Kristín Marja Baldursdóttir, auteur islandaise

Kristín Marja Baldursdóttir est une femme de lettres islandaise, née en 1949.



Elle est l'auteur de quatre romans, dont deux traduits en français :  les deux tomes de Karitas, l'histoire romancée d'une artiste peintre née au début du XXe siècle en Islande.

Curieusement, ils sont parus avec des titres différents selon l'édition  
Je vous montre les couvertures, au cas où vous voudriez vous les procurer, car c'est assez perturbant  

Karitas, sans titre (ce qui correspond au titre original Karitas án titils,

Et en livre de poche Karitas, l'esquisse d'un rêve, peut-être plus parlant pour les lecteurs.

La suite, Chaos sur la toile (Óreiða á striga)

En livre de poche  L'art de la vie


Karitas, c'est l'histoire d'une femme hors normes, exigeante, passionnée, ne vivant que pour son art, mais confrontée à la réalité de la vie quotidienne.

Les conditions de vie extrêmement dures à cette époque, tant pour les hommes qui risquent leur vie en mer, que pour les femmes, souvent seules, qui luttent pour s'en sortir tout en élevant les enfants, tout en travaillant au salage des harengs, sont décrites avec force mais sans aucun apitoiement.

Au début du roman la mère de Karitas, veuve avec six enfants, décide de donner à ses enfants l'occasion d'étudier, et pour cela quitte contre l'avis de tous son village des fjords de l'ouest, et embarque pour un voyage éprouvant vers une ville qui leur offrira davantage de possibilités, et une misère à peine moindre.

Le roman est écrit à la troisième personne, et le récit est entrecoupé de très courts chapitres (une ou deux pages maxi) décrivant la création d'un tableau, dessin, peinture ou collage, et montrant l'évolution de l'artiste.

La première partie commence en 1915 et se termine en 1939. Karitas jeune fille, puis femme et mère de famille, est tiraillée entre son art qui la hante, et les réalités auxquelles elle ne peut échapper, l'amour, les enfants.


Un extrait

Citation :

Cuisinière à charbon, 1926
Huile sur toile

Suis assise les mains nouées ensemble dans mon giron et regarde devant moi dans la cuisine, je la regarde, noire, imposante avec ses lignes pures.
J'avais déjà lutté avec elle auparavant mais abandonné, elle était forte comme une de ces femmes qui avaient colonisé le pays, impossible d'avoir le dessus avec elle. Mais s'il le faut je ne l'avis pas approchée de la bonne manière, peut-être manqué de respect envers elle. Elle qui avait sauvé mes enfants, gardé le feu, l'avait activé jusqu'à ce que la maison vibre de chaleur. Ses bruits étaient devenus ma chanson d'amour.
La cuisinière à charbon. Je sors sur la pointe des pieds jusqu'à la réserve, me choisis un cadre de la plus grande taille, l'installe sur le chevalet, fais très doucement pour ne pas réveiller les enfants, mélange la couleur, peins la machine directement sur la toile. Elle remplit tout l'espace, noire mais malgré tout en train de flamber. Il y a en elle un mouvement qu'on ne voit pas mais que l'on perçoit.
Comme il y a du mouvement en moi. Une petite braise qui attend qu'on l'enflamme. Ce ne sont pas les grands événements qui changent le monde, mais les petites choses de tous les jours et les mots non dits.
Je peins jusqu'au matin, termine le tableau. Je l'avais peint dans ma tête avant de me mettre à l'oeuvre.

Dans la seconde partie que je suis en train de lire, Karitas part étudier à Paris, continue à se construire et évolue vers l'art abstrait.

Vous l'aurez compris, j'ai été fascinée par ce magnifique portrait de femme, et sa narration originale.

Quelle belle présentation Rosalind
Ces 2 livres ont l'air vraiment intéressants ! Et l'extrait donne envie, merci.

Merci pour l'ouverture du topic, Rosalind

J'ai déjà repéré Karitas à la bibliothèque mais hésitais par rapport à la longueur mais ton avis m'incite à tenter un jour

Merci pour la présentation Rosalind! Je suis très intéressée!!

Merci pour cette belle présentation Rosalind. J'avais repéré ce livre parmi les propositions du challenge Wentworth (c'était sûrement une des tiennes ?), et ton post donne envie de le découvrir.

Merci pour cette jolie présentation, Roz ! Je rejoins le club des intéressées !

Je rebondis sur Juliette pour te remercier de cette jolie présentation Rosalind.

J'avais repéré ce livre en librairie et je crois bien comme le dis esperluette que tu l'avais proposé pour le challenge Wentworth 2020

Pour ma part, je voyage aussi dans le nord de l'Europe avec Paasilinna

Merci de votre intérêt

Esperluette tu as bonne mémoire, je l'avais proposé l'an dernier

Serendipity, laisse-toi tenter  mais attention, pas du tout le même genre que Paasilinna

Grâce à l'attention d'une amie, j'ai découvert le premier tome de Karitas, L'esquisse d'un rêve.

Je m'attendais à suivre le parcours de Karitas, comme une biographie, et finalement, je l'ai vécu plutôt comme la lecture d'une saga, suivant différentes femmes fortes islandaises, ou comme un roman relatant la condition féminine par le regard de certains êtres d'exception.
J'ai été en admiration de la force mentale de Steinunn, sa mère, veuve qui réussit à faire scolariser ses 6 enfants (3 filles comprises) au début du XXème siècle, celles de ses filles (Halldora, Bjarghildur et Karitas), des amies que cette dernière se fera dans l'est (comme Kara et Karlina) et dans le sud (notamment Auður et ses voisines).

La construction, avec chaque chapitre commençant par la description par Karitas, à la première personne donc, du contexte d'un événement ayant donné lieu à une de ses œuvres, suivi du récit à la troisième personne d'un épisode de sa vie est original.
L'histoire entremêle réalisme des conditions de vie de l'époque et fantastique avec les légendes et créatures légendaires du folklore islandais.

J'ai été un peu agacée par la personnalité de

Spoiler:

C'était amusant de lire qu'à l'époque le voyage d'une région à l'autre de l'Islande en bateau (plutôt que par la terre) et de voir comment la première guerre mondiale a été vécue de manière aussi lointaine alors qu'elle a beaucoup marqué le continent européen.

Je prévois de lire le tome 2 après ma lecture islandaise en cours. Je serai curieuse de savoir comment le rapport de Karitas avec son art vont évoluer.
Dans le premier tome, la difficile réception de ses compositions abstraites ou contemporaines dans un environnement familial et social plus sensible à l'art figuratif réaliste semblait difficile à concilier pour Karitas. Comment être reconnue pour ses explorations?

Merci pour ton retour, Vavyala ! Cet avis confirme mon intérêt pour cette "saga"

J'espère qu'elle te plaira Juliette si tu l'essaies.  

Je l'ai conclue hier en terminant le tome 2, L'art de la vie.
Il est encore meilleur que le premier, car plus porteur d'espoir, lumineux, avec les rêves de Karitas qui ont plus de possibilités de s'épanouir (elle y est plus maitresse, actrice de sa vie que dans le premier tome) et une structuration et un enchaînement d'événements plus dynamiques à mes yeux.

On y suit Karitas dans la seconde moitié de sa vie. Ses enfants devenus grands, elle peut laisser son rôle de mère derrière elle,

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et explorer le monde (Paris, New York, Rome) et son art.
Lors de son/ses retour(s) en Islande, elle va expérimenter d'autres modes de vie, avec une colocation féminine qui permet de relier des femmes précédemment isolées au sein d'une microsociété où chacune apporte son talent dans l'organisation du quotidien.

Un tome beaucoup plus apaisé aussi, Karitas a mûri et sait mieux ce qu'elle veut et ne veut pas, prend du recul mental par rapport à certains personnages qui pourraient être toxiques à son épanouissement

Spoiler:

Pour moi qui ai adoré le personnage de sa mère, Steinunn, celle-ci, bien qu'absente physiquement, reste présente en filigrane de l'intrigue et c'est réconfortant de sentir que son héritage reste vivant et vibrant.  

Des passages difficiles néanmoins comme

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égrènent le roman, rappelant que toute vie n'est pas simple et immaculée.

La structuration est en miroir du premier tome.
Dans ce dernier, les œuvres étaient décrites par Karitas et son histoire racontée à la troisième personne.
Dans le second tome, les œuvres sont décrites à la troisième personne, comme un critique et historien d'art pourrait parler d'une oeuvre dans un catalogue d'exposition, et l'histoire de Karitas à la première personne.
Les raisons de ce choix sont données dans l'intrigue.  
J'ai trouvé intéressant ce basculement, il est bien trouvé pour signifier la transition de l'artiste amateur à celle professionnellement reconnue et la pirouette scénaristique de nous proposer un pourquoi à ce changement de ton est intéressant.  

Une saga sur la condition des femmes que je recommande chaudement! Je conseillerai de ne pas s'arrêter au premier tome mais bien lire les deux pour pouvoir appréhender l'arc narratif de Karitas dans son entier.
Ma gratitude pour l'amie qui m'a permis de la lire...

Un très beau commentaire, enthousiaste, qui vient s'ajouter à celui de Rosalind 

Je vais vraiment me mettre à cette auteure 

Merci pour ton retour enthousiaste !