Françoise Chandernagor : L'Allée du Roi et autres livres

Et voilà, j'ai terminé La chambre. L'histoire, c'est vrai, est très très dure et je ne sais pas si je pourrai la relire un jour ... Par contre, Mme Chandernagor s'est vraiment mise à la place du petit garçon, elle décrit parfaitement ce qu'auraient pu être ses pensées, ses peurs, ses souvenirs qui s'estompent. C'est extraordinaire.

Ce que je ne comprends pas, c'est pourquoi l'auteur n'est pas plus intervenue dans l'émission Sans l'ombre d'un doute, alors qu'elle avait écrit un livre sur le sujet. Et mon indignation du jour, va à mes cours d'histoire où jamais on ne nous a parlé du destin des enfants de Louis XVI. Heureusement, j'ai pallié à mon ignorance grâce à l'émission télé et à notre lecture de groupe

J'en suis à peu près au même point que Petit Faucon, au chapitre 26.

J'apprécie toujours autant cette lecture poignante, qui donne parfois la nausée - les conditions de vie de ce bonhomme sont affreuses, ses conditions d'hygiène surtout  - mais toujours avec élégance. Les trois chapitres se présentant sous la forme d'interrogatoire sont très intéressants, très fouillés, et introduisent du direct dans le récit grâce à ces échanges. Je mets juste un bémol à celui du peintre David dont je vois mal l'intérêt et qui donne lieu à des digressions artistiques : il n'a été en contact avec le jeune garçon qu'une seule fois et n'a pas, contrairement aux autres, partagé son quotidien sur le long terme dans la prison.

Je me suis toujours dit que je n'aurais absolument pas voulu vivre à cette époque sanglante, et ce roman ne fait que renforcer mon impression on a énormément dit et écrit sur la Révolution, mais ce ne sera jamais assez. L'absurdité du régime de terreur est bien soulignée par les extraits de textes réglementaires, par exemple celui stipulant l'arrestation de ceux qui pourraient être suspectés d'être suspectés on nage en plein délire. J'ai été frappée par l'échec des négociations avec l'Espagne après la chute de Robespierre : sur le sort du fils de Louis XVI, chaque parti s'est arrangé pour rester sur ses positions, le Directoire rechignant à s'en défaire et les Espagnols reculant des quatre fers à l'idée de s’encombrer d'un aussi lourd fardeau.

Tous les détails sur le quotidien du captif, même les plus sordides, sont passionnants. Il s'agit vraiment d'une descente aux enfers d'un innocents, mais plus largement d'un roman sur la période. On en apprend beaucoup sur le fonctionnement de la prison, la vie des gardiens, et de sa sœur. Cette sœur dont il n'a jamais su qu'elle habitait au-dessus de lui et qui partageait son ignorance sur sa captivité. C'est triste de penser qu'elle a eu la chance de naître fille, et par là d'échapper à un sort aussi tragique que ceux de ses parents, de sa tante et de sa mère.

Comme souvent, cette lecture me donne envie de me plonger dans d'autres romans ou ouvrages sur cette période. En particulier dans un volumineux roman autour des derniers temps de Marie-Antoinette à la Conciergerie que j'ai déjà eu en mains en librairie.

A mon tour j'ai terminé La chambre.

C'est un livre inclassable, pas tout à fait roman, pas tout à fait document, à plusieurs voix et plusieurs points de vues différents, ce qui donne l'impression au lecteur de faire un tour complet de la question.

J'ai trouvé qu'il donne vraiment à réfléchir sur les fondements de cette société nouvelle qui émerge de la monarchie mise à bas, et qui restent en grande partie encore les fondements de notre société actuelle.
On trouve déjà bien présents tous les germes des totalitarismes qui vont se déchaîner au XXe siècle ("suspecter les possibles suspects" comme l'a cité Tatiana), et cette attitude et cette mécanique qui s'emballe en enchaînant les exécutions et les emprisonnements me reste incompréhensible.

Je pense que la cause fondamentale de la mort annoncée de cet enfant, c'est que personne n'en veut : la révolution n'a pas le courage de lui faire subir le sort réservé à ses parents, mais ne veut à aucun prix qu'il devienne le symbole d'une contre-révolution ; les pays en guerre contre la France révolutionnaire n'en veulent pas (l'Espagne, l'Autriche).
On ne veut pas de lui vivant, mais on ne veut pas le tuer. On se débrouille donc pour que la nature s'en débarrasse d'elle-même, et c'est ce que montre F Chandernagor de façon si proche et si terrible.

Je suis très contente d'avoir lu ce livre, qui est pour moi autant philosophique qu'historique.

J'ai terminé ma lecture, avec un enthousiasme jamais démenti. Il est vrai que ce n'est ni un roman ni un essai et qu'on peut difficilement le ranger dans telle ou telle catégorie. Quoiqu'il en soit c'est un livre qui m'a impressionné par son souffle, sa poigne, sa rigueur (comme les deux précédents romans de F. Chandernagor que j'ai lus) et la position qu'elle n'hésite pas à assumer sur le sujet. Elle ne tombe jamais dans le pathos malgré la dureté de son sujet. J'ai lu avec intérêt la postface et le texte sur les source qu'elle a utilisées. Il me semble qu'elle a parfaitement répondu à son objectif de dépeindre ce jeune garçon au sort tragique - séparé de force des membres de sa famille, isolé, détenu dans des conditions longtemps effroyables, lorsqu'il aurait pu être libéré, à un moment où la Terreur est abattue et un régime moins sévère se met en place qui entend réconcilier les Français, personne n'en veut - dans la vie quotidienne de son époque ("Louis XVII et vingt millions de Français", comme elle dit). C'est un destin déchirant dans tous les sens du terme. Je regrette aussi de ne pas l'avoir entendue davantage dans le récent numéro de "L'ombre d'un doute" tant elle maîtrise bien son sujet.

Cassandre, pour une future lecture je te recommande L'Allée du Roi, monument du roman historique, rarement égalé, indétrônable pour moi.

Merci Tatiana de ton compte-rendu ; moi aussi j'ai lu les sources de l'oeuvre avec intérêt.

Je voulais remercier Cassandre et l'Auberge, car je suis venu à ce livre grâce à vos compte-rendus de l'émission L'ombre d'un doute sur le petit Louis XVII, que je n'ai pas vue. En plus la révolution est une période de l'histoire que je n'aime pas du tout et qui me stresse terriblement. Donc merci d'avoir organisé cette lecture de groupe

C'est gentil Petit Faucon, j'espère que tu participeras à la prochaine que je vais organiser sous peu

Merci Tatiana, je vais aller voir s'il est à ma bibliothèque

Merci encore mesdames. Vos derniers commentaires développant l'aspect de l'étude historique et philosophique me réconcilient peu à peu avec l'idée de lire ce livre, mais en une autre saison et loin de mes élèves... bref, je le réserve aux vacances d'été.

HS : Tatiana, ta parure actuelle me fait complètement craquer chaque fois que je te croise.

Ravie que nous te donnions envie de t'y plonger Selenh, c'est un roman qui vaut le détour quand on aime l'Histoire.

(HS suite : merci pour mon look )

Je vais donner un avis divergent sur ce livre que je n'ai pas tellement aimé. Je l'ai trouvé très oppressant avec un style qui m'a déconcertée car trop décousu.
Ceci dit, c'est un ouvrage puissant et, comme l'a dit Petit faucon, philosophique. Ici pas de meurtriers ou d'assassins, rien que de la violence ordinaire, de la bêtise, de l'indifférence surtout. L'agonie lente et la dégradation psychique de l'enfant sont difficilement soutenables.
J'ai appris à redecouvrir la révolution française et ses effets pervers, un peu oubliés depuis mes années d'étudiante. L'universalité des thématiques est hélas affligeante.
Merci à Cassandre pour l'organisation de cette lecture de groupe dont seule je n'aurais jamais eu l'idée.

De rien Nath2a, c'était un plaisir de te croiser

Nat2a a écrit:

L'agonie lente et la dégradation psychique de l'enfant sont difficilement soutenables.

Aïe, aïe, aïe, je sens que je recoince...

Tu es trop sensible Selenh pour une méchante femme savante

Oui. J'aimerais souvent l'être moins, c'est ma faiblesse.

@ Selenh :
L'avis de Nat2a reflète aussi mon opinion : c'est un livre oppressant et très dérangeant, Nat a tout à fait raison.
Il n'en demeure pas moins que c'est un livre indispensable, qui gratte là où ça fait mal, et qui donne à réfléchir sur la responsabilité collective de notre société envers ce crime.

J'ai également fini La Chambre.

Je n'ai pas réussi à ressentir l'oppression et le coté dérangeant du livre. Je comprends tout à fait vos sentiments, mais ce qui prédomine chez moi, c'est l'ennui. Le travail d'introspection autour du ressenti de l'enfant, même s'il est très bien écrit, m'a laissé de marbre et je n'ai pas réussi à ressentir la moindre compassion (je sais, je suis un monstre sans cœur). Je pense que c'est le côté philosophique de ces parties sur les pensées de l'enfant m'a laissé sur le bord de la route (j'aime pas trop la philo   )

Du coup, les interrogatoires des fantômes ont pris énormément de relief dans le livre et m'ont paru les seuls moment intéressants. Ils apportent du corps aux évènements racontés. Les problèmes du quotidien rencontrés par les gardiens de l'enfant donne une vrai idée des conséquences de la Révolution et la valse des gouvernements qui en a découlé. Les hésitations quant aux décisions à prendre, avec le risque de déplaire aux plus grands (ou aux suivants) deviennent compréhensibles, même si elles ont abouties à la mort du petit prince...

Merci quand même à Cassandre pour l'organisation de cette lecture, même si je ne l'ai pas aimé, je ne regrette pas du tout de l'avoir lu

Merci Ludi désolée que le livre ne t'aie pas plu J'organise bientôt une autre lecture de groupe et j'espère bien te retrouver

Évidemment

Et ne t'inquiète pas pour le livre, on ne peux pas tout aimer (et heureusement )

Je regrette aussi que tu n'aies pas aimé Ludi, mais j'ai lu tes impressions avec grand intérêt. Il est intéressant de lire un ressenti différent du sien. Je suis d'accord néanmoins sur le dynamisme apporté par les interrogatoires imaginaires.

Vous allez me trouver fofolle mais l'histoire de ce petit continue à me tourner dans la tête Je me pose plein de questions, par exemple pourquoi la famille de Marie-Antoinette ne les a pas réclamés lui et sa sœur, l'attitude de la soeur, etc. Existe-il un livre qui pourrait répondre à mes questions ?

Tu n'es pas du tout fofolle Cassandre ! moi aussi ce livre me reste dans la tête, et trouve d'étranges résonances avec les évenements de la semaine écoulée, et des manifestations de dimanche (les circonvolutions de la pensée sont parfois mystérieuses)  
Je ne saurai pas te conseiller de lectures sur sa soeur, je laisse ce soin à nos amies plus férues de lectures historiques que moi

Tu as bien raison d'avoir envie de creuser cette période Cassandre C'est la preuve que le roman t'a marqué. Après une lecture qui m'a plu, j'ai aussi très souvent envie d'aller vers d'autres ouvrages sur un thème similaire.

Le premier livre que m'évoque ta question est Louis XVII et l'énigme du Temple de Georges Bordonove (1995). Je ne l'ai pas lu mais l'ai sur mes étagères. Il doit déborder du cadre du roman de F. Chandernagor et examiner aussi les "faux" Louis XVII dont le fameux Naunsdorf.
Sur Marie-Thérèse, sa soeur, André Castelot lui a consacré une biographie, Madame Royale, réédité par Perrin en 2008. Même chose que pour le précédent, je ne m'y suis pas encore plongée mais il m'attend dans la bibliothèque familiale .

Il y a en sûrement d'autres car c'est un épisode qui a fait couler beaucoup d'encre.

Merci Tatiana ils sont tous le deux dans la bibliothèque de ma ville

Je me sens moins seule avec vous, cette histoire était vraiment poignante.

Je passais juste par là , pour dire que j'ai regardé hier et avant hier " , l'allée du roi, le téléfilm de Nina Companeez. 
Cela faisait des années que j'attendais de le voir entier. Et quel bonheur. 
J'ai adoré  
Quel destin de femme exceptionnel   Quels acteurs magnifiques ! 
Et là, je cours depuis des mois après le livre à la bibliothèque

Je n'ai jamais vu cette série Je vais la chercher, c'est vrai qu'elle a eu beaucoup de critiques positives. Merci Zoju d'être passée par là

C'était sur la chaîne Histoire, hier soir et avant hier. 
Mais je pense que la chaîne rediffuse la série à d'autres moments de la journée. 
Si tu as cette chaîne, tu vas tomber dessus en ce moment, Cassandre .