Ann-Helén LAESTADIUS (1971) - écrivaine et journaliste sami suédoise
Originaire du peuple sami, qui se répartit entre Finlande, Norvège Suède et Russie, elle est journaliste depuis 1990, et a écrit 5 livres, notamment pour la jeunesse.
Lien vers sa page Wiki en françaisLe seul de ses livres traduit en français est :
Stöld (2022)
- Citation :
- C'est l'hiver au nord du cercle polaire arctique.
Elsa, neuf ans, est la fille d'éleveurs de rennes samis.
Un matin, alors qu'elle se rend seule à skis à l'enclos, elle est témoin du meurtre brutal de son faon, Nástegallu. Elle reconnaît le criminel : Robert, un Suédois du village voisin qui harcèle sa famille et sa communauté depuis des années.
Mais celui-ci la menace de mort et la petite fille, terrorisée, garde le silence.
Stöld retrace la lutte d'une jeune femme pour défendre son héritage et sa place dans une société où la xénophobie fait loi, et dans laquelle les idées modernes se heurtent à une culture façonnée par les traditions et la peur.
C'est une histoire très proche de la réalité (l'auteure est journaliste), et elle a enquêté en 2019 et 2020 et recueilli de très nombreux témoignages parmi les éleveurs de rennes. Et racontée de façon très vivante, par le biais de la famille de Elsa, et des voisins non-éleveurs.
On ressort de cette lecture en colère, et en même temps porté par l'énergie de cette jeune femme, qui finit par décider que la peur et le déni doivent s'arrêter.
Beaucoup de sujets sont abordés ici :
d'abord la sédentarisation des éleveurs samis, opérée il y a une centaine d'année, et qui a laissé des traces chez les plus anciens ;
ensuite l'école comme microcosme de toutes les tensions sociales (ici il n'y a pas de joie d'apprendre, juste apprendre à vivre avec le harcèlement de ceux qui trouvent que les Samis sont des humains de seconde zone (j'ai pensé très fort aux Roms de chez nous) ;
puis le taux de suicide et de dépressions très élevé chez les éleveurs samis, dont les bêtes sont massacrées au motoneige, écrasées plus ou moins volontairement, braconnées par des minables, et que la police ne prend pas au sérieux : les plaintes sont toutes classées sans suite, et catégorisées comme "vol" (d'où le titre "Stöld" = vol) ;
la difficulté pour Elsa, d'appartenir à une société traditionnelle, et fière de ses traditions, et qui ne laisse pas d'autre rôle aux femmes que celui d'être mère, et qui ostracise ceux (celle, Marika, la mère d'Elsa) qui n'appartiennent pas directement au groupe ;
le sentiment de culpabilité et le poids de la christianisation, qui pèse sur toutes et tous.
Malgré cette énumération, c'est un livre puissant et fort, et qu'on ne peut pas lâcher.
Ce fut une très belle découverte !
Une petite citation, une réflexion de Elsa jeune fille :
"Être sámi, c'est porter son histoire avec soi. Se trouver, enfant, devant un lourd sac à dos et choisir ou non de le porter. Mais comment choisir autre chose que de porter l'histoire de sa famille et de transmettre son héritage ? Elle sentit comme un coup de poing dans le ventre. Lasse avait essayé, il avait hésité et porté, pourtant à la fin il n'en avait plus la force. Mais dire qu'on avait envie d'autre chose, c'était inacceptable."