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 Poèmes, poésie : partageons nos poèmes préférés...

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Fée clochette
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Fée clochette


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MessageSujet: Re: Poèmes, poésie : partageons nos poèmes préférés...   poemes - Poèmes, poésie : partageons nos poèmes préférés... - Page 7 Icon_minitimeMer 13 Aoû 2008 - 19:44

Musset, J'aime à la folie aussi. Louise Labbé j'ai un recueil que je n'ai pas ouvert depuis longtemps. Je vais le "l'extraire" des rayons qui quelquefois sont sur plusieurs rangs. En ce moment, je lis de nouveau Cyrano de Bergerac et en parallèle Rosemonde Gérard, que les français oublient un peu. drunken pourtant c'est si beau drunken

L'éternelle chanson

Lorsque tu seras vieux et que je serai vieille,
Lorsque mes cheveux blonds seront des cheveux blancs,
Au mois de mai, dans le jardin qui s'ensoleille,
Nous irons réchauffer nos vieux membres tremblants.
Comme le renouveau mettra nos coeurs en fête,
Nous nous croirons encore de jeunes amoureux,
Et je te sourirai tout en branlant la tête,
Et nous ferons un couple adorable de vieux.
Nous nous regarderons, assis sous notre treille,
Avec de petits yeux attendris et brillants,
Lorsque tu seras vieux et que je serai vieille,
Lorsque mes cheveux blonds seront des cheveux blancs.

Sur notre banc ami, tout verdâtre de mousse,
Sur le banc d'autrefois nous reviendrons causer,
Nous aurons une joie attendrie et très douce,
La phrase finissant toujours par un baiser.
Combien de fois jadis j'ai pu dire " Je t'aime " ?
Alors avec grand soin nous le recompterons.
Nous nous ressouviendrons de mille choses, même
De petits riens exquis dont nous radoterons.
Un rayon descendra, d'une caresse douce,
Parmi nos cheveux blancs, tout rose, se poser,
Quand sur notre vieux banc tout verdâtre de mousse,
Sur le banc d'autrefois nous reviendrons causer.

Et comme chaque jour je t'aime davantage,
Aujourd'hui plus qu'hier et bien moins que demain,
Qu'importeront alors les rides du visage ?
Mon amour se fera plus grave - et serein.
Songe que tous les jours des souvenirs s'entassent,
Mes souvenirs à moi seront aussi les tiens.
Ces communs souvenirs toujours plus nous enlacent
Et sans cesse entre nous tissent d'autres liens.
C'est vrai, nous serons vieux, très vieux, faiblis par l'âge,
Mais plus fort chaque jour je serrerai ta main
Car vois-tu chaque jour je t'aime davantage,
Aujourd'hui plus qu'hier et bien moins que demain.

Et de ce cher amour qui passe comme un rêve,
Je veux tout conserver dans le fond de mon coeur,
Retenir s'il se peut l'impression trop brève
Pour la ressavourer plus tard avec lenteur.
J'enfouis tout ce qui vient de lui comme un avare,
Thésaurisant avec ardeur pour mes vieux jours ;
Je serai riche alors d'une richesse rare
J'aurai gardé tout l'or de mes jeunes amours !
Ainsi de ce passé de bonheur qui s'achève,
Ma mémoire parfois me rendra la douceur ;
Et de ce cher amour qui passe comme un rêve
J'aurai tout conservé dans le fond de mon coeur.

Lorsque tu seras vieux et que je serai vieille,
Lorsque mes cheveux blonds seront des cheveux blancs,
Au mois de mai, dans le jardin qui s'ensoleille,
Nous irons réchauffer nos vieux membres tremblants.
Comme le renouveau mettra nos coeurs en fête,
Nous nous croirons encore aux jours heureux d'antan,
Et je te sourirai tout en branlant la tête
Et tu me parleras d'amour en chevrotant.
Nous nous regarderons, assis sous notre treille,
Avec de petits yeux attendris et brillants,
Lorsque tu seras vieux et que je serai vieille
Lorsque mes cheveux blonds seront des cheveux blancs.


mes deux vers préférés :
Citation :
Et de ce cher amour qui passe comme un rêve
J'aurai tout conservé dans le fond de mon coeur.
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cecilou41
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MessageSujet: Re: Poèmes, poésie : partageons nos poèmes préférés...   poemes - Poèmes, poésie : partageons nos poèmes préférés... - Page 7 Icon_minitimeMer 13 Aoû 2008 - 19:46

cheers cheers C'est magnifique !
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Muezza
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MessageSujet: Re: Poèmes, poésie : partageons nos poèmes préférés...   poemes - Poèmes, poésie : partageons nos poèmes préférés... - Page 7 Icon_minitimeMer 13 Aoû 2008 - 20:08

cecilou41 a écrit:
aujourd'hui, j'ai envie de poster du Louise Labbé :

Je vis, je meurs: je me brûle et me noie

Contente de voir que tu aimes ce sonnet comme moi. Je l'avais posté dans les 1eres pages du topic... mais cela fait toujours du bien de le relire Wink
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cecilou41
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MessageSujet: Re: Poèmes, poésie : partageons nos poèmes préférés...   poemes - Poèmes, poésie : partageons nos poèmes préférés... - Page 7 Icon_minitimeMer 13 Aoû 2008 - 20:09

Ah pardon ! J'ai pourtant survolé les pages précédentes pour vérifier qu'il n'y était pas déjà ! J'ai pas dû ouvrir le bon oeil ! lol!
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Fée clochette
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MessageSujet: Re: Poèmes, poésie : partageons nos poèmes préférés...   poemes - Poèmes, poésie : partageons nos poèmes préférés... - Page 7 Icon_minitimeJeu 14 Aoû 2008 - 8:58

J'ai trouvé la traduction du poème sur le Haggis, la voici.

AU COURS DU REPAS D'ANNIVERSAIRE DE ROBERT BURNS

Il est bien d'amener le haggis dans le lieu ou se déroule le repas précédé d'une cornemuse, puis de le poser face aux convives, et enfin de déclamer avec emphase le "Discours à un Haggis" poème écrit par Robert Burns à la gloire
de ce met (dont voici une traduction très réussie par G. Hocmard, puisque mettant en place des rimes) :

Salut à ton honnête, à ton aimable face,
Toi qui parmi les puddings es le chef de ta race!
C'est à toi que revient la première des places
Dessus tripoux, panse et abats,
Tu mérite que tous vraiment te rendent grâces
Longues comme mon bras

Tu remplis le tranchoir qui sous ton poids se plaint.
Tes fesses font penser à la colline à la colline au loin
Ta pointe pourrait bien réparer le moulin
Si le besoin en advenait,
Tes pores cependant distillent comme un suint,
De l'ambre en chapelet

Regarde le rustaud essuyer son couteau,
Se mettre à découper avec aise et brio,
Creusant comme un fossé, en excisant la peau
Tendue et chaude de tes miches.
Dans quelle gloire alors tu suscites les oh!
Que ton fumet est riche!

Tous alors, coude à coude, approchent et s'entrepoussent,
Ils s'empiffrent comme s'ils avaient le diable aux trousses,
Jusqu'à ce que leurs ventres tendus et maousses,
Résonnent comme tambours en somme,
Et qu'un vieil échevin, d'éclater plein de frousse,
Entonne un TeDeum.

Y a-t-il être ici-bas aux moeurs dégénérées
Qui irait préférer ragoût ou fricassée,
Un olio propre aux porcs à donner la nausée,
Et qu'ils repousseraient, maussades,
Alors qu'ils peuvent ainsi faire franche lippée
De telle régalade?

Pauvre diable! Voyez-le devant son assiette
Comme un roseau fluet, tout l'air d'une mauviette,
Le poing guère plus gros qu'une pauvre noisette,
Tout flageollant sur ses guiboles.
Comment à l'ennemi peut-il faire sa fête,
Quand vient l'occasion folle?

Mais, nourri au haggis, voyez un peu le gars!
Il fait en s'avançant tout trembler sous son pas,
Dedans son poing robuste une épée plantez-moi,
Il la fera sitôt siffler,
Et toc, comme chardons, têtes, jambes et bras
Il va vite élaguer.

Vous, puissants, qui voulez le bonheur pour la masse
Et veillez que soit bien bon le menu qu'on lui fasse,
L'Ecosse, sachez-le, ne veut pas de lavasse
Qui dans le bol clapote et bruisse.
Mais si vous entendez rester en bonne grâce,
Donnez-lui du Haggis!

et je met la recette sur cuisine, lol! lol! lol!
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diane
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diane


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MessageSujet: Re: Poèmes, poésie : partageons nos poèmes préférés...   poemes - Poèmes, poésie : partageons nos poèmes préférés... - Page 7 Icon_minitimeMar 18 Aoû 2009 - 11:39

"Vous, qui dans les langueurs d'un esprit monastique,
ignorez de l'amour l'empire tyrannique,
que vos coeurs sont heureux puisqu'ils sont insensibles,
que vos jours sont sereins, toutes vos nuits paisibles."

(Vers d'Alexander Pope)

"De multiples désirs me traversaient l'esprit,
Et le réconfortaient obscurément;
Quelques pauvres plaisirs mélancoliques
Dont les ailes fragiles s'argentaient
Au jour froid de l'espoir, voletaient en silence
Comme des papillons dans un rayon de lune."

(Coleridge)

"Mais elle était du monde où les plus belles choses
Ont le pire destin,
Et rose elle a vécu ce que vivent les roses,
L'espace d'un matin"

(Malherbe, strophe 4 de Consolation à Du Périer)


"Les sanglots longs des violons de l'automne
Blessent mon coeur d'une langueur monotone.
Tout suffocant et blême quand sonne l'heure
Je me souviens des jours anciens et je pleure
Et je m'en vais au vent mauvais qui m'emporte
De çà , de là, pareil à la feuille morte."

(Verlaine)


Dernière édition par diane le Sam 16 Juil 2011 - 0:11, édité 1 fois
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nathy's
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MessageSujet: Re: Poèmes, poésie : partageons nos poèmes préférés...   poemes - Poèmes, poésie : partageons nos poèmes préférés... - Page 7 Icon_minitimeMar 18 Aoû 2009 - 11:59

J'étais passée à coté de ce topic j'adore drunken

Mes poésies préférées sont Demain dès l'aube d'Hugo, Le dormeur du Val de Rimbaud, Le pont Mirabeau d'Apollinaire, Le lac de Lamartine , la Nuit de Décembre de Musset mais mon préféré entre tous reste La Mort du Loup d'Alfred de Vigny, je le connais par coeur, je l'avais appris en CM2 et whooaa! Comme Muezza ne l'a pas mis en entier, je me permets de le faire

La mort du Loup Les nuages couraient sur la lune enflammée
Comme sur l'incendie on voit fuir la fumée,
Et les bois étaient noirs jusques à l'horizon.
Nous marchions sans parler, dans l'humide gazon,
Dans la bruyère épaisse et dans les hautes brandes,
Lorsque, sous des sapins pareils à ceux des Landes,
Nous avons aperçus les grands ongles marqués
Par les loups voyageurs que nous avions traqués.
Nous avons écouté, retenant notre haleine
Et le pas suspendu. -- Ni le bois, ni la plaine
Ne poussait un soupir dans les airs; Seulement
La girouette en deuil criait au firmament;
Car le vent élevé bien au dessus des terres,
N'effleurait de ses pieds que les tours solitaires,
Et les chênes d'en-bas, contre les rocs penchés,
Sur leurs coudes semblaient endormis et couchés.
Rien ne bruissait donc, lorsque baissant la tête,
Le plus vieux des chasseurs qui s'étaient mis en quête
A regardé le sable en s'y couchant; Bientot,
Lui que jamais ici on ne vit en défaut,
A déclaré tout bas que ces marques récentes
Annonçait la démarche et les griffes puissantes
De deux grands loups-cerviers et de deux louveteaux.
Nous avons tous alors préparé nos couteaux,
Et, cachant nos fusils et leurs lueurs trop blanches,
Nous allions pas à pas en écartant les branches.
Trois s'arrêtent, et moi, cherchant ce qu'ils voyaient,
J'aperçois tout à coup deux yeux qui flamboyaient,
Et je vois au delà quatre formes légères
Qui dansaient sous la lune au milieu des bruyères,
Comme font chaque jour, à grand bruit sous nos yeux,
Quand le maitre revient, les levriers joyeux.
Leur forme était semblable et semblable la danse;
Mais les enfants du loup se jouaient en silence,
Sachant bien qu'à deux pas, ne dormant qu'à demi,
Se couche dans ses murs l'homme, leur ennemi.
Le père était debout, et plus loin, contre un arbre,
Sa louve reposait comme celle de marbre
Qu'adorait les romains, et dont les flancs velus
Couvaient les demi-dieux Rémus et Romulus.
Le Loup vient et s'assied, les deux jambes dressées,
Par leurs ongles crochus dans le sable enfoncées.
Il s'est jugé perdu, puisqu'il était surpris,
Sa retraite coupée et tous ses chemins pris,
Alors il a saisi, dans sa gueule brulante,
Du chien le plus hardi la gorge pantelante,
Et n'a pas desserré ses mâchoires de fer,
Malgré nos coups de feu, qui traversaient sa chair,
Et nos couteaux aigus qui, comme des tenailles,
Se croisaient en plongeant dans ses larges entrailles,
Jusqu'au dernier moment où le chien étranglé,
Mort longtemps avant lui, sous ses pieds a roulé.
Le Loup le quitte alors et puis il nous regarde.
Les couteaux lui restaient au flanc jusqu'à la garde,
Le clouaient au gazon tout baigné dans son sang;
Nos fusils l'entouraient en sinistre croissant.
Il nous regarde encore, ensuite il se recouche,
Tout en léchant le sang répandu sur sa bouche,
Et, sans daigner savoir comment il a péri,
Refermant ses grands yeux, meurt sans jeter un cri.


J'ai reposé mon front sur mon fusil sans poudre,
Me prenant à penser, et n'est pu me résoudre
A poursuivre sa Louve et ses fils qui, tous trois,
Avaient voulu l'attendre, et, comme je le crois,
Sans ses deux louveteaux, la belle et sombre veuve
Ne l'eut pas laissé seul subir la grande épreuve;
Mais son devoir était de les sauver, afin
De pouvoir leur apprendre à bien souffrir la faim,
A ne jamais entrer dans le pacte des villes,
Que l'homme a fait avec les animaux serviles
Qui chassent devant lui, pour avoir le coucher,
Les premiers possesseurs du bois et du rocher.


Hélas! ai-je pensé, malgre ce grand nom d'Hommes,
Que j'ai honte de nous , débiles que nous sommes!
Comment on doit quitter la vie et tous ses maux,
C'est vous qui le savez sublimes animaux.
A voir ce que l'on fut sur terre et ce qu'on laisse,
Seul le silence est grand; tout le reste est faiblesse.
--Ah! je t'ai bien compris, sauvage voyageur,
Et ton dernier regard m'est allé jusqu'au coeur.
Il disait: " Si tu peux, fais que ton âme arrive,
A force de rester studieuse et pensive,
Jusqu'à ce haut degré de stoique fierte
Où, naissant dans les bois, j'ai tout d'abord monté.
Gémir, pleurer prier est également lâche.
Fais énergiquement ta longue et lourde tâche
Dans la voie où le sort a voulu t'appeler,
Puis, après, comme moi, souffre et meurs sans parler."

Alfred de VIGNY


et sinon en lisant ce topic, ça m'a rappelé pas mal de poèmes appris à l'école notamment Heureux qui comme Ulysse!

Et un petit poeme archi connu qu'on a tous appris à l'école je pense de Robert Desnos Very Happy

Les hiboux

Ce sont les mères des hiboux

Qui désiraient chercher les poux

De leurs enfants, leurs petits choux,

En les tenant sur les genoux.

Leurs yeux d’or valent des bijoux,

Leur bec est dur comme cailloux,

Ils sont doux comme des joujoux,

Mais aux hiboux point de genoux !

Votre histoire se passait où ?

Chez les Zoulous ? Les Andalous ?

Ou dans la cabane bambou ?

A Moscou ? Ou à Tombouctou ?

En Anjou ou dans le Poitou ?

Au Pérou ou chez les Mandchous ?

Hou ! Hou !

Pas du tout, c’était chez les fous.



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esperluette
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esperluette


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MessageSujet: Re: Poèmes, poésie : partageons nos poèmes préférés...   poemes - Poèmes, poésie : partageons nos poèmes préférés... - Page 7 Icon_minitimeLun 31 Aoû 2009 - 22:09

Un poème de Boris Vian que j'aime beaucoup:

Je voudrais pas crever

Je voudrais pas crever
Avant d'avoir connu
Les chiens noirs du Mexique
Qui dorment sans rêver
Les singes à cul nu
Dévoreurs de tropiques
Les araignées d'argent
Au nid truffé de bulles

Je voudrais pas crever
Sans savoir si la lune
Sous son faux air de thune
A un côté pointu
Si le soleil est froid
Si les quatre saisons
Ne sont vraiment que quatre

Sans avoir essayé
De porter une robe
Sur les grands boulevards
Sans avoir regardé
Dans un regard d'égout
Sans avoir mis mon zobe
Dans des coinstots bizarres

Je voudrais pas finir
Sans connaître la lèpre
Ou les sept maladies
Qu'on attrape là-bas
Le bon ni le mauvais
Ne me feraient de peine
Si si si je savais
Que j'en aurai l'étrenne

Et il y a z aussi
Tout ce que je connais
Le fond vert de la mer
Où valsent les brins d'algue
Sur le sable ondulé
L'herbe grillée de juin
La terre qui craquelle
L'odeur des conifères
Et les baisers de celle
Que ceci que cela
La belle que voilà
Mon Ourson, l'Ursula

Je voudrais pas crever
Avant d'avoir usé
Sa bouche avec ma bouche
Son corps avec mes mains
Le reste avec mes yeux
J'en dis pas plus faut bien
Rester révérencieux

Je voudrais pas mourir
Sans qu'on ait inventé
Les roses éternelles
La journée de deux heures
La mer à la montagne
La montagne à la mer
La fin de la douleur
Les journaux en couleur

Tous les enfants contents
Et tant de trucs encore
Qui dorment dans les crânes
Des géniaux ingénieurs
Des jardiniers joviaux
Des soucieux socialistes
Des urbains urbanistes
Et des pensifs penseurs
Tant de choses à voir
A voir z et à entendre
Tant de temps à attendre
A chercher dans le noir

Et moi je vois la fin
Qui grouille et qui s'amène
Avec sa gueule moche
Et qui m'ouvre ses bras
De grenouille bancroche

Je voudrais pas crever
Non monsieur non madame
Avant d'avoir tâté
Le goût qui me tourmente
Le goût qu'est le plus fort
Je voudrais pas crever
Avant d'avoir goûté
La saveur de la mort...


Et puis Aragon...

Les yeux d'Elsa

Tes yeux sont si profonds qu'en me penchant pour boire
J'ai vu tous les soleils y venir se mirer
S'y jeter à mourir tous les désespérés
Tes yeux sont si profonds que j'y perds la mémoire
À l'ombre des oiseaux c'est l'océan troublé
Puis le beau temps soudain se lève et tes yeux changent
L'été taille la nue au tablier des anges
Le ciel n'est jamais bleu comme il l'est sur les blés
Les vents chassent en vain les chagrins de l'azur
Tes yeux plus clairs que lui lorsqu'une larme y luit
Tes yeux rendent jaloux le ciel d'après la pluie
Le verre n'est jamais si bleu qu'à sa brisure
Mère des Sept douleurs ô lumière mouillée
Sept glaives ont percé le prisme des couleurs
Le jour est plus poignant qui point entre les pleurs
L'iris troué de noir plus bleu d'être endeuillé
Tes yeux dans le malheur ouvrent la double brèche
Par où se reproduit le miracle des Rois
Lorsque le coeur battant ils virent tous les trois
Le manteau de Marie accroché dans la crèche
Une bouche suffit au mois de Mai des mots
Pour toutes les chansons et pour tous les hélas
Trop peu d'un firmament pour des millions d'astres
Il leur fallait tes yeux et leurs secrets gémeaux
L'enfant accaparé par les belles images
Écarquille les siens moins démesurément
Quand tu fais les grands yeux je ne sais si tu mens
On dirait que l'averse ouvre des fleurs sauvages
Cachent-ils des éclairs dans cette lavande où
Des insectes défont leurs amours violentes
Je suis pris au filet des étoiles filantes
Comme un marin qui meurt en mer en plein mois d'août
J'ai retiré ce radium de la pechblende
Et j'ai brûlé mes doigts à ce feu défendu
Ô paradis cent fois retrouvé reperdu
Tes yeux sont mon Pérou ma Golconde mes Indes
Il advint qu'un beau soir l'univers se brisa
Sur des récifs que les naufrageurs enflammèrent
Moi je voyais briller au-dessus de la mer
Les yeux d'Elsa les yeux d'Elsa les yeux d'Elsa
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Rosalind
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MessageSujet: Re: Poèmes, poésie : partageons nos poèmes préférés...   poemes - Poèmes, poésie : partageons nos poèmes préférés... - Page 7 Icon_minitimeDim 8 Nov 2009 - 23:55

Vous avez déjà cité la plupart de mes poèmes préférés sunny (Heureux qui comme Ulysse, Recueillement, le Pont Mirabeau, et tout Cyrano ! poemes - Poèmes, poésie : partageons nos poèmes préférés... - Page 7 150390

Je voudrais vous faire partager ce poème de Marie Noël que j'aime beaucoup : Chanson

Quand il est entré dans mon logis clos,
J’ourlais un drap lourd près de la fenêtre,
L’hiver dans les doigts, l’ombre sur le dos…
Sais-je depuis quand j’étais là sans être ?
Et je cousais, je cousais, je cousais…
-Mon cœur, qu’est-ce que tu faisais ?
Il m’a demandé des outils à nous.
Mes pieds ont couru, si vifs, dans la salle,
Qu’ils semblaient, -si gais, si légers, si doux,-
Deux petits oiseaux caressant la dalle
De-ci, de-là, j’allais, j’allais, j’allais…
-mon cœur, qu’est-ce que tu voulais ?
Il m’a demandé du beurre, du pain,
-ma main en l’ouvrant caressait la huche-
Du cidre nouveau, j’allais et ma main
Caressait les bols, la table, la cruche.
Deux fois, dix fois, vingt fois je les touchais…
-Mon cœur, qu’est-ce que tu cherchais ?
Il m’a fait sur tout trente-six pourquoi.
J’ai parlé de tout, des poules, des chèvres,
Du froid, du chaud, des gens, et ma voix
En sortant de moi caressait mes lèvres…
Et je causais, je causais, je causais…
-Mon cœur, qu’est-ce que tu disais ?
Quand il est parti, pour finir l’ourlet
Que j’avais laissé, je me suis assise…
L’aiguille chantait, l’aiguille volait,
Mes doigts caressaient notre toile bise…
Et je cousais, je cousais, je cousais…
-mon cœur, qu’est-ce que tu faisais ?


Et L'albatros de Baudelaire

Souvent, pour s'amuser, les hommes d'équipage
Prennent des albatros, vastes oiseaux des mers,
Qui suivent, indolents compagnons de voyage,
Le navire glissant sur les gouffres amers.

A peine les ont-ils déposés sur les planches,
Que ces rois de l'azur, maladroits et honteux,
Laissent piteusement leurs grandes ailes blanches
Comme des avirons traîner à côté d'eux.

Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule !
Lui, naguère si beau, qu'il est comique et laid !
L'un agace son bec avec un brûle-gueule,
L'autre mime, en boitant, l'infirme qui volait !

Le Poète est semblable au prince des nuées
Qui hante la tempête et se rit de l'archer
Exilé sur le sol au milieu des huées,
Ses ailes de géant l'empêchent de marcher.



La rose et le réséda
d'Aragon


Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas

Tous deux adoraient la belle
Prisonnière des soldats
Lequel montait à l'échelle
Et lequel guettait en bas

Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas

Qu'importe comment s'appelle
Cette clarté sur leur pas
Que l'un fut de la chapelle
Et l'autre s'y dérobât

Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas

Tous les deux étaient fidèles
Des lèvres du coeur des bras
Et tous les deux disaient qu'elle
Vive et qui vivra verra

Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas

Quand les blés sont sous la grêle
Fou qui fait le délicat
Fou qui songe à ses querelles
Au coeur du commun combat

Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas

Du haut de la citadelle
La sentinelle tira
Par deux fois et l'un chancelle
L'autre tombe qui mourra

Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas



Et Ma bohème d'Arthur Rimbaud

Je m'en allais, les poings dans mes poches crevées;
Mon paletot soudain devenait idéal;
J'allais sous le ciel, Muse, et j'étais ton féal;
Oh! là là! que d'amours splendides j'ai rêvées!

Mon unique culotte avait un large trou.
Petit-Poucet rêveur, j'égrenais dans ma course
Des rimes. Mon auberge était à la Grande-Ourse.
Mes étoiles au ciel avaient un doux frou-frou

Et je les écoutais, assis au bord des routes,
Ces bons soirs de septembre où je sentais des gouttes
De rosée à mon front, comme un vin de vigueur;

Où, rimant au milieu des ombres fantastiques,
Comme des lyres, je tirais les élastiques
De mes souliers blessés, un pied près de mon coeur!
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Rosalind
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MessageSujet: Re: Poèmes, poésie : partageons nos poèmes préférés...   poemes - Poèmes, poésie : partageons nos poèmes préférés... - Page 7 Icon_minitimeLun 9 Nov 2009 - 23:41

Connaissez-vous ce poème de Robert Frost : Stopping by Woods on a Snowy Evening

Whose woods these are I think I know.
His house is in the village though;
He will not see me stopping here
To watch his woods fill up with snow.

My little horse must think it queer
To stop without a farmhouse near
Between the woods and frozen lake
The darkest evening of the year.

He gives his harness bells a shake
To ask if there is some mistake.
The only other sound's the sweep
Of easy wind and downy flake.

The woods are lovely, dark and deep.
But I have promises to keep,
And miles to go before I sleep,
And miles to go before I sleep.


En voici la traduction en français par Jean Prévost :

Halte par les bois une après-midi de neige

A qui sont ces bois, je dois le savoir ;
Il a sa maison au village.
Et si je m’arrête, il ne peut me voir
Guetter ses bois qu’emplit la neige.

Mon petit cheval est tout étonné
De cette halte inhabitée,
Entre les forêts et l’étang gelé,
Le plus sombre jour de l’année.

Il fait tinter les grelots du harnais
Pour m’avertir de ma méprise.
C’est le seul bruit, avec celui que fait
Le flocon de neige et la brise.

Ce bois me plaît ; il est profond et sombre,
Mais j’ai promis, il faut tenir.
Avant d’aller dormir, ma route est longue,
Bien longue, avant d’aller dormir.
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L_Alex
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MessageSujet: Re: Poèmes, poésie : partageons nos poèmes préférés...   poemes - Poèmes, poésie : partageons nos poèmes préférés... - Page 7 Icon_minitimeMar 10 Nov 2009 - 13:11

La poésie c'est magique, toutes sortes de poésie, en vers en prose ... J'aime beaucoup Eluard, Neruda, J. Salomé, Verlaine etc ...
J'ai parcouru les quelques pages, et j'ai découvert des choses magnifiques!

Un poème qui me tient particulièrement à coeur est un poème de Jacques Prévert

Citation :
JE SUIS COMME JE SUIS


Je suis comme je suis
Je suis faite comme ça
Quand j’ai envie de rire
Oui je ris aux éclats
J’aime celui qui m'aime
Est-ce ma faute à moi
Si ce n’est pas le même
Que j’aime chaque fois
Je suis comme je suis
Je suis faite comme ça
Que voulez-vous de plus
Que voulez-vous de moi

Je suis faite pour plaire
Et n’y puis rien changer
Mes talons sont trop hauts
Ma taille trop cambrée
Mes seins beaucoup trop durs
Et mes yeux trop cernés
Et puis après
Qu’est-ce que ça peut vous faire
Je suis comme je suis
Je plais à qui je plais
Qu’est-ce que ça peut vous faire

Ce qui m’est arrivé
Oui j’ai aimé quelqu’un
Oui quelqu’un m’a aimé
Comme les enfants qui s’aiment
Simplement savent aimer
Aimer aimer...
Pourquoi me questionner
Je suis là pour vous plaire
Et n’y puis rien changer.


et aussi

Citation :
CET AMOUR



Cet amour
Si violent
Si fragile
Si tendre
Si désespéré
Cet amour
Beau comme le jour
Et mauvais comme le temps
Quand le temps est mauvais
Cet amour si vrai
Cet amour si beau
Si heureux
Si joyeux
Et si dérisoire
Tremblant de peur comme un enfant dans le noir
Et si sûr de lui
Comme un homme tranquille au millieu de la nuit
Cet amour qu faisait peur aux autres
Qui les faisait parler
Qui les faisait blêmir
Cet amour guetté
Parce que nous le guettions
Traqué blessé piétiné achevé nié oublié
Parce que nous l’avons traqué blessé piétiné achevé nié oublié
Cet amour tout entier
Si vivant encore
Et tout ensoleillé
C’est le tien
C’est le mien
Celui qui a été
Cette chose toujours nouvelle
Et qui n’a pas changé
Aussi vrai qu’une plante
Aussi tremblante qu’un oiseau
Aussi chaude aussi vivant que l’été
Nous pouvons tous les deux
Aller et revenir
Nous pouvons oublier
Et puis nous rendormir
Nous réveiller souffrir vieillir
Nous endormir encore
Rêver à la mort,
Nous éveiller sourire et rire
Et rajeunir
Notre amour reste là
Têtu comme une bourrique
Vivant comme le désir
Cruel comme la mémoire
Bête comme les regrets
Tendre comme le souvenir
Froid comme le marble
Beau comme le jour
Fragile comme un enfant
Il nous regarde en souriant
Et il nous parle sans rien dire
Et moi je l’écoute en tremblant
Et je crie
Je crie pour toi
Je crie pour moi
Je te supplie
Pour toi pour moi et pour tous ceux qui s’aiment
Et qui se sont aimés
Oui je lui crie
Pour toi pour moi et pour tous les autres
Que je ne connais pas
Reste là
Lá où tu es
Lá où tu étais autrefois
Reste là
Ne bouge pas
Ne t’en va pas
Nous qui sommes aimés
Nous t’avons oublié
Toi ne nous oublie pas
Nous n’avions que toi sur la terre
Ne nous laisse pas devenir froids
Beaucoup plus loin toujours
Et n’importe où
Donne-nous signe de vie
Beaucoup plus tard au coin d’un bois
Dans la forêt de la mémoire
Surgis soudain
Tends-nous la main
Et sauve-nous.
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MessageSujet: Re: Poèmes, poésie : partageons nos poèmes préférés...   poemes - Poèmes, poésie : partageons nos poèmes préférés... - Page 7 Icon_minitimeMar 10 Nov 2009 - 16:59

J'aime beaucoup le second poème sunny

Un autre de mes poèmes préférés est de Blaise Cendrars.
C'est La prose du Transsibérien et de la petite Jehanne de France poemes - Poèmes, poésie : partageons nos poèmes préférés... - Page 7 150390

En voici quelques extraits

En ce temps-là, j'étais en mon adolescence
J'avais à peine seize ans et je ne me souvenais déjà plus de mon enfance
J'étais à 16.000 lieues du lieu de ma naissance
J'étais à Moscou dans la ville des mille et trois clochers et des sept gares
Et je n'avais pas assez des sept gares et des mille et trois tours
Car mon adolescence était si ardente et si folle
Que mon cœur tour à tour brûlait comme le temple d'Ephèse ou comme la Place Rouge de Moscou quand le soleil se couche.



Et voici mon berceau
Mon berceau
Il était toujours près du piano quand ma mère comme madame Bovary jouait les sonates de Beethoven
J'ai passé mon enfance dans les jardins suspendus de Babylone
Et l'école buissonnière dans les gares, devant les trains en partance
Maintenant, j'ai fait courir tous les trains derrière moi
Bâle-Tombouctou
J'ai aussi joué aux courses à Auteuil et à Longchamp
Paris New York
Maintenant j'ai fait courir tous les trains tout le long de ma vie
Madrid-Stokholm
Et j'ai perdu tous mes paris
Il n'y a plus que la Patagonie, la Patagonie qui convienne à mon immense tristesse, la Patagonie, et un voyage dans les mers du Sud





"Blaise, dis, sommes-nous bien loin de Montmartre ?"
Nous sommes loin, Jeanne, tu roules depuis sept jours
Tu es loin de Montmartre, de la Butte qui t'a nourrie, du Sacré Cœur contre lequel tu t'es blottie
Paris a disparu et son énorme flambée
Il n'y a plus que les cendres continues
La pluie qui tombe
La tourbe qui se gonfle
La Sibérie qui tourne
Les lourdes nappes de neige qui remontent
Et le grelot de la folie qui grelotte comme un dernier désir dans l'air bleui
Le train palpite au cœur des horizons plombés
Et ton chagrin ricane...



Si vous aimez, voici le texte intégral :

Spoiler:
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MessageSujet: Re: Poèmes, poésie : partageons nos poèmes préférés...   poemes - Poèmes, poésie : partageons nos poèmes préférés... - Page 7 Icon_minitimeLun 7 Déc 2009 - 23:19

Parce que Baudelaire est celui qui me touche le plus, qui exprime le mieux des sentiments et sensations inexprimables... et parce que j'adore ce poète! Smile

Citation :
Les phares, de Baudelaire

Rubens, fleuve d'oubli, jardin de la paresse,
Oreiller de chair fraîche où l'on ne peut aimer,
Mais où la vie afflue et s'agite sans cesse,
Comme l'air dans le ciel et la mer dans la mer;

Léonard de Vinci, miroir profond et sombre,
Où des anges charmants, avec un doux souris
Tout chargé de mystère, apparaissent à l'ombre
Des glaciers et des pins qui ferment leur pays;

Rembrandt, triste hôpital tout rempli de murmures,
Et d'un grand crucifix décoré seulement,
Où la prière en pleurs s'exhale des ordures,
Et d'un rayon d'hiver traversé brusquement ;

Michel-Ange, lieu vague où l'on voit des Hercules
Se mêler à des Christs, et se lever tout droits
Des fantômes puissants qui dans les crépuscules
Déchirent leur suaire en étirant leurs doigts ;

Colères de boxeur, impudences de faune,
Toi qui sus ramasser la beauté des goujats,
Grand cœur gonflé d'orgueil, homme débile et jaune,
Puget, mélancolique empereur des forçats ;

Watteau, ce carnaval où bien des cœurs illustres
Comme des papillons, errent en flamboyant,
Décors frais et légers éclairés par des lustres
Qui versent la folie à ce bal tournoyant ;

Goya, cauchemar plein de choses inconnues,
De foetus qu'on fait cuire au milieu des sabbats,
De vieilles au miroir et d'enfants toutes nues,
Pour tenter les démons ajustant bien leurs bas ;

Delacroix, lac de sang hanté des mauvais anges,
Ombragé par un bois de sapins toujours vert,
Où, sous un ciel chagrin, des fanfares étranges
Passent, comme un soupir étouffé de Weber ;

Ces malédictions, ces blasphèmes, ces plaintes,
Ces extases, ces cris, ces pleurs, ces Te Deum,
Sont un écho redit par mille labyrinthes ;
C'est pour les cœurs mortels un divin opium !

C'est un cri répété par mille sentinelles,
Un ordre renvoyé par mille porte-voix ;
C'est un phare allumé sur mille citadelles,
Un appel de chasseurs perdus dans les grands bois !

Car c'est vraiment, Seigneur, le meilleur témoignage
Que nous puissions donner de notre dignité
Que cet ardent sanglot qui roule d'âge en âge
Et vient mourir au bord de votre éternité !

Brrrr, les trois dernières strophes me donnent des frissons dans le dos! drunken
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MD
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MessageSujet: Re: Poèmes, poésie : partageons nos poèmes préférés...   poemes - Poèmes, poésie : partageons nos poèmes préférés... - Page 7 Icon_minitimeJeu 4 Fév 2010 - 11:43

J'ai un faible pour Le Lac de Lamartine (déjà cité).
Et pour ces deux là.

Ophélie - Arthur Rimbaud
Citation :
I

Sur l'onde calme et noire où dorment les étoiles
La blanche Ophélia flotte comme un grand lys,
Flotte très lentement, couchée en ses longs voiles...
- On entend dans les bois lointains des hallalis.

Voici plus de mille ans que la triste Ophélie
Passe, fantôme blanc, sur le long fleuve noir,
Voici plus de mille ans que sa douce folie
Murmure sa romance à la brise du soir.

Le vent baise ses seins et déploie en corolle
Ses grands voiles bercés mollement par les eaux ;
Les saules frissonnants pleurent sur son épaule,
Sur son grand front rêveur s'inclinent les roseaux.

Les nénuphars froissés soupirent autour d'elle ;
Elle éveille parfois, dans un aune qui dort,
Quelque nid, d'où s'échappe un petit frisson d'aile :
- Un chant mystérieux tombe des astres d'or.

II

O pâle Ophélia ! belle comme la neige !
Oui tu mourus, enfant, par un fleuve emporté !
C'est que les vents tombant des grand monts de Norwège
T'avaient parlé tout bas de l'âpre liberté ;

C'est qu'un souffle, tordant ta grande chevelure,
A ton esprit rêveur portait d'étranges bruits ;
Que ton coeur écoutait le chant de la Nature
Dans les plaintes de l'arbre et les soupirs des nuits ;

C'est que la voix des mers folles, immense râle,
Brisait ton sein d'enfant, trop humain et trop doux ;
C'est qu'un matin d'avril, un beau cavalier pâle,
Un pauvre fou, s'assit muet à tes genoux !

Ciel ! Amour ! Liberté ! Quel rêve, ô pauvre Folle !
Tu te fondais à lui comme une neige au feu :
Tes grandes visions étranglaient ta parole
- Et l'Infini terrible effara ton œil bleu !

III

- Et le Poète dit qu'aux rayons des étoiles
Tu viens chercher, la nuit, les fleurs que tu cueillis ;
Et qu'il a vu sur l'eau, couchée en ses longs voiles,
La blanche Ophélia flotter, comme un grand lys.


Et : Cors de Chasse de Guillaume Apollinaire
Citation :
Notre histoire est noble et tragique
Comme le masque d'un tyran
Nul drame hasardeux ou magique
Aucun détail indifférent
Ne rend notre amour pathétique

Et Thomas de Quincey buvant
L'opium poison doux et chaste
À sa pauvre Anne allait rêvant
Passons passons puisque tout passe
Je me retournerai souvent

Les souvenirs sont cors de chasse
Dont meurt le bruit parmi le vent
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Dulcie
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MessageSujet: Re: Poèmes, poésie : partageons nos poèmes préférés...   poemes - Poèmes, poésie : partageons nos poèmes préférés... - Page 7 Icon_minitimeJeu 4 Fév 2010 - 13:31

J'ai passé un bon moment à (re)découvrir tous ces excellents poèmes. Very Happy
Certains m'ont rappelé des souvenirs (même si pas toujours très heureux). Razz

J'aime moi aussi beaucoup Le lac de Lamartine, plusieurs de Baudelaire ou d'Apollinaire cités ici, puis d'autres... De Musset, j'ai une préférence pour La nuit de mai, surtout pour le célèbre passage du pélican.

*********************

De Baudelaire, j'aime beaucoup celui-ci :

La Musique

La musique souvent me prend comme une mer !
Vers ma pâle étoile,
Sous un plafond de brume ou dans un vaste éther,
Je mets à la voile;

La poitrine en avant et les poumons gonflés
Comme de la toile
J'escalade le dos des flots amoncelés
Que la nuit me voile ;

Je sens vibrer en moi toutes les passions
D'un vaisseau qui souffre ;
Le bon vent, la tempête et ses convulsions

Sur l'immense gouffre
Me bercent. D'autres fois, calme plat, grand miroir
De mon désespoir !


******************

Un de Stéphane Mallarmé : (Je n'ai jamais totalement compris sa signification, mais l'ai néanmoins toujours trouvé superbe).

Le vierge, le vivace et le bel aujourd'hui
Va-t-il nous déchirer avec un coup d'aile ivre
Ce lac dur oublié que hante sous le givre
Le transparent glacier des vols qui n'ont pas fui !

Un cygne d'autrefois se souvient que c'est lui
Magnifique mais qui sans espoir se délivre
Pour n'avoir pas chanté la région où vivre
Quand du stérile hiver a resplendi l'ennui.

Tout son col secouera cette blanche agonie
Par l'espace infligée à l'oiseau qui le nie,
Mais non l'horreur du sol où le plumage est pris.

Fantôme qu'à ce lieu son pur éclat assigne,
Il s'immobilise au songe froid de mépris
Que vêt parmi l'exil inutile le Cygne.
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MessageSujet: Re: Poèmes, poésie : partageons nos poèmes préférés...   poemes - Poèmes, poésie : partageons nos poèmes préférés... - Page 7 Icon_minitimeJeu 4 Fév 2010 - 18:32

Ce topic est très beau Smile merci merci merci pour tous ces beaux poèmes à découvrir ou à redécouvrir

Dulcie a écrit:
Un de Stéphane Mallarmé : (Je n'ai jamais totalement compris sa signification, mais l'ai néanmoins toujours trouvé superbe).

c'est vrai que ce poème est magnifique,
je me demande si tu seras du même avis que moi si je dis que ce qui est beau chez Mallarmé c'est que son écriture est si évocatrice qu'elle laisse notre imagination libre à défaut de notre compréhension, et la fait dériver dans des endroits inattendus. Cela n'a pas toujours un sens évident mais ce n'est pas le but, c'est le sens de l'émotion du lecteur qui compte.

C'est peut être ce que l'on ressent à la lecture de toute poésie, mais je le ressens tout particulièrement chez Mallarmé et René Char qui sont des magiciens dans le choix des mots:

Citation :
Brise marine (Stéphane Mallarmé)
La chair est triste, hélas! et j'ai lu tous les livres.
Fuir! là-bas fuir! Je sens que des oiseaux sont ivres
D'être parmi l'écume inconnue et les cieux !
Rien, ni les vieux jardins reflétés par les yeux
Ne retiendra ce coeur qui dans la mer se trempe
O nuits! ni la clarté déserte de ma lampe
Sur le vide papier que la blancheur défend
Et ni la jeune femme allaitant son enfant.
Je partirai! Steamer balançant ta mâture,
Lève l'ancre pour une exotique nature !
Un Ennui, désolé par les cruels espoirs,
Croit encore à l'adieu suprême des mouchoirs !
Et, peut-être, les mâts, invitant les orages
Sont-ils de ceux qu'un vent penche sur les naufrages
Perdus, sans mâts, sans mâts ni fertiles îlots...
Mais, ô mon coeur, entends le chant des matelots !


Citation :
J'habite une douleur (René Char)
Ne laisse pas le soin de gouverner ton coeur à ces tendresses parentes de l'automne auquel elles empruntent sa placide allure et son affable agonie.
L'oeil est précoce à se plisser.
La souffrance connaît peu de mots.
Préfère te coucher sans fardeau; tu rêveras du lendemain et ton lit te sera léger.
Tu rêveras que ta maison n'a plus de vitres. Tu es impatient de t'unir au vent, au vent qui parcourt une année en une nuit.
D'autres chanteront l'incorporation mélodieuse, les chairs qui ne personnifient plus que la sorcellerie du sablier.
Tu condamneras la gratitude qui se répète.
Plus tard on t'identifieras à quelque géant désagrégé, seigneur de l'impossible.
Pourtant.

Tu n'as fait qu'augmenter le poids de ta nuit.
Tu es retourné à la pêche aux murailles, à la canicule sans été.
Tu es furieux contre ton amour au centre d'une entente qui s'affole.
Songe à la maison parfaite que tu ne verras jamais monter.
A quand la récolte de l'abîme?
Mais tu as crevé les yeux du lion.
Tu crois voir passer la beauté au-dessus des lavandes noires...
Qu'est ce qu'y t'a hissé une fois encore, un peu plus haut, sans te convaincre?
Il n'y a pas de siège pur.


Dernière édition par Eulalie 12 le Sam 6 Fév 2010 - 16:48, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Poèmes, poésie : partageons nos poèmes préférés...   poemes - Poèmes, poésie : partageons nos poèmes préférés... - Page 7 Icon_minitimeJeu 4 Fév 2010 - 19:09

Eulalie 12 a écrit:
je me demande si tu seras du même avis que moi si je dis que ce qui est beau chez Mallarmé c'est que son écriture est si évocatrice qu'elle laisse notre imagination libre à défaut de notre compréhension, et l'a fait dériver dans des endroits inattendus. Cela n'a pas toujours un sens évident mais ce n'est pas le but, c'est le sens de l'émotion du lecteur qui compte.

Je ne suis pas assez familière de la poésie de Mallarmé, mais je suis plutôt d'accord avec ce que tu dis si on l'élargit à la poésie entière. Enfin ce que tu dis sur Mallarmé me paraît très juste quand même. Smile

Par ailleurs, je me rends compte que j'aime beaucoup mieux la poésie, que je suis davantage prête à l'apprécier, à en profiter, maintenant qu'elle n'est plus engluée (pour moi) dans le carcan scolaire. Surprised
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MessageSujet: Re: Poèmes, poésie : partageons nos poèmes préférés...   poemes - Poèmes, poésie : partageons nos poèmes préférés... - Page 7 Icon_minitimeVen 5 Fév 2010 - 0:19

Dulcie a écrit:
Par ailleurs, je me rends compte que j'aime beaucoup mieux la poésie, que je suis davantage prête à l'apprécier, à en profiter, maintenant qu'elle n'est plus engluée (pour moi) dans le carcan scolaire. Surprised

tellement vrai poemes - Poèmes, poésie : partageons nos poèmes préférés... - Page 7 999779
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MessageSujet: Re: Poèmes, poésie : partageons nos poèmes préférés...   poemes - Poèmes, poésie : partageons nos poèmes préférés... - Page 7 Icon_minitimeSam 6 Fév 2010 - 15:11

Eulalie 12 a écrit:
c'est le sens de l'émotion du lecteur qui compte.
C'est peut être ce que l'on ressent à la lecture de toute poésie, mais je le ressens tout particulièrement chez Mallarmé et René Char qui sont des magiciens dans le choix des mots

Tu as cité le poème de Mallarmé que je préfères... drunken Ô mon coeur, entends le chant des matelots! Je connais moins René Char (à découvrir donc!)
C'est en effet un véritable magicien des mots, qui laisse l'imagination s'envoler. poemes - Poèmes, poésie : partageons nos poèmes préférés... - Page 7 999779

J'ai redécouvert la poésie (hors scolaire, qui donne un bon apercu mais reste pour moi trop associée aux récitations, malgré quelques bons souvenirs) grâce à un livre offert par ma grand-mère: l'anthologie de la poésie française, de Georges Pompidou!
Il y avait pourtant plusieurs recueils de poésie à la maison, mais je n'avais jamais accroché comme avec cette anthologie.
Elle couvre les poètes français du XVe au XXe, et le choix de poèmes est très beau! En tous cas, il me parle beaucoup. Et comme l'apercu est très large, cela donne envie d'aller plus loin et de se pencher sur les poètes et leurs oeuvres.
En tout cas, ça a très bien marché pour moi, mon anthologie est toute écornée et gribouillée! Et j'ai depuis acheté de "vrais" recueils de poésie! study
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MessageSujet: Re: Poèmes, poésie : partageons nos poèmes préférés...   poemes - Poèmes, poésie : partageons nos poèmes préférés... - Page 7 Icon_minitimeSam 6 Fév 2010 - 16:47

oh oui l'anthologie de Monsieur Pompidou est très belle, je l'aime énormément aussi.
J'en ai trouvé une du Reader Digest chez un bouquiniste, un énorme bouquin avec des tonnes d'illustrations et je dois dire qu'elle est assez mauvaise..

Par contre est ce que quelqu'un connait celle de Jean d'Ormesson "et toi mon coeur pourquoi bats-tu?" (il a repris un vers d'Apollinaire comme titre), l'anthologie rassemble beaucoup de poèmes et aussi des extraits de prose ou de chanson, je la trouve sublime.
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Accalia
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MessageSujet: Re: Poèmes, poésie : partageons nos poèmes préférés...   poemes - Poèmes, poésie : partageons nos poèmes préférés... - Page 7 Icon_minitimeDim 7 Fév 2010 - 14:43

A celle qui est trop gaie
Citation :

Ta tête, ton geste, ton air
Sont beaux comme un beau paysage ;
Le rire joue en ton visage
Comme un vent frais dans un ciel clair.

Le passant chagrin que tu frôles
Est ébloui par la santé
Qui jaillit comme une clarté
De tes bras et de tes épaules.

Les retentissantes couleurs
Dont tu parsèmes tes toilettes
Jettent dans l'esprit des poètes
L'image d'un ballet de fleurs.

Ces robes folles sont l'emblème
De ton esprit bariolé ;
Folle dont je suis affolé,
Je te hais autant que je t'aime !

Quelquefois dans un beau jardin
Où je traînais mon atonie,
J'ai senti, comme une ironie,
Le soleil déchirer mon sein ;

Et le printemps et la verdure
Ont tant humilié mon coeur,
Que j'ai puni sur une fleur
L'insolence de la Nature.

Ainsi je voudrais, une nuit,
Quand l'heure des voluptés sonne,
Vers les trésors de ta personne,
Comme un lâche, ramper sans bruit,

Pour châtier ta chair joyeuse,
Pour meurtrir ton sein pardonné,
Et faire à ton flanc étonné
Une blessure large et creuse,

Et, vertigineuse douceur !
A travers ces lèvres nouvelles,
Plus éclatantes et plus belles,
T'infuser mon venin, ma soeur !

Je viens de le découvrir et j'en suis toute: Shocked Shocked Rolling Eyes silent Embarassed Embarassed Razz I love you sunny poemes - Poèmes, poésie : partageons nos poèmes préférés... - Page 7 150390 poemes - Poèmes, poésie : partageons nos poèmes préférés... - Page 7 41810 poemes - Poèmes, poésie : partageons nos poèmes préférés... - Page 7 553975 toute retournée enfin... J'ai rarement lu un poème aussi fort et aussi direct.
Il faisait parti des pièces condamnées, à cause de son aspect légèrement pornographique et surtout parce que pour le jury le "venin" de la dernière phrase c'était la syphilis...Je crois que Baudelaire avait autre chose, de certes plus innocent et plus banal en tête. Rolling Eyes
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esperluette
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MessageSujet: Re: Poèmes, poésie : partageons nos poèmes préférés...   poemes - Poèmes, poésie : partageons nos poèmes préférés... - Page 7 Icon_minitimeSam 25 Sep 2010 - 16:58

Je devais lire Le spleen de Paris pour les cours cette année, je dois avouer que ce recueil ne m'attirait pas trop (d'une part parce que j'ai un peu de mal avec la poésie, enfin parfois je suis très émue par un poème mais la plupart du temps je ne prends pas le temps de savourer vraiment ce genre, et puis le fait que ce soient des poèmes en prose me rebutait un peu...) Et finalement je me suis laissé séduire et j'ai beaucoup aimé.
(J'ai hésité à ouvrir un topic à Baudelaire mais comme il y avait ce sujet sur la poésie... scratch )

Baudelaire ne parle pas tellement de Paris ici, mais un peu de tout, des pauvres (il oscille entre symphatie sincère et cynisme), des femmes (avec un certain mépris pour les jeunes, et avec tendresse pour les vieilles), du voyage...

Déjà
Cent fois déjà le soleil avait jailli, radieux ou attristé, de cette cuve immense de la mer dont les bords ne se laissent qu'à peine apercevoir ; cent fois il s'était replongé, étincelant ou morose, dans son immense bain du soir Depuis nombre de jours, nous pouvions contempler l'autre côté du firmament et déchiffrer l'alphabet céleste des antipodes. Et chacun des passagers gémissait et grognait. On eût dit que l'approche de la terre exaspérait leur souffrance." Quand donc ", disaient-ils, " cesserons-nous de dormir un sommeil secoué par la lame, troublé par un vent qui ronfle plus haut que nous ? quand pourrons-nous manger de la viande qui ne soit pas salée comme l'élément infâme qui nous porte ? quand pourrons-nous digérer dans un fauteuil immobile ? "
Il y en avait qui pensaient à leur foyer, qui regrettaient leurs femmes infidèles et maussades, et leur progéniture criarde. Tous étaient si affolés par l'image de la terre absente, qu'ils auraient, je crois, mangé de l'herbe avec plus d'enthousiasme que les bêtes.
Enfin un rivage fut signalé; et nous vîmes, en approchant, que c'était une terre magnifique, éblouissante. Il semblait que les musiques de la vie s'en détachaient en un vague murmure, et que de ces côtes, riches en verdures de toute sorte, s'exhalait, jusqu'à plusieurs lieues, une délicieuse odeur de fleurs et de fruits.
Aussitôt chacun fut joyeux, chacun abdiqua sa mauvaise humeur. Toutes les querelles furent oubliées, tous les torts réciproques pardonnés ; les duels convenus furent rayés de la mémoire, et les rancunes s'envolèrent comme des fumées.
Moi seul j'étais triste, inconcevablement triste. Semblable à un prêtre à qui on arracherait sa divinité, je ne pouvais, sans une navrante amertume, me détacher de cette mer si infiniment variée dans son effrayante simplicité, et qui semble contenir en elle et représenter par ses jeux, ses allures, ses colères et ses sourires, les humeurs, les agonies et les extases de toutes les âmes qui ont vécu, qui vivent et qui vivront!
En disant adieu à cette incomparable beauté, je me sentais abattu jusqu'à la mort ; et c'est pourquoi, quand chacun de mes compagnons dit : "Enfin!" je ne pus crier que : "Déjà!"
Cependant c'était la terre, la terre avec ses bruits, ses passions, ses commodités, ses fêtes ; c'était une terre riche et magnifique, pleine de promesses, qui nous envoyait un mystérieux parfum de rose et de musc, et d'où les musiques de la vie nous arrivaient en un amoureux murmure.


Les yeux des pauvres
Ah ! vous voulez savoir pourquoi je vous hais aujourd'hui. Il vous sera sans doute moins facile de le comprendre qu'à moi de vous l'expliquer ; car vous êtes, je crois, le plus bel exemple d'imperméabilité féminine qui se puisse rencontrer.
Nous avions passé ensemble une longue journée qui m'avait paru courte. Nous nous étions bien promis que toutes nos pensées nous seraient communes à l'un et à l'autre, et que nos deux âmes désormais n'en feraient plus qu'une ; - un rêve qui n'a rien d'original, après tout, si ce n'est que, rêvé par tous les hommes, il n'a été réalisé par aucun.
Le soir, un peu fatiguée, vous voulûtes vous asseoir devant un café neuf qui formait le coin d'un boulevard neuf, encore tout plein de gravois et montrant déjà glorieusement ses splendeurs inachevées. Le café étincelait. Le gaz, lui-même, y déployait toute l'ardeur d'un début, et éclairait de toutes ses forces les murs aveuglants de blancheur, les nappes éblouissantes des miroirs, les ors des baguettes et des corniches, les pages aux joues rebondies traînés par des chiens en laisse, les dames riant au faucon perché sur leur poing, les nymphes et les déesses portant sur leur tête des fruits, des pâtés et du gibier, les Hébés et les Ganymèdes présentant à bras tendu la petite amphore à bavaroises ou l'obélisque bicolore des glaces panachées ; toute l'histoire et toute la mythologie mises au service de la goinfrerie.
Droit devant nous, sur la chaussée, était planté un brave homme d'une quarantaine d'années, au visage fatigué, à la barbe grisonnante, tenant d'une main un petit garçon et portant sur l'autre bras un petit être trop faible pour marcher. Il remplissait l'office de bonne et faisait prendre à ses enfants l'air du soir. Tous en guenilles. Ces trois visages étaient extraordinairement sérieux, et ces six yeux contemplaient fixement le café nouveau avec une admiration égale, mais nuancée diversement par l'âge.
Les yeux du père disaient : " Que c'est beau ! que c'est beau ! on dirait que tout l'or du pauvre monde est venu se porter sur ces murs. " - Les yeux du petit garçon : " Que c'est beau ! que c'est beau ! mais c'est une maison où peuvent seuls entrer les gens qui ne sont pas comme nous. " Quant aux yeux du plus petit, ils étaient trop fascinés pour exprimer autre chose qu'une joie stupide et profonde.
Les chansonniers disent que le plaisir rend l'âme bonne et amollit le coeur. La chanson avait raison ce soir-là, relativement à moi. Non seulement j'étais attendri par cette famille d'yeux, mais je me sentais honteux de nos verres et de nos carafes, plus grands que notre soif. Je tournais mes regards vers les vôtres, cher amour, pour y lire ma pensée plongeais dans vos yeux si beaux et si bizarrement doux, dans vos yeux verts habités par le caprice et inspirés par la Lune, quand vous me dîtes : " Ces gens me sont insupportables avec les yeux ouverts comme des portes cochères ! Ne pourriez-vous pas prier le maître du café de les éloigner d'ici ? "
Tant il est difficile de s'entendre, mon cher ange, et tant la pensée est incommunicable, même entre gens qui s'aiment !


Bref ça m'a convaincue de lire plus de poésie (et puis c'est un de mes objets d'études cette année^^), du coup je me lance dans un recueil de Valéry prêté par une amie qui adore... Smile
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Ysabelle
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MessageSujet: Rappelle-toi Barbara    poemes - Poèmes, poésie : partageons nos poèmes préférés... - Page 7 Icon_minitimeSam 25 Sep 2010 - 21:23

Rappelle-toi Barbara


Rappelle-toi Barbara
Il pleuvait sans cesse sur Brest ce jour-là
Et tu marchais souriante
Epanouie ravie ruisselante
Sous la pluie
Rappelle-toi Barbara
Il pleuvait sans cesse sur Brest
Et je t'ai croisée rue de Siam
Tu souriais
Et moi je souriais de même
Rappelle-toi Barbara
Toi que je ne connaissais pas
Toi qui ne me connaissais pas
Rappelle-toi
Rappelle toi quand même ce jour-là
N'oublie pas
Un homme sous un porche s'abritait
Et il a crié ton nom
Barbara
Et tu as couru vers lui sous la pluie
Ruisselante ravie épanouie
Et tu t'es jetée dans ses bras
Rappelle-toi cela Barbara
Et ne m'en veux pas si je te tutoie
Je dis tu à tous ceux que j'aime
Même si je ne les ai vus qu'une seule fois
Je dis tu à tous ceux qui s'aiment
Même si je ne les connais pas
Rappelle-toi Barbara
N'oublie pas
Cette pluie sage et heureuse
Sur ton visage heureux
Sur cette ville heureuse


Cette pluie sur la mer
Sur l'arsenal
Sur le bateau d'Ouessant
Oh Barbara
Quelle connerie la guerre
Qu'es-tu devenue maintenant
Sous cette pluie de fer
De feu d'acier de sang
Et celui qui te serrait dans ses bras
Amoureusement
Est-il mort disparu ou bien encore vivant
Oh Barbara
Il pleut sans cesse sur Brest
Comme il pleuvait avant
Mais ce n'est plus pareil et tout est abîmé
C'est une pluie de deuil terrible et désolée
Ce n'est même plus l'orage
De fer d'acier de sang
Tout simplement des nuages
Qui crèvent comme des chiens
Des chiens qui disparaissent
Au fil de l'eau sur Brest
Et vont pourrir au loin
Au loin très loin de Brest
Dont il ne reste rien.



Jacques Prévert, "Paroles", Gallimard, 1946

J'espère qu'il n'a pas été encore posté. Je l'adoooore
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MessageSujet: Re: Poèmes, poésie : partageons nos poèmes préférés...   poemes - Poèmes, poésie : partageons nos poèmes préférés... - Page 7 Icon_minitimeMar 28 Déc 2010 - 22:30

Je me permets de remonter ce topic avec un poème d'Anne Brontë qui se trouve dans Agnès Grey.
Lors de ma première lecture (en français il y a quelques années) je l'avais trouvé magnifique et maintenant je viens de le lire en anglais et je le trouve toujours aussi beau I love you

Oh, they have robbed me of the hope
My spirit held so dear;
They will not let me hear that voice
My soul delights to hear.

They will not let me see that face
I so delight to see;
And they have taken all thy smiles,
And all thy love from me.

Well, let them seize on all they can:
One treasure still is mine,
A heart that loves to think on thee,
And feels the worth of thine.

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MessageSujet: Re: Poèmes, poésie : partageons nos poèmes préférés...   poemes - Poèmes, poésie : partageons nos poèmes préférés... - Page 7 Icon_minitimeMar 28 Déc 2010 - 23:02

J'ai découvert John Keats cette année en regardant le film Bright star, titre faisant référence à l'un de ses poèmes dont je vous livre ici un extrait:

Bright Star

Bright star, would I were stedfast as thou art--
Not in lone splendour hung aloft the night
And watching, with eternal lids apart,
Like nature's patient, sleepless Eremite,
The moving waters at their priestlike task
Of pure ablution round earth's human shores,
Or gazing on the new soft-fallen mask
Of snow upon the mountains and the moors--
No--yet still stedfast, still unchangeable,
Pillow'd upon my fair love's ripening breast,
To feel for ever its soft fall and swell,
Awake for ever in a sweet unrest,
Still, still to hear her tender-taken breath,
And so live ever--or else swoon to death.
John Keats


« Brillante étoile ! Que ne suis-je comme toi immuable,
Non seul dans la splendeur tout en haut de la nuit,
Observant, paupières éternelles ouvertes,
De la nature patient ermite sans sommeil,
Les eaux mouvantes dans leur tâche rituelle,
Purifier les rivages de l’homme sur la terre,
Ou fixant le nouveau léger masque jeté
De la neige sur les montagnes et les landes-
Non-mais toujours immuable, toujours inchangé,
Reposant sur le beau sein mûri de mon amour,
Sentir toujours son lent soulèvement,
Toujours en éveil dans un trouble exquis,
Encore son souffle entendre, tendrement repris,
Et vivre ainsi toujours-ou défaillir dans la mort. »

John Keats-1819

Je trouve sa poésie splendide. Qu'en pensez-vous?
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MessageSujet: Re: Poèmes, poésie : partageons nos poèmes préférés...   poemes - Poèmes, poésie : partageons nos poèmes préférés... - Page 7 Icon_minitime

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