertion n’est pas à discuter. La suite du texte continue à tourner en dérision les clichés romanesques et particulièrement les lieux communs qui envahissent les épilogues de roman (sentimentaux et moraux) et la tête de la Marianne d’autrefois. Le narrateur les passe en revue à la fois pour insister sur la progression de la sœur d’Elinor et pour les disqualifier. Le premier topos est celui du sacrifice amoureux dans le roman sentimental: « au lieu de s’immoler en sacrifice à une irrésistible passion ». Ici c’est l’outrance qui permet la critique : les termes sont forts et appartiennent presque au registre religieux (« immoler », « sacrifice » et même « passion »). Le libre-arbitre est anéanti comme le montre l’emploi de l’épithète de nature « irrésistible ». Le deuxième lieu commun consiste en un retrait du monde(il est généralement à l’œuvre dans les romans moraux). A l’instar de la princesse de Clève qui se retire dans un couvent, Marianne a songé à « demeurer toujours avec sa mère et de chercher son seul plaisir dans la solitude et l’étude ». Encore une fois c’est l’excès dans les termes qui permet de tourner en dérision le propos. L’adverbe « toujours » et l’adjectif « seul » marquent deux absolus : le premier se situe dans le temps et le second réduit drastiquement les activités. La posture que se propose d’adopter Marianne est presque pré-romantique : elle se veut à l’écart du monde. Dans le même temps le processus qui amène la jeune fille à son mariage avec Brandon est détaillé et commenté : les verbes « se flatter » et se déterminer » marquent des étapes antérieures dans la vie de Marianne : en effet le temps verbal employé est le plus que parfait. Cette antériorité est caractérisé par un processus mental : « se flatter » et « se déterminer » indiquent une réflexion voire une prise de décision intellectuelle. L’ancienne Marianne était celle qui se perdait dans de vaines idées. Elle a cependant progressé puisqu’elle passe du romanesque complet au raisonnable. Son adéquation mentale à l’épilogue de roman moral est donc le résultat « d’un jugement plus mesuré et plus rassis ».Le comparatif de supériorité met en évidence que l’expérience Willoughby a porté ses fruits et à tempéré les ardeurs sentimentales de la jeune fille. Cependant, celle-ci n’est pas encore tout à fait guérie de son addiction aux modèles textuels: elle se réfugie ainsi dans l’excès romanesque inverse pour un temps, donnant libre cours à ses fantaisies de vie quasiment érémitique. A ces constructions mentales, vient s’opposer la nouvelle Marianne, celle de l’action. L’adjectif « engagée » et le participe présent « acceptant » suggèrent une Marianne qui se confronte au réel. Celui-ci est caractérisé par le lien social : « l’attachement » qui unit la femme à son mari et les « devoirs » envers la collectivité. Il y a donc coexistence de deux liens : l’un est horizontal et ancre l’héroïne dans le cercle familial et marital. Ce n’est qu’une fois qu’elle a pris cette place qu’elle peut remplir les charges liées au lien vertical qui l’unit à la société toute entière, à ses supérieurs comme à ses inférieurs (le système des classes sociales est de fait très rigoureux à cette époque ). Marianne entre donc de plein pied dans le concret, en prenant ses responsabilités. Ces dernières sont alors énumérées : « femme, maîtresse de maison et dame patronnesse d’un village ». La longue phrase qui résume le trajet de Marianne s’achève donc sur un rythme ternaire, symbole de l’harmonie retrouvée dans un monde socialement en ordre. Ainsi notre héroïne se stabilise sur tous les plans : sur le plan personnel elle devient une femme, sur le plan familial elle cesse d’être une fille et une sœur dépendante des autres mais assume le nouveau statut de « maîtresse de maison », en charge d’un foyer à faire fonctionner tant émotionnellement que pratiquement, et sur le plan social elle acquiert le rôle de « Dame patronesse », c’est à dire de femme « qui protège » et qui est une référence dans le cercle social.
Paragraphe 5 et conclusion - Spoiler:
Pargraphe 5
Le paragraphe 5 s’intéresse au sort du colonel Brandon. Néanmoins celui ci n’est pas évoqué directement. Cette tâche est dévolue au collectif social. C’est par le prisme des « meilleurs amis » que l’on découvre la destinée de l’époux de Marianne. Qui sont ces meilleurs amis ? On peut songer à Sir John Middleton et à Mrs Dashwood en premier lieu. Et il faudrait également rajouter Mrs Jennings qui n’aurait pas de scrupule à se proclamer comme tel ainsi qu’Elinor dont les interactions avec le colonel ont été assez importantes durant le livre. Le jugement porté sur l’évolution de Brandon est donc montré comme clairement subjectif ; cette hypothèse est renforcée par l’emploi du terme « avis » qui exprime clairement une opinion personnelle : étymologiquement ce mot vient d’ailleurs de l’ancienne locution « ce m’est a vis » calquée sur le latin « mihi est visum », qui signifie « il me semble ». Il en va de même pour l’évocation de la vie de Marianne (pardonnez le mauvais jeu de mot…). Le bonheur de la jeune épouse est « la conviction » de « tous les amis » qui l’entourent. Le subjonctif « trouvât » indique de manière claire que l’assertion « que Marianne trouvât son propre bonheur », n’est pas prise en charge par le narrateur. Néanmoins on peut être optimiste quant au caractère effectif du bien-être de Marianne : le vocable « conviction » implique une connotation de certitude liée à des preuves logiques. Il n’en demeure pas moins que tout ce que nous savons du jeune couple est médiatisé par le regard scrutateur d’autrui. Les amis sont ceux qui observent (« tous les amis qui l’observaient »), qui regardent avec attention. Le trajet des personnages montre le passage de ceux ci du malheur au bonheur. L’opposition entre le passé et le présent est par conséquent fortement marquée dans le but de tracer un bilan. L’adverbe temporel « maintenant » contraste ainsi avec l’adjectif « passées », tandis que parallèlement l’adjectif « heureux » s’oppose au substantif « affliction ». La narration de l’histoire de Brandon se résume en une phrase. Le pivôt de cette histoire est Marianne. C’est elle qui tire le colonel vers le domaine des vivants : « ses attentions et sa compagnie lui rendirent l’animation et la gaieté ». la jeune fille est l’actrice du changement comme le montre le participe présent « consolant » (« Marianne le consolant de toutes ses afflictions passées »). La sœur d’Elinor est en quelque sorte l’élément dynamique de ce mariage ; en témoigne cette vocation de consolatrice. Le narrateur reprend ensuite la parole pour signifier que la jeune fille n’a finalement pas tant changé que cela : « Marianne ne pouvait jamais aimer à moitié ». De fait l’adverbe « jamais » inscrit la phrase dans la continuité temporelle de tout le roman. De plus, le trait de caractère présenté ici est celui de l’absence de mesure qui a toujours été propre à Marianne. Le quantifieur « à moitié » est nié . Cependant cet engagement à plein dans la relation est aussi synonyme de sincérité. La jeune fille aime encore avec enthousiasme, ce qui n’est pas nécessairement un mal. Le plus troublant est certainement le parallèle fait entre ses sentiments pour son mari et ses sentiments d’autrefois pour Willoughby : « et en peu de temps son cœur fut tout à son mari, comme il l’avait d’abord été à Willoughby » . Marianne retomberait elle dans ses anciens démons d’amour passion, la cible seule de ses sentiments ayant changé ? Ou tombe-t-elle vraiment amoureuse (comme elle avait pu l’être de son premier soupirant) du colonel après son mariage ? Il est difficile de trancher. Et c’est probablement au lecteur de juger.
Conclusion : Ce dénouement respecte à la fois les règles imparties à l’épilogue d’un roman tout en se moquant des lieux communs romanesques. Il nous décrit le sort des héros, tout en critiquant par le biais de l’ironie certains travers de la fin des romans moraux et sentimentaux. Le texte d’Austen se situe donc dans l’entre deux. Il ne s’agit pas tant de véhiculer un message didactique ou de faire frémir le cœur des lectrices sensibles que de replacer le couple dans la réalité sociale, à la fois bénéfique et oppressante par son omniprésence. Le sort de Marianne, est à l’image de cette écriture qui se joue des conventions. La jeune fille n’a pas la destinée tragique qui l’aurait attendue dans un autre roman. Elle n’est pas punie à jamais de ses errements. Sa réputation n’est même pas entachée. Cependant, elle fait le deuil partiel de son romantisme en épousant un homme du double de son âge, longtemps dédaigné par elle et qu’elle n’aimera complètement qu’après son mariage. Cette fin en demi teinte paraît appropriée aux exigences de la vie réelle dont Austen dresse le tableau dans toute son oeuvre.
Voilà qui est fait... J'attends vos réactions ! edit: j'ai fait une faute dans le titre du sujet... Est ce qu'il y a une gentille modératrice dans le coin qui voudrait bien la corriger... je ne sais pas comment on fait... |
| | | Mr Damien Tilney The Knight of Irony
Nombre de messages : 3463 Age : 40 Date d'inscription : 04/10/2006
| Sujet: Re: Sense and Sensibility : le dernier chapitre Mar 22 Jan 2008, 23:17 | |
| Merci pour ce long travail Miss Bell. Je te promets de le lire à tête reposée. Je réagirai quand je l'aurai lu. |
| | | cat47 Master of Thornfield
Nombre de messages : 24251 Age : 67 Localisation : Entre Salève et Léman Date d'inscription : 28/01/2006
| Sujet: Re: Sense and Sensibility : le dernier chapitre Mer 23 Jan 2008, 01:04 | |
| Merci pour cette analyse détaillée, MissBell, c'est très intéressant. Je ne pourrai bien évidemment faire que quelques réflexions triviales après un travail aussi fouillé. Je voudrais d’abord dire qu’être aussi près des mot peut parfois être dangereux, en particulier lorsqu’on travaille avec une traduction. Heureusement nous avons ici affaire à des paragraphes qui sont traduits assez fidèlement mais je relèverai tout de même pour la phrase suivante - Citation :
- Mrs. Dashwood was acting on motives of policy as well as pleasure in the frequency of her visits at Delaford;
le problème de traduire policy par politesse, ce qui est clairement faux. Policy signifie ici une sorte de règle de conduite, une attitude que je trouve mieux traduite dans l’édition de la Pléiade - Citation :
- Mme Dashwood agissait par calcul autant que par plaisir en multipliant ses visite à Delaford
Mais attention là encore, traduire policy par calcul est audacieux et doit être pris avec prudence, car ce n’est pas un calcul mathématique (donc financier) mais politique ou même mieux, stratégique. Une analyse au plus près des mots de la traduction de la Pléiade pourrait donc facillement nous égarer aussi. Vous comprendrez pourquoi je me méfie des traductions. Autre point concernant un mot en particulier, « bénéfice » est dans le texte original « enjoyment », mot qui peut avoir une connotation pécunaire également en anglais (au sens de jouissance, comme la jouissance d’un bien), mais dont le sens premier est tout de même le plaisir. Je trouve que préter à Mrs Dashwood des velléités de traiter Marianne comme un bien à donner en jouissance à Brandon est en totale contradiction avec son caractère tel qu’il ressort du reste du livre. Du coup j’ai un peu de peine à voir la critique sous-jacente. Voilà pour ce qui de la traduction. Je ferai encore une autre réflexion générale en disant que qu'avec des analyses aussi détaillées, je me demande si on ne perd pas un peu de la distance nécessaire à juger la portée d'un texte. Il est clair que l'on peut prêter un sens précis à chaque mot mais n'oublions pas que tous ces mots intéragissent dans un ensemble et qu'un peu de hauteur donne un angle intéressant également. Pour la suite, je me contenterai d’émettre quelques commentaires sur certaines de tes affirmations. - Citation :
- D’une certaine manière la structure de la phrase semble symboliser la situation dans laquelle se trouve Marianne. Face à tant d’arguments elle ne peut qu’obtempérer.
On pourrait y voir aussi tout simplement la force de la raison: au lieu d’être impulsif, le choix de Marianne devient raisonné. Cela devient du coup nettement moins dramatique que de penser à des jeux déjà joués. - Citation :
- L’hypothèse d’une certaine manipulation de Marianne par sa famille (faite dans les meilleures intentions du monde et dans la certitude de son bonheur, bien entendu) n’est donc pas à exclure totalement.
On admettra tout de même que tout est une question de point de vue: si on veut voir cela sous un angle négatif, on parlera de manipulation, si on reste plus neutre, on n’y verra qu’une alliance, faite comme tu l’as dit, dans les meilleures intentions du monde - Citation :
- Ceux-ci sont encore passés à la trappe.
Le sont-ils vraiment? Ne sont-ils pas plutôt explicités? Elle ne sait pas pouquoi elle aime Willoughby, elles a de bonnes raisons d’aimer Brandon. - Citation :
- Marianne est, en revanche, en position de faiblesse. Elle est celle qui n’a pas su voir, ou qui du moins a vu avec du retard .
Elle est bien celle qui a vu avec du retard mais je ne vois pas pourquoi elle est en position de faiblesse. Elle était faible avant, lorsqu’elle se laissait emporter par ses rêves romantiques, elle a maintenant évolué et est capable de faire appel à sa raison, comme sa sœur, et devient donc peu à peu aussi forte que sa sœur. - Citation :
- La décision de Marianne semble donc être jouée d’avance.
Encore une fois, je trouve que c’est une dramatisation de la situation. Elle est sans doute influencée par son entourage mais je ne vois pas en quoi elle n’a pas le choix. - Citation :
- Or c’est justement à ce moment précis que le narrateur choisit d’aborder le sujet jusque là évité des sentiments de Marianne. Et il le fait sur le mode négatif : « with no sentiment superior to »/ « sans un sentiment plus fort que ». Le cœur de Marianne est désormais envisagé sur le plan du manque. Bien sûr la touche ironique demeure. Il s’agit de tourner en dérision les croyances précédentes de Marianne en l’amour passionné qui est nécessaire au mariage. Celles-ci sont désormais disqualifiées par ses agissements. En effet, la jeune fille épouse le colonel n’ayant dans le cœur qu’ « une profonde estime et une vive amitié », deux sentiments qui si ils forment les bases de l’amour, ne sont pas suffisant à le constituer.
Pas suffisants pour des âmes foncièrement romantiques mais peut-être suffisants pour le commun des mortels. Tu as très bien parlé de roman d’apprentissage. Alors qu’apprend Marianne? Elle apprend que les sentiments ne sont pas un simple élan du cœur, qu’ils peuvent également être raisonnés. C’est exactement ce point que j’ai soulevé lors de mon premier message en réponse à tes commentaires dans l’autre sujet, car je suis convaincue que notre propre perception de l’amour a une influence sur notre interpétation de ces mots. A ton avis ces sentiments ne sont pas suffisants pour constituer de l’amour, mais je ne peux pas trouver dans le texte l’affirmation que c’est le cas, que ces sentiments ne sont pas de l'amour. Je pense quant à moi que Jane Austen veut dire par là que cette estime et cette amitié constituent la base même de l’amour, je n’ai de ce fait aucun mal à croire que Marianne éprouve des sentiments pour Brandon dès ce moment. - Citation :
- La trivialité de l’expression « tout juste bon à soigner ses rhumatismes », formulée d’ailleurs de manière prosaïque (on note ainsi l’emploi adverbial de tout qui témoigne d’une certaine familiarité de lexique), associée à la modalité exclamative, montre avec éclat le revirement total de Marianne en réduisant à néant par le comique ses objections d’autrefois. Cette présentation humoristique est renforcée par la notation temporelle « deux ans auparavant ». Il n’a pas fallu longtemps à Marianne la romantique qui ne jurait que par l’éternité des sentiments pour changer radicalement de point de vue.
Et pour apprendre qu’ils ne faut pas se fier aux apparences et qu’avoir des préjugés, c’est mal! Une constante dans l’oeuvre de Jane, tout de même. - Citation :
- La suite du texte continue à tourner en dérision les clichés romanesques et particulièrement les lieux communs qui envahissent les épilogues de roman (sentimentaux et moraux) et la tête de la Marianne d’autrefois. (…)Le libre-arbitre est anéanti comme le montre l’emploi de l’épithète de nature « irrésistible ».
Très intéressant que tu reviennes ici au libre-arbitre car plus haut, tu as affirmé que Marianne perdait son libre arbitre en obéissant à la raison, or c’est justement l’amour romantique qui devrait faire perdre son libre-arbitre au personnage. - Citation :
- Elle a cependant progressé puisqu’elle passe du romanesque complet au raisonnable.
Eh oui! - Citation :
- Ou tombe-t-elle vraiment amoureuse (comme elle avait pu l’être de son premier soupirant) du colonel après son mariage ? Il est difficile de trancher.
Pouquoi est-il difficile de trancher, le texte est pourtant limpide. Il est clair que je serais plus portée à trouver cette fin en demi-teinte si comme toi je doutais de l’amour de Marianne pour Brandon (avant ou après le mariage). Mais pourquoi Jane Austen a-t-elle pris la peine de de faire la comparaison avec les sentiments portés à Willoughby si elle souhaitait faire une fin ambiguë? - Citation :
- Cependant, elle fait le deuil partiel de son romantisme en épousant un homme du double de son âge, longtemps dédaigné par elle et qu’elle n’aimera complètement qu’après son mariage. Cette fin en demi teinte paraît appropriée aux exigences de la vie réelle dont Austen dresse le tableau dans toute son oeuvre.
Est-ce parce que Marianne a fait le deuil de son romantisme que la fin est en demi-teinte? Si l’on estime qu’une passion romantique est nécessaire pour être heureux, peut-être, si on estime au contraire qu’en murissant et en sachant reconnaître ses erreurs, Marianne de plus grandes chances de réussir sa vie et d’être heureuse, pas nécessairement. Mais comme je l’ai dit ailleurs, je ne suis peut-être pas suffisamment romantique, là. _________________ |
| | | Miss Bell Intendante de Pemberley
Nombre de messages : 575 Age : 38 Date d'inscription : 27/10/2007
| Sujet: Re: Sense and Sensibility : le dernier chapitre Mer 23 Jan 2008, 03:04 | |
| Tout d'abord félicitation d'avoir lu tout ce message... Je sais que cela peut-être particulièrement fastidieux !Je suis consciente des problèmes causés par le fait de travailler sur une traduction. Mais je suis moins à l'aise à commenter l'anglais. Je saisis moins les subtilités de la langue... Merci donc pour tes remarques sur la traduction. Les termes de "policy" et d'"enjoyment" me paraissent aller dans mon sens (comme ils peuvent aller dans le tien d'ailleurs), même si, je le reconnais, ils sont nettement moins connotés que leur traduction française ! - Citation :
- Citation:
Ceux-ci sont encore passés à la trappe. Le sont-ils vraiment? Ne sont-ils pas plutôt explicités? Elle ne sait pas pouquoi elle aime Willoughby, elles a de bonnes raisons d’aimer Brandon.
Intéressant point de vue auquel je n'avais pas pensé. Mais quelle raisons a-t-elle ? je suis d'ordinaire une Elinor dans l'âme, partisane d'un amour raisonnable. Toutefois, là, il me semble qu'il y a trop de bonnes raisons et de motifs sérieux face à un grand vide au niveau des émotions. Du moins dans cette phrase. - Citation :
- On pourrait y voir aussi tout simplement la force de la raison: au lieu d’être impulsif, le choix de Marianne devient raisonné. Cela devient du coup nettement moins dramatique que de penser à des jeux déjà joués.
Néanmoins, les arguments présentés ne relèvent pas de l'opinion de Marianne, sauf peut-être la connaissance de la bonté du colonel. Mais encore une fois c'est une question d'interprétation. - Citation :
- Elle est bien celle qui a vu avec du retard mais je ne vois pas pourquoi elle est en position de faiblesse. Elle était faible avant, lorsqu’elle se laissait emporter par ses rêves romantiques, elle a maintenant évolué et est capable de faire appel à sa raison, comme sa sœur, et devient donc peu à peu aussi forte que sa sœur.
Le fait de ne pas posséder une connaissance que les autres, ont place à mon avis dans une position de faiblesse, et facilite le fait bde pouvoir être influençable par ceux qui savent. Cependant, tu as raison, Marianne était déjà dans une position de faiblesse avant. Elle a donc évolué mais pas au point de maîtriser totalement ses interactions avec les autres. - Citation :
- Pas suffisants pour des âmes foncièrement romantiques mais peut-être suffisants pour le commun des mortels. Tu as très bien parlé de roman d’apprentissage. Alors qu’apprend Marianne? Elle apprend que les sentiments ne sont pas un simple élan du cœur, qu’ils peuvent également être raisonnés. C’est exactement ce point que j’ai soulevé lors de mon premier message en réponse à tes commentaires dans l’autre sujet, car je suis convaincue que notre propre perception de l’amour a une influence sur notre interpétation de ces mots. A ton avis ces sentiments ne sont pas suffisants pour constituer de l’amour, mais je ne peux pas trouver dans le texte l’affirmation que c’est le cas, que ces sentiments ne sont pas de l'amour. Je pense quant à moi que Jane Austen veut dire par là que cette estime et cette amitié constituent la base même de l’amour, je n’ai de ce fait aucun mal à croire que Marianne éprouve des sentiments pour Brandon dès ce moment.
Je ne suis pas du tout une Marianne et sa conception première de l'amour n'est absolument pas la mienne. D'ailleurs, le personnage m'a longtemps exaspéré. Je suis entièrement d'accord quand tu dit que ces deux sentiments constituent la base même de l'amour. Là où je diverge c'est que pour moi ils ne constituent pas entièrement l'amour. L'amour a un "je ne sais quoi" en plus, comme dirait Marivaux, un "je ne sais quoi" qui ne relève pas non plus de la passion romantique. Nos interprétations sont différentes mais toute la différence repose sur une question de degré. Pour moi quand Marianne épouse Brandon elle est prête à tomber amoureuse, mais elle ne l'aime pas encore. Ce sont des nuances infinitésimales je te l'accorde, mais chez Austen à mon avis tout est dans la nuance... - Citation :
- Très intéressant que tu reviennes ici au libre-arbitre car plus haut, tu as affirmé que Marianne perdait son libre arbitre en obéissant à la raison, or c’est justement l’amour romantique qui devrait faire perdre son libre-arbitre au personnage.
J'attendais cette remarque sur le libre-arbitre ! A mon avis Marianne n'est jamais vraiment libre dans l'ensemble du roman. Elle est d'abord prisonnière de ses clichés. Elle fini par s'en émanciper. Mais elle est le personnage qui a "erré" le plus gravement. D'ordinaire, ce type de personnage ne s'en sort pas si bien, du moins pas avec un mariage et un "happily ever after"... Sa "punition" est de se retrouver à nouveau entravée. Dire qu'elle est à la fin du roman une fois encore un peu prisonnière de la raison ne me semble pas une aberration totale. Dans l'épilogue, Marianne oscille entre les clichés de la fin de roman sentimental et ceux de la fin de roman moraux. Les deux écueils sont montrés et il me semble qu'elle ne sera jamais vraiment libre des lieux communs quels qu'ils soient. Mais c'est discutable je te l'accorde ! - Citation :
- Est-ce parce que Marianne a fait le deuil de son romantisme que la fin est en demi-teinte? Si l’on estime qu’une passion romantique est nécessaire pour être heureux, peut-être, si on estime au contraire qu’en murissant et en sachant reconnaître ses erreurs, Marianne de plus grandes chances de réussir sa vie et d’être heureuse, pas nécessairement. Mais comme je l’ai dit ailleurs, je ne suis peut-être pas suffisamment romantique, là.
Marianne a, à mon avis, plus que de grandes chances d'être heureuse. Je te l'ai dit je ne suis pas romantique (je désespère mes amies à cause de ça, d'ailleurs...). La seule chose que j'affirme c'est que Marianne n'a pas pris ses décisions elle-même ou que du moins elle a été plus que "grandement aidée" dans sa prise de décison. La demi-teinte selon moi ne réside pas dans l'amour porté ou non à Brandon mais justement dans cette abdication de liberté. C'est, à nouveau, encore et toujours discutable. Mais c'est ma perception des choses Je voudrais maintenant répondre à ton objection qu'à être trop près des mots, on perd de la hauteur. Je suis d'accord, c'est d'ailleurs l'écueil principal des explications linéaires. Il est probable que j'ai cédé aux sirènes de la lecture aveugle en m'attachant trop aux détails. Cependant, il faut bien partir des détails pour construire une lecture cohérente. Et tu m'avais fait la remarque que ma lecture était "hâtive" dans un post précédent. J'avoue que par contre-coup j'ai collé mon nez un maximum au texte... J'ai tenté de prendre de la hauteur, mais j'y suis surtout parvenue au niveau des analyses métatextuelles. Car c'était ce qui était le plus évident. Malgré la controverse que la situation finale de Marianne a suscité, ce mariage reste cependant une goutte d'eau dans l'océan du dernier chapitre. Ce n'est pas forcément l'essentiel. Enfin, il est possible que je sois allée trop loin dans mes analyses. Toutefois, il faut garder en mémoire que ma volonté à la base était de montrer que la fin de ce livre n'est pas du tout idyllique mais justement tout en nuances. J'ai peut-être un peu trop schématisé pour démontrer.... Quand les démons du didactisme me ratrappent, je leur cède un peu trop facilement c'est vrai ! En tous les cas merci de ta réponse qui m'a permis de préciser ma pensée ! tu es sacrément coriace dans les débats ! En tous les cas bravo de m'avoir suivie jusque là ! |
| | | cat47 Master of Thornfield
Nombre de messages : 24251 Age : 67 Localisation : Entre Salève et Léman Date d'inscription : 28/01/2006
| Sujet: Re: Sense and Sensibility : le dernier chapitre Mer 23 Jan 2008, 14:32 | |
| Merci à toi aussi de continuer à supporter mes pinailleries continuelles et d'accepter la discussion. Je me permets donc de continuer. - Citation :
- Toutefois, là, il me semble qu'il y a trop de bonnes raisons et de motifs sérieux face à un grand vide au niveau des émotions.
N’est-ce pas justement la primauté des émotions sur la raison dont Jane Austen a fait la critique? - Citation :
- Néanmoins, les arguments présentés ne relèvent pas de l'opinion de Marianne, sauf peut-être la connaissance de la bonté du colonel. Mais encore une fois c'est une question d'interprétation.
C’est pourtant bien Marianne qui reconnaît la bonté du colonel et qui constate son attachement, non? Elle le fait après les autres, parce qu’elle a muri, mais c’est tout de même sa vision des choses. - Citation :
- Et tu m'avais fait la remarque que ma lecture était "hâtive" dans un post précédent. J'avoue que par contre-coup j'ai collé mon nez un maximum au texte...
Petite rectification: je ne t’ai pas fait la remarque que ta lecture était hâtive, ni même que tes conclusions en général étaient hâtives (ce qui aurait été non seulement impoli mais faux, d’ailleurs) mais que tu avais hâtivement parlé de gratitude la part de Marianne alors que la gratitude mentionnée dans le livre était celle d’Elinor et Edward. Tu avais reproché à Andrew Davies de contredire les propos du dernier chapitre en glissant une réplique dans laquelle Elinor affirme qu’on ne se marie pas par gratitude. Je peux très bien comprendre que tu n’approuves pas toutes les options prises par Davies mais ici je ne vois pas de contradiction avec la phrase en question (celle relative à Edward et Elinor). Je trouve que tu es plus percutante quand tu dis que le fait que Marianne tombe trop rapidement dans les bras de Brandon ne laisse pas assez de place à des interprétations diverses, même si je trouve que les éléments de critique du romantisme sont suffisamment mis en évidence ailleurs pour que la fin un peu ratée de cette adaptation ne masque pas entièrement le message de Jane Austen. Sur la question de la distance à prendre ou non pour une analyse, je voudrais aussi te dire que ce n'était pas un reproche, au contraire, je trouve qu'une vision au microscope apporte infiniment de matière, tu l'as d'ailleurs prouvé brillamment. Simplement lorsqu'on est très près du texte, il me semble que l'on prend le risque de ne pas prendre en compte des éléments qui se trouvent ailleurs, comme tu l'as précisé en parlant du mariage comme une goutte d'eau. Ainsi l'opposition entre Marianne considérée comme une récompense lorsque l'on analyse le texte de près et les caractères d'Elinor et de Mrs Dashwood tels qu'ils appraissent dans le reste du livre. _________________ |
| | | Contenu sponsorisé
| Sujet: Re: Sense and Sensibility : le dernier chapitre | |
| |
| | | | Sense and Sensibility : le dernier chapitre | |
|
Sujets similaires | |
|
| Permission de ce forum: | Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
| |
| |
| |
|