Emily StJohn Mandel

A l'occasion de la publication de son dernier roman "La mer de la tranquillité", Emily St John Mandel effectue actuellement une tournée en France. Elle était hier soir au centre culturel canadien de Paris, j'ai eu l'occasion d'assister à cette très belle rencontre avec une autre lambtonienne

Je n'ai pas pris de notes, mais voici quelques aspects de la discussion qui m'ont particulièrement marquée :

- la manière dont elle s'inspire de situations de sa vie quotidienne pour nourrir ses romans (anecdote très amusante d'un dîner mondain où un voisin de table ultra snob lui a dit revenir de "République tchèque, Praha"... alors qu'il aurait pu dire tout simplement Prague. Cette anecdote a été utilisée dans Station Eleven).

- elle s'est inspirée d'un spectacle de danse contemporaine (elle est elle-même danseuse) pour un passage poétique de Station Eleven, qu'elle a fini par connaître par cœur à force de le lire lors de la tournée littéraire de ce roman (qui a été particulièrement longue de son propre aveu).

- sa confiance envers le showrunner qui s'est occupé de l'adaptation en série de Station Eleven (quelqu'un a vu cette série ?) car il s'agissait d'un romancier qu'elle avait côtoyé pendant ses premières années d'écrivaine en galère.

- la thématique du voyage dans le temps semble particulièrement en vogue actuellement parmi les auteurs de SF. ESJM estime que la pandémie semble avoir précipité un certain nombre d'auteurs dans la SF. Elle a elle-même commencé à travailler sur La mer de la tranquillité aux débuts de la pandémie, notamment lors du confinement qu'elle a vécu à Brooklyn.

- les droits de ses romans ont été vendus à trois éditeurs différents en langue anglaise (USA, Canada, Royaume-Uni), ce qui génère une manière très particulière de travailler l'édition du roman. L'autrice passe généralement un an à rédiger son premier manuscrit, puis un an à faire des corrections. Relecture d'abord par 3/4 amis, puis par son agente et enfin, elle reçoit des notes parfois très longues (9 pages) des 3 éditrices anglophones. Elle considère que les éditrices sont ses alliés et suit volontiers leurs conseils, reconnaissant qu'après avoir travaillé aussi longtemps sur un roman, elle ne se sent plus en capacité de prendre du recul sur son travail.

-elle a rarement des questions des traducteurs. Elle en a évoqué un sans le nommer qui l'a interrogée pour savoir si un aspect SF de son dernier roman existait en vrai, ce qui l'a amusée et inquiétée sur la santé mentale de ce traducteur

- elle travaille actuellement sur un projet de roman SF mais a encore une grosse année de travail.

Elle a lu un passage de son dernier roman (en anglais), puis la journaliste qui animait la soirée a lu le même passage en traduction française, ça donnait envie

A défaut d'avoir pu participer à cette rencontre, vous pouvez écouter ce podcast de RFI dont elle était récemment l'invitée et où elle évoque son dernier roman ici

J'ai tellement aimé "Station eleven" !! je lirai encore quelque chose d'elle avec bonheur !!! C'est une belle chance que cette rencontre, Serendipity !! Merci du partage !!

Merci serendipity, pour cette belle présentation ! moi aussi j'avais beaucoup aimé Station Eleven
Je vais écouter le podcast dès que j'ai un moment, merci

Merci beaucoup pour ce retour très riche serendipity!
Merci aussi pour le lien du podcast, j'essaierai d'aller l'écouter.

Merci pour ce beau compte-rendu, Serendipity ! Station Eleven est dans ma wishlist depuis que j'ai lu d'excellents retours sur le forum !

Nous pourrions envisager une lecture en duo à l'occasion Juliette, qu'en dis-tu ?

Ce serait avec plaisir ! On pourra se programmer une lecture courant 2024, si ça te tente ?

Oui cela me tente beaucoup (je regrette de ne pas l'avoir proposé au challenge Wentworth du coup !)
Surtout que nous pouvons intéresser d'autres membres, en lecture ou en relecture
Je vais aller faire remonter le topic des lectures en duo/trio

Moi j'ai écouté son interview sur RFI, et je me joindrai à vous quand vous aurez envie de le lire

Je l'ai lu et apprécié il y a quelque temps. Mon avis fusionne ceux d'Esperluette et de Petit Faucon.

L'hôtel de verre / The glass hotel - 2020

Voici le résumé du début du livre :

Citation :

Sur l'ïle de Vancouver, se dresse un hôtel aux murs de verre, seulement accessible par la mer. Il est fréquenté par une clientèle exclusive qui veut rompre avec "la civilisation connectée". Là, pas de wifi, pas de portable, on est au bout du monde.
Paul, aspirant compositeur, et sa soeur Vincent, vidéaste amateure, travaillent tous les deux à l'hôtel Caiette.
Un soir, alors qu'on attend l'arrivée du milliardaire new-yorkais Jonathan Alkaitis, le gérant découvre avec horreur un tag gravé sur l'une des vitres : "Et si vous avaliez du verre brisé ?"

Le livre est construit comme Station Eleven en puzzle, raconté des différents points de vue des personnages, et tissé des aventures des personnages qui se rencontrent au fil de l'histoire, entre 1995 et 2018, entre New York et l'île Vancouver au Canada.
Leur point commun c'est l'errance, et je dirais même la fuite en avant ; Vincent (c'est l'héroïne principale) se laisse balloter entre différents jobs, différents endroits, et finit sur un porte-conteneur, sans s'être véritablement impliquée dans sa propre vie ; beaucoup de personnages ne veulent pas se poser de questions, poursuivant leur quête de confort individuel, se contentant des illusions qu'ils se sont créées, ou auxquelles ils veulent croire ; ils dérivent comme des algues dans le courant.
Le livre se lit facilement, mais une fois refermé je le trouve assez énigmatique, à l'encontre du titre, qui suggère la transparence ; à moins que la transparence ne soit qu'affichée. Enigmatique et désenchanté.

On ne peut nier qu'Emily St John Mandel a un vrai talent de conteuse ; à noter également qu'on y croise vers la fin Miranda, la créatrice du roman graphique dans Station Eleven, ce qui accroît la sensation d'irréalité du livre.

Merci Petit Faucon pour ton retour sur ce roman qui me donne fortement envie de le découvrir.

Merci pour ton avis Petit Faucon, je lirai cette autrice en 2024, c'est sûr !

Tentée par ton avis Petit Faucon, L'hôtel de verre a rejoint ma PAL

J'ai dépilé L’hôtel de verre. Mon ressenti global est ambivalent. Littérairement, il est très bien écrit. Au niveau de l'ambiance, l'autrice a réussi à ce que je la ressente profondément. En revanche, comme celle-ci est désagréable, je conseillerai sa lecture à un moment où on est bien dans sa peau.  

Ce roman est inspiré de l’escroquerie de Bernard Madoff, mais non centré sur l’aspect purement financier de ce type d’événement, mais sur la relation entre les personnages, leurs actions, leurs croyances en des illusions. La frontière entre les mondes sont ténues,

Spoiler:

de même qu’entre le sentiment de culpabilité et d’innocence/intégrité (avec Jonathan Alkaitis, Paul,…).

J’ai eu un sentiment de malaise pendant la lecture : le monde est gris, les personnages ressentent des émotions fortes, mais leur rapport au monde semble comme anesthésié, comme certains films de Sofia Coppola (impression de déconnexion, de distanciation au réel comme dans Virgin Suicides, Lost in Translation). C’est voulu par l’autrice je pense, pour plonger le lecteur dans un certain état.

Comme Petit Faucon, je n’ai pas trouvé ce roman si transparent que ça.
J’avais oublié Miranda.    Merci d'avoir fait le lien ! Quand l'autrice (par un de ses personnages) imagine à un moment des mondes alternatifs, notamment un avec une pandémie de grippe porcine de Géorgie, c'est troublant et permet un autre clin d’œil à Station Eleven.

A la fin, je me suis rendue compte que j’avais oublié la scène inaugurale du roman (magistral !).    
En revanche, je reste en suspension quant à la "morale", au message de cette histoire... Je ne l'ai pas lue au meilleur moment de ma vie, elle mériterait d'être relue dans un autre contexte.

Vavyala a écrit:

Tentée par ton avis Petit Faucon, L'hôtel de verre a rejoint ma PAL

La suite que tu donnes dans ton dernier message m'est tout aussi inspirante, Vavyala. Je suis bien décidée à prendre en compte tes conseils de prudence, cependant ton avis détaillé ajouté à celui-de Petit Faucon me donne encore plus envie de lire ce roman. Ce que tu décris m'interpelle vraiment, et me confirme qu'il y a un vrai auteur en ESJM, qui me touche fortement dans mes limbes et peut être une lecture décisive dans certains de mes états d'âme.

@ Selenh : je lirai avec plaisir ton ressenti

Citation :

... peut être une lecture décisive dans certains de mes états d'âme

je comprends complètement cet état d'esprit, certains textes nous aident à y voir plus clair en nous-même


@ Vavyala : merci de ton long message ; je te rejoins tout à fait sur le sentiment diffus de malaise qui traverse le livre.
Je voudrais dire aussi qu'il n'y a aucune "morale" ou message à rechercher, c'est au lecteur de se faire son opinion.

Petit Faucon a écrit:

Je voudrais dire aussi qu'il n'y a aucune "morale" ou message à rechercher, c'est au lecteur de se faire son opinion.

Oui, avec du recul, je suis tout à fait d'accord avec toi. L'autrice ne cherche pas à assener de vérités dans ce roman, mais à nous faire vivre une expérience sensible et nous laisser en conclure (ou pas) ce que l'on souhaite.
De manière générale, on s'y rend compte que ce qui peut nous sembler clair et limpide de prime abord, ne l'est pas tant que ça. La vie n'est pas une évidence.

Alors qu'il me reste tout juste 50 pages à lire avant de refermer Station Eleven, je passe remercier Lambton et ses membres pour cette découverte. Quel livre ! Typiquement un roman que je n'aurais jamais lu sans vous et sans la proposition de lecture en duo avec Juliette qui m'a remis la piqûre de rappel au bon moment

Pour tout cela, un grand merci

Alors déjà, ce livre commence très fort avec la scène inaugurale. J'avoue que j'aurais pu décrocher suite au changement soudain d'époque et de personnages. Le personnage de Jeevan m'avait beaucoup accrochée et le laisser soudainement en début de pandémie se confiner avec son frère et plusieurs chariots de victuailles dans une tour de Toronto, cela m'a déconcertée. Passer au Travelling Symphony et à cette ambiance si spéciale, je n'ai pas été emballée j'aurais même pu mettre le livre de côté pour cela. Mais en m'accrochant, j'ai vite été emballée par ce livre et ses changements de narration ne m'ont plus posé de problème.

J'ai choisi le le lire en VO et je trouve qu'il se lit plutôt bien. Je me souviens que lors de la conférence l'hiver dernier E. SJM avait évoqué certains personnages ou liens entre ses romans (j'ai par exemple lu -peut-être ici- que l'on retrouvait Miranda brièvement dans un autre roman). Le savoir donne carrément envie d'entamer un autre de ses livres sitôt celui-ci terminé

J'espère que tu te régales autant que moi Juliette et reviendrai d'ici quelques jours découvrir les avis des membres

Je suis très contente de lire ton enthousiasme, serendipity ! Et de voir que l'effort pour sortir de ta zone de confort est récompensé !
Et en effet, on croise très brièvement Miranda dans l'hôtel de verre.

Je suis heureuse de voir que ce livre a autant de succès, je l'avais énormément apprécié quand on me l'a offert !

Je repasse ici après avoir terminé le roman et lu vos avis comme vous toutes, j'ai beaucoup aimé  

@ Petit Faucon, ce n'est pas vraiment une sortie de ma zone de confort, mais il est vrai que sans avoir eu vos avis sur ce roman, je ne l'aurai probablement pas regardé et priorisé

J'avoue aussi que le fait d'avoir pu écouter l'autrice parler de son travail m'a donné envie de m'intéresser (cela a également été le cas cette année avec Delphine de Vigan, dont j'ai lu et aimé Rien ne s'oppose à la nuit -là encore, suite à une conférence).

Clairement, je rejoins le club de celles qui l'ont dévoré comme clinchamps, Rosalind et Petit Faucon. Je rejoins également le cercle de celles qui ont trouvé de l'attachement auprès de certains personnages comme Vavyala (dans mon cas Jeevan, Clark et Miranda).

J'ai trouvé intéressant que les personnages qui conservent toute leur humanité sont ceux qui tentent de poursuivre leur chemin de vie avec des activités culturelles ou en donnant aux autres

Spoiler:

Après avoir lu vos échanges sur L'Hôtel de verre, je pense que ma prochaine rencontre avec Emily St John Mandel se fera plutôt autour de La mer de tranquillité

serendipity a écrit:

J'espère que tu te régales autant que moi Juliette

Je l'ai terminé cet après-midi et je partage totalement ton ressenti ! Quel livre !

Je vais être honnête : le début du livre m’a déconcertée, par son changement brutal d’époque et de personnages. J’ignorais où l’auteure souhaitait nous conduire. La patience m’a appris à comprendre et à aimer ce bijou de science-fiction, ce monstre littéraire, un roman unique qui laisse son lecteur ébloui et quelque peu retourné. Les différents éléments de l’intrigue finissent par s’imbriquer parfaitement, permettant de conclure le récit de la meilleure des façons .
Je remercie également Lambton pour cette découverte, une belle claque littéraire
Comme vous, je me suis attachée à certains personnages ; Miranda, Kirsten, August, Clark et Jeevan pour ma part !

serendipity et Juliette, je suis très contente de lire que vous ayez succombé à ce très beau roman !

serendipity, La mer de la tranquillité me fait de l’œil. Si tu as envie de te lancer sur une lecture future en duo, n'hésite pas à me le signaler.