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Ce livre m'a vraiment parlé pour plusieurs raisons : il y est question du Japon, mais vu par le regard d'un Français, et il y est également question d'un phénomène particulier de ce pays : les disparitions volontaires. Certaines personnes (et pas si rares que ça) décident pour X raisons de disparaître et on les appelle "johatsu", "évaporés". Pas d'enquête, pas de recherche, par honte la famille feint l'ignorance... Ce phénomène me fascinait et me paraissait inimaginable, notre monde est si administratif ! Et pourtant, ce roman en est la démonstration éclatante : c'est possible !
Le roman s'ouvre sur l' "évaporation" de
Kazehiro, description presque technique de la façon de s'y prendre pour disparaître !
Puis entrent en scène
Yukiko, sa fille, qui demande à son ex amant (poète et détective privé
Richard B.vivant à Los Angeles) de venir au Japon le rechercher.
Alors vont s'entrelacer les pensées, les vies, les sentiments de ces trois personnages, plus celle d'un adolescent, rencontre de hasard,
Akainu.
A travers ce dernier on entre de plein pied dans l'horreur de ce qu'a été Fukushima, le séisme et le tsunami dont on découvre qu'ils ont eu lieu il y a à peine un an. Nous touchons réellement du cœur et de l'imaginaire ce que cette affreuse catastrophe a engendré de douleurs, de misère, de chagrin...
Aïkinu est une sorte de symbole et de concentré de ces vies brisées.
Le talent incroyable de l'auteur fait qu'on ne perd jamais de vue les sentiments, les motivations de chacun des personnages, que les récits s'entre-nouent d'une façon harmonieuse, égale et parfaite vers une conclusion bouleversante, autant pour
Kazehiro devenu
Kaze (ça signifie "
vent" en japonais, est-ce un hasard ?) que pour
Aïkinu (qui me rappelle aussitôt le peuple des
Aïnus, premier occupant de l'archipel, hasard aussi ?) que pour
Richard B. ou
Yukiko.
A travers les réflexions de
Richard B., l'auteur (
Thomas B. Reverdy, français ) livre quelques pensées souvent très drôles sur le Japon dont il admet que la civilisation "
lui demeure encore, à bien des égards, étrangère". Il déclare à un moment que "
nuls comme les Japonais ne savent aussi bien nous faire sentir minables" suite à l'impossibilité d'être jamais quitte de leur politesse.
Bref, j'ai beaucoup aimé ce livre, son atmosphère prenante, son charme étrange et poétique.
Un mot de l'auteur :
Auteur français, né en 1974, agrégé de lettres Modernes, s'est servi pour camper son Richard B. du personnage réel de
Richard Brautigan, romancier et poète américain, et c'est au Japon, en 2012, à la villa Kuyojama de Kyoto qu'il a écrit son livre, 1 an après les deux catastrophes, la naturelle du Tohoku (séisme, tsunami) et nucléaire de la centrale de Fukushima. Cette partition en deux catastrophes distinctes rappelle que c'est oute une province, le Tohoku, qui a été touchée et non la seule ville de Fukushima.