Alberto Moravia : Le Mépris et autres oeuvres

Alberto Moravia (1907 - 1990) est l'un des plus fameux écrivains italiens du XXème siècle. Romancier du couple, interrogeant les conventions sociales dans son œuvre, il est considéré comme un précurseur de l'existentialisme, annonçant Sartre ou Camus. Pour le côté people de ce post de présentation, j'ajoute qu'il a été l'époux d'Elsa Morante (La Storia).  

Ses œuvres les plus connues sont : Les Indifférents, L'Amour conjugal, Le Conformiste, Le Mépris (adapté au cinéma par Godart avec BB et Piccoli), La Ciociara (adapté par Vittorio De Sica avec Sophia Loren et Belmondo), L'Ennui...

J'avais vu l'adaptation du Mépris (qui m'a intéressée sans me passionner  ) et je voulais depuis lire le roman, pour découvrir aussi Moravia, comme je m'intéresse à la littérature italienne.  


Durant les deux premières années de mon mariage, mes rapports avec ma femme furent, je puis aujourd’hui l’affirmer, parfaits. L’objet de ce récit est de raconter comment, alors que je continuais à l’aimer et à ne pas la juger, Emilia au contraire découvrit ou cru découvrir certains de mes défauts, me jugea et, en conséquence, cessa de m’aimer.

Le Mépris, c'est donc l'histoire de Ricardo, qui voudrait écrire du théâtre mais vit l'écriture de piges et de scénarii, et d'Emilia, qui change subitement de comportement envers lui. J'ai un avis plutôt mitigé sur ce roman. J'ai bien aimé l'écriture, l'introspection du narrateur, la réflexion sur les concessions que l'on fait par amour, ou tout simplement pour vivre décemment, la réflexion autour du scénario pour adapter L'Odyssée (même si le côté "intellectualisé" du livre m'a parfois agacée, je ne sais pas expliquer ça mais je pense que certains passages ont vieilli, comme les films de la Nouvelle vague).

Un aspect m'a dérangée en revanche, c'est le personnage d'Emilia. A part son physique de mannequin, au bout d'un moment, je me demandais vraiment ce que Ricardo lui trouvait.  En plus il y a quand même un petit côté machiste dans la façon d'envisager la femme (sa grande passion est évidemment s'occuper de son foyer...).

Bilan mitigé pour moi, mais je reste curieuse de découvrir d'autres romans de Moravia.  

J'ajoute un lien vers un article qui a l'air intéressant

Merci pour cette ouverture de topic esperluette  

Moravia est un auteur qui m'intéresse. J'ai "La Ciociara" que j'ai bien aimé; l'adaptation avec Sophia Loren et JP Belmondo (superbes) est très bien aussi  . Une oeuvre assez différente du "Mépris", puisqu'elle se déroule au cours de la Seconde Guerre Mondiale et que l'on suit une mère et sa fille qui fuient Rome occupée par les allemands pour se réfugier dans les montagnes.

Je me suis ensuite attaquée aux "Racconti Romani" (je crois que le titre en français, de mémoire, est "Nouvelles Romaines" ou "Chroniques Romaines", je les lis à petite dose en édition bilingue pour dérouiller mon italien). C'est assez inégal, mais là je rejoins ton commentaire, esperluette, on sent parfois une pointe de machisme  

Ah, j'avais vu il y a de cela quelques années l'adaptation de "L'Ennui" par Cédric Kahn avec Charles Berling et je dois dire qu'il n'y eut pas tromperie sur la marchandise, je me suis bien ennuyée dans mon fauteuil de cinéma  
J'ai aussi vu l'adaptation du Conformiste, je crois, mais je ne m'en souviens pas  

S'agissant de l'adaptation du Mépris, j'ai toujours été partagée entre l'envie de voir le film pour les décors (tourné à Capri dans la maison de Malaparte  ) et l'ennui que me procure la nouvelle vague  ce dilemme n'est toujours pas tranché. Il le sera le jour où arte diffusera Le Mépris car je ne pense pas prendre la décision sans cela de visionner ce film  

Pour le côté pipole, j'ajoute que Moravia a ensuite été le compagnon d'une écrivaine italienne Dacia Maraini  

Et je cours voir ton lien esperluette  
(si tu as envie de tenter un autre Moravia, je ne peux que te conseiller La Ciociara  )

Edit : article très intéressant, avec quelques spoilers  
Je ne connaissais pas du tout le Moravia écrivain voyageur, j'ai appris pas mal de choses sur l'homme et son oeuvre et en plus, je ne savais pas que l'on pouvait lire en ligne les articles de Lire  

Merci esperluette, les auteurs italiens ne sont pas légions dans ces murs.

De Moravia, j'ai vu donc l'incontournable Mépris, avec Piccoli et Bardot tellement jeunes et beaux , mais je n'ai pas vraiment accroché à l'histoire. Je trouve le personnage féminin peu caractérisé, et le personnage masculin assez torturé pour finalement peu de choses ; si j'étais méchante, je dirais que ces gens-là se créent des problèmes pour se désennuyer ...

Et ça m'amène au seul livre de Moravia que j'ai lu : l'Ennui que je n'ai pas aimé ; ce mal être qui n'a pas de cause, je l'admets ; mais le héros est vraiment égoïste, tourné vers son petit moi avec ses petits problèmes de sexe, et de vague à l'âme   (bref c'est chiant).

Sincèrement je préfère mille fois Elsa Morante qui a été sa femme, et qui écrit avec beaucoup de sensibilité sur le monde secret de l'enfance (L'ile d'Arturo / La storia / Aracoeli)

Merci pour vos réponses.  

La Ciociara est un de ses romans qui me tentent le plus, ton avis m'encourage donc Serendipity.  

Pour l'adaptation du Mépris, je plussoie Petit Faucon, à part la beauté et le magnétisme de BB et Piccoli, et Capri, je ne peux pas dire que ce film m'ait beaucoup marquée, même s'il est intéressant. En fait ce qui m'a le plus interpellée dans ce film c'est le générique qui est lu par une voix off.  

Et, Petit Faucon, Elsa Morante fait partie des auteurs italiens que je veux découvrir, ton post me donne encore plus envie de lire ses textes.  

Petit Faucon a écrit:

je dirais que ces gens-là se créent des problèmes pour se désennuyer ...

A priori, je dirais que c'est une tendance de fond qui peut caractériser une partie de l'oeuvre de Moravie (c'est un a priori que je n'ai pas vérifié, mais c'est une partie de son oeuvre que je fuis  ). Outre la Ciociara dont j'ai parlé plus haut (contente que tu sois intéressée esperluette), je dirais que ses nouvelles sont différentes. Je me rends compte que j'ai un autre recueil dans ma PAL : Portraits de Femmes  

Je ne connais pas encore l'oeuvre d'Elsa Morante, il faudra que je m'y intéresse aussi  
(pour boucler la boucle, et en revenir à La Ciociara, cette histoire a été inspirée à Moravia par un épisode de sa vie avec Elsa Morante, si mes souvenirs sont exacts, car les deux auteurs s'étaient réfugiés dans les montagnes au moment où Rome était occupée par les allemands, vers la fin de la deuxième guerre mondiale  ).

Terminé L'ennui, roman par lequel je découvre Alberto Moravia. J'ai à ce jour lu extrêmement peu de littérature italienne. Je m'y "connais" mieux en cinéma : je le précise parce que j'ai eu l'impression en lisant ce roman de retrouver un style de personnages, une ambiance, des thématiques que j'ai souvent vus dans ces films italiens des années 60, cela hors adaptations ciné de Moravia (que je n'ai justement jamais regardées !)

Alors concernant le livre en lui-même, comment dire ? Tout d'abord, c'est incontestablement un roman qui mérite d'être lu. On sent tout du long que l'auteur a une belle plume, à la fois simple et réfléchie, ce qui en rend la lecture facile ; il a également un propos intriguant, qui trouble et interroge. Sa réflexion sur "l'ennui", et plus exactement la place qu'on occupe ou non dans le monde, est digne d'intérêt même si parfois un peu tarabiscotée.  
Les deux personnages principaux : le narrateur et la jeune fille avec qui il a une relation sont à la fois ordinaires, mystérieux, agaçants, "sympathiques". Cependant, l'insistance de l'auteur à sans cesse évoquer la sexualité de ses personnages (même si rien de particulièrement explicite) finit par lasser, même s'il faut reconnaître que ce n'est pas là gratuitement mais que c'est bien relié à l'histoire globale du narrateur.
Sinon j'ai trouvé le personnage de Cecilia plutôt intéressant : on ne la voit que par le prisme de Dino, mais elle parvient tout de même à développer son individualité, et ce au moyen d'une indifférence à son environnement, d'un refus ou d'une banalisation du langage, de la communication, que je juge assez passionnants.
Le livre est un peu languissant car répétitif, qu'on doit subir les ruminations du personnage principal, mais j'ai beaucoup aimé les 1, 2 dernières pages, la conclusion, pleine de sagesse et même d'espoir, d'une luminosité brumeuse.

Je n'ai pas du tout envie de poursuivre la découverte de Moravia dans l'immédiat mais je pense probablement continuer un jour.

Merci pour ton retour Dulcie. J'allais rebondir sur le film, mais j'ai vu que j'en avais parlé plus haut, alors je vais m'autociter plutôt que de radoter

En tout cas, je retrouve tout à fait tes impressions de lecture dans mes souvenirs du film

serendipity a écrit:

Ah, j'avais vu il y a de cela quelques années l'adaptation de "L'Ennui" par Cédric Kahn avec Charles Berling et je dois dire qu'il n'y eut pas tromperie sur la marchandise, je me suis bien ennuyée dans mon fauteuil de cinéma