Jane Eyre, appel à vos souvenirs ...

Bonjour à toutes et à tous,

Voilà, je relis Jane Eyre en ce moment et je suis au chapitre des premiers "rires" à Thornfield.

Spoiler:

La situation que je viens de décrire ne peut s'envisager qu'à la première lecture. Il m'arrive d'ailleurs souvent (quand je visionne les films) d'y repenser et de m'étonner moi même de cette situation.

D'où ma seconde question : vous arrive-t-il souvent de relire un livre et d'interprêter les faits de manière complètement différente.

Afin d'illustrer mon propos, je vais faire appel au film Nell.

Spoiler:

J'ai effectivement le souvenir d'avoir plus ou moins occulté ce pan de l'histoire. Toutefois, l'épisode de l'incendie dans la chambre de Rochester ainsi que l'agression de Mason par Bertha laissait bien penser que quelque chose de pas très naturel se passait dans ce manoir.
A l'époque j'étais jeune et je pensais plutôt à un fantôme ou quelque chose du genre. Ceci dit, j'avais relégué un peu tout ça dans le coin de mon esprit car la seule chose qui me palpitait et m'empêchait alors de dormir était de savoir si Rochester avait des sentiments pour Jane.


Maintenant que je connais bien l'histoire, je sais exactement où l'auteur veut en venir.
Des fois, j'aimerai être amnésique pour retrouver la magie de la première fois lors d'une lecture. Mais bon, au moins, maintenant je ne suis plus stressée, je sais que tout va bien se finir (un peu comme pour les enfants qui se rassurent en se faisant raconter moult fois la même histoire...)

J'ai un souvenir assez vague de ma première et seule lecture mais c'est vrai que la partie intrigue m'intriguait mais sans plus, je ne cherchais pas à percer le mystère ou quoi, je me contentais de lire en me concentrant sur Jane et Rochester Du coup gros coup de théâtre lors de la révélation, j'avais adoré la scène du mariage

Un peu comme Nathy's, je me souviens qu'à ma première lecture j'étais très concentrée sur Jane et sur sa découverte de Thornfield Hall et de Rochester. Je ne peux pas dire que j'ai occulté cette partie de l'histoire car je me souviens très bien que j'avais été intriguée par le personnage de Grace Poole et par les rires mystérieux. Je me posais exactement les même questions que Jane, en fait.

Il est vrai cependant qu'une relecture nous permet parfois de mieux voir l'importance de certains détails et de voir l'art du romancier sous un jour différent.

Je recycle ce sujet pour vous poser une autre question à propos du livre Jane Eyre.

Ne trouvez vous pas qu'il y a une incohérence avec tout ce qui touche au possible mariage entre Blanche Ingram et Mr. Rochester ?

Je m'explique. Mrs Fairfax, de même que Rochester sont pertinemment au courant du fait que Rochester est marié. Si à la limite, on peut comprendre que Mrs Fairfax tente de calmer les sentiments de Jane, le comportement de Rochester est lui illogique.

Attention, je ne parle pas de laisser la possibilité d'une éventuelle union ouverte. C'est une manière de faire taire la rumeur (ou en tout cas d'éviter que les gens se posent des questions). Je parle principalement du test qu'il fait en jouant la bohémienne, ou d'aller jusqu'à répandre une fausse rumeur sur ses avoirs, afin de démasquer Blanche.

Trouvez-vous aussi cela illogique ?

Le cœur humain n'est pas toujours logique et Rochester, plus particulièrement que d'autres héros de roman, vit par son cœur, plutôt que par sa raison. Il est prisonnier d'une situation, il se donne l'illusion d'avoir une marge de manœuvre, d'avoir du pouvoir sur sa propre vie. Il est dur et cynique, il voit cette jeune fille cherchant ouvertement à faire un beau mariage, il joue avec elle comme le chat avec la souris, parce que cela le distrait de son souci permanent qui le taraude : il n'est pas libre ! Quant à la façon dont il fait croire à Jane qu'il va épouser Blanche, je crois que dans le topic sur le roman il a été bien expliqué qu'il veut s'assurer des sentiments de la jeune fille, qu'il la pousse à bout pour qu'elle avoue ses sentiments et qu'ainsi, ayant cré une angoisse, il peut la guérir en proposant le mariage, en quelque sorte il veut assurer le terrain. Mais il connaît mal jane, ou en tous cas il veut ignorer ce qui le gêne : la probité de Jane. En exaspérant son amour par la douleur de lui faire croire qu'il en aime une autre, peut-être espère-t-il que le soulagement lui fera oublier son devoir !! mais tout cela est expliqué longuement dans le topic du roman !

Encore un bouquin que j'ai lu trop jeune, car alors j'étais bourrée de clichés et très rigide sur les codes amoureux. Alors un jeune premier de quarante balais, ça ne pouvait pas me permettre de m'investir sur l'histoire d'amour. Ce qui prouve que JE ça marche quand même sans l'aspect romance, car j'ai adoré ce bouquin dès la première fois, pour les aventures et les épreuves de l'héroïne, d'autant que c'était une héroïne petite fille, au départ, comme moi. Après, qu'elle sombre dans la gérontophilie, je m'étais résignée... Je cessais de m'identifier à elle à partir de la déclaration, en gros...

Bah, moi j'avais vu le film toute petite (pardon, un des films) donc je connaissais l'histoire avant de lire le roman. Je n'ai donc pas eu à occulter ou non le mystère de Thornfield et c'est bien dommage, j'aurais adoré découvrir ça en lisant.

Pour le (faux) mariage avec Blanche, je ne comprends pas bien la question, mais je crois que Clinchamps a parfaitement résumé ce qu'il en est

Clinchamps a effectivement bien résumé la situation du point de vue de Rochester. Quant à Mrs Fairfax, il est dit dans le roman qu'elle connaissait l'existence de Bertha, mais ne connaissait pas ses liens avec Rochester. Seul le médecin était au courant du fait qu'elle était son épouse.
Donc, il n'y a pas d'incohérence de ce côté ci.

Rochester n'est pas dupe un instant des sentiments de Blanche Ingram à son sujet, s'il la conduit à penser qu'il est sur le point de lui proposer de devenir sa femme, il n'a pas la moindre intention de le faire bien sûr, je pense même que ça l'amuse beaucoup de jouer avec elle, en sachant qu'elle n'en a qu'après son argent et sa position sociale.

Il a éprouvé avec sa belle-famille et sa maîtresse ce qu'étaient la duplicité, il n'a aucun scrupule à son tour à utiliser Blanche dans l'espoir de faire naître des sentiments dans le coeur de petite nonnette de Jane.

Et j'avoue que j'aime beaucoup ce trait de caractère chez lui, au moins, ce n'est pas un de ces "romantiques" bêlants façon Barbara Cartland qui sont une insulte au romantisme du XIXème siècle.

Hi hi, c'est bien vrai ça... J'aime son côté fourbe. Cela le rend beaucoup plus intéressant.

On n'en peut plus des anges en redingote, au moins Rochester a un côté sombre qu'il assume et cela ne le rend que plus séduisant.

Et moi je vais jouer l'avocat du diable en posant la question suivante : aime t-on vraiment que les gens aient un côté sombre.. quand on en est victime ?

J'adore Rochester, certes, mais en fait, c'est son côté tragique qui me fait craquer. Parce que honnêtement, même s'il a des excuses, moi je n'aimerait guère un type aussi manipulateur et... prêt à tromper même celle qu'il aime. Je fais partie de ceux qui considèrent que la confiance est le ciment de toute relation et qui fuient à tire d'aile lorsque cette confiance est trahie.

Alors bon, "les anges en redingote", finalement... moi j'aime.

puréee Rochester ! qu'il reste un héros de roman, parce que dans la vraie vie, c'est à fuir ce genre de monsieur !

Aislynn a écrit:

Et moi je vais jouer l'avocat du diable en posant la question suivante : aime t-on vraiment que les gens aient un côté sombre.. quand on en est victime ?

Ok, pas trop envie d'être notre chère amie Blanche. Mais Jane, pas de souci. Car Rochester la maltraite, essaie de la manipuler... mais n'y réussit pas. C'est Jane qui gagne, à la fin. Grâce au pauvre Mason, d'accord, mais en attendant, elle gagne. Donc oui au diable Rochester, et non à l'ange Saint John, qui a des principes, mais bien peu de coeur. Notre cher Edward en a un, lui, de coeur, même si parfois il a de la peine à brider ses élans.

cat47 a écrit:

Car Rochester la maltraite, essaie de la manipuler... mais n'y réussit pas. C'est Jane qui gagne, à la fin. Grâce au pauvre Mason, d'accord, mais en attendant, elle gagne.

Peux-tu être plus explicite ? Fais-tu référence à l'épisode qui suit la découverte de la femme de Rochester et à la fuite de Jane ?

Ce que je veux dire, c'est que si Mason n'était pas apparu au bon moment, la manipulation de R. aurait réussi et Jane aurait perdu,

Spoiler:

Il faut croire que moi, j'aime les anges déchus. Non, c'est vrai, et même si j'adore le colonel Brandon (surtout s'il est joué par Alan Rickman) parce qu'il lit de si bon coeur quand on est convalescente , mon coeur s'affole devant les colères et la passion de Rochester, devant le fait qu'il est capable de tout -ou presque- pour avoir celle qu'il aime, quand Brandon baisse les bras.

Il n'aurait pas eu à mentir à Jane si elle n'avait pas été aussi coincée par sa morale de bonne soeur protestante.

Branwen, là, tu es à un cheveu de dire que la bigamie est une bonne chose !! Je peux imaginer la colère, le désespoir de Jane au moment où elle aurait appris où son amour l'avait conduite !! On peut avoir une conscience sans être une bigote protestante ou pas !! Même aujourd'hui, même à une fille de notre temps ce serait un sale coup à lui faire que de l'épouser dans ces conditions !! Et je doute qu'elle l'accepterait sans coup férir !

D'un autre côté, à l'époque, on ne divorçait pas comme ça... Alors forcément, il avait des circonstances atténuantes le pauvre. Il fait comme il peut. Il aurait pu aussi proposer à Jane d'être sa maîtresse, mais non, il sait bien qu'elle aurait dit non. Personnellement je comprend.

C'est mon idole Rochester quoi

Les filles, vous me faites rire ! Et Selenh m'a tuée avec son commentaire sur la gérontophilie

J'avais 12 ans la première fois que j'ai lu JE mais je ne me rappelle pas avoir trouvé Rochester trop vieux et pourtant à l'époque, pour moi quelqu'un de 30 ans c'était limite un vieillard décrépit Mais dans les romans ça devait mieux passer...

En revanche j'ai longtemps eu un souci avec Jane (et encore aujourd'hui j'ai du mal à certains passages)

Spoiler:

clinchamps a écrit:

Branwen, là, tu es à un cheveu de dire que la bigamie est une bonne chose !! Je peux imaginer la colère, le désespoir de Jane au moment où elle aurait appris où son amour l'avait conduite !! On peut avoir une conscience sans être une bigote protestante ou pas !! Même aujourd'hui, même à une fille de notre temps ce serait un sale coup à lui faire que de l'épouser dans ces conditions !! Et je doute qu'elle l'accepterait sans coup férir !

La bigamie? Non. Se débarrasser d'une épouse encombrante en faisant porter le chapeau à cette poivrote de Grace Pool, oui. Je n'ai absolument aucun sens moral, je sais, mais quoi, Edward est si... si... bref, une chute "accidentelle" est si vite arrivée.

Ami, toi qui habite Metz ... si ta compagne à 46 ans ... fuis, fuis, avant d'être poussé dans l'escalier ...

cat47 a écrit:

Ce que je veux dire, c'est que si Mason n'était pas apparu au bon moment, la manipulation de R. aurait réussi et Jane aurait perdu,

Spoiler:

C'est peut être une question de sémantique, mais je ne partage pas ta vision de la manipulation.

Il la manipule durant l'épisode de la gitane. Il la manipule également quand il la pousse au désespoir en lui annonçant qu'elle va devoir le quitter. La première fois, c'est pour connaitre ses sentiments, la seconde c'est pour provoquer la crise. Par contre, je ne sais pas comment qualifier le mariage qu'il lui propose, mais pour moi ce n'est pas de la manipulation.

Je m'étais déjà fait la réflexion de la punition, c'est dans S&S avec la maladie de Marianne que j'ai eu cette impression.

Sethy a écrit:

Ami, toi qui habite Metz ... si ta compagne à 46 ans ... fuis, fuis, avant d'être poussé dans l'escalier ...

Mais non, je ne pousserais pas Mr Rochester dans les escaliers, mais enfin, s'il était pourvu d'une encombrante Bertha complètement dingue... disons que je lui épargnerais 15 ans de souffrances totalement inutiles au pauvre cher ange

Sethy a écrit:

C'est peut être une question de sémantique, mais je ne partage pas ta vision de la manipulation.

C'est effectivement une question sémantique. J'aurais dû plutôt utiliser le terme "machination" dans cette phrase.

Ce qui n'enlève rien au fait que R. est un grand manipulateur, comme tu l'as souligné.

Et qu'il n'est pas du genre à se refuser un plaisir pour respecter des principes. Cet homme a très peu de morale, c'est d'ailleurs ce qui fait son charme.^^