Si vous me suivez depuis un petit moment vous savez qu’Alan Rickman est un de mes acteurs préférés : je grince des dents dès que je lis les gens l’appeler « Rogue » ou citer uniquement Harry Potter pour évoquer sa carrière comme s’il n’avait que ce rôle à son actif, je me pâme d’amour pour lui dans Raison et Sentiments, et comme vous pouvez le voir dans la photo qui illustre cette chronique, j’ai eu la chance de recevoir une photo dédicacée de cet acteur dont je suis folle depuis mes douze ans !
Découvrir ce journal était donc l’évidence même. J’avais même acheté la VO mais c’était trop complexe à lire en anglais aussi je l’ai revendue dès que j’ai su qu’une VF allait sortir. Cela étant, j’ai crains que cette publication soit une intrusion dans la vie privée d’Alan Rickman. Mais c’est son épouse, Rima Horton, qui a donné son accord, aussi cette crainte a-t-elle vite été balayée au profit d’une autre : est-ce que cette plongée dans quelques moments intimes d’Alan Rickman allait changer la vision que j’ai de lui ? Réponse dans ce post !
Bien évidemment, j’avais précommandé mon exemplaire, et bien évidemment, aussitôt reçu, aussitôt lu ! Je dois dire que ça a été une lecture très addictive, dévorée en 3-4 jours : les pages se tournaient toutes seules, tandis que je redécouvrais Alan Rickman l’acteur, mais surtout l’homme. Passée la belle et touchante préface de son amie Emma Thompson, j’y ai découvert un artiste passionné par sa profession, désireux de la défendre bec et ongles tout en en reconnaissant les paradoxes et les superficialités, les problèmes liés aux contrats et financements, et pour qui certains tournages ou pièces de théâtre se sont passés dans la douleur en raison de problèmes de communication et d’écoute avec ses responsables.
Par exemple, l’aventure Harry Potter n’a pas été un bonheur pour lui, notamment à cause de la manière avec laquelle les producteurs ont dirigé les choses. Et il fait preuve de lucidité envers les jeunes acteurs dans ses mémoires. Je sais que certains fans de Harry Potter y ont vu un manque de bienveillance mais ils oublient que ces réflexions étaient consignées dans son journal et qu’il était toujours bienveillant envers les jeunes acteurs vus les témoignages de ces derniers. D’ailleurs, dans son journal, Alan ne parle pas forcément de tout ce qu’il a pu faire pour les autres, alors qu’il y a eu quantite de témoignages à ce sujet lors de l’annonce de sa mort, et ça montre bien son humilité. Mais objectivement, pour en revenir aux enfants jouant dans Harry Potter, dans les premiers films, leur jeu d’acteur n’est pas fameux ! Néanmoins j’ai bien aimé lire sa vision de Daniel Radcliffe : il ne le voyait pas acteur, davantage tourné vers la mise en scène mais il l’a vu au théâtre et l’a trouvé excellent mis à part les moments où il retombait son attention et où ça se voyait dans sa démarche.
Cet exemple parmi tant d’autres montrent qu’Alan Rickman était un acteur et un réalisateur impliqué qui avait un regard critique et pertinent sur son travail et celui des autres. Un homme préoccupé par la politique (son épouse Rima Horton travaillait dans ce milieu), qui n’aimait vraisemblablement pas du tout le Prince Charles, et engagé dans des causes lui tenant à cœur comme lorsqu’il a monté la pièce My name is Rachel Corrie ou lorsqu’il rendait visite à des enfants hospitalisés.
Un fan qui admirait d’autres artistes et aurait parfois voulu « rien d’autre qu’un carnet d’autographes » lors d’une fête de Thanksgiving aux côtés de Kate Bush, Bryan Adams, ou encore David Bowie. D’ailleurs, Alan Rickman était admiratif de certains artistes comme Coldplay, Adele, Anthony Hopkins, les Beatles (« J’ai fait un high five dans les toilettes avec Paul McCartney« ). Dans ce journal, j’ai appris qu’il appréciait beaucoup Colin Firth, Johnny Depp et Robin Williams ! Entre ce dernier et Anthony Hopkins, avec Alan Rickman, vous avez mon trio d’acteurs préférés, donc lire le ressenti d’Alan Rickman sur les deux autres, c’était plutôt chouette !
Un homme lambda qui aimait recevoir ses amis, cuisiner, bricoler, faire du jardinage, du repassage, ranger et faire du tri dans ses affaires, qui adorait manger, boire, danser, et se faisait violence pour aller en salle de sport. Un homme qui a épousé sa compagne de toujours en 2012 alors qu’ils étaient ensemble dès les années 70. En lisant ce journal, j’ai constaté combien Alan semblait apaisé par Rima, l’influence qu’elle pouvait avoir sur lui. J’y ai vu aussi un ami franc et honnête, qui était conscient et agacé des défauts de ses amis mais cela ne l’empêchait pas de les aimer sincèrement et de leur être dévoué. Un homme qui a vu nombre de membres de son entourage partir, parfois par vagues, le conduisant souvent à faire des discours lors de cérémonie commémorative. Ces passages étaient assez touchants à lire.
Parmi les amis connus d’Alan Rickman, outre nombre d’acteurs jouant dans Raison et Sentiments et Harry Potter, j’ai été ravie de lire quelques noms comme Meryl Streep, Liam Neeson, Michael Kamen (le compositeur des films Piège de Cristal et Robin des Bois Prince des Voleurs) ou encore Ian McKellen et Patrick Doyle (un de mes compositeurs de musiques de films préférés). Surprise de constater qu’il était aussi proche de Mary Elizabeth Mastrantonio (à qui il a donné la réplique dans Calendrier Meurtrier et Robin des Bois Prince des Voleurs), mais surtout qu’il était proche de l’actrice Isabelle Huppert ! Son journal relate plusieurs fois où il a été invité chez elle et son mari, notamment !
Alan Rickman et sa compagne avaient également une maison en Italie qu’ils ont passé du temps à rénover. Et je vous avoue que ça m’a fait un petit quelque chose de lire qu’ils ont assisté à la course du Palio à Sienne, course dont je parle dans mon austenerie sur Raison et Sentiments ! Alan Rickman était un homme curieux des autres, sensible à l’art sous toutes ses formes, dénonçant le comportement de certains politiques et l’absurdité de certaines situations comme quelques jours après les attentats du 11 septembre 2001 : « 14 septembre 2001 : (…) Je ne peux effacer le fait que quatre millions d’enfants meurent de faim en Afghanistan, sans oublier les innocents en Irak. Il y a une telle naïveté politique aux Etats-Unis qu’il leur suffit d’une seule image montrant cinq Palestiniens dansant dans la rue pour oublier de prendre du recul sur l’ensemble de la situation. »
Alan Rickman a été soigné pour un cancer de la prostate en 2005 et a fait un AVC peu de temps avant qu’on lui diagnostique un cancer du pancréas en 2014. Lire son journal et quelques allusions à son traitement et l’effet que tout cela a sur lui m’a serré le cœur, amenant forcément des moments personnels et douloureux en mémoire… Les derniers mots de Rima Horton à ce sujet et où elle relate brièvement les derniers moments d’Alan Rickman m’ont émue.
Alors est-ce que ce journal a changé ma vision de l’acteur et de l’homme qu’était Alan Rickman ? Non, pas vraiment. Déjà je ne suis pas du genre à idolâtrer des célébrités : elles vont aux toilettes comme tout le monde comme me répétait souvent mes parents
Donc ça reste un homme avec ses qualités et ses défauts et ceux que j’ai découvert me l’ont rendu d’autant plus réel et proche. Quelques phrases m’ont laissée perplexe, ne sachant comment les comprendre, car ça pouvait être du sarcasme ou bien il manquait un contexte pour tout saisir. D’autant plus qu’Alan Rickman fait preuve d’humour et d’auto-dérision dans son journal. Je l’ai trouvé assez râleur par moments mais capable de reconnaître ses erreurs. J’ai regretté que Raison et Sentiments ne lui aient pas apporté une entière satisfaction car il estimait que les hommes étaient trop mis au second plan. Je n’aurais pas été contre plus de moments centrés sur Brandon non plus, mais ce sont Elinor et Marianne les héroïnes, désolée Alan ^^
Là où j’ai été très surprise, c’est de constater le nombre de sorties qu’il faisait ! A se demander comment il arrivait à bosser après et à tenir le rythme ! Il avait souvent la gueule de bois et j’avoue que lire que lui et ses proches allaient parfois manger dans un certain club de danses suggestives assez trash m’a fait bizarre ! C’est là où on se rend compte que ce milieu est quand même très particulier… Dans les surprises plus agréables, c’était un homme qui agissait comme tout le monde au quotidien et qui n’avait pas une armée de personnes chargées de s’occuper de lui faire à manger, de repasser ses chemises ou autres. Autant il semblait se prendre la tête par rapport à son métier tout en reconnaissant par moments qu’il y avait bien plus grave, autant il gardait ses distances avec les à côtés, comme lorsqu’il a refusé d’être élevé au rang de Commandeur de l’Ordre de l’Empire Britannique.
Même si je déplore quelques coquilles et erreurs de traduction à certains endroits (notamment lors d’une question posée à Rachel Hurd-Wood pour la conférence de presse sur Le Parfum), je suis ravie que les éditions Hachette Heroes aient sorti ce journal en français ! J’ai passé un délicieux moment à lire des petits fragments de la vie d’Alan Rickman, ses impressions sur ce(ux) qui l’entourai(en)t et l’impression de le connaître un peu mieux, mais aussi d’en savoir plus sur son métier et tout ce qu’il y a autour (on y apprend notamment qu’il a refusé le rôle de Maxime de Winter dans la mini-série Rebecca ou encore un rôle dans le Persuasion de 1995 !). J’ai retrouvé quelques noms connus, identifié certaines personnes tandis que pour d’autres c’était un peu plus complexe mais ça ne m’a pas dérangée. Je précise au cas où que ce n’est pas une autobiographie mais bel et bien un journal où pouvaient se côtoyer des phrases relatant tel rdv à tel heure comme des réflexions plus poussées. Néanmoins, si vous êtes fans d’Alan Rickman, je ne peux que vous conseiller de lire ce journal !