Mansfield Park

Je viens de terminer Mansfield Park et j'avoue que je reste sur une impression assez partagée:
contrairement à beaucoup de gens ici, d'après ce que j'ai pu lire en diagonale sur ce topic, je n'ai pas trouvé qu'il y ait des longueurs: c'est vrai que c'est le plus long roman de Jane Austen, sans pour autant être le meilleur, mais j'ai tout de même trouvé la lecture plaisante tout du long, surtout qu'à partir de la moitié du livre je n'arrivais plus à en décrocher à cause du suspens: est-ce que Henry va réussir à séduire Fanny? Fanny va t'elle finir avec Henry ou Edmund?
Par contre, je dois avouer que j'ai un peu de mal avec l'attachement entre Edmund et Fanny. Pourtant, je n'ai pas détesté Edmund: il est moralisateur, certes, mais pas stupide pour autant et son penchant à la sainteté ne m'a pas trop agacé parce qu'il est bien contrebalancé par son aveuglement en amour (avec Marie). J'ai bien aimé Fanny, car malgré toutes ses crises de larmes et sa faiblesse physique, elle ne s'en laisse pas conter et possède un jugement assez fort, du moins indépendant de sa grande "sensibilité d'émotions" (je pense à l'affection réelle de Mary pendant au moins une partie du roman, affection à laquelle Fanny n'a aucune honte en elle même de ne pas répondre). Tous les personnages sont très nuancés, c'est aussi quelque chose que j'ai beaucoup apprécié: même Mary, au début je ne comprennais pas que Fanny, avec son tempérament, n'éprouve aucune honte à ne ressentir que de l'aversion pour elle- aversion que j'imputais surtout à de la jalousie- et même si à la fin son hypocrisie ne fait plus aucun doute, l'auteur insiste sur le fait qu'elle n'était tout de même pas totalement dénuée de qualités. Mais donc pour en revenir à nos moutons, je comprends tout à fait que Fanny tombe amoureuse d'Edmund, ses sentiments sont très clairement posés dès le début, mais par contre je n'ai personnellement rien vu d'autre que de la "tendresse fraternelle" de la part d'Edmund envers Fanny: si au moins ses sentiments avaient trahis la moindre ambiguité, s'il s'était montré jaloux-ou au moins mal à l'aise- envers Henry, ça ne m'aurait pas gêné, mais non, il la considère bien sincèrement comme sa soeur! Alors je sais bien qu'on n' éprouvait à l'époque aucune répulsion à ce que deux cousins germains tombent amoureux l'un de l'autres, mais j'ai tout de même trouvé ça assez déroutant qu'Edmund puisse tomber amoureux de celle qu'il considère comme une soeur- au delà du fait qu'ils soient cousins.
Et puis, comme d'autres gens l'ont dit, "on ne refuse pas un Henry Crawford!" A partir du moment où il avoue à sa soeur son intention d'épouser Fanny, je l'adorais, je voulais tellement qu'elle termine avec lui!
Bon, cela dit j'ai quand même beaucoup aimé ce livre, et j'ai vraiment été prise dans la lecture tout du long, je ne devrais pas en demander plus Mais la fin m'a tout de même laissée une impression un peu dérangeante...

Je suis assez d'accord pour Edmund, c'est vrai que ses sentiments pour Fanny ont l'air d'arriver subitement à quelques pages de la fin, c'est un peu gênant...et je fais aussi partie de celles qui voulaient que Fanny finisse avec Henry

je suppose que tu n'as pas encore vu d'adaptations?

non mais j'ai une adaptation en dvd (avec le coffret JA de la BBC) avec Billy Piper que je vais enfin pouvoir regarder

nathy's a écrit:

Je suis assez d'accord pour Edmund, c'est vrai que ses sentiments pour Fanny ont l'air d'arriver subitement à quelques pages de la fin, c'est un peu gênant...

Notamment il y a une phrase à la fin qui m'a tout particulièrement gênée, comme quoi Edmund tenterait de convaincre Fanny que "sa tendresse fraternelle serait le meilleur fondement du bonheur conjugal"... je sais qu'il y a une part d'humour, mais quand même

Merci pour vos commentaires, Séverine et zlabyab.

Séverine, lorsque tu auras lu l'analyse de Nabokov, j'espère que tu viendras en parler dans le topic créé par Lady Clare.

Je ne m'étais pas rendu compte que les conférences de Nabokov étaient sorties en Bouquins. Il y longtemps que je suis tentées par ces textes, merci pour cette info, qui va me faire définitivement craquer. Enfin, mon porte-monnaie ne te dit pas merci, lui.

Cat, considère cela comme un bon investissement. Je n'ai pas encore lu l'analyse en question (peut-être pendant les vacances) mais je ne manquerais pas de faire un petit tour dans le sujet concerné, lorsque ça sera fait. Et il y a plein d'analyses qui m'intéresse dans ce livre. Plein de romans russes, Madame Bovary...

Ah, Mansfield Park...
Vaste histoire nouée avec ce roman: au départ, j'ai été déroutée par le côté très en retrait de Fanny, par l'écriture qui s'attarde beaucoup plus sur des détails, sur l'atmosphère presque morne qui, pesante, étouffe cette demeure et ses habitants. Je crois que le déclic s'est produit à la moitié du livre, ce moment délicieux où, alors qu'on suivait auparavant les aventures de l'héroïne avec recul, on commence à s'immerger pleinement dans son histoire: finalement, Fanny est un des personnages que j'apprécie le plus (avec Anne Elliot, qui reste, de loin, ma préférée).
Ce récit est une description volontairement cruelle des jeunes filles sans fortune, sans véritables appuis familiaux, obligées de survivre dans une dépendance à des cousins, tantes et oncles plus fortunés: ce personnage sonne très juste, dans ses silences, dans tout ce qu'elle pense et ne dit pas. Comment Edmund peut il passer presque à côté des qualités essentielles que possède Fanny, et s'amouracher d'une ravissante petite chose frivole et égoïste, lui qui, justement, est tout sauf futile? De nombreuses fois, j'ai eu envie de le frapper
Contrairement à certaines d'entre vous, j'ai détesté Henry dès le départ, son côté "homme du monde", léger et sans consistance, ne m'a pas attirée une seule seconde: on sent assez rapidement que tout ça, ce n'est qu'une façade, un soupçon de bonnes manières qui cache la superficialité d'Henry.

Carry a écrit:

ce personnage sonne très juste, dans ses silences, dans tout ce qu'elle pense et ne dit pas.

Totalement d'accord. Je pense que l'on peut dire que MP est le roman le plus réaliste de Jane Austen, malgré sa fin un peu convenue.

Et pour Henry Crawford, si je ne l'ai pas détesté, je m'en suis méfiée assez vite, comme j'ai tendance à le faire des hommes trop charmants.

Oui c'est ça, son côté charmant...Et charmeur
Sinon j'ai également beaucoup aimé la comparaison entre Fanny et Maria (et, dans une moindre mesure, Julia): trois tempéraments très fortement influencés par leur éducation, car fondamentalement on se doute que si Maria n'avait pas été gâtée de cette façon éhontée, elle aurait eu plus à coeur de ne pas se compromettre dans une liaison sans espoir. Même si son époux a l'air d'un parfait crétin!

zlabyab a écrit:

nathy's a écrit:

Je suis assez d'accord pour Edmund, c'est vrai que ses sentiments pour Fanny ont l'air d'arriver subitement à quelques pages de la fin, c'est un peu gênant...

Notamment il y a une phrase à la fin qui m'a tout particulièrement gênée, comme quoi Edmund tenterait de convaincre Fanny que "sa tendresse fraternelle serait le meilleur fondement du bonheur conjugal"... je sais qu'il y a une part d'humour, mais quand même

Je me demande vraiment s'il y a une quelconque ironie dans ces propos. L'idée que l'amour conjugal doit s'approcher de l'amour fraternel existant entre frères et soeurs est une idée ancienne. D'où cette sympathie pour les mariages entre cousins où on reste en famille, sans que ce soit (trop?) incestueux...

Dans cette optique, un mariage heureux est celui où mari et femme s'aiment comme frère et soeur...

Ca peut paraître un peu malsain aujourd'hui, mais ce n'est pas si éloigné des histoires modernes où des amis d'enfance ou des voisins finissent par se marier, l'intimité partagée depuis si longtemps fondant le lien conjugal.

margause a écrit:

Ca peut paraître un peu malsain aujourd'hui, mais ce n'est pas si éloigné des histoires modernes où des amis d'enfance ou des voisins finissent par se marier, l'intimité partagée depuis si longtemps fondant le lien conjugal.

J'adore ton point de vue ! Beaucoup de meilleurs amis d'enfance finissent ensemble finalement, et au moins ils se connaissent déjà et ont une complicité importante ! De ce point de vue là, ça parait tout de suite moins malsain !

Bonjour,

Je ne participe pas beaucoup à ce forum mais je continue à vous lire avec beaucoup de plaisir (et j'ai fait de belles découvertes grâce à vous).
J'ai lu Mansfield Park l'hiver dernier, relu pour ainsi dire parce que j'avais fait une première tentative quelques années, mais abandonné très vite. Et alors que je m'attendais à avoir autant de mal sur cette nouvelle tentative, je me suis retrouvée happée par l'histoire, par la finesse des détails et de l'écriture de Jane Austen. Par contre, comme vous, je ne me suis pas passionnée du tout par l'histoire d'amour, et Edmund m'a laissée plutôt indifférente. Mais ça ne m'a pas gêné du tout, j'ai pris beaucoup de plaisir durant ma lecture. ^^
J'en ai fait une critique plus détaillée sur l'étagère

C'est vrai que l'histoire d'amour est beaucoup moins présente dans celui-ci je trouve. Et il y a beaucoup trop de "descriptions" par rapport à ces autres romans. Il ne reste pas moins attachant, et encore une fois, on ne peut ignorer ses personnages. Soit on les déteste, soit on les adore. L'ironie est toujours présente, les moeurs de l'époque aussi. Au final, je l'aime autant qu'Emma, et même si je ne les lirais pas des dizaines de fois comme P&P ou S&S, j'y suis très attachée !

J'ai revu l'adaptation 1999 de Mansfield Park il y a quelque jour et j'ai bien peur qu'elle est supplanté le roman que j'ai lu depuis un an maintenant.
Je me souviens que les personnages de ce roman m'avaient beaucoup agacés par leur passivité révoltante, mais j’avais été très sensible à la fièvre du théâtre qui s'empare d'eux lors du départ du patriarche pour m'y être retrouvée.

Mais pour en revenir à l'adaptation de 1999 je l'ai adoré pas en tant qu'adaptation mais comme film, effectivement on y trouve de nombreux écarts mais je préfère de loin les personnages du films que ceux du roman. Ici fanny Price a un minimum de caractère sans pour autant être une furie. Edmond semble avoir des sentiments plu forts qui donnent réellement l'impression d'évoluer au fil du film. La BO est somptueuse, l'humour bien présent et les images sont belles. Même l'extrapolation des esclaves ne m'a pas trop gêné.
Et mention spéciale à Henry Crawford (moi j'aime beaucoup les Henry chez JA) qui fait quand même pas mal fondre.
J'aurai vraiment aimé que Fanny finisse avec autant dans le roman que le film, ils auraient pu s'apporter beaucoup.

C'est un plaisir de lire un commentaire aussi positif, moi aussi j'aime beaucoup ce film. Mais j'aime bien aussi la Fanny du livre, à laquelle je trouve du caractère. Après tout, il en faut pour résister aux avances de Crawford et pour pardonner à ce gros bêta d'Edmund.

cat47 a écrit:

C'est un plaisir de lire un commentaire aussi positif, moi aussi j'aime beaucoup ce film. Mais j'aime bien aussi la Fanny du livre, à laquelle je trouve du caractère. Après tout, il en faut pour résister aux avances de Crawford et pour pardonner à ce gros bêta d'Edmund.

Alors la je ne peux que plussoyer et m'incliner

Je suis tout à fait d'accord avec toi Moroo pour le film de 99! Je le vois comme une consolation par rapport au livre où la passivité de Fanny et son couple avec Edmond au lieu de Henry me désolent

Petit commentaire posté ailleurs par Atonement.

Dans un autre sous-forum, Atonement a écrit:

Après un ou deux jours de "flottement", j'ai repris vivement la lecture de Mansfield Park. J'étais en réalité arrivée au moment où arrive l'Honorable John Yates, au chapitre 13 pour être exact. J'en suis maintenant au 22, quand Maria et Julia Bertram viennent de partir et que Fanny va prendre une place plus importante dans la maison. Le roman devient passionnant maintenant, je suis même allée me réfuger à la Fnac pendant une heure où je n'avais pas cours, car je m'étais arrêtée au chapitre où Julia apprend que Sir Thomas vient de revenir.
(Si vous croisez un jour une clocharde assise dans le rayon littérature anglaise à la Fnac, c'est moi. )

Bonsoir,

J'ai commencé Mansfield Park ce week end. J'en suis au chapitre 12 pour l'instant. Malheureusement, je ne peux lire qu'un chapitre par soir à cause de la fatigue qui s'accumule pendant la semaine. Heureusement, vendredi c'est férié (on va pouvoir se rattraper)!
J'ai beaucoup aimé le passage où toute la petite bande va visiter Sotherton.

Spoiler:

Mme Norris me fait beaucoup sourire avec son franc parler et son sens des convenances.
Je commence tout juste à m'attacher à Fanny car au début du récit elle n'a pas réellement une grande place. JA nous présente d'abord tous les personnages grâce à des discussions afin qu'on puisse mieux connaitre chacun et seulement ensuite le personnage de Fanny Price prendra de l’ampleur à mon avis.
Lady Bertram me dépite par son manque de responsabilité envers ses enfants et son impassibilité.

Pour résumer : pour l'instant l'histoire me plait beaucoup. On reconnait vraiment le style de l'auteur et son talent pour retranscrire la réalité du début du XIXè siècle. J'aime beaucoup m'y plonger et me retrouver dans cette époque qui m'est chère et dont je souhaites apprendre toujours plus.

Bonne soirée à tout le monde

Keren a écrit:

J'aime beaucoup m'y plonger et me retrouver dans cette époque qui m'est chère et dont je souhaites apprendre toujours plus.

Je plussoie tellement.

Ravie que tu apprécies toi aussi ce roman, Keren. Je suis curieuse de savoir quel sera ton sentiment envers Fanny à la fin de ta lecture, cette héroïne n'étant en général pas très populaire.

Pas de soucis Cat47, je me ferais un plaisir de venir partager mon avis quand ma lecture sera terminée!

Bonne soirée!

@ Keren: Par rapport à ton spoiler, je me suis toujours interrogé à quel point l'escapade de Maria Bertram était restée convenable. Lorsque Maria de franchir le saut de loup avec l'aide de Crawford sans attendre Rushworth, il y a une dramatisation de l'instant avec les mises en garde de Fanny que Maria décide d'ignorer.

Et puis le double sens que prend cette scène quand on connaît la fin...

Ça y est, je l'ai finit!
Mais pas eut le temps jusqu'ici de poster un avis convenable pour cause de révisions de partiels.
Je ne sais pas vraiment par où commencer. J'ai beaucoup de choses à dire!

D'abord, première impression à chaud : j'ai passé de très bons moments de lecture avec ce livre.
J'ai choisit l'édition Archipoche et j'avoue avoir été très satisfaite de celle ci.

Spoiler:

J'ai beaucoup aimé le personnage de Fanny. Même si elle est un peu (beaucoup...) en retrait au début du récit, j'ai tout de même apprécié la façon dont elle prend de l'assurance au fur et à mesure qu'elle grandit. Elle ne se laisse pas faire pour autant et refuse la proposition d'un bon partie! Honte à elle!
Mme Norris m'a excédé. Quelle mégère et la façon dont elle s'en prend à tous les coups à Fanny!
Comme souligné par Margause, on ne sait pas vraiment ce qu'il s'est éventuellement passé entre Henry Crawford et Maria Bertram... Mais sachant la fin maintenant.... On ne peut que s'imaginer le pire...
J'ai beaucoup aimé le revirement de Sir Thomas qui, lorsqu'il revient d'Antigua, change d'opinion quant à la personne de Fanny.
Lady Bertram si nonchalante.... Ralala on aurait bien envie de la secouer un peu...!

Maintenant passons à la chose qui fâche... La fin...
Je ne m'attendais vraiment pas à ce que la chute du roman tombe si brutalement avec le dernier chapitre sous forme de bilan en passant en revue chaque personnage.

Spoiler:

Donc pour conclure : dans l'ensemble j'ai vraiment pris beaucoup de plaisir dans cette lecture. Je retrouve là tout ce que j'aime. Malgré une fin un peu abrupte pour moi, je reste une inconditionnelle de JA!

Maintenant je m'attaque à un autre grand classique lambtonien : Nord et Sud d'Elizabeth Gaskell qui m’émerveille de par ces descriptions soignées, par Miss Margaret et le mystérieux (il l'est encore pour moi) Mr Thornton.

Bonne soirée!

Contente que tu aies aimé, Keren.

J'aime décidément beaucoup la couverture de l'édition Archipoche, même si elle n'est pas très austénienne.