P&P : une question à propos de la visite de Pemberley

Bonjour tout le monde,
Une question ma taraude depuis ma première lecture de P&P, mais je n'ai jamais lu ou entendu personne d'autre que moi se la poser... J'ai toujours été surprise que les Gardiner et Lizzie entrent "à l'improviste" (ou bien avaient-ils réservé ?) dans une demeure privée et se fassent faire une visite guidée par la gouvernante. Cela semble naturel, pourquoi ? Etait-il courant que n'importe qui visite les demeures privées à cette époque ? Fallait-il payer , ou connaître le propriétaire (ce qui n'est pas le cas des Gardiner), ou avoir un certain statut social ?
Quelqu'un à l'auberge a-t-il des lumières sur la question ?

Bonjour coeur de guimauve, j'ai déplacé ton sujet dans le sous-forum consacré à P&P car tu l'avais posté dans la section "Bienvenue"

Ha merci beaucoup ! (Quelle quiche je fais)

Ah merci infiniment Coeur de Guimauve  de poser cette question! Idem pour moi, a chaque lecture, a chaque visionnage, je bute sur cette visite et je n'ai jamais ose en parler.   Je trouve cela a peine croyable...
Pourtant cela doit etre plausible sinon cela ne serait pas dans un roman de Jane Austen!   ou alors certains critiques auraient conteste l'episode des la sortie du roman, bref cela se saurait !  
A l'aide !

Je n'ai aucune connaissance particulière sur ce point précis, mais ça m'a toujours paru très crédible.

A l'époque, je suppose qu'il n'y avait que très peu de personnes qui pouvaient se permettre de voyager et de faire du "tourisme" et c'était de toute façon un marqueur de la haute société (Darcy et Lizzie, quoiqu'évoluant dans des cercles différents sont issus de famille de gentilhommes). Donc à mon avis, c'était la simplicité qui primait. On passe dans un endroit, on va toquer à la porte voir s'il y a quelqu'un, et on reste entre gens de bien. D'ailleurs, les châteaux semblent généralement gardés par quelques membres du personnel (en effectif réduit peut-être) en l'absence des maîtres de la maison, donc j'imagine qu'il était rare de tomber sur une porte close, de quoi simplifier les visites.

Bon c'est vrai qu'aujourd'hui ce n'est pas la même chose. Pour visiter une demeure comme Pemberley (on pourrait comparer à Chatsworth en Derbyshire), il faut se connecter sur le site internet et réserver son ticket, parfois avec pas mal d'avance.

J'ai l'impression que jusqu'au XIXème, c'était comme ça (on le voit aussi dans la littérature française). Les gens fortunés se promènent, s'ils veulent visiter un endroit, ils se renseignent, on s'arrange, il ne semblait rien y avoir de très institutionnalisé.

Justement, ce qui me frappe c'est que ça semble naturel dans le roman, or Jane Austen n'aurait pas mentionné quelque chose qui ne se pratiquait pas du tout sans en noter le côté hors norme ! Elle avait besoin que Lizzie se rende compte de ce qu'était Pemberley et aussi que la gouvernante fasse la panégyrique du maître des lieux, donc elle a inclus cette visite dans le roman, mais si ça avait été une invraisemblance notoire elle ne l'aurait pas écrite comme ça ! Je n'arrive pas à trouver de sources qui expliquerait les origines des visites de domaines privés en Angleterre, mais dans P&P je crois que l'amour de la gouvernante pour la famille et le domaine explique son désir de faire admirer l'ensemble!

Edit : je suis plutôt d'accord avec Anwvynn, je crois que ça se faisait comme ça, simplement, et effectivement peu de genc voyageaient, du moins dans les conditions de tourisme, ce qui est le cas des Gardiner et Lizzie !

En lisant la notice Wiki de Pemberley, une des notes explique que :


source : Wiki - Vivien Jones, Pride and Prejudice of Jane Austen, Penguin Books, coll. « Penguin Classics », 2003, 435 p. (ISBN 0141439513 et 9780141439518, OCLC 51033055, LCCN 2003265779, présentation en ligne [archive]), introduction (p. xi-xxxvi) et notes ; appendice de Tony Tanner (p. 368-407)]

Une note de Vivien Jones rappelle que les grandes demeures (stately homes) étaient ouvertes aux visiteurs (qui payaient d'assez confortables gratifications au personnel) au XVIIIe siècle, et qu'il existait même des guides illustrés.



Voilà  

Et d'ailleurs, il me semble que dans Sense and Sensibily, tout au moins l'adaptation de 2008, Willoughby fait visiter également à Marianne le domaine dont il doit hériter à la mort de sa tante

Petit Faucon a écrit:

Et d'ailleurs, il me semble que dans Sense and Sensibily, tout au moins l'adaptation de 2008, Willoughby fait visiter également à Marianne le domaine dont il doit hériter à la mort de sa tante

Dans le roman aussi, il l'emmène en calèche visiter ce château, au grand dam d'Elinor qui trouve cette promenade fort compromettante !

Absolument, totalement inapproprié pour une jeune fille non chaperonnée  

La notice wiki sur Pemberley précise que :

Jane Austen introduit le lecteur dans le secteur noble du château, celui qui est ouvert au public, et dans la partie des appartements accessible aux visiteurs que la femme de charge (the housekeeper), qui appartient à la classe supérieure des serviteurs, est chargée d'accueillir et de guider.
Ceux qui exploitent ou entretiennent le domaine restent invisibles, sauf le jardinier anonyme chargé de faire visiter le parc.
Seule la femme de charge est décrite brièvement : « une femme âgée, d'apparence très respectable et bien plus polie que ce qu'Elizabeth s'attendait à trouver » ; son nom, Mrs Reynolds, est cité pour la première fois lorsqu'elle confirme que Darcy est bien absent, ajoutant, au grand dam d'Elizabeth : « mais nous l'attendons demain avec un grand nombre d'amis »

Merci pour vos lumières ! Effectivement, si cela n'avait pas été une pratique courante, Jane ne l'aurait jamais inclus dans son roman . Indeed.

C’est une question intéressante, merci de l'avoir soulevée coeur de guimauve. La visite de ces opulentes demeures devaient effectivement constituer une sorte de rituel pour les touristes d’une certaine classe sociale. Sans pour autant perturber le travail du personnel, la gouvernante dans le roman prenant le temps de servir de guide. D’ailleurs – je ne sais plus si c’est mentionné dans le livre, en tout cas cela figure dans l’adaptation 1995 – au détour d’une phrase de M. Gardiner on apprend que son épouse, Lizzie et lui sont aussi allés visiter Blenheim et Chatsworth au cours de leur voyage.

Je me suis toujours demandé, sans doute parce que la visite de Pemberley revêt une importance si grande dans l’histoire de P&P et dans l’évolution de la relation entre Darcy et Lizzie, si des visites de ce site apparaissent dans d’autres romans de l’époque, ou plus largement du XIXe siècle. A quel(s) roman(s) français penses-tu Annwvyn ?

Oh, je ne me rappelais pas d'allusion à Blenheim. Ca tombe bien, parce que je vais visiter ce-dernier cet été. Ce n'est pas vraiment sur le chemin du Derbyshire, ce serait donc un petit détour sur le circuit de Lizzie et des Gardiner.

Tatiana, si ça me revient, je te le dirai... J'ai plus des images assez vagues en tête, de jeunes hommes qui voyagent, et qui peuvent à n'importe quel moment dire à n'importe quel aubergiste "Et pouvons-nous visiter tel ou tel lieu ?", avec l'impression que le monde entier leur est ouvert. Je pense que ce type d'existence m'aurait fait envie !

Visiter les demeures aristocratiques s'est toujours fait. En Angleterre, comme en France jusqu'à nos jours, la gouvernante ou le majordome ont été remplacés par les billets internet. Souvenez-vous, qu'il suffisait pour entrer dans le chateau de Versailles et voir le roi, de payer et de louer une épée. Tout Paris pouvait visiter, on y pénétrait facilement.

Evidemment, les visiteurs-touristes étaient moins nombreux qu'actuellement, mais une fois la visite guidée par la gouvernante, il était logique qu'elle reçoive pour la visite une obole bienvenue pour augmenter son salaire.

A Stourhead (où Mattew MacFadyen à tourné le film PP05) , la famille Hoare constatant que les visiteurs étaient de plus en plus nombreux à désirer visiter leurs magnifiques collections, construisit à l'orée du magnifique parc, en face du lac, une série de cottage qu'ils louaient à leurs amis, puis aux grand bourgeois qui voulaient visiter. Ainsi toute l'année, le chateau et le parc étaient visités, les propriétaires gagnaient de l'argent en proposant des locations, et les personnels de maison aussi, en accompagnant les visiteurs. Nous pouvons encore aujourd'hui, les louer.

Blenheim ne dérogeait pas à la règle, la ville à côté du palais possède de nombreuses possibilités d'hébergement, et surtout le palais a été conçu pour recevoir Reines et Rois et possède de nombreuses suites et annexes. Churchill y est né, son père troisième fils pouvait y résider.

Merci à toutes pour vos explications et commentaires, c'est très intéressant

De rien, Dulcie ! C'est toujours un plaisir de revenir aux fondamentaux !

coeur de guimauve a écrit:

Merci pour vos lumières !

Je partage 2 autres commentaires vus sur Reddit, dont l'un mentionne Dickens.

Catherine Carter / Former Lawyer, current lecturer, author :
"Visiting country houses was already common by Jane Austen's time, it's also mentioned in Bleak House when Mr Guppy visits Chesney Wold. One house even served teas. Walpole's house Strawberry Hill could only be visited by appointment, no more than four at a time, no children.
The etiquette for most country houses was, drive up in your carriage or on horseback and send in your card and ask if it would be possible to see round. If the family was not in residence and if the owner didn't usually mind, an upper servant would show you round and you would be expected to tip them."


Karen O'Callaghan / B.A. from Florida Atlantic University, Author :
"Long before the National Trust, touring stately homes was a thing. It was done at the housekeeper’s discretion and the people touring the house would give her a tip for the privilege. Anyone who seemed low class or dishonorable would not be allowed in the house. Strangers would not encounter the family."

Dans le roman Jane Austen dit qu'Elizabeth est fatiguée de visiter des châteaux "après en avoir tant parcouru, elle n'éprouvait plus aucun plaisir à contempler des rideaux de satin et des tapis somptueux" ce qui prouve qu'on pouvait en effet faire un tour des châteaux pendant les vacances.