Maryse CONDE - conteuse et écrivaine

Maryse Condé, née à la Guadeloupe en 1937.

Ecrivaine, conteuse, auteure de nombreux romans, essais et pièces de théâtre, elle a été aussi professeure de littérature francophone dans plusieurs universités aux Etats Unis, journaliste à RFI et à la BBC.
Elle est connue dans le monde anglo-saxon, en particulier grâce à sa carrière universitaire, qui en fait l'égale d'une Toni Morrison, et par les traductions de ses livres faites par son mari Richard Philcox.
Elle ne publie plus ces dernières années, victime d'un AVC qui l'empêche d'écrire.
Elle a un style agréable à lire, et parfois très poétique. Ses personnages sont souvent des femmes fortes, qui tentent de mener leur barque dans l'adversité. Ses histoires sont souvent ancrées dans l'histoire, et très bien documentées, elle a d'ailleurs hésité à faire des études d'histoires.


La liste de ses romans est longue, je liste ci-dessous les plus importants.

Hérémakhonon - 1976
Segou : Les murailles de terre - 1984
Segou : la terre en miettes - 1985
Moi, Tituba, sorcière ... noire de Salem - 1986
Traversée de la mangrove - 1989
La colonie du nouveau monde - 1993
La migration des coeurs - 1995 (qui est basé sur Les Hauts de Hurlevent, Mellana lui avait ouvert un topic chez les Brontë ICI)
Célanire cou-coupé - 2000
Histoire de la femme cannibale - 2005
Victoire : les saveurs et les mots - 2006
La vie sans fards - 2012
Le fabuleux et triste destin de Ivan et Ivana - 2017

J'ai lu Ségou, vaste fresque en 2 tomes, de près de 1000 pages, qui conte la chute du royaume bambara de Ségou au Mali, belle ville entourée de murailles de terre sèches, au bord du fleuve Niger (le Joliba), à travers l'histoire sur 5 générations d'une grande famille noble de Ségou, les Traoré.
Le livre commence avec l'arrivée aux portes de Ségou en 1797 de Mungo Park, explorateur écossais qui a donné son nom au beurre de karité (butyrospermum parkii), et qui est le premier blanc vu par les habitants.
On suit ensuite dans le premier livre le destin de 4 des fils, entre progression de la religion musulmane monothéiste qui fait la guerre (au sens propre et figuré) aux croyances traditionnelles, déportation au Brésil, guerres entre Bambaras Toucouleurs et Peuls, et progression des Français et des Anglais depuis la côte ouest (Sénégal, Gold Coast, Sierra Leone) qui jouent sur les rivalités tribales pour mettre les populations au travail forcé, et christianiser à tout va.
Il y a un souffle d'épopée sur ce diptyque, les petites histoires d'amour de trahisons, de fidélité, se mêlent à la grande Histoire qui surgit devant nous ; c'est vraiment passionnant.




J'ai lu aussi Moi, Tituba, sorcière ... noire de Salem qui se base sur les minutes du procès des sorcières de Salem en 1692, en Nouvelle Angleterre.
Parmi la centaine de condamnés figurait une femme noire appelée Tituba, dont Maryse Condé imagine la vie avant le procès, et après. Là encore c'est très documenté sur le chapitre qui raconte la vie de Tituba et de son mari à Salem, avec des extraits de certaines dépositions. 
Le livre est assez court, et se lit avec beaucoup d'intérêt. 




Et je vais commencer Histoire de la femme cannibale

Merci pour cette superbe présentation, Petit Faucon ! Je connais Maryse Condé seulement de nom, mais j'avoue ne m'être jamais intéressée à ses ouvrages de près Tes avis me poussent à réparer cette erreur

Merci pour cette présentation Petit Faucon.

J'ai lu Moi Tituba, sorcière. J'en garde un bon souvenir. Il revisite le procès des Sorcières de Salem en mettant en valeur le sexisme et le racisme qui ont œuvré dans ces événements.

Merci à vous deux ! 
Tituba m'a beaucoup intéressé, car à travers ce personnage, on traverse tout un pan de l'histoire de l'Amérique, la vie à la Jamaïque vers 1670-1700, les révoltes, l'émigration des Anglais pauvres vers les Etats-Unis, le statut des Juifs, ... des civilisations que je connais assez mal 

Histoire de la femme cannibale - 2005


Rosélie, femme peintre, la cinquantaine, est en plein crise.
Son compagnon Stephen, professeur de littérature anglaise, vient d'être assassiné en allant chercher des cigarettes ; nous sommes au Cap, en Afrique du Sud, au début des années 2000. Cette disparition brutale fait craquer l'image que Rosélie avait de son couple, et de sa place dans la société.

Elle est peintre, sans avoir jamais appris, et n'est pas reconnue. Elle peint par nécessité, par instinct.
Elle se sent rejetée par cette société sud-africaine faite de castes, les Noirs (elle vient de la Guadeloupe, donc "étrangère"), les métis, les blancs anglophones (elle ne parle pas bien anglais, et en plus elle vivait avec un Anglais blanc), les afrikaners (anciens tenants féroces de l'apartheid). En faisant un retour sur sa vie, elle se rend compte qu'elle a toujours été rejetée, par sa première belle-famille car elle ne voulait pas d'enfant, puis par ses amis américains quand Stephen et elle habitaient New-York ("que fait cette noire au milieu de tous ces blancs"), elle se sentait invisible comme être humain.
C'est donc l'histoire d'une solitude profonde, et du désir toujours dénié d'être aimée et reconnue.
En parallèle, on suit le récit des péripéties de la police du Cap qui cherche à élucider le meurtre de Stephen, alors que s'étale en première page des journaux un crime horrible, une femme "cannibale" aurait tué et coupé son mari en petits morceaux, accusée par son beau-fils. Peu à peu, Rosélie forme un parallèle entre la vie de cette femme et la sienne, et va tenter de devenir enfin elle-même, après avoir passé 50 ans de sa vie à exister pour les autres.

C'est un très beau roman, amer, mais aussi plein d'énergie, d'humour, et de force.

Voici un extrait : 

Citation :

Pourtant, malgré les railleries, une part d'elle-même se prenait à rêver à ce qu'elle ne posséderait jamais. L'aisance matérielle. La confiance en soi. La paix de l'âme.
Ah, quitter Le Cap, quitter ce pays rongé par la violence et la maladie. Refaire sa vie comme on refait une couche sur laquelle on a mal dormi ! L'effrayant est qu'on ne refait jamais sa vie. Le malheur comme le bonheur sont des habitudes que l'on forme en naissant et dont on ne se défait jamais.

Merci pour cette présentation, ce livre me tente beaucoup !

Je poursuis l'exploration de l'imaginaire de Maryse Condé avec Victoire, les saveurs et les mots, écrit en 2006

L'auteure dit avoir eu l'idée de ce livre après avoir lu L'africain de JMG Le Clezio, consacré à la vie de son père. 
Ici Maryse Condé évoque sa grand-mère Victoire, née vers 1875 à Marie-Galante, dans une famille qui vivait pauvrement de la culture des champs ; sa mère meurt en couches (à 14 ans !) et la petite Victoire est élevée par sa grand-mère, la seule personne qui lui témoigne cette affection charnelle dont les enfants ont besoin. Elle est placée à 10 ans comme bonne à tout faire chez des parents plus aisés, et passe ensuite vers 15 ans dans une famille de "blancs pays", un couple avec 2 enfants, chez qui elle travaillera presque toute sa vie, sans avoir jamais reçu de salaire, et n'ayant d'autres possessions que quelques robes "golles" antillaises et quelques cadeaux ; jamais elle n'aura l'occasion d'apprendre à lire et à écrire.
Elle devient une cuisinière accomplie, et ses talents sont renommés à La Pointe et au-delà ; l'auteure explique que cuisiner lui était aussi nécessaire qu'écrire l'est pour elle.
Comme sa propre mère, Victoire devient mère très jeune, une unique fille appelée Jeanne (qui sera la mère de l'auteure), et pour qui elle fera tout pour qu'elle sorte de la condition de semi-esclave qui est la sienne ; Jeanne deviendra la première institutrice noire de la Guadeloupe, mais n'arrivera jamais à trouver une relation apaisée avec sa mère Victoire.

L'intérêt du livre est dans la peinture de l'émergence de la bourgeoisie guadeloupéenne non-blanche (il y a des passage très drôles sur les visites obligatoires du dimanche aux "Grands-Noirs"), mais c'est aussi l'histoire universelle des relations mère-fille, et de tout de qu'on veut dire et qu'on ne parvient pas à dire, et qui reste comme un mur entre les deux.
C'est aussi un livre amoureux des saveurs et du goût de la vie, et la peinture de la vie dure de cette petite bonne femme morte à 42 ans.

Merci pour ton retour Petit Faucon, ce livre me paraît très intéressant. Tu dirais que c'est un roman ou plutôt une biographie ?
Je découvre également ton avis sur Histoire de la femme cannibale et ce livre m'intéresse également (il faut dépasser le titre, qui m'avait un peu rebutée), je le note dans ma liste

Merci Petit Faucon pour la présentation de Victoire, les saveurs et les mots qui pourrait m'intéresser!

C'est indiqué comme un récit. Mais étant donné que cette dame est morte 22 ans avant la naissance de l'auteure et qu'elle a laissé très peu de traces d'elle, c'est plus une évocation romancée.
Maryse Condé a un talent de conteuse, et la lecture est toujours fluide.

NB : il ne faut pas s'attendre cependant à un livre de recettes, tout au plus y a-t-il la liste de quelques menus mémorables 

Petit Faucon a écrit:

NB : il ne faut pas s'attendre cependant à un livre de recettes, tout au plus y a-t-il la liste de quelques menus mémorables 

Pas de problème pour moi, en généalogiste amateur, c'est la démarche d'écriture autour d'un ancêtre qui m'intéresse

Merci pour ces retours sur une autrice qui m'intéresse beaucoup, Petit Faucon. Parmi les romans que tu as lus, lequel conseillerais-tu pour la découvrir ?

Je ne saurais pas vraiment te dire, elle a écrit des histoires qui se déroulent dans des lieux et des époques très différentes :

- Tituba se déroule au XVIIe siècle entre Jamaïque et Etats-Unis
- Ségou se déroule entre 1797 et 1900 entre le Mali et le Sénégal, avec des détours en Jamaïque, Brésil et Angleterre.
- Victoire se déroule entre 1875 et 1915 à la Guadeloupe
- La femme cannibale se déroule vers 2000 entre Afrique du Sud et Etats-Unis
et parmi ceux que je n'ai pas lus :
- La migration des coeurs est une réécriture des Hauts de Hurlevent et se déroule en Guadeloupe
- La colonie du nouveau monde se passe entre Egypte et Colombie avant notre ère, et raconte le périple d'adorateurs de Rê le dieu unique du soleil, qui échouent sur les côtes colombiennes.
- le destin d'Ivan et Ivana se déroule de nos jours et racontent l'histoire de jumeaux séparés à la naissance en Afrique et qui se retrouvent dans les rues de Paris au moment des attentats de 2005, chacun d'un côté.

Donc je te conseillerais plutôt de porter ton choix sur une époque et un lieu qui te plaisent, sachant qu'elle a un style très facile à lire.

Merci pour ces précisions. Tous font envie, mais je note en particulier Tituba.

C'est un bon choix, pas très épais, en plus 

Grâce à toi Petit Faucon j'ai découvert Maryse Condé, et je t'en suis très reconnaissante

Petit Faucon a écrit:

Je la trouve digne d'un prix Nobel      

je partage entièrement ton avis, qu'attendent-ils pour l'honorer comme elle le mérite  

J'ai commencé avec Moi, Tituba, sorcière... noire de Salem et ai aimé d'emblée son écriture, forte et envoûtante.

Le roman est court et se lit rapidement, c'était un bon choix pour une première approche. J'ai trouvé la démarche intéressante, imaginer la vie de cette femme à partir des quelques éléments historiques disponibles. Maryse Condé, en lui donnant la parole, a écrit un beau plaidoyer contre l'intolérance.

Merci pour ton retour, Roz ! Vous me donnez envie de découvrir Maryse Condé

J'ai continué avec Histoire de la femme cannibale. Passionnant, encore un superbe portrait de femme, et un réquisitoire contre toutes les ségrégations.

Ce roman m'a beaucoup touchée, plus encore que Tituba. Le roman est écrit comme un polar, puisque Rosélie cherche à comprendre pourquoi son mari a été assassiné. Peu à peu elle se rend compte qu'elle a vécu dans le mensonge, et reconsidère sa vie différemment.

C'est aussi le portrait d'une artiste, qui peint d'instinct des tableaux qui suscitent l'incompréhension, voire l'horreur, et auxquels elle est incapable de donner un titre.
Sauf pour le dernier, qui sera le portrait de cette "femme cannibale" dont le procès a fait la une des journaux, et à laquelle elle s'est identifiée.

Je me rends compte que mon commentaire est confus, je ne sais comment résumer ce roman captivant.
En voici des extraits :

Citation :

Elle avait haï Le Cap aussitôt sortie de l'aéroport, tout en sentant naître en elle une étange fascination. Car les villes sont comme les humains. Leur personnalité singulière attire, repousse, ou déconcerte. Le Cap possédait l'éclatante brillance et la dureté du sel gemme, ses jardins et ses parcs, l'âpreté prodigieuse du varech. Pendant que Stephen admirait pêle-mêle les montagnes, les pins noueux courbés en deux, la profusion des fleurs, le ciel étincelant, la mer sans limites, elle était aveuglée à la fois par cette splendeur et la hideur des taudis qui champignonnaient en son entour. Aucun lieu n'avait été plus marqué par son Histoire. Jamais elle ne s'était sentie plus niée, exclue, reléguée au loin à cause de sa couleur.

Citation :

Elle ne quitterait pas Le Cap. Souffrance vaut titre. Cette ville, elle l'avait gagnée. Elle l'avait faite sienne en un mouvement inverse de ses ancêtres dépossédés d'Afrique, qui avaient vu surgir, tel un mirage à l'avant des caravelles de Colomb, les îlots où ils feraient germer la canne et le tabac de leur renaissance.

Merci Rosalind pour ces deux compte-rendus, tu as su rendre justice à la plume de Maryse Condé et à son talent de conteuse.

Je suis très contente que tu aies apprécié ces livres, qui méritent d'être reconnus 

Merci pour ton avis Rosalind, tu me confirmes dans mon choix d'avoir placé ce roman en tête de mes envies pour découvrir le style de Maryse Condé

@ serendipity : je lirai ton retour sur l'Histoire de la femme cannibale avec plaisir 

La migration des coeurs - 1995

Le livre est une réécriture des Hauts de Hurlevent de Emily Brontë

Maryse Condé explique le titre de la façon suivante : "J'ai vu dans ce titre une manière d'exprimer que l'histoire se répétait, à chaque génération" ; dans ce même entretien, elle parle de la dimension caribéenne de son inspiration : "Je vois qu'une Antillaise, Jean Rhys, a écrit un livre La Prisonnière des Sargasses (Wide Sargasso Sea) à partir de Jane Eyre, de Charlotte Brontë. À partir de cela, j'ai mieux compris ma passion pour Les Hauts de Hurlevent d'Emily Brontë".

Je cite wiki sur les intentions de l'auteure :

Citation :

Dans ce roman, Maryse Condé reprend des thèmes abordés par le livre d'Emily Brontë dont elle s'inspire. Elle explore et approfondit les rapports de domination, qu'ils soient sociaux ou raciaux, les empêchements à la mobilité sociale et une société caraïbéenne racialement divisée et imprégnée de préjugés racistes, installés par la diffusion d'idéologies esclavagiste et colonialiste. À travers les interactions entre ses personnages noirs, métis ou békés, l'auteure expose des mentalités façonnées par un racisme devenu ordinaire, notamment l'intériorisation de représentations stigmatisantes par les personnes qui en sont victimes. 

J'ai beaucoup aimé cette histoire, dont j'ai oublié assez vite qu'elle est inspirée du livre d'Emily Brontë.
Comme toujours avec Maryse Condé, tous les personnages ont droit à l'empathie de leur auteure, même les plus antipathiques comme Razyé (Heathcliff), elle leur donne aussi une voix et une vie, et le lecteur peut leur trouver des bons côtés et des excuses. C'est ce que j'apprécie chez elle, elle aime ses personnages, même les plus détestables.

Extrait : 
Irmine se réveilla en sursaut comme si une main glacée l'avait touchée.
Elle était seule dans le mitan du lit. Les volets qu'elle avait elle-même fermés avant de s'endormir s'étaient rouverts, et la lumière de la pleine lune ressemblait à une coulée de lait répandue sur l'armoire, la berceuse et le lit de courbaril qui dérivait sur les crevasses du vieux plancher. Personne n'avait habité l'Engoulevent depuis des temps et des temps. Aussi, il n'y avait plus de place libre pour les humains. Les poux de bois, les chenilles, les chauves-souris, les araignées, toutes sortes d'insectes amoureux du silence et de l'ombre s'étaient fait leur place. Dérangés, ils marquaient leur colère devant cette intrusion par un désordre de bruits plus ou moins ténus, plus ou moins audibles, et c'était des crick, des crack, des crock, des pfitt, des pfutt, des humpf ... Irmine se tourna sur le côté. C'était dans cette même chambre, dans ce même lit que, de retour de la Dominique, elle s'était couchée à côté de Razyé, humiliée, maltraitée, n'ayant pas assez de ses deux yeux pour pleurer, mais brûlant d'une passion que les avanies de tant d'années n'arriveraient pas à éteindre. Au moment où elle le perdait, elle devait admettre qu'elle l'aimait autant qu'au premier jour, quand elle l'avait vu descendre de cheval devant la terrasse du domaine des Belles-Feuilles. Pourtant, est-ce qu'elle pouvait prétendre qu'elle l'avait perdu, elle qui ne l'avait jamais possédé ? Il était parti rejoindre celle qui le possédait, qui le menait comme un montreur son ours. Du moins, c'est ce qu'il espérait. Et c'est pour cette raison qu'il avait accueilli la mort sans révolte, presque avec un sourire.

Merci pour ce commentaire passionnant, Petit Faucon

Merci Rosalind et Petit Faucon pour vos retours de lecture qui donnent très envie de découvrir cette autrice!
Je me garde l'idée, pour cet été peut-être...

Le coeur à rire et à pleurer - Contes vrais de mon enfance (1999)

Un petit livre dans la veine autobiographique de l'auteure : 17 récits courts, de sa naissance à sa rencontre avec le père de son premier enfant, soit à peu près un récit par année de vie.

J'y ai retrouvé avec grand plaisir le style caustique et plein d'autodérision de Maryse Condé : élevée par des parents qui étaient parmi les premiers à former la bourgeoisie noire guadeloupéenne, fiers de leur réussite mais oublieux, voire même dans le déni de l'histoire de leurs ancêtres esclaves, et avec la peur tenace d'être déclassés ; élevée comme une "peau noire-masque blanc", avec l'impression tenace qu'il lui manque les pièces du puzzle pour comprendre ; d'où des relations très distantes avec son père "vaniteux", et conflictuelles avec sa mère. Et pour le lecteur des anecdotes tendres ou amusantes, et dont les titres des chapitres sont des clins d'oeils à certains livres : The bluest eye / La maîtresse et Marguerite / Olnel ou la vraie vie / Mots interdits

Un extrait :
Ce soir-là, sans que je m'en aperçoive, ma solitude se détacha de moi et me fit ses adieux. Elle m'avait fidèlement accompagnée pendant plus de deux ans. Je n'avais plus besoin d'elle. Je venais de la rencontrer, la vraie vie, avec son cortège de deuils, de ratages, de souffrances indicibles, et de bonheurs trop tardifs. Elle resta debout au coin de la rue Cujas agitant faiblement la main. Mais moi, ingrate, je ne la regardai même pas tandis que je m'avançais faussement éblouie vers l'avenir.