Ann Radcliffe : "Les Mystères d'Udolphe" et autres oeuvres

Voilà, j'ai terminé il ya peu la lecture d'"Udolpho" de Ann Radcliffe que Catherine Morland, héroïne de "Northanger Abbey" chez JAusten porte aux nues.

A la sortie de ce pavé de 800 pages, mon impression est trouble. En fait, à mon avis, ce roman a vieilli. Pour l'apprécier, il faut le ramener dans son contexte : la fin du 18e en Angleterre. Et là, on se dit qu'il a dû faire couler beaucoup d'encre... Comment a-t-on pu laisser Catherine Morland lire ce livre brutal, effrayant... tout ce que l'on cherche à éviter à une jeune fille comme il faut...

Je m'explique. "Udolpho" est le type même du roman gothique, un roman noir qui a pour cadre de grandes demeures médiévales (d'où le terme "gothic"),un soupçon de fantastique avec des esprits qui semblent se réveiller pour mieux effrayer leurs habitants... et en particulier notre héroïne, l'inncoente Emilie.

L'action se passe sous le règne en France de Henri III, dans la deuxième moitié du 16e. Et franchement, je n'ai absolument pas adhéré à ce siècle. Je n'avais en tête que des personnages du 18e-19e... En revanche, le cadre m'est bien apparu médiéval. Avec des demeures labyrinthiques aux murs épais...

Revenons à Emilie. Rien ne prédestine cette jeune française innocente à se retrouver prisonnière d'un Italien machiavélique... Sinon les malheurs. La perte de ses parents, le remariage de sa tante, fort peu sympathique, avec un étrange Italien Montoni dont on ne sait que peu de choses. Et ce qu'Emilie en apprend ne lui dit rien qui vaille. Mais elle se retrouve à Udolpho, château perdu en Italie et refuge de bandes de brigands. Succesion de salles où l'émotion est au rendez-vous pour elle, batailles, sang, morts, esprits, fantômes (?) : Emilie se rerouve face à toutes les peurs que nous pouvons imaginer. Et sans soutien. A l'exception d'Annette, la femme de chambre un peu simplette de sa tante, et Ludovico, l'un des soldats de Montoni et amoureux de cette dernière...

Le seul espoir d' Emilie, ce qui la fait tenir, est de retrouver son cher Valancourt, dont elle est tombée amoureuse en France. Ce prisonnier français dont elle entend le chant la nuit accompagné au luth, ne serait-ce pas lui ? Mais d'ailleurs, ce Valancourt, est-il vraiment ce qu'il paraît ?...

Bref, nous avons affaire à une héroïne typiquement gothique, qui pleure à chaque page, ou soupire, ou s'évanouit. Ce genre romanesque l'exige. Elle demeure malgré tout téméraire, n'hésitant pas à explorer seule à la bougie les corridors d'Udolpho, à affronter les éventuels esprits, des tueurs sanguinaires, des cadavres...

Le problème est de rester acrochée à l'intrigue. Honnêtement, pour moi, l'intérêt n'a pas été crescendo. Ann Radcliffe suscite notre inquiétude et l'on avale les pages. Puis le soufflé commence à retomber. Et là une vingtaine de pages plus tard, tout repart... Mais à la fin, j'étais très contente d'avoir lu ce roman. Je n'en avais jamais lu de tels. C'était la bonne occasion !

Voilà, je suis désolée de ce post très alambiqué et peu stucturé. Son but est surtout de vous prévenir que vous pouvez ne pas accrocher même si le style est très agréable.
Reste que si j'étais une jeune fille comme il faut au 18e-19e, de telles aventures d'une autre jeune fille à laquelle je puisse m'identifier, auraient eu de quoi alimenter mon imaginaire et pimenter une vie peut-être trop figée.

EDIT : pour votre info le roman est édité en poche chez FOLIO (mais n'apparaît pas sur le site de la FNAC où n'est proposé que la version "luxe" très onéreuse)

Très jolie critique de fameux roman d'Ann Radcliffe. Cela fait longtemps que j'avais envie de le lire, et tu m'as convaincue, Muezza. C'est très alléchant ! Je crois que je vais le commander de ce pas...
Le style gothique m'est assez cher depuis que j'ai lu il y a 5 ou 6 ans Le Moine de Lewis. A frémir, et un vrai petit bijou. Les mystères d'Udolphe doit être dans la même veine.

Personnellement je n'ai pas trop aimé , il arrive trop de choses à cette pauvre Emilie. Bien sûr, je compatis pour ses malheurs, mais à chaque fois elle pleure, elle s'évanouit. Je n'ai pas trouvé ça très crédible et assez agaçant.
Je n'ai pas trop adhéré au style littéraire gothique.

Merci Muezza d'avoir donné ton avis. Et c'est bien ce que je craignais un pavé où l'héroïne ne cesse de pleurer, et j'ai horreur des héroïne qui pleurent!
Mais vu que tu ne regrettes pas de l'avoir lu, je vais tenter l'expérience! Mais je vais le laisser pour cet été, et puis faut quand même que je lise le roman qui a tant marqué Catherine! Est-ce que Henry Tilney est livré avec le livre?

Je suis plongée en plein dans ce roman et je le trouve tout à fait merveilleux, même si l'histoire est vraiment affreuse (dans le bon sens du terme), même si son héroïne s'évanouit tout le temps, j'adore ! En réalité, tous ces ingrédients font de roman un pur gothique.

Evidemment, comme le précise Muezza, il faut aimer ce genre. Le style est magnifique, très poétique, plein de délicatesse. Mais l'histoire est très sombre, et même si je ne suis pas encore très loin, on ressent très bien ce malaise omniprésent, cette inquiétude, cette peur si caractéritique des grands gothiques. Il y a quelques années, j'ai lu Le Moine de Matthew Lewis (pas la version de Artaud, la version intégrale de l'auteur original) et ce livre m'a laissé un souvenir impérissable. La pure et innocente Emilie n'a rien à voir avec le personnage torturé et dépravé de Lewis (heureusement !), mais c'est vraiment passionnant.
Je vous donnerai un avis plus éclairé lorsque j'aurai terminé.

Eh bien cela fait très plaisir une critique aussi enthousiaste. je suis contente que ce roman te plaise Clélie. Mais en grande fan de Jane Eyre et du roman gothique cela n'a rien d'étonnant.

Petite question : lorsque tu imagines la période, tu arrives à te projeter au 16e siècle français / italien, car de mon côté, rien à faire j'étais au 17e et je n'arrivais pas à voir en Emilie une française. Non mais c'est vrai, les françaises ne s'évanouissent pas comme ça

A vrai dire, j'ai un peu l'impression que la période à laquelle se déroule l'histoire reste floue. (Mais ce n'est peut être qu'une impression). J'ai vraiment du mal à me dire : voilà, ce roman se passe à telle époque. Non, rien à faire. J'ai plutôt tendance à matérialiser l'histoire au siècle d'Ann Radcliffe... C'est sans doute le style d'écriture qui m'influence de cette façon ?

Il me semble qu'à un moment dans le livre, l'auteur dit que l'histoire se passe vers le 17ème siècle, si je me rappelle. A moins que ce soit les "flash-back".

Par contre, j'ai vu que ce livre était sorti en poche chez Folio, donc celles et ceux qui veulent tenter l'écriture "gothique"...

Non, non, au tout début l'auteur dit bien que nous sommes en France sous le règne de Henri IV (si je me rappelle bien : sinon, il s'agit d'un de ses prédécesseurs). Et j'ai beau faire, je me prjette plus tard... ce qui est un comble car j'adore le 16e

Vous me donnez envie les filles !
A quelle date a été écrit ce roman ? Est-ce qu'il aurait pu être une source d'inspiration pour les soeurs Brontë ? Parce qu'à vous lire, j'ai l'impression qu'on n'est pas loin de la femme folle dans le grenier ! Sauf que Jane ne passe pas son temps à s'évanouir, elle !

Les mystères d'udolphe a été écrit en 1794, le siècle de notre chère Jane Austen. Les soeurs brontë se sont pas mal nourries des oeuvres gothiques, et de Shakespeare aussi...

Ce roman est vraiment très beau (le style est magnifique), j'adore ce genre et malgré la mise en route assez difficile, je suis complètement sous le charme. En plus, quand on aime les pavés, c'est un vrai régal...

Pour répondre à Nettie, c'est bien dans cette édition que je le lis. L'édition folio classique est toujours très bien réalisée, traduite et commentée. Jusque maintenant, je n'ai jamais eu à m'en plaindre.

Je suis toujours en pleine lecture de ce livre, mais je n'avance pas bien vite... Encore 200 pages et je pourrai vous donner mon avis...

Les histoires imbriquées les unes dans les autres me plaisent énormément, c'est une des caractéristique principale de ce style de livre. Et encore, je trouve que dans ce récit, l'auteur n'a pas forcément envie de jouer avec les pieds de ses lecteurs (ou de ses lectrices devrais-je dire...), car j'ai lu bien pire. Le Moine, même s'il est classé dans le même registre, est bien plus tordu dans tous les sens du terme...

Enfin, d'ici peu, je tâcherai de rédiger un avis complet là-dessus...

J'attends ton avis avec impatience Clélie, je me tâte pour savoir si je l'achète.

J'ai enfin fini le bouquin. Mais je n'ai pas le courage de donner un avis constructif sur un roman de près de 900 pages. Il va falloir que je médite un peu sur ma lecture.

Tout d'abord, ce livre n'a strictement rien à voir avec le Moine, qui est ZE ouvrage de référence dans la littérature gothique. Certes, on y parle beaucoup de fantômes, de revenants, d'histoires hyper sordides qui se passent dans des châteaux perdus au milieu de nulle part... Forcément, ça impressionne un peu (surtout que je suis très impressionnable en ce domaine...) Mais Ann Radcliffe a une plume très pudique, très sensible qui ne font pas tomber le récit dans les excès bien connus de Lewis (auteur du fameux Moine).
Ok, l'héroïne s'évanouit beaucoup, pleure énormément, se lamente comme c'est pas permis, mais, honnêtement, je ne me suis pas du tout arrêter à cela. Je mourrais d'envie de savoir comment l'auteur allait terminer son histoire, si elle parviendrait finalement à "boucler la boucle". J'ai été agréablement surprise par ce roman fleuve, par la délicatesse du style, par l'ingéniosité des histoires imbriquées, subjugée par les descriptions de la nature, de l'architecture des châteaux où passe l'héroïne du livre. Il y a des faiblesses parfois, des épisodes qui tournent court et qui manquent de souffle, mais franchement, c'est un roman qui gagne à être connu. On y trouve beaucoup de références qui ont tant plu aux Brontë (les châteaux, les paysages déserts, les personnages obscurs, les excès des passions)...

Je l'ai reçu comme cadeau de Noël et je n'ai pas été déçue.

C'est bien sûr un style très particulier, mais j'ai passé un agréable moment. C'est certain qu'Émilie nous change beaucoup d'Elizabeth Bennet mais je ne l'ai pas trouvée aussi nunuche que je le pensais. Dans le contexte des jeunes filles de l'époque, c'est une expérience traumatisante.

Si j'ai un reproche à faire, qui n'en est pas vraiment un en fin de compte, c'est qu'Ann Radcliffe explique les mystères rationellement. C'est sûr, pour les lectrices et lecteurs de son époque c'était sûrement plus rassurant, mais j'avoue que l'idée d'évènements fantastiques inexpliqués m'aurait convenue...

Comme cela a déjà été dit, on peut tout à fait s'imaginer les décors ; les ambiances mystérieuses s'impriment facilement dans notre esprit. Par contre j'ai du faire un immense effort pour les personnages : j'ai du me coller des dessins de vêtements de l'époque sous le nez pour éviter de voir des robes empires ou milieu 19ème. (que voulez vous , quand on aime Jane ou Mrs Gaskell c'est pour la vie ^^)

Axoo a écrit:

j'ai du me coller des dessins de vêtements de l'époque sous le nez pour éviter de voir des robes empires ou milieu 19ème. (que voulez vous , quand on aime Jane ou Mrs Gaskell c'est pour la vie ^^)

Je me retrouve tout à fait dans ce que tu dis, Axoo. J'ai du faire un immense effort pour ne pas imaginer l'héroïne en robe XIXe... J'ai eu beaucoup de mal de me plonger dans le XVIIe siècle d'une manière générale.

je l'ai lu juste après avoir terminé Northanger Abbey, l'année dernière. Je voulais à tout prix savoir de quoi il parlait véritablement. J'ai bien aimé, mis à part les longues descriptions à n'en plus finir... Parfois, j'ose avouer que j'ai sauté quelques paragraphes !

Ce que j'ai remarqué, c'est à quel point le livre est issu entièrement de l'imagination de l'auteur qui n'a jamais dû mettre les pieds dans le sud de la France... car j'ai sauté sur l'occasion lorsque j'ai eu la possibilité cet été de partir dans le haut languedoc. Pensez vous, voir les paysages d'Udolpho en vrai ! eh bien ce n'est pas du tout comme ça...

Mais à part ça, j'ai bien apprécié ce livre, bien que j'ai pu avoir quelques frissons, moi, toute seule, à lire mon livre dans mon lit le soir...

Pour celles qui hésitent encore à lire Udolpho, notamment en raison de la taille du pavé (ça peut arriver ), j'ajoute juste qu'il existe des versions courtes en France.

Donc plus "resserées" autour de l'action. Pour en avoir feuilleté une, ça m'a semblé plus "moderne" (certaines longueurs ont été coupées, ainsi que les sonnets que compose Emily qui sont assez mièvres ).

J'ai dû lire Udolpho dans le cadre de mes études -donc en Anglais- et je dois avouer que j'ai zappé certains passages car je l'ai trouvé plutôt difficile à lire. Mais ça vaut le coup !

Je dois être une des rares sur ce forum à l'avoir lu avant de lire "Northanger Abbey"

Je suis surprise qu'il n'y ait jamais eu d'adaptation ciné. Ca aurait pourtant fait un bon sujet, non ?

Edit : A mon avis, si vous avez eu du mal à visualiser Emily au XVIè - ce qui fut aussi mon cas- c'est peut-être aussi en raison des anachronismes qui émaillent le livre (comme les personnages qui boivent du café par exemple, mais je me souviens qu'il y en avait d'autres) et qui ancrent plus l'action dans le XIXè britannique que dans le XVIè français ...

Citation :

Edit : A mon avis, si vous avez eu du mal à visualiser Emily au XVIè - ce qui fut aussi mon cas- c'est peut-être aussi en raison des anachronismes qui émaillent le livre (comme les personnages qui boivent du café par exemple, mais je me souviens qu'il y en avait d'autres) et qui ancrent plus l'action dans le XIXè britannique que dans le XVIè français ...

Bah le café a été introduit en France dans la première moitié du XVIIe, et en Italie bien avant ... Ce n'est donc pas si éloigné de la vérité que çà, sur ce point en tout cas.
Désolée, c'est un réflexe d'étudiante en histoire .
Je sors

Hum... je suis à la 100eme page et pour l'instant j'aime beaucoup...
enfin avec tout ce qui lui arrive à la demoiselle, je ne sais pas si je garderai mon calme!

cependant un hic : vous parlez de 800 à 900 pages et mon édtition n'en a que 300. Et le fin à l'air d'être la vrai fin... voilà que je m'inquiéte un peu. Mon bouquin date de 1953...

Il doit s'agir d'une version abrégée Camille. J'ai vu l'édition Folio en magasin, elle fait pas loin de mille pages je pense (avec préface et dossiers j'imagine, mais quand même). A moins que ton livre soit grand et écrit en tout petit... Ce n'est écrit nulle part qu'il s'agit d'une version abrégée ?

en verifiant un peu il y a écrit "adapté par Jacques Sternberg"... ça doit vouloir dire ce que ça veut dire! bon ben maintenant, il ne me reste qu'à trouver l'original, dommage j'étais vraiment dans le bouquin... et là connaitre une bonne partie de l'intrigue ça risque de me barber un peu en le lisant...

tss, j'suis dégoutée... enfin ce n'était que 50 centimes...

Tu devrais peut-être continuer dans ton édition...pour avoir lu la version folio (4 "livres", 900 pages), je trouve certains passages vraiment très long pour un lecteur d'aujourd'hui, sauf bien sûr si tu aimes les longues (et belles, c'est vrai) descriptions de paysages... A mon avis, l'adaptateur n'a pas pu modifier l'intrigue!

justement, ce que j'aimais c'était le style sans longues descriptions... j'hésite encore ...
je vais comparer avec l'original, une version abrégée n'est peut être pas une mauvaise idée...

Camille tu dois avoir la version des éditions Corti. Elle est adapté et plus courte. J'ai travaillé sur la version folio pour mon mémoire. Elle est complète.

Je n'ai pas trouvé le livre trop long. Je ne pense pas que ce soit une question de lecteur contemporain ou pas. Les romans de Balzac proposent de très longues descriptions de vêtements ou de lieux. J'ai beaucoup aimé ce roman. Il y a plein de rebondissements et plein d'évènements invraissemblables.