Miss Austen regrets [avis et commentaires]

Je viens de me rendre compte que je n'avais toujours pas donné mon avis sur ce téléfilm, que j'ai vu il y a plusieurs mois maintenant et ma mémoire n'est plus très fraîche !

Contrairement à certaines personnes ici, je n'avais pas remarqué le manque de fil conducteur. J'ai beaucoup aimé les parallèles entre les attentes de Fanny, prête à tomber amoureuse dès que possible, et celles de Jane Austen, beaucoup plus terre à terre et presque désillusionnée. J'ai eu l'impression que l'histoire centrale était celle des amours de Fanny et qu'elle permettait de mieux expliquer le caractère de Jane Austen, son point de vue sur ses romans, sur la jeunesse, sur les premiers « amours » (ou la volonté de tomber amoureux), ses choix de vie et les différentes questions qui pouvaient finalement en découler, quelques années après.

Elizabeth-Bennet a écrit:

Par contre, le titre du film me laisse perplexe. Pour moi, il ne présente pas du tout Jane Austen comme une femme amère ayant des regrets, ainsi que l’on pourrait le penser. C’est même tout le contraire ! En ce qui me concerne, le film postule très clairement que Jane n’a aucun regret mais que ce sont les gens – son entourage, la société – qui voudraient lui faire regretter ses choix, en lui disant qu’elle a agi de façon égoïste. A la limite, on se dit que le seul regret qu’elle pourrait avoir de ne pas s’être mariée est le fait que cela lui aurait permis de ne plus être dépendante de ses frères, d’autant qu’à certains moments, ces derniers rencontrent des soucis financiers. Mais c’est tout ! A plusieurs reprises, elle évoque ses anciens prétendants et on voit bien qu’elle ne regrette absolument pas de les avoir repoussés. Même de Tom Lefroy, pourtant supposé être son grand amour perdu, elle dit qu’il ne s’agissait que d’un flirt d’été, un amour dont elle s’est vite remise tout en en retirant une leçon au passage. De plus, elle dit elle-même qu’être une épouse et une mère l’auraient empêchée d’écrire.

Je ne suis pas sûre que Jane Austen n'exprime aucun regret. Je n'ai pas réussi à savoir si Jane s'imposait un recul nécessaire sur sa vie (pour ne pas avoir de regret), ou si elle était sincèrement satisfaite des choix effectués. Je pense que le film se base sur un moment clef de sa vie, où elle se rend compte qu'elle ne sera plus célibataire par choix, mais par défaut, cet état de fait implique forcément une remise en question : a-t-elle bien fait ? Sa vie aurait-elle été plus ou moins heureuse si elle avait accepté la demande en mariage de cet homme, qu'elle apprécie toujours autant et qui semblait accepter ses choix et sa passion (ainsi que son irrévérence) ? À l'époque, elle voulait être sûr de ses sentiments, d'aimer toujours pleinement. Aujourd'hui, elle est plus lucide, et sait que ce type de passion ne dure jamais éternellement : doit-elle assumer afin de ne pas se laisser aller à des regrets ou est-elle vraiment pleinement satisfaite de ce choix ?

J'ai également eu l'impression, comme d'autres personnes ici, que Jane Austen s'était construit une armure de ses sarcasmes : cela n'aide pas à être sûre des sentiments d'une personne sur sa vie passée.

En outre, j'ai l'impression que le téléfilm peut faire état d'autres regrets, notamment sur sa relation et l'influence qu'elle a pu avoir sur sa nièce. Focalisée sur l'amusement, et sur son rôle de tante irrévérencieuse, elle en oublie parfois que les sentiments peuvent être réels. Ce manque de sérieux à conduit le jeune prêtre à ne plus s'intéresser à Fanny (cela dit, Fanny elle-même était fautive) : elle se rend compte que son comportement affecte les gens, sa famille et qu'elle peut être un poids pour les autres. Bien entendu, elle pouvait avoir raison, et sa nièce pouvait plus avoir envie d'être amoureuse qu'être réellement amoureuse. Mais j'ai eu l'impression que son mariage était finalement plus un mariage de raison que d'amour, et j'ai trouvé ça assez triste.

valmont a écrit:

Une question s'impose: pourquoi sa sœur Cassandra, à qui la plupart des lettres étaient adressées, en a-t-elle brûlé beaucoup et a-t-elle censuré celles qu'elle a gardées ? Qu'avait donc écrit Jane pour que ce ne soit pas révélé au public ? Etait-ce trop personnel ou trop subversif ? Quand je dis subversif, j'entends des opinions personnelles tranchées que Jane aurait eu sur son temps et qui ne pouvaient être révélées sous peine de représailles (là, c'est moi qui extrapole )

J'avais toujours pensé que Cassandra voulait protéger sa soeur des critiques, qui pouvaient se faire très facilement à l'époque. Cependant, en lisant Cranford d'Elizabeth Gaskell, je me suis demandé si cette pratique n'était pas plus commune que ce que je pensais. En effet, un des personnages brûle les lettres de sa soeur et de ses parents, en expliquant que ces histoires n'intéresseraient plus personne, maintenant (il n'y avait pas de descendants). Et puis, ces lettres étaient une conversation privée, subversives ou non, elle pouvait vouloir conserver une certaine intimité avec sa soeur.

papotea a écrit:

L'intelligence du film est aussi de ne pas trancher , ni pour Jane ni pour le spectateur : oui elle a des regrets et des remords aussi, mais elle aime sa vie actuelle, elle trouve que chaque choix de vie aurait eu des avantages et ses inconvénients, (les allusions aux maternités à répétitions et à l'usure prématurée des femmes de l'époque sont très bien amenées).

Je te rejoins là-dessus ! Je pense que finalement, chaque situation aurait eu ses avantages, comme ses inconvénients (tenir une maison prend beaucoup trop de temps ) et qu'il est normal que Jane prenne le temps de s'arrêter un moment et de réfléchir à ses choix. Oui, la vie qu'elle mène actuellement lui plaît, cela ne veut pas forcément dire qu'une autre était désagréable.


Tout cela pour dire que j'ai beaucoup aimé ce téléfilm et trouvé le casting très bon ! J'ai beaucoup aimé la nièce de Jane Austen, qui permettait de montrer l'admiration que l'on pouvait avoir pour une personne aussi vive et incisive, mais aussi la réalité derrière la dorure. En ce sens, j'ai trouvé la conclusion du film (follow your own heart) très juste : il lui fallait aussi arrêter d'essayer d'être à la hauteur de sa tante pour être heureuse.

J'ai également trouvé la mère de Jane Austen un peu dure, mais le passage où elle pleure en avouant se rendre compte de la maladie de sa fille m'a toute émouvue !

Quoiqu'il en soit, merci l'auberge pour cette découverte !